28 septembre 2014

Rémission des péchés - Sacrifice du Christ, II


Mon ami continue : "Pourquoi la mort du Christ était-t-elle un préalable à la rémission de nos péchés  ?".

Voici ma réponse :

Le premier constat est que nous sommes tous blessés et donc que nous avons une "adhérence" au mal, que l'Eglise nomme péché, mais je n'aime pas le terme désuet. Cette adhérence ne peut être guérie que par la quête d'une voie meilleure. En nous montrant le chemin de l'amour, le Christ nous rend libre et cette libération est ce que l'on appelle bien maladroitement la rémission du péché. Prends le temps de méditer l'histoire du paralytique (Mat 9,1ss) qui est un peu notre histoire à tous. Son adhérence le cloue sur son lit. Jésus lui redonne le chemin pour marcher, loin d'une culpabilité maladive. Lève toi et marche. Sors de tes passions mortifères, laisse toi porter vers l'amour.‎ C'est le message de ce texte.

L'ancien testament est du même ordre. C'est le récit des adhérences multiples des hommes au mal, de leurs violences. Un regard qui prend de la distance sur le texte voit ce chemin. Il comprend les erreurs, les fausses idées de Dieu qu'il véhicule et perçoit que la révélation n'est accessible que dans le déchirement du voile. Or ce dernier n'apparaît qu'en Marc 15, 38 quand le voile laisse place à la Croix, le signe d'un Dieu qui aime l'homme jusqu'à en mourir.

Tu me dis que l'on devrait plus expliquer tout cela. Tu as raison.
Longtemps l'église à considéré que les laïcs n'avaient pas les moyens de comprendre. Il est temps que nous nous prenions en main pour démystifier ce qui reste désuet et chercher l'essentiel, ce que Balthasar appelle un "retour au centre" : Jésus Christ.

27 septembre 2014

Pour une lecture historico-critique, J.P. Meier, vol.1 - IV

A l'heure des Lumières et d'une foi qui ne peut ignorer le travail de la raison, je rejoins la tentative de Meier d'approfondir sa recherche historico-critique du Jésus historique*. On peut plus valablement se contenter d'une lecture acrobatique de l'écriture qui passerait au-dessus des nombreuses contradictions des textes sans s'intéresser à leur genèse, à la manière dont chaque auteur à conçu et travaillé ce que l'on peut appeler fort justement une lecture spirituelle, théologique ou pastorale du fait Jésus.

Depuis que j'ai entrepris  une lecture pastorale du NT, ce travail me semble essentiel.

* Cf. J.P. Meier, op. Cit p. 119ss

Sacrifice du Christ - I

Un ami me pose cette question : "Le Père a-t-il exigé ce sacrifice d’une cruauté inouïe, de son fils, pour racheter nos péchés ?"
Je vous livre ma tentative de réponse.


L'erreur est de considérer Dieu comme un sadique qui veut la mort de son Fils.
La solution est de voir Dieu comme aimant le monde et voulant apporter une réponse à la violence
en faisant un choc : la mort de l'innocent qui révèle au monde sa folie.
Il n'a d'ailleurs pas voulu, en soi la mort du Fils, il a envoyé le Fils faire le choix libre d'aller jusqu'au
bout de ce que représente la mort.

C'est notamment la thèse de René Girard dans "Des choses cachées depuis la fondation du monde".

Voici un extrait de ce que j'écris dans "Mort pour nous"... page 17
" «[Christ] est solidaire de notre souffrance »… Ce qui se révèle dans le vide et dans le cri partagé de l’homme et de Dieu, c’est un Christ qui n’est pas loin de nous mais solidaire, marcheur à nos côtés, souffrant plus voire autant que nous… Homme pleinement homme. "
Je poursuis, page 26 : "J. Moltmann, un théologien protestant allemand a ainsi voulu insister sur le fait que souvent nous avions une vision de la croix du côté des persécuteurs, de ceux qui font violence et pour qui la croix interpelle le sens de leurs actes, leur montre le non sens de la puissance et les conduit à la conversion. Il souligne à l’inverse, dans Le Dieu crucifié, le côté des souffrants, ceux qui comme ceux que nous évoquions plus haut sont à jamais marqués par la violence et la mort subie et pour qui la passion est plus qu’ailleurs un être-avec de Dieu. Dans la souffrance de Jésus, résonne alors une proximité extraordinaire, à l’image de celle qu’il évoque à travers un texte d’Elie Wiesel sur les camps de la mort. Ecoutons son propos, tiré d’une conférence récente donnée à Paris.
« Comment prier et parler de Dieu ‘après Auschwitz’ ? L’athéisme est-il la solution ? Est-ce que Dieu est ‘mort’ après Auschwitz ? Ou bien est-ce que beaucoup ont perdu leur confiance en Dieu après ce crime et le silence du ciel ? Je trouvai de l’aide dans le livre d’Elie Wiesel sur ses expériences à Auschwitz, intitulé Nuit :
« Trois condamnés enchainés – et parmi eux, le petit serviteur [pipel], l’ange aux yeux tristes. [...] Tous les yeux étaient fixés sur l’enfant. Il était livide, presque calme, se mordant les lèvres. L’ombre de la potence le recouvrait. [...] Les trois cous furent introduits en même temps dans les nœuds coulants. Vive la liberté ! crièrent les deux adultes. Le petit, lui, se taisait.
Où est le Bon Dieu, où est-il ? demande quelqu’un derrière moi. Sur un signe du chef de camp, les trois chaises basculèrent. [...] Les deux adultes ne vivaient plus. Leur langue pendait, grossie, bleutée. Mais la troisième corde n’était pas immobile : si léger, l’enfant vivait encore. [...]
Derrière moi, j’entendis le même homme demander :
Où donc est Dieu ?
Et je sentais en moi une voix qui lui répondait :
Où il est ? Le voici – il est pendu ici, à cette potence ...
Ce soir-là, la soupe avait un goût de cadavre. »
Est-ce que c’est une réponse ? Dieu souffrit-t-il avec les victimes d’Auschwitz ? Est-ce que Dieu n’était pas dans le ciel lointain, mais présent dans les chambres à gaz ? Est-ce que Dieu était pendu là au gibet ? J’eus l’impression que toute autre réponse serait hors de propos. Il ne peut pas y avoir d’autres réponses. Parler à ce moment-là d’un Dieu incapable de souffrir, cela ferait de Dieu un démon. Parler d’un Dieu indifférent nous rendrait indifférents nous aussi. Renier Dieu et se tourner vers l’athéisme réduirait au silence le cri des victimes. On priait le Shema d’Israël et le Notre Père à Auschwitz, on peut donc prier Dieu après Auschwitz. Dieu était dans leurs prières. »
(...)

Une mystique comme Anne-Catherine Emmerich a ainsi perçu dans ce texte que Jésus souffrait de l’inutilité de sa mort. Il aurait beau mourir, nous ne changerions pas notre vie. Pour elle, notre insouciance, en dépit même de cette souffrance partagée, serait stérile. Telle serait à ses yeux l’agonie du Christ.

Nous pouvons passer outre cette vision, en rejeter le caractère doloriste, s’il ne venait pas perturber notre façon de voir le pourquoi du « mort pour nous »… Il nous semble néanmoins que cette souffrance a un sens, dans ce qu’elle révèle en nous l’amour. Comme ce serpent d’airain brandi au désert pour guérir des morsures, la mort à un effet sur nous, comme tout être souffrant que nous côtoyons et qui nous interpelle. Ce n’est cependant qu’un des sens de la mort de Dieu.

Souffrant avec nous

L’autre point de vue, déjà esquissé dans le récit d’Elie Wiesel, est cette communion de Jésus avec les souffrants. Que celui qui se dit envoyé du Père accepte de mourir d’une mort ignominieuse, fait historique par excellence, comme nous le soulignions plus haut, n’est pas sans conséquences pour tous ceux qui souffrent encore de la mort. Si ce Jésus est l’envoyé de Dieu, alors peut-on pressentir, au-delà du cri et du rejet que la souffrance fait jaillir en nous, que quelque chose de Dieu se fait proche, qu’il se pourrait qu’il soit encore à nos côtés, malgré son silence. Par rapport au vide que nous évoquions au départ, une piste, une lueur, apparaît dans cet être-avec de Jésus.

Plus encore, cette mort n’est pas un simulacre, puisque justement alors, le Dieu que l’on croyait tout-puissant se tait, qu’il se garde bien d’intervenir.

Dans la contemplation de ce que l’on appelle la déréliction, c'est à dire l’abandon total de Jésus par le Père, nous pouvons, à la suite d’Adrienne von Speyr, et de son ami le théologien Hans Urs von Balthasar (1), méditer sur le sens que revêt cet abandon. Si Jésus a été jusqu’à douter même de la présence, ce ne peut-être que parce qu’il voulait nous suivre au plus profond de notre désespoir, nous accompagner jusque dans le vide du samedi saint, allant jusqu’à ce lieu du « non-dieu », de l’enfer des hommes sans Dieu…

Moltmann évoque d’ailleurs une représentation médiévale de l’enfer où un homme semble s’interroger, suite à la venue du Christ dans ce lieu perdu. « Es-tu venu pour moi ? ». On a parfois du mal à y croire, et pourtant, n’est-ce pas le sens même de la parabole de la brebis perdue, elle même entrant en écho avec un texte d’Ezéchiel, qui affirme que « Dieu ne veut pas la mort du pécheur mais qu’il vive »…

Ce Dieu qui connaît l’abandon laisse transparaître une lueur de vie à tous les abandonnés. S’il a vécu jusque là, alors nous pouvons espérer contre toute espérance qu’une lumière viendra au bout du tunnel, peut-être pas dans cette vie, mais dans le temps de Dieu.


(1) Cf. par exemple Pâques le mystère, ou Dramatique Divine ou C. Hériard, Retire tes sandales.
Voir aussi mes travaux de recherche :

26 septembre 2014

Historicité du baptême du Christ - J.P. Meier, vol 1 - III

John P. Meier définit parmi les principaux caractères d'historicité celui de l'embarras. Pour lui, si une scène de la vie du Christ ou une parole est embarrassante pour les chrétiens après Pâques, c'est qu'elle est historiquement authentique. Il cite à ce sujet le baptême du Christ, évoqué en Marc et progressivement gommé par les autres synoptiques pour disparaître chez Jean.

Mais, pour quelqu'un qui comme moi s'attache à la kénose, peut-on dire que le fait que Jésus s'agenouille devant Jean est embarrassant ? Il a probablement raison de dire que c'est original et décalé, voire marginal, comme l'évoque le titre anglais de son livre.

C'est pour moi au contraire néanmoins au coeur de cet abaissement qui fait du Christ un être "à genoux devant l'homme". L'humilité de Dieu va pour moi jusque là. 

24 septembre 2014

La folie de Dieu - Jésus marginal II

‎Non seulement il est marginal, mais ses actes sont folies. Folies d'une faiblesse poussée à l'extrême, folie d'une non violence qui va jusqu'à l'anéantissement sur une croix. "Nous prêchons un Messie crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les païens." 1 Corinthiens 1, 23

22 septembre 2014

Jésus marginal - Un certain juif Jésus, vol 1. de John Meier, initiation de lecture.

John P. Meier, introduit son livre* sur la question de la "marginalité" de Jésus. 
Prendre en compte cette marginalité est en soi plein d'implications théologiques. N'est ce pas ce que l'on contemple dans la crèche : un enfant sans atout, sans histoire en lequel Dieu choisi d'apparaître ?  
Le récit de l'enfance par Luc, dont l'historicité reste critiquée** ne doit pas nous éloigner des propos de Meier. 

La marginalité de Jésus est un fait historique avec toute l'ambiguïté même du mot. C'est cette marginalité qui le conduit à la mort. Il n'était rien aux yeux des grands de ce monde. Il n'a pas laissé beaucoup de traces "historiques" visibles en dehors de celles partisanes des 4 évangiles. On pourrait s'en lamenter, mais il me semble au contraire que l'on est dans le plan de Dieu . Car la pauvreté et la kénose qui se joue dans la marginalité de Jésus est ce qui provoque chez nous un choix libre, celui d'un "je crois"...


Au delà du discours partisan, il y a finalement peu de choses crédibles jusqu'à ce qu'on fasse le saut de la foi. Folie aux yeux des Sages dira Paul. Mais folie qui nous conduit à Dieu, dans le décentrement‎ même du raisonnable.

* A Marginal Jew: Rethinking the Historical Jesus: The Roots of the Problem and the Person, Vol. 1 - Un certain juif Jésus, les données de l'histoire, tome 1, Lectio divina, Paris, Cerf, 2009 p. 17
** ibid p. 36ss


Voir sur le même théme, un post précédent : Bonhoeffer - II - Incognito christologique


17 septembre 2014

Révélation - II

Au delà de la Croix,  que peut on dire de plus. Tout est révélé  Et pourtant,  ce chemin ne cesse de travailler l'homme en de multiples manières. 
Ce qu'il faut peut être glisser à la lumière de Luc c'est que les premières rencontres individuelles laisse parfois place à des révélations communes. A défaut on resterait dans des quêtes individuelles ce qui était l'erreur d'Élie. 
La Pentecôte ouvre une nouvelle possibilité :  que Dieu se révèle dans mes frères. Dans l' Ancien Testament, il fallait un Malak comme médiateur de la Théophanie. Dans le NT,  l'esprit se sert parfois de nos mains.

On revient au thème de la diaconie. 

15 septembre 2014

Stabat Mater - Saint Jean bouche d'or

Une lecture spirituelle qui a à peine vieillie :
      "Vois-tu cette victoire admirable ? Vois-tu les réussites de la croix ? Vais-je maintenant te dire quelque chose de plus admirable ? (...) la vierge, le bois et la mort, ces symboles de la défaite, sont devenus les symboles de la victoire. Au lieu d'Ève, Marie ; au lieu du bois de la connaissance du bien et du mal, le bois de la croix ; au lieu de la mort d'Adam, la mort du Christ. 
Tu vois que le démon a été vaincu par ce qui lui avait donné la victoire ? Avec l'arbre, il avait vaincu Adam ; avec la croix, le Christ a triomphé du démon. L'arbre envoyait en enfer, la croix en a fait revenir ceux qui y étaient descendus. En outre, l'arbre servit à cacher l'homme honteux de sa nudité, tandis que la croix a élevé aux yeux de tous un homme nu, mais vainqueur...  
Voilà le prodige que la croix a réalisé en notre faveur : la croix, c'est le trophée dressé contre les démons, l'épée tirée contre le péché, l'épée dont le Christ a transpercé le serpent. La croix, c'est la volonté du Père, la gloire du Fils unique, la joie du Saint Esprit, la splendeur des anges, l'assurance de l'Église, l'orgueil de saint Paul (Ga 6,14), le rempart des élus, la lumière du monde entier.*"


* Saint Jean Chrysostome (v. 345-407), prêtre à Antioche puis évêque de Constantinople, docteur de l'Église. Sermon sur le mot « cimetière » et la croix pour le Vendredi Saint, 2 ; PG 49, 396 (trad. bréviaire mémoire BVM) source www.evangileauquotidien.org
** Sur le même thème, mon premier livre, écrit en 1996 et resté inédit "Le troisième arbre" :-)

14 septembre 2014

Révélation - I

Comment Dieu se révèle t il à l'homme ?

Je pense que la réponse classique nous parlerait de l'enfant Dieu, reprenant à la suite de l'évangile de Luc, cette vision qui a enchanté près de 20 siècles de civilisation. 

On aurait probablement tort de balayer d'un geste  ce que Luc nous révèle,  dans une étonnante lecture arrière et spirituelle de ce qu'il a lui même découvert dans la Croix et la résurrection.  

Mais il semble pourtant qu'en cette aube du XXIème siècle,  il faille revenir plutôt sur ce qui apparaît derrière le voile du temple. Dans "la voix d'un fin silence"*, j'ai longuement analysé les différentes théophanies,  ces révélations successives de Dieu dans l'histoire du peuple juif. 
Je me suis notamment longuement arrêté sur deux textes clés : 1 Rois 19 et Ex 33 et 34. Mais ce que l'Ancien Testament révèle n'est finalement qu'une introduction apéritive à ce que Dieu masquait encore derrière le voile. 

Ce qui apparaît derrière le rideau déchiré du Temple, se réduit à l'impensable,  à l'inattendu.  

En ce jour où l'on célèbre la Croix glorieuse,  je pense que ce que l'on peut dire sur la révélation ne peut passer outre l'ultime silence de Dieu, celui qui révèle ce qu’Élie  et Moïse cherchaient au désert.  La seule révélation qu'il nous est donné de contempler, c'est la Croix. Écoutons ce qu'en dit Édith Stein :   "Qu'est-ce que la croix ? Le signe qui indique le ciel. Bien au-dessus de la poussière et des brumes d'ici-bas elle se dresse haut, jusqu'en la pure lumière. Abandonne donc ce que les hommes peuvent prendre, ouvre les mains, serre-toi contre la croix : elle te porte alors jusqu'en la lumière éternelle. Lève les yeux vers la croix : elle étend ses poutres à la manière d'un homme qui ouvre les bras pour accueillir le monde entier. Venez tous, vous qui peinez sous le poids du fardeau (Mt 11,28) et vous aussi qui n'avez qu'un cri, sur la croix avec Lui. Elle est l'image du Dieu qui, crucifié, devint livide. Elle s'élève de la terre jusqu'au ciel, comme Celui qui est monté au ciel et voudrait nous y emporter tous ensemble avec Lui. Enlace seulement la croix, et tu le possèdes, Lui, le Chemin, la Vérité, la Vie (Jn 14,6). Si tu portes ta croix, c'est elle qui te portera, elle te sera béatitude.**


** Sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix [Édith Stein] (1891-1942), carmélite, martyre, co-patronne de l'Europe, Poésie « Signum Crucis », 16/11/1937 (trad. Malgré la nuit, Ad Solem 2002, p. 65) Source : Evangile au quotidien.org

12 septembre 2014

Diaconie et pouvoir, suite - Congar


Écoutons encore Congar sur ce point :

 "Évidemment, la tentation est grande d'oublier cette royauté spirituelle, située tout entière dans la sagesse de la croix de céder à la sagesse du siècle; de chercher et de mettre en œuvre une pure puissance de domination. Les hommes d'Église ont parfois cédé à cette tentation, en particulier au temps du moyen âge finissant, où l'on constate si souvent un retrait du pastoral devant la prélature et, chez les prélats, du prêtre devant le maître ou le seigneur."

Il poursuit :
"Sans cesse Dieu a suscité dans son Église des hommes qui agissent sur les autres par un engagement de service et d'amour allant jusqu'au sacrifice de soi. Ne les voit-on pas se multiplier, remplir un rôle plus décisif au moment, précisément, où les hommes d'Église sont davantage inspirés par un goût de puissance séculière : sainte Catherine de Sienne († 1380), sainte Jeanne d'Arc († 1431), saint Bernardin de Sienne († 1444), saint Nicolas de Flue († 1487) quatre saints dont trois furent des laïcs, et deux des femmes. Ils nous montrent, réalisée dans la sainteté et le génie, la royauté spirituelle du chrétien et comment on domine et conduit les hommes en prenant sur soi le fardeau de leurs péchés et de leurs peines, par un amour humble et servant qui va, le cas échéant, jusqu'au sacrifice de soi*."

Sans commentaires

* Source : Congar, Jalons pour une théologie du laïcat, op. cit. p. 322 

11 septembre 2014

L'amphore et le fleuve - Suite

En ce jour où l’Évangile nous parle de débordement, je repense à ce don de Dieu, si débordant qui nous envahit et donne la joie...
Jean Luc Marion, dans Etant Donné, parle d'un donateur qui s'efface.
A contempler...

Sur le même thème.

06 septembre 2014

Vanité et distractions

Je vous livre cet extrait parce qu'il résume un peu ma vie de pécheur et m'interpelle :

"Nous avons un tel amoncellement d'attentions, de distractions, de penchants, de désirs, de vanités, de présomptions, nous avons tellement de monde en nous, que Dieu s'éloigne".



Saint Raphaël Arnaiz Baron (1911-1938), moine trappiste espagnol
Écrits spirituels, 25/01/1937 (trad. Cerf 2008, p. 307)

05 septembre 2014

L'amour n'est pas naturel

"L'amour n'est pas naturel (...) c'est une leçon d'humanité (...) que nous avons à apprendre de Dieu en comprenant qu'il est la source de l'amour qui est en nous. L'amour n'est vraiment pas naturel, surtout quand il exige de passer par la croix, de se faire le serviteur des autres, de n'importe qui.*"

Cette citation renvoie pour moi à ce que l'un de mes amis prêtres a considéré comme "osé" ; le titre de mon livre : "A genoux devant l'homme". Que le fils de Dieu s'agenouille devant l'homme, est-il seulement osé ? Il me semble que c'est la clé de voûte de l'ensemble.

!* J Moingt, l’Évangile sauvera l'Église, op. cit. p. 254

04 septembre 2014

Les deux églises, suite et fin

En fait, je crois que ce qui motivait au départ cette distinction était encore une fois une motivation pastorale. Affirmer la sainteté de l'Eglise est un acte de foi dans le travail de l'Esprit
Affirmer qu'elle est faite de pécheurs c'est reconnaître humblement qu'il reste du travail à faire, ce qui est, soit dit en passant, aussi la définition d'un saint : celui qui ne cesse de reconnaître que sans Dieu il n'est rien.

En attendant, écoutons Paul : "Nous sommes les collaborateurs de Dieu, et vous êtes le champ de Dieu, vous êtes la maison que Dieu construit."  1 Corinthiens 3, 9

03 septembre 2014

Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église

En complément de mes réflexions sur les deux églises (cf. post précédents), je tombe sur ce texte de Newman, qu'il faut entendre aussi. "Le ministère de Pierre demeure toujours dans l'Église…en la personne de ceux qui lui ont succédé (...). Si les promesses faites aux apôtres par le Christ ne s'accomplissent pas dans l'Église tout au long de sa durée, comment l'efficacité des sacrements s'étendrait-elle au-delà de l'âge de ses débuts ?"

On est là dans une considération qu'il ne faut pas nier. Cela rejoint ce que dit notre Pape. Seul l'Esprit donne à l'Eglise sa raison d'être.


Source : John Henry Newman, Texte complet sur Evangileauquotidien.org : Sermon « The Christian Ministry », PPS, vol. 2, n°25


27 août 2014

Les deux églises - 2

Le sujet reste complexe. Notre pape François s'est inquiété de la même façon sur ce thème :
"Dans quel sens l'Église est-elle sainte, quand on voit que l'Église historique, dans son chemin tout au long des siècles, a connu tant de difficultés, de problèmes, de périodes sombres ? Comment une Église constituée d'êtres humains, de pécheurs, peut-elle être sainte ? Une Église faite d'hommes pécheurs, de femmes pécheresses, de prêtres pécheurs, de religieuses pécheresses, d'évêques pécheurs, de cardinaux pécheurs, d'un pape pécheur ? Tous. Comment une telle Église peut-elle être sainte ?
      Pour répondre à cette question, je voudrais me laisser guider par un passage de la lettre de saint Paul aux chrétiens d'Éphèse. L'apôtre, en prenant comme exemple les relations familiales, affirme que « le Christ a aimé l'Église : il s'est livré pour elle, afin de la sanctifier » (5,25s). Le Christ a aimé l'Église, en se donnant tout entier sur la croix. Cela signifie que l'Église est sainte parce qu'elle procède de Dieu qui est saint. Il lui est fidèle ; il ne l'abandonne pas au pouvoir de la mort et du mal (Mt 16,18). Elle est sainte parce que Jésus Christ, le Saint de Dieu (Mc 1,24), est uni à elle de façon indissoluble (Mt 28,20). Elle est sainte parce qu'elle est guidée par l'Esprit Saint qui purifie, transforme, renouvelle. Elle n'est pas sainte du fait de nos mérites, mais parce que Dieu la rend sainte.*".

Je ne pense pas être loin, dans mon post précédent de cette conclusion.

* Audience générale du 02/10/2013 (trad.  © copyright Libreria Editrice Vaticana) ‎

23 août 2014

Les deux églises

Dans un compte rendu paroissial, j'ai osé un jour parler de l'Église pécheresse, un  concept que je tiens de J. Moltman et de H. Kung. Un ami diacre a eu la gentillesse de corriger mon texte et de parler d'hommes pécheurs.
Depuis cette idée me travaille. Je conçois que le terme peut choquer une brebis sans berger. Et pourtant le péché de l'institution en tant que corps constitué est possible, probablement par qu'il est le fruit de dérives et d'aveuglements personnels. Et je ne parle pas seulement de l'inquisition. De tristes histoires nous le rappelle encore dans l'actualité. En cela la demande de pardon de Jean-Paul II avait du sens.
En fait, je crois qu'on peut dire qu'il y a deux églises en parallèle, de même que se côtoient en nous le bien et le mal. J'ai visité à Zagreb en Croatie une église dans lequel une barque est traversée d'une marque blanche en son milieu en souvenir des guerres fratricides qui ont marqué ce peuple.
Ce qui compte n'est pas l'Église visible, mais cette Église invisible que Dieu seul connaît, nourrit, habite et fait grandir. Cette Église sainte est celle que constituent tout ce bien qui, en nous, vient de Dieu, corps du Christ en marche.
L'autre Eglise, la visible, est parfois aussi très belle. Et dans nos efforts pour la rendre plus catholique (universelle) et
"diaconale" c'est à dire au service de tous les hommes‎, nous parvenons doucement à faire converger les deux. Quand je dis nous, c'est un peu prétentieux. Disons plutôt que l'Esprit en nous y veille.
Parler de deux églises est néanmoins osé. Il serait peut être plus sage de reprendre le mot souvent utilisé dans ce blogue de tension.
Sur un thème voisin, p. 217 de ESE*, J. Moingt décrit à sa manière cette tension entre des communautés ecclésiales qui cherche à vivre une diaconie horizontale et une structure verticale nécessaire qui ordonne et rassemble. Mais dire cela, à ce stade serait aller trop loin. La réalité, c'est que les deux pôles sont nécessaires, un peu comme Marthe et Marie se complètent.

* J. Moingt op. Cit.
Photo : C.HD (DR) , Eglise de Saint Lubin de Cravant. Pas très droite, mais si fragile...


Sur le même thème : "Cette Église que je cherche à aimer."

21 août 2014

Présence réelle

Un thème nouveau apporté par J. Moingt dans son livre est l'invitation à faire "des célébrations domestiques" dans le cadre de communauté en absence de prêtre. Cette vision presque futuriste mais pas dénouée de bon sens conduit un de ses auditeurs à poser la question de la réalité d'une présence réelle dans un pain partagé dans ce cadre.
La réponse qui rejoint une discussion familiale récente un peu houleuse, m'inspire ce commentaire.
J. Moingt note, et je le rejoins là dessus que "C'est par la foi que nous recevons le corps du Christ dans le partage du pain.*"
Cela ne nie pas la présence réelle dans le pain eucharistique, mais évite pour moi d'y attacher une importance démesurée. Non que l'adoration eucharistique soit un mauvais moyen de faire oraison (je la pratique aussi), mais parce que nous oublions souvent qu'en partageant le pain, nous devenons "temple du Seigneur". Alors, la place de l'eucharistie est à la fois le sommet et le départ d'une responsabilité qui nous incombe, devenir le signe visible d'une réalité aimante et pourtant cachée, celle du Christ qui "par nos mains**" rayonne de son amour.
Si nous comprenons cela, la présence réelle ne peut suffire. L'enjeu est ailleurs, dans nos vies, dans nos manières d'exercer la diaconie.
Cela dit, Teilhard, dans un beau texte nommé "la Custode" nous invite à contempler cette indicible présence qui nous échappe. On croit la tenir, dit-il en substance, et pourtant, "elle nous échappe toujours". C'est une leçon d'humilité. Nous ne sommes qu'une pâle image de cette présence. En cela, l'eucharistie devient pour nous une nourriture à renouveler.  Elle pourrait être unique, mais reste pour nous une manne, tant nous sommes incapables souvent de conserver en "notre temple" ce don. En attendant cette eau qui comblera toute soif (cf. Jn 4)

* op. cit. p. 161
** Le "par nos mains" est discutable théologiquement. A-t-il besoin de nous ? Je pense que nous sommes invités à participer à sa révélation. Deux auteurs très différents que je cite de mémoire me font penser à cela :
1. Ignace d'Antioche dans sa lettre aux Romains : " Je suis le froment de Dieu"
2. Etty Hillesum : "Je vais t'aider à ne pas t'éteindre en moi. Une chose m'apparaît plus claire, ce n'est pas toi qui peux nous aider, mais nous qui pouvons t'aider, et ce faisant, nous nous aidons nous même." in, Une vie bouleversée, Journal Intime 1941-1943 et autres lettres de Westerbrock, Seuil 1995", p. 175

20 août 2014

Le processus d'émancipation de l'homme

Commentant ce qu'on appelle la sécularisation, c'est à dire cette désaffection de nos églises, J. Moingt cite Bonhoeffer en écrivant : "C'est peut être le plan de Dieu de vouloir que l'homme s'émancipe même à son égard.*"

Cette phrase et le passage qui suit souligne le lent processus qui depuis les Lumières conduit notre société à s'affranchir de la religion comme rite et autorité sur les coeurs. Ce qui m'intéresse dans l'approche de Moingt, c'est qu'il regarde tout cela d'un oeil positif, distinguant une religion qui nous met sous la coupe d'une autorité morale coercitive du mouvement intérieur qui cherche à faire de l'homme un être responsable de ses actes, libre devant Dieu.

Bien sûr, beaucoup trouverons qu'il y a là recul. Ce qui m'intéresse, c'est pourtant que cette liberté est un choix qui fait grandir. Déjà, dans le texte de lundi (Mat 19, 21), on lisait ce "Si tu veux" chez Matthieu, commenté ainsi par Clément d'Alexandrie : " Ce mot « si tu veux » montre admirablement la liberté du jeune homme ; il ne tient qu’à lui de choisir, il est maître de sa décision. Mais c’est Dieu qui donne, parce qu’il est le Seigneur. Il donne à tous ceux qui désirent et y emploient toute leur ardeur et prient, afin que le salut soit leur propre choix. Ennemi de la violence, Dieu ne contraint personne, mais il tend la grâce à ceux qui la cherchent, l’offre à ceux qui la demandent, ouvre à ceux qui frappent (Mt 7,7).**"

L'homme peut dépasser la morale imposée pour faire le choix de Jésus. Un choix que Lévinas décrit comme an-arche : avant tout commandement. Un choix qui est la réponse à l'appel de Dieu à tout homme, à cet "Où es tu ?" de Gn 3, posé au jardin après la chute.

Je suis là. Je réponds à ton amour par l'amour.

La vraie liberté est celle de l'homme qui devient écoutant et réponds ce "Me voici" ! non parce qu'on lui dit de répondre, mais parce qu'il a en lui un désir, qu'il est à l'écoute de ce que Blondel appelle la "crypte intérieure" ou de ce que Rahner appelle l'attention à l'autocommunication de Dieu.

Bien sûr, ce choix personnel a ses limites. Mais c'est le début d'un acte de foi qui permettra ensuite de prendre conscience que la Parole de Dieu mérite d'être partagée, vécu en communion et nourrie par l'eucharistie. En respectant la liberté de l'homme, on l'ouvre à la découverte d'une foi partagée.

* Joseph Moingt, L'évangile sauvera l'Eglise, op. cit. p. 131
** Source : http://levangileauquotidien.org/M/FR/

19 août 2014

Diaconie VII - Philanthropie de Dieu et diaconie de l'Église


Le message à porter au monde nous dit Moingt* est la "révélation de la philanthropie de Dieu ". Un message, précise-t-il qu'il faut plutôt mettre en "oeuvre et en image, en paraboles comme le faisait Jésus". N'est ce pas la encore un appel à la diaconie et au service.

Je citais dans mon post précédent un extrait des notes de Congar au Concile. On trouve plus loin, dans le même livre une phrase qui m'a aussi marqué : "Dieu m’a amené à la servir et à servir les hommes à partir de lui et pour lui, surtout par la voie des idées. J’ai été amené à une vie solitaire, très vouée à la parole et au papier. C’est ma part dans le plan d’amour. Mais je veux m’y engager aussi de cœur et de vie et que ce service d’idées lui même soit un service des hommes."

Servir l'humain... Quel que soit soit sa forme, sa visibilité, l'essentiel est peut être l'essentiel en ce qu'il rayonne à sa manière de la philanthropie de Dieu.

N'est-ce pas d'ailleurs ce que le monde retient de plus beau à travers les gestes désintéressés des Soeurs Téresa, Emmanuelle ou d'un abbé Pierre ou Ceyras comme d'un Jean Vannier. Si ce service de l'humain est le seul message qui passe, n'est-ce pas en sa manière d'être "à genoux devant l'homme".

Poursuivons avec Congar : "Quand on regarde vivre l'Église, (...) ce qu'elle est et porte en elle (...) Il y a là, de sa part, dans les formes mineures au moins de son sacerdoce, de son prophétisme, l'exercice d'une forme de royauté, non d'autorité et de puissance — elle ne l'a pas — mais d'influence et de service, qui répond à sa véritable situation par rapport au monde. Car on peut dire qu'elle en a la responsabilité (...)". Le dominicain cite à ce sujet précise que "l'Eglise a [notamment] dans ce cadre véritablement le nom de semence ou cellule germinale du Royaume qu'aiment à lui donner en particulier les théologiens de langue allemande (Keimzelle)****".

Ce que saint Justin appellait les spermatikos logos ne sont-ils pas ces germes d'amour qui en scintillant de l'amour humain véritable deviennent signes de la philanthropie de Dieu.

* J. Moingt, L'Évangile sauvera l'Église, op. cit p. 121
** Yves Congar, Mon Journal du Concile I, 1960-63, Cerf, Paris, 2002, op. cit. p. 384
*** Yves Congar, Jalons pour une théologie du laïcat, Cerf 1953, p. 133
**** ibid. p. 134 et sa note où il cite le livre de H. André, Die Kirche als Keimzelle der Weltgöttlichung (Leipzig, 1920)

18 août 2014

Diaconie VI - Congar - Un nouvel enjeu du laïcat


A la suite des réflexions issues de la CTI, que peut-on ajouter ? Il faut probablement chercher chez Congar les grandes intuitions du dominicain. On notera ainsi, dans ses notes prises pendant le concile, son rêve de "l'existence d’un plein laïcat" qu'il définit comme une "présence de l'Église, non par mode d’autorité cléricale mais par mode prophétique de l’humain*."

En quoi l'humain peut-il être prophétique, ci ce n'est justement dans sa manière d'être serviteur et comme le titre de mon livre le suggère : "A genoux devant l'homme" ? Le lavement des pieds pratiqué par exemple par l'Arche où chacun lave les pieds de son voisin est alors symbole efficace de cette attitude prophétique d'une diaconie qui envahit l'église. La présence de l'Arche à Dakionia était à ce titre tout à fait justifiée et je dirais "sacramentelle". 


* Source : Yves Congar, Mon Journal du Concile I, 1960-63, Cerf, Paris, 2002, p. 157

17 août 2014

Moingt VII - Rite et prière

Mes propos sur le primat de la charité sur le rite doivent être d'autant plus tempérés par une réflexion approfondie sur le sens même de la liturgie et au fond de l'acte commun sur notre propre lien avec la prière.  J. Moingt nous aide sur ce plan en insistant sur la prière non pas vue comme un rite mais comme, plus fondamentalement, comme une "interrogation de l'homme sur lui-même,  (...) une recherche du sens, (...) une respiration de l'âme*". 
Vue sous cet angle essentiel, la notion sous-jacente de tension entre liturgie et charité s'entend comme une danse entre amour et prière,  entre action et contemplation,  entre les pas de Marthe et ceux de Marie...

J. Moingt,  op. Cit, p. 99

16 août 2014

Triple dimension (Diaconie - V)


Revenons néanmoins un instant sur cette triple dimension du diacre au IVème siècle : "le service liturgique, le service de prêcher l'Évangile et d'enseigner la catéchèse, ainsi qu'une vaste activité sociale concernant les oeuvres de charité*". Ma tentation serait d'inverser aujourd'hui l'importance de ces trois facettes (je parle bien sûr de charité,  évangélisation et liturgie), probablement parce qu'à mes yeux l'image de l'Église ne pourra être rétablie que dans cette inversion. En disant cela, j'ai bien conscience de mes propres difficultés à ordonner ma vie dans ce sens.  Et pourtant je suis persuadé que la cohérence de l'Église est là. Elle ne pourra prêcher et célébrer valablement que si elle rayonne d'abord de charité. 
Bien sûr,  cette charité se nourrit des deux autres points,  mais souvent, elle oublie cette primauté,  retombant dans un ritualisme ou une morale déconnectée. 

La suite du texte de la Commission Théologique Internationale est d'ailleurs édifiante puisqu'elle note l'existence de diaconnesse dès le IIIème siècle,  depuis "Phébée, servante (he diakonos) de l'Église de Cenchrées" (cf. Rm 16,1-4)", la mention controversée de femme-diacres en Tim 1, 3,  jusqu'à ces diaconnesses instituèes dans certaines églises à partir du IIIe siècle, en certaines régions et non pas toutes où est "attesté un ministère ecclésial spécifique attribué aux femmes appelées diaconesses.[61] Il s'agit de la Syrie orientale et de Constantinople**.

Que cela ait pu être concevable redonnerait sens à l'élargissement de la notion de la diaconie et permettrait peut-être de résoudre un autre problème dans lÉglise qui touche aussi a sa cohérence

Source : CTI Il, III
** CTI, Il, IV

Note [61] de la CTI, La collection la plus étendue de tous les témoignages sur ce ministère ecclésiastique accompagnée d'une interprétation théologique est celle de Jean Pinius, De diaconissarum ordinatione, in: Acta Sanctorum, Sept. I, Anvers 1746, I-XXVII. La plupart des documents grecs et latins mentionnés par Pinius sont reproduits par J. Mayer, Monumenta de viduis diaconissis virginibusque tractantia, Bonn 1938. Cf. R. Gryson, Le ministère des femmes dans l'Église ancienne (Recherches et synthèses), Gembloux 1972.



15 août 2014

Primauté de la diaconie sur la liturgie ? (IV)

L'analyse historique du CTI montre qu'en dépit de certains efforts des Conciles, la hiérarchie entre diacres et presbytres reste difficile à établir : "Les sources nous font voir que même Chrysostome n'a pas réussi à placer, de manière évidente, les trois degrés de l'ordre ecclésial dans une continuité historique. Il y a eu des modèles chez les juifs pour le presbytérat; par contre, l'épiscopat et le diaconat ont été constitués par les apôtres. Il n'est pas clair ce que l'on doit entendre ici par ces notions.[55] Chrysostome a fait remonter le diaconat à une institution par l'Esprit Saint.[56]*"
 N'est ce cas d'une certaine manière le conflit qui oppose Paul et Jacques sur les oeuvres et la grâce. 
Y a-il aujourd'hui une question sur ce point ? Pas vraiment,  depuis que le 4ème siècle a tranché et défini le diaconat comme un degré de la hiérarchie ecclésiale,  "situé après l'évêque et les presbytres, avec un rôle bien défini. Lié à la mission et à la personne de l'évêque, ce rôle englobait trois tâches: le service liturgique, le service de prêcher l'Évangile et d'enseigner la catéchèse, ainsi qu'une vaste activité sociale concernant les oeuvres de charité et une activité administrative selon les directives de l'évêque."
Pour autant, la diaconie elle même a perdu peut être aussi son rang "sacramentel" dans l'église. J'avais noté dans "à genoux devant l'homme" que l'on n'a pas considéré bon de mettre le lavement des pieds dans la liste des 7 sacrements,  parce que toute la vie de l'Église était "lavement des pieds". On peut se poser maintenant la question. Non pas pour modifier à nouveau une hiérarchie établie qui a structuré l'Église,  mais pour réintroduire une tension. 
S'il y a pour moi une solution,  c'est en effet dans l'expression théologique: "tension". En effet toute opposition est stérile.  La tension traduit bien l'intérêt des deux sans mettre une hiérarchie là où il devrait y avoir communion. 


Source principale : CTI, II, III 


Les numéros entre crochets renvoient aux notes suivantes du document de la CTI.

[55] Hom. 14,3 in Act.; PG 60, 116: "Quam ergo dignitatem habuerunt illi (sc. les diacres et les évêques)…Atqui haec in Ecclesiis non erat; sed presbyterorum erat oeconomia. Atqui nullus adhuc episcopus erat, praeterquam apostoli tantum. Unde puto nec diaconorum nec presbyterorum tunc fuisse nomen admissum nec manifestum..."

[56] "Et c'est à juste titre; car ce n'est pas un homme, ni un ange, ni un archange, ni aucune autre puissance creée, mais le Paraclet lui-même qui a institué cet ordre en persuadant à des hommes qui sont encore dans la chair d'imiter le service des anges." De sacerdotio III 4,1-8; SCh 272, 142.

14 août 2014

La tentation du jugement

À ceux qui ne cessent de critiquer le monde,  tombant dans la tentation du pharisien,  il convient souvent d être attentif à ce que nous dit le Seigneur sur la paille et la poutre.

A cet égard,  Saint Jean Chrysostome,  nous rappelle combien "Le Christ nous demande deux choses : condamner nos péchés et pardonner ceux des autres ; faire la première à cause de la seconde, qui sera alors plus facile, car celui qui pense à ses péchés sera moins sévère pour son compagnon de misère. Et pardonner non seulement de bouche, mais du fond du cœur, pour ne pas tourner contre nous-mêmes le fer dont nous croyons percer les autres. (...)  Considère donc combien d'avantages tu retires d'une offense accueillie humblement et avec douceur. Tu mérites ainsi premièrement — et c'est le plus important — le pardon de tes péchés. Tu t'exerces ensuite à la patience et au courage. En troisième lieu, tu acquiers la douceur et la charité, car celui qui est incapable de se fâcher contre ceux qui lui ont causé du tort sera beaucoup plus charitable envers ceux qui l'aiment. En quatrième lieu, tu déracines entièrement la colère de ton cœur, ce qui est un bien incomparable.*"

Une voie adaptée qui semble d'actualité. Car ce qui changera le monde ne sera pas notre jugement mais notre charité et la puissance de sa transpiration : "Aimons donc, aimons suprêmement le Père céleste très aimant, et que notre obéissance soit la preuve de cette charité parfaite qui trouvera surtout à s’exercer lorsque nous sera demandé le sacrifice de notre volonté propre. Ne connaissons pas de livre plus sublime que Jésus Christ crucifié, pour progresser dans l’amour de Dieu.**"

*Saint Jean Chrysostome (v. 345-407), prêtre à Antioche puis évêque de Constantinople, docteur de l'Église , in Homélies sur l’évangile de Matthieu, n°61 (trad. Véricel, L’Évangile commenté, p. 214 rev.), source Evangelio

** Lettre de saint Maximilien Kolbe

12 août 2014

Diaconie et pouvoir (III)

Revenons à l'histoire: "Dans la Didascalie, l'accroissement du prestige du diaconat dans l'Église est remarquable, ce qui aura pour conséquence la crise naissante dans les relations réciproques entre les diacres et les presbytres. À la fonction sociale et charitable des diacres s'ajoute leur fonction d'assurer divers services pendant les rassemblements liturgiques: indication des lieux pendant l'accueil des étrangers et des pèlerins, soin des offrandes, surveillance de l'ordre et du silence, soin de la bienséance de l'habillement*." On peut d'ailleurs comprendre les remarques d'Origène sur la cupidité des diacres en charge de la bourse de l'évêque,  qui n'est pas sans rappeler les critiques sur Judas dans le NT.
Mais plus encore cela interroge sur la possible tension entre pouvoir et Diaconie dont seule l'"impossible" [pour l'homme] prise en compte du fait que tout vient de Dieu pourrait nous libérer. 

Quel est l'enjeu pour aujourd'hui ?
Si charité est la première mission de l'Église, si une pastorale axée sur la charité devient, à la suite du Pape François,  la priorité des priorités,  alors la diaconie est au centre, ce qui ne réduit pas la place du prêtre,  mais bien au contraire confirme sa place sacramentelle tout en redonnant à tous les baptisés (et pas seulement au diacre) un nouvel élan. 
Je rejoins d'ailleurs là ce qu'écrivait J. Moingt** :" il y aura moins de confusion si l'Église cherchait à exploiter les ressources du sacerdoce commun des fidèles (...) et mettait son énergie à annoncer l'évangile au monde plutôt qu'à défendre ses traditions. (...) La communauté évangélique (....) n'existe pas sans esprit de communion ni sans communication. 

À noter aussi : "les diacres [vont] abandonner encore plus leurs fonctions originelles à d'autres clercs. Ils vont se définir de plus en plus explicitement par leurs attributions liturgiques et entrer en conflit avec les presbytres."

Nicée ira plus loin en affirmant : "qu'ils ne doivent pas siéger parmi les prêtres. "Que les diacres restent dans les limites de leurs attributions, sachant qu'ils sont les serviteurs de l´évêque et se trouvent en un rang inférieur aux presbytres" (can. 19).***"

Citons enfin Jean Paul II : "« La mission du Christ, prêtre, prophète, roi, se poursuit dans l'Église. Tous, le Peuple de Dieu tout entier, participent à cette triple mission. » Les fidèles laïcs participent à la fonction sacerdotale par laquelle Jésus s'est offert lui-même sur la croix et continue encore à s'offrir dans la célébration de l'eucharistie… : « Toutes leurs activités, leurs prières et leurs entreprises apostoliques, leur vie conjugale et familiale, leurs labeurs quotidiens, leurs détentes d'esprit et de corps, s'ils sont vécus dans l'Esprit de Dieu, et même les épreuves de la vie…, tout cela devient ‘ offrandes spirituelles agréables à Dieu par Jésus Christ ’ (1P 2,5) ; et dans la célébration eucharistique ces offrandes rejoignent l'oblation du corps du Seigneur pour être offertes en toute dévotion au Père » (LG 34)…       La participation à la fonction prophétique du Christ…habilite et engage les fidèles laïcs à recevoir l'Évangile dans la foi, et à l'annoncer par la parole et par les actes… Ils vivent la royauté chrétienne tout d'abord par le combat spirituel qu'ils mènent pour détruire en eux le règne du péché (Rm 6,12), ensuite par le don de soi pour servir…Jésus lui-même, présent en tous ses frères, surtout dans les plus petits (Mt 25,40). Mais les fidèles laïcs sont appelés en particulier à redonner à la création toute sa valeur originelle. En liant la création au bien véritable de l'homme par une activité soutenue par la grâce, ils participent à l'exercice du pouvoir par lequel Jésus ressuscité attire à lui toutes choses et les soumet…au Père, « afin que Dieu soit tout en tous » (Jn 12,32; 1Co 15,28). ****"

* source : CTI, Il, III, op. Cit.
** L'Évangile sauvera l'Église, op. Cit. p. 88ss
***  CTI, ibid. III, I
**** Christi fideles Laici § 13 et 14




11 août 2014

Diaconie - II

Saint Justin décrit fort bien le rôle des diacres dans la liturgie : "Quand le président de l'assemblée a achevé la prière de l'action de grâces (eucharistie) et que tout le peuple a donné sa réponse ceux que chez nous nous appelons les diacres (oi kaloumenoi par'emin diakonoi) donnent à chacun des assistants d'avoir part au pain et au vin mélangé d'eau sur lesquels a été dite la prière de l'action de grâces (eucharistie), et ils en portent aux absents."*
Plus qu'une action "figurative" dans le temps de la messe,  c'est peut être cette deuxième partie de la phrase qu'il faut souligner,  d'autant qu'elle rejoint la mention d'Actes 6, 2 oú "le service des tables" était la première raison.  
Personnellement je suis sensible à cette phrase prononcée, dans le temps, dans mon église du dimanche : "portez l'eucharistie à vos frères,  assurez les de notre prière et demandez leur de prier pour nous". En effet, elle nous fait prendre conscience de la dimension collective de l'eucharistie et de ce que c'est que de vivre "en Christo" dans le sens donné par Paul dans ses lettres,  si bien commenté par Hans Urs von Balthasar, d'un peuple de Dieu en marche.

Plus loin, cependant,  notre texte de référence souligne à nouveau la double fonction liturgique du diacre : "apporter les offrandes et de les distribuer."

Apporter les offrandes n'est pas neutre non plus. Cela touche en effet, pour moi à cette phrase si souvent soulignée par Varillon   "Dieu sanctifie ce que nous humanisons"
 Or, la mission des diacres, comme de tous baptisés,  n'est elle pas cette humanisation à parfaire ?Comment ? En commençant par l'habiter, par la transformer de l'intérieur, tendre à faire de chacun de nos actes un chemin sacramentel. Là aussi la route est longue. 


* Apol. 1,65,3-5. Saint Justin, Apologies. Introduction, texte critique, traduction, commentaire et index par A. Wartelle, Paris 1987, 188-191.

Source principale : CTI, Il, II, op. Cit. 

09 août 2014

Transfiguration - tension théologique 2

Au delà de mes propos sur l'autorité, la contemplation des textes de Daniel et des récits de la Transfiguration nous ouvre une nouvelle tension théologique entre le silence du Christ sur sa nature,  son désir de cacher cette dernière et cette réalité qui n'apparaît que subrepticement avant Pâques,  celle du Fils de Dieu rayonnant de la gloire pascale.  Cette vision réservée à 3 disciples sera à peine esquissée dans les textes évangéliques après Pâques.  Le Christ qui apparaît au bord du lac n'est pas le Fils d'homme décrit par Daniel 7.  C'est celui que Pierre tarde à reconnaître dans Jean 21. C'est celui qui n'apparaîtra que pleinement dans sa gloire le jour du grand retour. Pourquoi alors cette tension ? Probablement parce qu'elle est le prix à payer de notre liberté,  elle est le chemin offert du croire,  donné à tout homme dans le doute,  dans les balbutiements de saint Thomas.  Heureux ceux qui croient sans avoir vu l'étincelle de la gloire du Christ.  
Aujourd'hui néanmoins,  nous devons reconnaître qu'au delà de cette tension pastorale,  la liturgie nous conduit plus loin.  À nous,  en effet qui avons été baptisés dans la mort et la résurrection du Christ,  nous n'avons plus à douter de cette gloire.  Et c'est ce vers quoi nous conduit la liturgie de chaque eucharistie.  Car en ce pain et ce vin consacré, au delà de l'apparente insignifiance du symbole,  c'est bien le Christ de gloire qui se rend présent,  et c'est sur ce chemin du croire que nous sommes invités à avancer. 

Comme le souligne Anastase du Sinaï, "C'est donc vers la montagne qu'il faut nous hâter, j'ose le dire, comme l'a fait Jésus qui, là comme dans le ciel, est notre guide et notre avant-coureur. Avec lui nous brillerons pour les regards spirituels, nous serons renouvelés et divinisés dans les structures de notre âme et, avec lui, comme lui, nous serons transfigurés, divinisés pour toujours et transférés dans les hauteurs. ~

Accourons donc, dans la confiance et l'allégresse, et pénétrons dans la nuée, ainsi que Moïse et Élie, ainsi que Jacques et Jean. Comme Pierre, sois emporté dans cette contemplation et cette manifestation divines, sois magnifiquement transformé, sois emporté hors du monde, enlevé de cette terre ; abandonne la chair, quitte la création et tourne-toi vers le Créateur à qui Pierre disait, ravi hors de lui-même : Seigneur, il nous est bon d'être ici !

Certainement, Pierre, il est vraimentbon d'être ici avec Jésus, et d'y être pour toujours. Qu'y a-t-il de plus heureux, qu'y a-t-il de plus sublime, qu'y a-t-il de plus noble que d'être avec Dieu, que d'être transfiguré en Dieu dans la lumière ? Certes, chacun de nous, possédant Dieu dans son cœur, et transfiguré à l'image de Dieu doit dire avec joie : Il nous est bon d'être ici, où tout est lumineux, où il y a joie, plaisir et allégresse, où tout, dans notre cœur, est paisible, calme et imperturbable, où l'on voit Dieu : là il fait sa demeure avec le Père et il dit, en y arrivant : Aujourd'hui le salut est arrivé pour cette maison. Là tous les trésors des biens éternels sont présents et accumulés. Là sont présentées comme dans un miroir les prémices et les images de toute l'éternité à venir.*"


 * Source : homélie d'Anastase du Sinaï pour la Transfiguration

04 août 2014

Le chant du large

Je viens de mettre en ligne le tome 6 de ma saga "Le chant du large", qui compte maintenant :
1) La barque de Solwenn
2) Maria la Rousse
3) La souffrance d_Elena
4) La Marie-Jeanne
5) Magda-la-douce
6) Renaissance
Un roman en 6 parties qui nous emmène dans un petit village breton, à l'aube du XXème siècle et se poursuit à l'âge où les grands voiliers se laissent distancer par la vapeur.
Grand amateur de "La rivière espérance" de Signol, je signe une saga plus centrée sur la mer, ses appels et ses dangers.
C'est aussi une suite logique à mes travaux de recherche sur la souffrance (mémoire de licence : Quelle espérance pour l'homme souffrant).

Les 6 tomes numériques sont aussi disponibles en deux tomes papier :
I - La barque de Solwenn, texte intégral
II - Le sourire de Nolwenn, le chant du large, tome 2

Diaconie - I

Nous nous proposons de commencer ici la lecture cursive et annotée d'un texte de la Commission théologique internationale* (ci après CTI), en parallèle et en complément  d'autres lectures dont
1) L'Évangile sauvera l'Église,  de Joseph Moingt (ESE),
2) Théologie du Laïcat (TDL), de Yves-Marie Congar,
3) les articles d'Étienne Grieu sur la diaconie (EG)
4) certains textes de Vatican II,  dont GS et LG.

Commençons par le texte de la CTI :
"On peut saisir, dans une perspective christologique, ce qu'est l'essence du chrétien. L'existence chrétienne est participation à la diakonia, que Dieu lui-même a accomplie pour les hommes (...) Être chrétien signifie, à l'exemple du Christ, se mettre au service des autres jusqu'au renoncement et don de soi, par l'amour. Le baptême confère le diakonein à tout chrétien, qui, en vertu de sa participation à la diakonia, leiturgia et martyria de l'Église, coopère au service du Christ pour le salut des hommes. En effet, étant membres du Corps du Christ, tous doivent devenir serviteurs les uns des autres avec les charismes qu'ils ont reçus pour l'édification de l'Église, et celle des frères dans la foi et l'amour: "Si quelqu'un assure le service, que ce soit comme par un mandat reçu de Dieu"  (1P 4,11-12; cf. Rm 12,8; 1 Co 12,5)."
Après avoir insisté sur Christ serviteur,  le texte poursuit ainsi : "De manière radicalement opposée aux seigneurs et puissants de ce monde qui abusent de leur pouvoir, oppriment et exploitent les hommes, le disciple doit être prêt à devenir diakonos et doulos de tous (Mc 10,42-43)*."

Le terme même de diakonos, poursuit le texte est peu utilisé dans l'AT et à une acception large dans le NT. 

Selon P. Audet, c'est simplement "un serviteur susceptible de remplir diverses fonctions suivant les circonstances particulières de son service*".

NB : ce texte étant  cité à partir de la version numérique nous ne pourrons donner de numéros de page,  nous nous contenterons, dans notre lecture cursive d'indiquer les nouveaux chapitres.

Abbréviations utilisées dans les posts suivants :
CTI : Commission théologique internationale

ESE : Évangile sauvera l'Église
TDL : Théologie du Laïcat (TDL), de Yves-Marie Congar,
EG : Étienne Grieu
GS : Gaudium et Spes
LG : Lumen Gentium

31 juillet 2014

J. Moingt - VI - dérapage autoritaire

J'ai eu beaucoup de "chaudes" discussions avec des chrétiens soucieux de me rappeller que Jésus parlait avec autorité,  alors que je tentais de mettre en avant mon concept de Dieu de faiblesse. Et pourtant, je persiste et signe d'autant plus en lisant ce qu'écrit Moingt : "il y a là un dérapage car Jésus n'a jamais tant parlé d'autorité.  Bien sûr on disait "il parlait avec autorité" parce qu'il parlait de source,  mais il n'a jamais insisté sur l'autorité de gouvernement,  d'administration,  jamais si ce n'est pour mettre les disciples en garde." Op. Cit.  
p. 92.

20 juillet 2014

Un long chemin pour l'Eglise

Je retombe sur quelques notes prises dans "La confession d'un cardinal". (cf. post précédents)
"Le monde occidental n'a pas purgé sa mémoire d'une Église hiérarchique et triomphante [...] Comme elle a tardé à reconnaître ses errements, le monde ne lui en fait pas crédit. [...] le monde n'a pas fini [...] de régler ses comptes avec cette Église-là, qui, je le répète, n'est pas toute l'Église mais qui en fit partie." p. 94-95
"Si vous épousez la vision du théologien, vous êtes naturellement porté à dire au monde qu'il erre dans la mauvaise direction, qu'il a imposé une dictature, celle du relativisme. C'est ce qu'à répété le cardinal Ratzinger depuis des années, [...] c'est ce qu'il a continué de dire, devenu Benoît XVI. [...] Un pape qui privilégierait la vision de l'historien dirait au monde que notre foi ne répond pas à toutes les questions. Que l'autonomie de la pensée et de la conscience est inscrite dans la liberté donnée par Dieu au monde. Que l'Église n'a pas toujours su respecter cette liberté et cette autonomie. Qu'elle a été l'objet de scandales et qu'elle en subit aujourd'hui les conséquences." p. 95
De fait, je crois que notre problème se situe là. C'est probablement pour cela que la kénose a pour moi du sens.


Source : Confession d'un cardinal, Olivier Le Gendre, Paris, Jean-Claude Lattès, 2007

19 juillet 2014

Moingt - Bonhoeffer

Je viens de lire cela chez Moingt (ibid p. 82-83) : "Les pères mettaient en avant ce qu'ils appelaient la "philanthropie de Dieu créateur", à savoir, selon saint Paul, le fait que "Dieu est pour nous" (cf. Rom 8, 31), qu'il est tourné vers nous."
Étonnante correspondance avec ce que je notais dernièrement chez Bonhoeffer sur le "pro me".
On rejoint aussi ce qu'écrivais Balthasar sur la triple kénose, d'un Père qui s'efface dans le Fils, d'un Fils qui s'efface pour nous et d'un Esprit qui disparaît en nos coeurs, indicible effacement trinitaire au service de l'amour. Mais n'est-ce pas cela, de fait, l'amour véritable.



18 juillet 2014

Kénose chez Grégoire de Nysse

Mes lecteurs réguliers savent combien j'attache de l'importance au thème de la kénose (cf. notamment ma dernière allusion chez Bonhoeffer). Voici un petit texte découvert chez saint Grégoire de Nysse, moine et évêque (335-395) qui me semble utile à citer dans cette direction :

  "Le fait que Dieu, qui est tout-puissant, ait été capable de s’abaisser jusqu’à l’humilité de la condition humaine constitue une preuve plus grande de sa puissance que l’éclat et le caractère surnaturel des miracles. En effet, quand la puissance divine accomplit une action d’une grandeur sublime, c’est, en quelque sorte, conforme et approprié à la nature de Dieu… Par contre, que Dieu soit descendu jusqu’à notre bassesse est, en quelque sorte, l’expression d’une puissance surabondante qui n’est pas du tout entravée par ce qui est à l’opposé de sa nature…       Ni l’étendue des cieux, ni l’éclat des astres, ni l’ordonnance de l’univers, ni l’harmonie des choses créées ne révèlent la puissance magnifique de Dieu autant que son indulgence qui l’amène à s’abaisser jusqu’à la faiblesse de notre nature… La bonté, la sagesse, la justice et la puissance de Dieu se révèlent dans ses desseins en notre faveur : la bonté dans la volonté de « sauver celui qui était perdu » (Lc 19,10) ; la sagesse et la justice dans sa manière de nous sauver ; la puissance dans le fait que le Christ est « devenu semblable aux hommes » (Ph 2,7-8) et s’est conformé à l’humilité de notre nature. "

A contempler.

Source : Le Discours catéchétique, 23-26 ; SC 453 (trad. SC p. 253 rev.) 

16 juillet 2014

Beauté symphonique

Qui peut dire la signification d’une symphonie de Mozart ? Et pourtant chaque note est pleine de sens nous rappelle Hans Urs von Balthasar. Plus l’œuvre est parfaite, plus aussi son contenu à interpréter est inépuisable.

Il conçoit alors la beauté comme le « rayonnement inexpliqué du foyer de l’être sur le plan extérieur de l’image ». Un rayonnement qui s’imprime sur l’image elle-même et « lui confère une unité, une plénitude et une profondeur représentant bien plus que ce que l’image en elle-même contient. Elle est généralement ce qui donne à la vérité le caractère permanent d’une grâce ». (1)

Cela fait résonner en moi ce que je me plais à affirmer sur le « je te reçois et je me donne à toi ». On reçoit infiniment plus que ce que l’on ne pourra jamais donner, parce que le don de l’autre n’est que la face visible du don de Dieu. L’autre est image d’un mystère plus grand, plus infini qui l’habite et le transcende.



(1) Hans Urs von Balthasar, La Théologique, I – Vérité du monde, ibid, p.149-150

12 juillet 2014

L'annonce faite à Marie de Paul Claudel - Bouffes du Nord

Une belle surprise au Bouffes du Nord cette semaine.
L'interprétation de l'Annonce faite à Marie de Claudel allie respect du texte et mise en valeur musicale avec une mise en scène de qualité à la fois respectueuse de l'oeuvre et frappante par son actualisation. Les chants, magnifiquement interprétés, nous font percevoir ce que la lecture laisse de côté, la vision presque "symphonique" au sens large du terme de ce chef d'oeuvre, probablement le plus poignant de Claudel.
Le personnage de Violaine, aux multiples facettes est superbement interprété.
A voir sans hésiter.
http://www.bouffesdunord.com/fr/saison/518905a4eeed2/lannonce-faite-a-marie

10 juillet 2014

Moingt III - L'évangélisation

L'évangélisation, nous précise Moingt, "n'est pas quelque chose qui se faisait dans les églises (...) elle se faisait dans la rue (...)  dans les maisons." Il évoque ainsi Zachée et le fameux "il faut que Je demeure chez toi". Le Christ, souligne-t-il, n'a pas prononcé un mot de religion. Pas de rite... "il n'a pas fait la morale ... [il y a eu seulement] un rapport humain vrai. C'est certainement ça la tâche la plus noble, la plus urgente de l'évangile.*" Ce n'est qu'après que l'on peut prononcer le nom de Dieu, ajoute le théologien.

Cela fait résonner en moi ce que l'on cherche à faire pour l'avent 2014. Veux-t-on conduire à l'église,  les peuples sans berger, leur servir un plat tout fait, une messe solennelle, où s'agit-il d'habiter chez eux, de signifier que l'on veut demeurer avec eux. Qu'elle est la véritable "pastorale des périphéries" que l'on veut mettre en place. Pour moi, la réponse est ailleurs. Peut-être ici.

L’Évangile sauvera l'Église, op. cit. p. 46ss

09 juillet 2014

Joseph Moingt - II - La parole des femmes

Si Moingt ne se prononce pas en faveur de l'ordination des femmes c'est parce qu'il y a pour lui assez de clercs et que l'enjeu est ailleurs. "Je ne crois pas, pour ma part, que l'église risque de disparaître à cause du manque de personnes consacrées, du manque de prêtres. Si elle court le risque de périr, ce serait je pense, quelle ne saurait honorer les leçons de l’Évangile vis à vis du monde. Donc je crois que l'Église doit donner un exemple de reconnaissance de la femme et en tout la laisser prendre un rôle, l'encourager même"*.
Certaines de mes amies objecteront peut-être qu'il y a là une forme de discrimination. Il y a pour moi surtout une réflexion sur l'enjeu même de la mission d'un baptisé. Doit-on se focaliser sur l'image officielle, la fonction (prêtre,...) où sur la mission ? On est en là cohérence avec cette première réflexion sur la mission première des baptisés et son enjeu en termes d'évangélisation pour le monde.
Qu'est-ce qui, de fait, est plus près des périphéries, des gens du seuil ? Le prêtre, le diacre, la personne consacrée ? Non, l'humain avec un grand H ou un grand F, qui s'abaisse pour rencontrer l'autre.

op. cit. p. 44

08 juillet 2014

Moingt - Lévinas - Tu te dois à autrui



A partir de cette phrase [Tu te dois à autrui] qui serait pour Lévinas un résumé de la Bible, Joseph Moingt conclu, dans la même veine qu'il faut voir dans tout autrui un autre soi-même. *
Il y a là un chemin éthique qui se nourrit de l'évangile et nous conduit toujours plus loin. J'ai longuement commenté dans mes livres cette problématique lévinassienne de l'appel à la responsabilité, mais aussi de ses limites, notamment telles que soulevées par D. Sibony sur la culpabilité de Lévinas. Mais le débat éthique ne peut fermer cette tension.

Moingt va plus loin en mettant à la fois Dieu dans l'origine du "tu" et dans l'origine de la grâce qui nous permet d'y répondre. Si Dieu nous appelle depuis Gn 3 dans un "où es tu ?" déjà longuement commenté ici, il met aussi en nous cet amour que l'on appelle Esprit, source immense et cachée qui nous fait bondir vers l'autre.


* Ibid. p. 35

07 juillet 2014

Joseph Moingt - Initiation de lecture


Le hasard des rencontres me mène à nouveau sur les pas de Joseph Moingt avec son livre, plus grand public, intitulé L’Évangile sauvera le monde, paru chez Salvator en 2013.
Une première phrase pour vous donner envie de me suivre sur ce chemin.
"Le grand problème de l'église actuelle me semble être... la prise de responsabilité des laïcs... qu'ils prennent la responsabilité de leur vocation‎ missionnaire."*

On retourne ici au coeur de ce qui est pour moi l'un des élans de Vatican II dans la foulée de cette "Théologie du laïcat" que l'on trouve si bien décrite chez Congar.

L'enjeu qui est développé dans les pages suivantes est probablement celle d'une vision de la collégialité de l'Eglise qui ne s'arrête pas aux cardinaux mais descend jusque dans l'articulation entre pouvoir et autorité, entre enseignement et dialogue, passivité et engagement où chacun a sa part sans renier l'apport de la triple dimension de l'Église (écriture, tradition et sensus fidei). Comprendre et articuler cela est l'enjeu des années à venir pour notre Église.


* Op. cit p.14

05 juillet 2014

Déréliction - V

« Jésus peut donner part, de même qu’il a fait participer les sœurs de Béthanie, à sa passion future. En cela se montre l’intemporalité de sa passion, l’intemporalité de la rédemption et celle de la marche à sa suite (...) on peut y entrer aussi bien jadis que 1000 ans plus tard » (1)

Je retombe sur cette citation d'Adrienne von Speyr, qui complète, à sa manière mes propos sur D. Bonhoeffer. Le Christ d'hier n'est pas différent du Christ d'aujourd'hui et tout ceux qui payent de leur sang son message montre l'intemporalité de sa Parole et rendent plus vivent l'espérance de la rédemption.

(1) Adrienne von Speyr Johannes, 386 cité par Hans Urs von Balthasar p. 283

Bonhoeffer - VII - L'image de Jésus

‎Le commentaire qui prolonge le texte de Bonhoeffer nous permet de comprendre son apport dans un contexte de crise sur l'historicité et les thèses du "Jésus historique" qui ont marqué le début du XXème siècle. Si la foi en Christ ne "naît pas de l'image historique de Jésus" elle ne peut naître "sans l'image de Jésus"*. Il faut donc aller vers une théologie de l'histoire de Jésus, c'est à dire dépasser la polémique de la pure historicité pour entrer dans la foi en ce que l'église nous révèle sans cesse sur  Lui.

Comment vivre cela, près d'un siècle plus tard. Nous avons longtemps développé dans ce blog l'idée d'un Dieu qui en s'incarnant se fait "faiblesse" pour mieux rejoindre l'homme dans son humanité. L'image d'un Jésus faible, pauvre parmi les pauvres n'est probablement pas la seule voie. Elle doit être pondérée avec celle que l'Eglise relève souvent : son "autorité", la force de sa Parole. Ignorer cette tension serait mettre trop l'accent sur l'un et oublier l'importance de l'autre. L'incognito souligné par Bonhoeffer à la suite de Luther est peut-être une manière de nous rappeler qu'une pastorale du seuil ne peut se faire par la force. Elle demande un travail intérieur, le réveil au plus profond de l'homme d'une prise de conscience du fait Jésus, non plus le "Jésus historique" inaccessible, mais ce "Jésus pour moi" venu en notre chair pour nous conduire vers le Père. Ce qu'il réveille en nous dans la foi n'est pas communicable autrement que par ce que l'Amour transpire de notre être, plus que tout discours. C'est peut-être cela qu'il faut retenir de cette lecture.

Bonhoeffer, en s'opposant au nazisme a payé ce message de son sang. 

* ibid. p. 146

02 juillet 2014

Bonhoeffer - VI - Genus majestaticum


Ce concept Luthérien de "Genus majestaticum" peut se résumer en substance ainsi, si l'on en croit Bonhoeffer : Les deux natures du Christ‎ ne sont pas comme des "planches collées ensemble". La nature humaine est pénétrée par la nature divine et obtient les attributs de la nature divine". Le fini est capable de l'infini non par soi mais par l'infini.*

N'est t-on pas proche ici de la notion patristique de circumincession que j'appelle par ailleurs la danse trinitaire ?


Cela dit Bonhoeffer critique** la doctrine kénoticienne que j'ai peut être trop encensé dans ce blog. Son argument est qu'il ne faut pas trop s'attarder sur le "comment" de la kénose et se refocaliser ‎sur le "qui" est Jésus dépassant cette querelle stérile entre kénoticiens et krypticiens (ceux qui parlent du voilement de Dieu en Jésus) pour contempler la réalité du Christ-là.

L'enjeu est un retour au centre christologique, loin des considérations spéculatives.

* ibid p. 90ss
** Ibid p. 95ss



28 juin 2014

Bonhoeffer - V - Christ pro me

Le Christ est sacrement parce qu'il est "pro me" [tout tourné vers moi ?] nous dit en substance Bonhoeffer*. Qu'est ce à dire sur sa nature ?
Il est à la fois tout tendu vers moi dans un sens qui peut être proche de la tension que Paul présente comme programme dans Philippiens 3.
Mais il est surtout "pro me" dans le sens où il est "qu'amour" pour reprendre ce que disait Varillon déjà invoqué dans un post précédent. Et cet amour est signe efficace de l'amour tendre et miséricordieux du Père. Reste à ne pas passer à côté de cette présence "incognito", de ce "donneur qui s'efface dans le don" pour reprendre les termes de J. L. Marion dans son livre "Etant donné".


* ibid. p. 54ss

27 juin 2014

Bonhoeffer - IV - parler pour Dieu


"Je dois parler et pourtant pas moi, mais Dieu"*
A défaut il faut se taire, a-t-il précisé plus tôt en substance.

Cela dit, quelle parole parle véritablement ? Si Dieu n'est qu'amour comme l'affirme Varillon, la seule parole qui n'est pas une logorrhée humaine ‎serait celle qui transpire l'amour. Et c'est peut-être cela le plus difficile. Car les mots n'ont de sens qu'en accord permanent avec nos actes, ce qui, in fine, n'est l'apanage que du Christ seul.

Quant à nous, nous devons avouer comme le dit Paul, que "nous ne faisons pas ce que nous voulons et faisons ce que nous ne voulons pas".


La cohérence entre paroles et actes, poursuit à sa manière Bonhoeffer est peut-être dans le sacrement. Le sacrement est Parole de Dieu. "En tant Qu'il est Jésus Christ le sacrement est essentiellement Parole"*

On peut retourner la phrase, c'est d'ailleurs une autre façon de dire ce que nous disions plus haut. Où cela nous conduit-il ? Peut-être dans ce que nous écrivions il y a quelques temps sur le "devenir sacramentel". Nous ne pouvons être en pleine cohérence avec nos mots, mais à chaque fois que nous approchons de cette ressemblance, nous nous approchons de ce devenir. Le Christ étant seul le sacrement véritable.


* Dietrich Bonhoeffer, op. Cit. p. 53
* ibid. p. 58

25 juin 2014

Bonhoeffer - III - La clarté de l'Écriture

"En son essence, la Parole s'interprète elle-même. Dans cette clarté et cette signification identique pour tous est fondée sa validité universelle."‎ (op. cit p. 48).

C'est ce qui supporte pour moi ces "banquets de la Parole" collectifs (cf. série de posts précédents) où nous découvrons à plusieurs cette éternelle présence de Dieu qui ne cesse de crier son "Où es-tu ?" à l'homme.

La question que Dieu nous pose dès Gn 3 est cet "où es-tu ?" qui fait face au "Moi je suis [là] présent" de Dieu dans nos vies, y compris et peut-être surtout par cette Parole qui se rend vivante dans nos partages en communauté. La tension entre l'"Où es-tu ?" et le "Je suis" se prolonge jusque dans des détails qui ne sont pas anodins :
- "si vous l'avez fait à l'un de ces petits qui sont mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait." (Mat 25)
- "Je suis" qui fait face au "Je ne suis pas de Pierre... (Jn 18)
Tout cela rebondit en nous... Et c'est dans sa présence dans l'aujourd’hui que la question résonne, écho toujours silencieux de Dieu qui nous appelle.



24 juin 2014

Bonhoeffer - II - Incognito christologique

D. Bonhoeffer reprend page 39* la question de l'incognito développé par Kierkegaard à la suite de Luther. ‎Pour moi, ce thème n'est pas loin de ce que je développe dans mon livre "Dieu de Faiblesse", une apologie de la discrétion de Dieu, qui n'est autre que la condition même de notre liberté. Si l'autorité de Jésus ne fait pas de doute, elle ne s'exprime que dans l'axe du lavement des pieds et de la Croix, c'est à dire dans l'effacement kénotique d'un discours qui s'éteint dans un silence amoureux.
Alors sur le bois ne demeure que le Dieu inconnu que vénéraient les Grecs, l'incognito de ce Fils qui par sa mort révèle l'au delà de tout discours.
‎Mais le risque demeure d'en rester au concept, de le laisser dans l'incognito et dans le passé en ignorant qu'il est ressuscité et de ce fait à la fois loin et présent. Loin parce qu'irréductible à une pensée et présent par cette révélation infinie de l'amour.
Il nous faut alors plutôt entendre ce que nous dit E. Stein : "Qu'elles sont merveilleuses tes merveilles d'amour ! Et notre admiration nous conduit au silence car viennent à défaillir nos esprits et nos mots." **

* op. cit. post précédent
** Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix, Poésie « Je demeure parmi vous », 1938 (trad. Source cachée, Cerf 1999, p. 329s).

23 juin 2014

Bonhoeffer - I - La question décisive

‎Ce qui est décisif, nous dit Bonhoeffer c'est finalement de savoir "qui Il est". Est-il un être idéalisé  ou le Fils et Dieu ? Si c'est le cas, alors il peut guérir ma blessure (mon péché) et me pardonner.* 
Je rejoins cette façon de dire les choses. Finalement dans nos crises de foi, il nous arrive de penser que tout cela n'est que du vent, surtout quand la souffrance nous envahit et nous conduit à nier Son existence. Il ne nous reste qu'un fil ténu, celui qui nous fait revivre ces temps inscrits dans notre chair, où le pardon nous a fait découvrir son infinie tendresse et sa miséricorde.

* Qui est et qui était Jésus Christ ? Cours de christologie à Berlin - 1933, labor et fides, 2013 P.39

22 juin 2014

Dietrich Bonhoeffer - Initiation de lecture

‎Nous commençons une lecture méditative de Bonhoeffer.

La question centrale, dit-il dans son premier cours de Christologie, n'est pas le "comment" mais le "qui".

"Qui est-Il ?" 

C'est le nœud du problème. Car soit nous définissons l'autre et ce faisant nous le tuons par notre raison soit nous le laissons être au prix de la mort de notre raison (c'est à dire en faisant enfin silence).

Cela rejoins ce que je définis comme "la descente de tour", ce renoncement à la toute puissance de celui qui croit être.

Là où Bonhoeffer va plus loin c'est dans peut-être dans cette courte phrase :

"Il faut que l'homme se révèle de sa propre initiative. Je ne peux accéder à une personne sauf si l'autre se révèle à moi-même. Dans l'Église (...) cela se produit en réalité dans l’événement du pardon des péchés où l'un, face à l'autre confesse être pécheur et se fait pardonner le péché par l'autre."*

*Qui est et qui était Jésus Christ ? Cours de christologie à Berlin - 1933, Labor et Fides, 2013, p. 38

18 juin 2014

L'esprit descend vers nous.

L'esprit descend vers nous. Peut-on dire qu'il ya, là aussi, kénose ?

L'attitude que cette descente génère en nous est très différente de cette vénération du Sinaï où il fallait "vénérer Dieu" dans sa hauteur, comme nous le rappelle saint Augustin dans la Lettre et l'Esprit, § 27*.

Pourquoi cette différence ? 

C'est peut-être comme l'exprimait très bien ce matin à la messe, notre vicaire,
parce qu'il doit s'agir non d'un bouleversement de notre attitude, mais d'une con-version (son geste d'une main qui se retourne disait bien le mouvement à accomplir). Je compléterai en parlant d'un changement d'axe, qui n'est plus axé sur la crainte, mais bien l'amitié, la communion.

Grâce à l'Esprit, nous sommes appelés à vivre "en christo" (en Christ) comme insiste bien à ce sujet H. UvB, dans l'un des tomes de sa Trilogie.

On pourrait compléter avec cette belle phrase du discours final : "Je ne vous appelle plus serviteurs, parce que le serviteur ne sait pas ce que fait son maître; mais je vous ai appelés amis, parce que je vous ai fait connaître tout ce que j'ai appris de mon Père." (Jn 15,15). Or l'ami ne craint plus de voir l'époux. Il l'attend et se réjouit de sa présence.

* Source Evangelizio
Crédit Image : C. Heriard, DR, Eglise de Saint-Lubin de Cravant