28 août 2015

Vanité - Les vierges folles, Mat. 25, 1-13

Une belle analyse de ce texte de Mathieu 25 chez saint Grégoire le grand nous interpelle sur notre tentation du paraître,  du valoir.

" L'huile désigne ici l'éclat de la gloire ; les vases, ce sont nos cœurs, dans lesquels nous portons toutes nos pensées. Les vierges sages portent de l'huile dans leurs vases, parce qu'elles gardent au-dedans de leur conscience tout l'éclat de leur gloire. (...) Les vierges folles au contraire n'emportent pas d'huile avec elles, parce qu'elles ne portent pas leur gloire dans le secret de leur cœur, c'est à dire qu'elles la demandent aux louanges d'autrui. (...) Mais les lampes des vierges folles s'éteignent parce que leurs œuvres, qui du dehors paraissaient éclatantes aux yeux des hommes, ne sont plus au-dedans que ténèbres à l'arrivée du Juge ; et elles ne reçoivent de Dieu aucune récompense, ayant pour elles déjà reçu des hommes ces louanges qu'elles aimaient."

Comme souvent,  c'est au fond de notre coeur que la parole tranchante vient réveiller notre conscience.

(1) Saint Grégoire le Grand, Homélies sur les évangiles, 12 ; PL 76, 1119-1120, cité par AELF

27 août 2015

Cette Église que je cherche à aimer -2

‎"Dans ce qui nous a été révélé, il y a sans doute rien de plus grand, et rien qui puisse mieux nous faire connaître la grandeur de Dieu et de quoi nous pouvons le louer davantage, que l'édification de l'Église " (1)

5 ans après  la première édition de ma contemplation "cette Église que je cherche à aimer", je dois reconnaître que j'ai encore progressé dans ma perception du chemin droit de l'Esprit parmi les sinuosités humaines qui fait grandir cette lente construction de la cathédrale vivante qu'est le Corps du Christ en marche vers sa sainteté. 

Nos papes récents ont contribué chacun‎ a redonner à l'Église une autre couleur que ce triomphalisme dénoncé dans l'aula du dernier concile par le cardinal de Smedt. Mais c'est aussi dans cette myriade d'hommes et de femmes qui s'avancent vers l'agneau que l'on peut sentir la victoire de l'amour, loin de tous les pessimistes qui annoncent sa mort.

Jean XXIII en citant ces phrases de Bellarmin veut chanter "Seigneur ouvre mes lèvres" que nos moines répètent par trois fois lors de leur premier office. Marchons à leur suite sur ce chemin de la louange.

(1) saint Robert Bellarmin, cité par Jean XXIII, op. Cit p. 397


26 août 2015

Paternité spirituelle - le progrès des âmes

‎J'aime ces correspondances de lecture entre les méditations trouvées plus haut sur la "paternité spirituelle" dans le BSS et ce que je trouve, deux jours plus tard  dans le " journal de l'âme", où Jean XXIII rappelle les phrases prononcées lors de son ordination épiscopale : "Qu'il trouve son avantage spirituel dans le progrès de tous" (1)
On rejoint ce que Marxer disait aussi de Charles de Condren sur l'autorité au service d'une fécondité spirituelle.  La fonction de l 'épiscope (surveillant) y gagne en légitimité. 

(1) Sacre d'un évêque, Pontifical romain cité par Jean XXIII op. Cit p. 386

Miséricorde divine

"Sa grande miséricorde (...) est proportionnée à la grandeur même  de Dieu" écrit Jean XXIII, citant l'Ecclesiaste : "Sa miséricorde est à la mesure de sa grandeur " (Eccl. 2, 23), avant d'ajouter "le plus beau nom et le plus bel attribut de Dieu est sa miséricorde". (1) 

Ce passage à d'autant plus d'intérêt qu'il est écrit en novembre 1940, au plus profond de la guerre‎, qu'il qualifie de "voulue par les hommes en connaissance de cause, au mépris de toutes les lois sacrées", précisant que celui qui la déclenche est le prince de ce monde (Jn 12, 31) qui n'a rien à voir avec le Christ, prince de la Paix (1 Mac. 10, 47).

Dans ce sens, ajoute-t-il, après son couplet sur la miséricorde, "cela doit nous inspirer une grande confiance (....) [puisque]‎ sa miséricorde est une abondance de tendresse".

On pourrait citer dans la même veine, la phrase de Jérémie :"Je ne veux pas vous montrer un visage sévère, car je suis miséricordieux, - oracle de Yahweh, et je ne garde pas ma colère à toujours." (2)

(1) Jean XXIII, Journal de l'âme,  op. Cit p. 379
(2) Jérémie 3, 12



Désir du Christ

"L'homme de désir par excellence, c'est le Christ, tout entier tendu vers la réalisation du salut des hommes et la glorification du Père" (1)  disait Yvan Mathieu ajoutant en latin :  "J'ai un grand désir de manduquer la Pâque avec vous" (2)
A genoux devant l'homme et courant vers son Dieu...

Le terme manducare utilisé par la Vulgate est plus parlant que manger. Il évoque ce à quoi nous sommes appelés dans la lente dégustation de l'essence profonde de la Parole.
Pour la Pâque du Christ il évoque un chemin difficile, au delà du repas final, le "je vous donne ma chair et mon sang" que l'on ne peut lire qu'entre les lignes du sacrement mais qui signifie bien plus que le faire mémoire, qui entre dans ce que j'appelle la dynamique sacramentelle.

(1) Yvan Matthieu, BSS 37-38, op. Cit p. 305
(2) traduction littérale du latin de Lc 22, 15 : desiderium desideravi hoc Pascha manducare vobiscum.


25 août 2015

Cinq chemins de conversion

Un petit sentier, tracé par saint Jean Chrysostome, qui semble tout simple et pourtant va à l'essentiel :
a) la condamnation de nos péchés,
b) le pardon accordé aux offenses du prochain;
c) la prière ;
d) l'aumône
e) l'humilité. 
"Ne reste donc pas inactif, mais chaque jour emprunte tous ces chemins ; ce sont des chemins faciles et tu ne peux pas prétexter ta misère. Car, même si tu vis dans la plus grande pauvreté, tu peux abandonner ta colère, pratiquer l'humilité, prier assidûment et condamner tes péchés. Ta pauvreté ne s'y oppose nullement. Mais qu'est-ce que je dis là ? alors que, sur ce chemin de la conversion où il s'agit de donner ses richesses (c'est de l'aumône que je veux parler), même la pauvreté ne nous empêche pas d'accomplir le commandement. Nous le voyons chez la veuve qui donnait ses deux piécettes. Nous avons donc appris comment soigner nos blessures; appliquons ces remèdes: revenus à la vraie santé, nous profiterons hardiment de la table sainte et avec beaucoup de gloire nous irons à la rencontre du roi de gloire, le Christ. Obtenons les biens éternels par la grâce, la miséricorde et la bonté de Jésus Christ notre Seigneur."
(1)  Saint Jean Chrysostome, Sermon sur le diable tentateur,  source Bréviaire AELF

24 août 2015

Paternité spirituelle - 3 (les entrailles de Dieu )

‎L'auteur poursuit avec l'évocation du Fils prodigue dans le contexte de la trilogie parabolique de la brebis perdue, de la pièce perdu et du Fils (luc 15), mais souligne-t-il (1) c'est plutôt du Père qu'il parle avec cette belle expression grecque de splagchnizomai (être ému de compassion, de pitié, pris aux entrailles) (2 et 3) qui rejoint le souci de Dieu pour son peuple d'Exode 3. 
‎Pour Blanchette, cela ne relève pas d'une obligation morale ou pastorale mais bien de la manifestation d'un "coeur empli de la présence tangible de l'Esprit" (4) qui fait rejaillir ce qu'il dit plus haut sur l'importance d'un discernement habité par la prière "en Christ". 
Je rejoins cette analyse qui fait écho avec mes contemplations ‎sur la kénose du serviteur qui en se vidant de toute tentation de jugement personnel, se met "à genoux devant l'homme(4)" et, ce faisant, manifeste l'infinie miséricorde de Dieu.

C'est probablement là que prend source et s'exerce la 4ème caractéristique de la paternité évoquée par Blanchette (5) : la capacité de guérir qu'il évoque à partir du 2ème signe de Jésus dans Jean (le fils de l'officier royal - basilikos, Jn 4, 46-54). Être père peut aller jusqu'à qu'à guérir à distance, non de manière directe mais par le travail de la Parole dont le prêtre n'est finalement que l'instrument. 

(1) Melville C. Blanchette, ‎PSS, Just call me father, generativity in the spiritual life of diocesan priest‎, op. Cit p 219
(2) Dictionnaire Grec Français du NT, p. 139
(3) Nouveau Testament ‎inter linéaire, Société biblique française, 1993, p. 347
(4) cf mon travail de recherche éponyme.
(5) Blanchette, op Cit p. 220.

Paternité spirituelle - 2 (la figure d'Abraham)

‎L'auteur (1) poursuit son analyse sur la pa‎ternité spirituelle en évoquant la figure d'Abraham comme évocatrice des renoncements du prêtre. Il ne s'agit pas seulement pour lui de renoncer à la vie conjugale, mais d'accepter tous ces sacrifices qui littéralement 'make holy' (rendent sacré) les dons que le prêtre fait de sa vie. 
Pour moi, ce sacrifice n'est pas vu alors dans l'ordre du renoncement que dans le registre du décentrement. La figure d'Abraham prend sens : quitter un monde auto-centré, prendre le chemin du désert (2) et avancer à nu (3) devant son Dieu, percevoir alors que la paternité spirituelle du ministre prend un autre sens, celui de l'engendrement à la vie en Dieu. Cela évoque pour moi, outre les travaux de Bacq/Theobald(4), un vieux texte de Michel Rondet qui parle de ceux qui quittent la certitude des ports, pour avancer sur un chemin dont on ne connaît pas les pierres. 
‎(1) Melville C. Blanchette, ‎PSS, Just call me father, generativity in the spiritual life of diocesan priest in Bulletin SS n• 37-38, op. Cit p. 216ss
(2) cf. mon étude éponyme.‎
(3) cf. posts précédents.
(4) cf. Bibliographie et mes longs commentaires dans 'Pastorale du seuil'
(5) publié dans un numéro d'Etudes

Paternité spirituelle

‎"Le titre "père" dans la vie d'un prêtre ne lui est pas donné pour le positionner au dessus des autres, mais reflète plutôt l'intimité de relation qu'il a vis à vis de ceux qu'il sert. En manifestant un amour paternel, les prêtres sont au service de l'éclosion [l'engendrement] à la vie pleine et entière de ceux qu'ils servent" (1)

Je retrouve là une vieille discussion sur la question de l'autorité, non pas comme excès de pouvoir sur l'autre mais comme éclairage qui fait grandir, qui engendre, pour rejoindre le thème de la "pastorale d'engendrement".

(1) traduction libre de "Just call me father, generativity in the spiritual life of diocesan priest" de Melville C. Blanchette, P‎SS, Bulletin SS n• 37-38, p. 214

Ce qui sera révélé - 1 Cor 4

On peut voir le jugement final comme le grand règlement de compte médiéval.  On peut aussi espérer le travail silencieux de Dieu en chaque homme à la lumière des deux paraboles du bon grain et de l'ivraie et des ouvriers de la dernière heure où transparaît ce que je citait hier chez Osée 11: la miséricorde divine et le chemin de Dieu en l'homme. Le texte proposé pour l'office des lectures nous ouvre aussi à cette "petite espérance (1)" : "C'est pourquoi ne jugez de rien avant le temps jusqu'à ce que vienne le Seigneur : il mettra en lumière ce qui est caché dans les ténèbres et manifestera les desseins des cœurs, et alors chacun recevra de Dieu la louange qui lui est due". (2).

J'aime à ce sujet l'expression de saint Justin : "contempler les semences du Verbe"....

Sous cet angle résonne différemment ce que souligne saint Jean Chrysostome : " La faiblesse de Dieu est plus forte que tous les hommes. Que la prédication soit l’œuvre de Dieu, c’est évident ici. Comment douze hommes, des ignorants, ont-ils pu avoir l’idée d’une pareille entreprise, eux qui vivaient auprès des lacs et des fleuves, et dans le désert ? Eux qui n’avaient jamais fréquenté les villes et leurs assemblées, comment ont-ils pu songer à se mobiliser contre la terre entière ? Ils étaient craintifs et sans courage (3)". Et pourtant,  cette faiblesse a été la semence qui a transformé le monde.

(1) Charles Péguy,  Le porche de la troisième vertu
(2) 1 Corinthiens 4,  5 BCC1923
(3) Saint Jean Chrysostome,  commentaire de la première lettre aux Corinthiens, tr. Bréviaire

23 août 2015

Sophonie ou la colère de Dieu

Difficile lecture de l'office des heures, cette nuit :  (So 1, 1-7.14; 2, 1-3). Comment "actualiser" ce que l'on appelle non sans raison la parole de Dieu ?

Je ne peut que écarter cette impression d'un appel au Dieu vengeur des premiers versets pour me laisser interpeller par la fin du texte : "Recueillez-vous, rentrez en vous-mêmes, race sans pudeur, Cherchez Yahweh, vous tous humbles du pays, qui avez pratiqué sa loi; recherchez la justice, recherchez l'humilité. Peut-être serez-vous à l'abri au jour de la colère de Yahweh !..." Sophonie 2:1, 3 BCC1923

Le "rentrez en vous même" évoque pour moi le verset 17 de Luc 15 : "Alors, rentrant en lui-même, il dit : Combien de mercenaires de mon père ont du pain en abondance, et moi, je meurs ici de faim !". Alors tout s'éclaire... Car ce basculement intérieur qui précède la miséricorde temoigné au fils prodigue est la clé du mystère.

Dieu retient sa sainte colère pour laisser place à sa miséricorde,  nous dit Jésus entre les lignes, comme le souligne Kasper en citant Osée... :  "Comment te délaisserais-je, Ephraïm, te livrerais-je, Israël ? (...) Mon coeur se retourne en moi, et toutes ensemble, mes compassions s'émeuvent.  Je ne donnerai pas cours à l'ardeur de ma colère, je ne détruirai pas de nouveau Ephraïm. Car je suis Dieu, moi, et non pas homme: au milieu de toi est le Saint, et je ne viendrai pas dans ma fureur." Osée 11:8-9 BCC1923

Il nous reste l'espérance : " Elle passe la figure de ce monde (...) : mais nous avons appris que Dieu prépare une demeure nouvelle et une terre nouvelle où réside la justice, dont la béatitude comblera et surpassera tous les désirs de paix qui gonflent le cœur de l'homme. Alors la mort sera vaincue, les fils de Dieu ressusciteront dans le Christ, et ce qui avait été semé dans la faiblesse et la corruption revêtira l'incorruptibilité. La charité demeurera, ainsi que son œuvre, et toute cette création, que Dieu a faite en faveur de l'homme, sera délivrée de l'esclavage du néant." (1)

( 1) Gaudium et Spes

Les quatre écueils du prêtre

Discussion intéressante avec un vieil ami prêtre qui m'a cité les quatre écueils du prêtre,  comme autant d'impasses dans la vie d'un serviteur de Dieu.
1) la gestion de sa sexualité, 
2) l'autoritarisme (cf. post récent)
3) la grégarité comme fuite de sa mission,
4) la démagogie.
On sent là un chemin difficile,  où nous autres,  gens mariés,  pouvons aussi faillir, dans notre mission de "serviteur". À méditer à la lumière du post précédent...

22 août 2015

Marie, chemin d'humilité


Je continue ma méditation matinale en lisant ce texte proposé d'Isaïe 37 :
"Voici la parole que Yahweh a prononcée contre lui : Elle te méprise, elle se moque de toi, la vierge, fille de Sion ; elle branle la tête derrière toi, la fille de Jérusalem ! (...) Parce que tu es furieux contre moi, et que ton arrogance est montée à mes oreilles, je mettrai mon anneau dans ta narine et mon mors à tes lèvres, et je te ferai retourner par le chemin par lequel tu es venu. (...) Et ceci sera un signe pour toi : On mangera cette année le produit du grain tombé; la seconde année, on mangera ce qui croit de soi-même; mais la troisième année, vous sèmerez et moissonnerez, vous planterez des vignes et vous en mangerez le fruit.  Car de Jérusalem il sortira un reste, et de la montagne de Sion des réchappés. Voilà ce que fera le zèle de Yahweh."
Le reste, un thème qui traverse la Bible, depuis 1 Rois 19 où Élie découvre qu'il n'est pas seul (2), jusqu'à ce rameau de Jessé évoqué plus haut.
Elle se moque de ton arrogance,  la vierge de Sion. Son "fiat" est foi inconditionnelle, "Me voici !" en réponse à l'éternel "où es-tu ?" de Dieu dans le jardin du monde (cf. Gn 3).
Elle est chemin d'humilité et n'ouvre la voix qu'à Cana pour dénoncer la soif du monde.
Figure à contempler donc, pour l'arrogant que je suis, sensible d'ailleurs à cette réflexion de saint Jean Chrysostome : " Pour que tu apprennes combien il est bon de ne pas avoir une haute idée de soi-même, représente-toi deux chars. Attelle à l'un la vertu et l'orgueil, à l'autre le péché et l'humilité. Tu verras l'attelage du péché devancer celui de la vertu, non certes par sa propre puissance, mais par la force de l'humilité qui l'accompagne, et tu verras l'autre dépassé non à cause de la faiblesse de la vertu, mais à cause du poids et de l'énormité de l'orgueil." (3)
(1) Isaïe 37:22, 29-30, 32 BCC1923
(2) cf. la thèse de François Varone, Ce Dieu sensé aimer la souffrance. "Il en reste 7000" que je reprends in Chemins d'Evangile, p. 641
(3) Sur l'incompréhensibilité de Dieu, 5, 6-7 ; PG 48, 745 (trad. Orval rev.), source AELF

Marie, temple du Christ

On ne peut pas dire que je suis atteint d'une grande piété mariale au sens de la tradition populaire. Un manque d'humilité probablement... Et pourtant, la figure de Marie me travaille, non comme médiation (il n'y a qu'un seul médiateur, le Christ !), mais comme chemin. C'est probablement l'humilité de la femme qui me touche, dans la contemplation de cette vierge que l'on trouve peinte par Fra Angelico au fond d'une cellule d'un couvent de Florence. Elle se penche en avant, comme depassée par l'ampleur de ce qu'on lui demande : être temple du Christ.

N'est ce pas, à sa suite, que l'on peut tressaillir à l'idée que bien qu'indigne, nous pouvons être appelé petit temple du Christ dans l'eucharistie ?

Je découvre ce matin dans l'office de mâtines, ce bel hymne qui rend hommage au premier temple de la nouvelle alliance :

Femme voulue par Dieu 
Comme une œuvre parfaite 
En qui reposerait
Le don de son Amour,
Tu exultes de joie
Aux promesses de vie : 
Les pauvres en ton enfant 
Seront peuple de prêtres, 
Fils du Très-Haut.

Femme comblée par Dieu 
De sagesse et de grâce 
Pour être parmi nous Reflet de sa bonté, 
Tu révèles Celui Qui étanche la soif : 
Le Christ a fait pour toi 
Couler en abondance 
Un vin nouveau.

Femme guidée par Dieu 
Au désert de l'épreuve 
Où manque à notre espoir 
La force d'un appui, 
Tu nous vois chancelants 
Sous le poids de la croix : 
Ta foi inébranlée 
Soutient notre faiblesse 
Et nous conduit.

Femme donnée par Dieu 
À l'Église naissante 
Qui brûle d'accueillir 
Le souffle de l'Esprit, 
Ton silence nous offre 
Un espace de paix : 
En toi nous écoutons 
La source qui murmure 
Au fond des cœurs.

Femme vêtue par Dieu 
D'un manteau de lumière, 
Quand l'ombre de la mort 
S'étend sur l'univers, 
Tu éclaires la voie 
Du Royaume des cieux : 
Servante du Seigneur, 
Tu règnes dans la gloire 
Avec ton Fils. (1)

À cette lumière les propos de Jean-Paul II nous donne à penser : Celui qui se nourrit du Christ dans l'eucharistie n'a pas besoin d'attendre l'au-delà pour recevoir la vie éternelle : il la possède déjà sur terre, comme prémices de la plénitude à venir" (2). Que dire de celle qui portait le Christ en son sein,  habitée de Dieu,  mère de Dieu,  disait même les pères de l'Église. 
À sa suite, contemplons ce qu'il ajoute : "L'eucharistie est vraiment un coin du ciel qui s'ouvre sur la terre. C'est un rayon de la gloire de la Jérusalem céleste, qui traverse les nuages de notre histoire et qui illumine notre chemin." (3)

(1) Source : Bréviaire,  AELF,  office des lectures du 22/8/15
(2) Saint Jean-Paul II (1920-2005), Encyclique « Ecclesia de Eucharistia », 18-19 (trad. © copyright Libreria Editrice Vaticana)
(3) ibid.

21 août 2015

La dimension charismatique du prêtre

‎Je poursuis ma lecture du bulletin de Saint Sulpice avec un article sur la vocation missionnaire du prêtre diocésain : "le sacerdoce a cessé d'être la prérogative [juive] d'une caste ou la profession de gens compétents .
 Il‎ est fondamentalement une manière de vivre. C'est un charisme. Le prêtre est saisi par l'Esprit du Christ (...) source intérieure de (...) la joie (...) qui les propulse dans le monde" (1)

‎L'auteur poursuit plus loin en citant Ignace d'Antioche et soulignant que cette mission est "essentiellement service de l'Esprit qui seul agit dans la communauté" (2). Il nous faut pour cela être "donné totalement et complètement à la communauté à laquelle on est envoyé" (3) dans une obéissance qui n'est pas formelle, mais "du coeur" (...) disponible pour une relation d'amour (4)".

Le prêtre diocésain missionnaire  devra donc être ‎aux aguets des nombreuses souffrances et attentes de son milieu, pour leur redonner justement le sens de l'espérance du Christ (...) en travaillant au développement de l'homme et de tout homme (...) au service de l'amour. (5).

‎(1) Jean-Benoît Gnambodé, PSS, Saint et guidé par l'Esprit, le prêtre diocésain est missionnaire, in Bulletin de Saint-Sulpice, n. 37-38. 2011-2012, p. 106ss

(2) ibid p.112
(3) Cardinal André Vingt-Trois , intervention du 6 déc 2008, cité par Patrick Chauves, Viens, suis-moi. A la source du ministère sacerdotal, Éditions Parole et Silence, Paris, 2009 p. 143.
(4) ibid.
(5) Gnambondé, ibid, p. 119




Liturgie des heures - À propos du bréviaire.

‎"Le prêtre [qui] dit son bréviaire tout seul (...) est invité à cette forme de dépouillement où, pour sa prière personnelle, il choisira la prière de l'Église. (...) Une pratique qui n'entre pas en concurrence avec l'oraison (...) mais (...)] le met] réellement en communion avec toute l'Église" (1). L'auteur qui commente ici les instructions préliminaires de la liturgie des heures n'insiste pas tant sur l'obligation du bréviaire que sur la gratuité du geste. A méditer.

On y retrouve les accents de saint Pie X dans divino afflatu (2) : «  ce que saint Basile appelle « la voix de l'Église », cette psalmodie définie par notre prédécesseur Urbain VIII comme « la fille de cette louange qui se chante sans relâche devant le trône de Dieu et de l'Agneau » (...) selon saint Athanase, elle enseigne aux hommes (...)  « comment ils doivent louer Dieu et quelles paroles il leur faut employer pour le célébrer. » (...) Les psaumes possèdent en outre une étonnante efficacité pour éveiller dans les cœurs le désir de toutes les vertus.  saint Augustin [dit aussi]: « Combien j'ai pleuré, en chantant tes hymnes et tes cantiques, tant j'étais remué par les douces mélodies que chantait ton Église ! Ces chants pénétraient dans mes oreilles, la vérité s'infiltrait dans mon cœur que la ferveur transportait, mes larmes coulaient, et cela me faisait du bien.(3) »(...)  le livre des Psaumes [est], comme un paradis contenant tous les fruits des autres livres, propose ses chants et ajoute ses propres fruits aux autres dans la psalmodie. » Ces paroles sont encore de saint Athanase, qui ajoute très justement : « Je pense que, pour celui qui chante les psaumes, ils sont comparables à un miroir où il peut se contempler lui-même ainsi que les mouvements de son âme, et psalmodier dans ces dispositions. » (...)  Peut-on ne pas être embrasé d'amour par cette image du Christ rédempteur esquissée avec persévérance ? Car saint Augustin « entendait dans tous les psaumes la voix du Christ soit qu'elle chante ou qu'elle gémisse, qu'elle se réjouisse dans l'espérance ou qu'elle soupire dans la situation présente. »

(1) Marcel Devers, PSS, La liturgie des heures dans la spiritualité du prêtre diocésain, in Bulletin de Saint-Sulpice, n. 37-38. 2011-2012
(2) Constitution apostolique « Divino Afflatu » de saint PIE X (1911), source Bréviaire
(3) Confessions, source D.A.

20 août 2015

Un vase d'argile

‎Le commentaire de 2 Cor par  Witherup (1). se poursuit sur une autre métaphore de Paul, celle du vase d'argile qui est bien caractéristique pour l'auteur de la condition du ministère ordonné. L' auteur y voit non sans raison une correspondance avec les mentions de faiblesse et kénose chez Paul (Ph 2, 6-11, 1 Cor 1,17).


(1) Ronald D. Witherup, PSS, Second Corinthians : The livre ministériel spirituality of saint  Paul as a modèle for diocesan Priest, inBulletin de Saint-Sulpice, n. 37-38. 2011-2012, p. 37ss

Le parfum de Dieu


Un commentaire de 2 Cor 2, 14-16 sur le parfum (1) nous invite ‎à être sensible à être la bonne "odeur du Christ" (christou enodia), c'est à dire à répandre le Christ comme un parfum répand son odeur. Plus que l'encens des processions, cette mission est au coeur pour moi d'une pastorale de l'engendrement. De même que l'odeur provoqué en nous des émotions intérieures intenses, le parfum de l'amour de Dieu doit éveiller chez l'homme le goût de Dieu. 

‎(1) Ronald D. Witherup, PSS, Second Corinthians : The livre ministériel spirituality of saint  Paul as a modèle for diocesan Priest, in Bulletin de Saint-Sulpice, n. 37-38. 2011-2012, p. 37

Le grand écart - Charles de Condren

‎Je poursuis la lecture de l'excellent article de mon ancien conseiller spirituel sur Charles de Condren dont il vante l'humilité et le pluralisme théologique. Il note chez ce dernier une insistance sur la "théologie de l'instant présent", une "théologie de la sanctification du temps qui s'accompagne d'une prudente pédagogie de la progressivité, qui évitera toute désertion" (1). Il souligne chez cet ancien supérieur général de l'Oratoire (autour de 1634-1640) le désir de "s'abandonner à Dieu même pour la Croix, de pâtir et de mourir à nous et au monde présent pour entrer en la perfection et en la vertu de la résurrection comme Jésus Christ y est entré" (2)
François Marxer y souligne que "l'être y réalise son unité en s'excédant lui-même (..) en même temps que se consomme (...) l'écart entre une extériorité‎ institutionnelle et une intériorité mystique" (3).
Tout un programme ! 

(1) F. Marxer, op Cit p. 144 et 146
(2) Lettre 108, ‎op Cit p .140
(3) François Marxer, op. Cit p. 148

Autoritarisme

J'apprécie cette "pépite" kénotique de Condren : "Je n'ai accepté ‎l'autorité que pour y faire encore moins ma volonté que celle des autres" (1)

(1) Lettres de Charles de Condren, Cerf, 1943, cité par François Marxer, Intelligence de l'histoire et patience du discernement : l'héritage de Charles de Condren, in Bulletin de Saint Sulpice, n. 37-38, 2011-2012, p. 149


16 août 2015

Nudité 2

Mes propos précédents sur la nudité doivent se lire dans l'axe de la contemplation de la croix. :"Si quelqu'un veut marcher à ma suite, qu'il renonce à lui-même, qu'il prenne sa croix et qu'il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perd sa vie à cause de moi la gardera." (Mat 16, 24-26)

Écoutons à ce sujet le Padre Pio :"Pendant ta vie, le Christ ne te demande pas de porter avec lui toute sa lourde croix, mais juste un petit morceau, en acceptant tes souffrances. Tu n'as rien à craindre. Estime-toi au contraire très heureuse d'avoir été jugée digne d'avoir part aux souffrances de l'Homme-Dieu. Il ne s'agit pas, de la part du Seigneur, d'un abandon ni d'une punition ; au contraire, il te témoigne de l'amour, un grand amour. Tu dois en rendre grâce à Dieu et te résigner à boire le calice de Gethsémani.     Parfois le Seigneur te fait sentir le poids de la croix. Ce poids te semble insupportable, et pourtant tu le portes parce que le Seigneur, qui est plein d'amour et de miséricorde, te tend la main et te donne la force nécessaire. Le Seigneur a besoin de personnes qui souffrent avec lui devant le manque de piété des hommes. C'est pour cette raison qu'il me mène sur les voies douloureuses dont tu me parles dans ta lettre. Mais qu'il soit toujours béni, parce que son amour apporte de la douceur au milieu de l'amertume ; il change les souffrances passagères de cette vie en mérites pour l'éternité." (1)


(1) Saint [Padre] Pio de Pietrelcina, FSP, 119 ; Ep 3,441 ; CE, 21 ; Ep 3,413 (trad. Une pensée, Médiaspaul 1991, p. 32) Source AELF 




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15 août 2015

Mettre à nu

Dans Bonheur dans le couple, tome 2, je développe le thème de cette nudité dont "ils n'avaient pas honte" de Gn 2, 25, comme le lieu de la vérité et de la difficile transparence.  Je reviens sur ce thème dans "l'amphore et le fleuve" à propos d'Exode 33 où Yahwhé invite à quitter ses vêtements de fête un peuple qui vient de se corrompre avec le veau d'or.
Après mon travail sur le "chemin du désert", je tombe sur ce verset d'Osée 2, 5 qui entre en correspondance : "de peur que je ne la déshabille à nu, et que je ne la mette telle qu'au jour de sa naissance, que je ne la rende pareille au désert, faisant d'elle une terre desséchée, et que je ne la fasse mourir de soif."
Quel est ce chemin où Dieu nous conduit.  Est-ce celui de l'effacement, du décentrement,  de la soif, qui seul conduit au désir de Dieu ?

La suite du texte trace un chemin à contempler : "C'est pourquoi voici que je vais fermer ton chemin avec des ronces ; j'élèverai un mur, et elle ne trouvera plus ses sentiers.  Elle poursuivra ses amants et ne les atteindra pas ; elle les cherchera et ne les trouvera pas. Puis elle dira : " J'irai et je retournerai vers mon premier mari, car j'étais plus heureuse alors que maintenant. "  Elle n'a pas reconnu que c'est moi qui lui ai donné le froment, le vin nouveau et l'huile, qui lui ai multiplié l'argent et l'or, qu'ils ont employés pour Baal.  C'est pourquoi je reprendrai mon froment en son temps, et mon vin nouveau dans sa saison, et je retirerai ma laine et mon lin, qui servent à couvrir sa nudité.  Et maintenant je découvrirai sa honte, aux yeux de ses amants, et personne ne la dégagera de ma main.  Je ferai cesser toutes ses réjouissances, ses fêtes, ses nouvelles lunes, ses sabbats et toutes ses solennités." (1)

On notera l'allusion à la fête qui entre en correspondance avec Ex 33. La suite trace néanmoins un chemin d'espérance : 

 "C'est pourquoi, voici que moi je l'attirerai, et la conduirai au désert, et je lui parlerai au coeur ;  et de là je lui donnerai ses vignes, et la vallée d'Achor comme une porte d'espérance ; et elle répondra là comme aux jours de sa jeunesse, et comme au jour où elle monta hors du pays d'Egypte.  En ce jour-là,-oracle de Yahweh, tu m'appelleras : " Mon mari ", et tu ne m'appelleras plus : " Mon Baal ".  J'ôterai de sa bouche les noms des Baals, et ils ne seront plus mentionnés par leur nom.  Je te fiancerai à moi pour toujours ; je te fiancerai à moi! dans la justice et le jugement, dans la grâce et la tendresse ;  je te fiancerai à moi dans la fidélité, et tu connaîtras Yahweh.  Et il arrivera en ce jour je répondrai, - oracle de Yahweh, je répondrai aux cieux, et eux répondront ,"  la terre ; la terre répondra au froment, au vin nouveau et à l'huile, et eux répondront à Jezrahel.  J'ensemencerai pour moi Israël dans le pays, et je ferai miséricorde à Lô-Ruchama ; je dirai à Lô-Ammi : " Tu es mon peuple ! " et il dira : " Mon Dieu ! " (2)

(1) Osée 2:8-13, 16-19
(2) Osée 2:21-25 Traduction Crampon 1923

14 août 2015

Mystique chrétienne

‎J'aime cette définition large de Balthasar :
"Depuis saint Augustin et saint Bernard ont à coutume de décrire cette dimension à l'aide des catégories du volontaire et de l'affectif [ce qui‎ est pour Thomas d'Aquin] (...) le déploiement de l'Esprit vivant de Dieu dans l'esprit de l'homme : les dons du Saint-Esprit, radicalement donnés avec la grâce [qui] mènent le croyant à une expérience toujours plus profonde aussi bien de la présence divine en lui que de la profondeur de la vérité, de la bonté et de la beauté divines dans le mystère de Dieu."

(1) Hans Urs von Balthasar, La Gloire et la croix, Op. Cit. GC1 p. 140  

13 août 2015

Le bon larron

Une méditation de Saint Jean Chrysostome qui vaut le détour :
      Qu'a donc fait le larron, pour recevoir en partage le paradis après la croix ? ... Alors que Pierre reniait le Christ, le larron, du haut de la croix lui rendait témoignage. Je ne dis pas cela pour accabler Pierre ; je le dis pour mettre en évidence la grandeur d'âme du larron... Ce larron, alors que toute une populace se tenait autour de lui, grondant, vociférant, les abreuvant de blasphèmes et de sarcasmes, ne tint pas compte d'eux. Il n'a même pas considéré l'état misérable de la crucifixion qui était en évidence devant lui. Il parcourut tout cela d'un regard plein de foi... Il se tourna vers le Maître des cieux et se remettant à lui, il dit : « Souviens-toi de moi, Seigneur, quand tu iras dans ton Royaume » (Lc 23,42). N'éludons pas avec désinvolture l'exemple du larron, et n'ayons pas honte de le prendre pour maître, lui que notre Seigneur n'a pas rougi d'introduire le premier dans le paradis...       (...) Il ne l'a gratifié d'aucun titre ; il ne lui a montré aucun miracle. Le larron ne l'a pas vu ressusciter un mort, ni chasser des démons ; il n'a pas vu la mer lui obéir. Le Christ ne lui a rien dit du Royaume, ni de la géhenne. Et pourtant il lui a rendu témoignage devant tous, et il a reçu en héritage le Royaume. (1)


Saint Jean Chrysostome, Homélie pour le Vendredi saint « La Croix et le larron » (trad. Année en fêtes, Migne 2000, p. 277, source AELF


12 août 2015

Le rameau de Jessé, étendard des nations

La liturgie des heures nous fait contempler ce matin, ce beau texte d'Isaie qui a lui tout seul est une belle annonce du Christ.  A contempler sans modération.
Isaïe 11:1-2, 10, 16 BCC1923
Un rameau sortira du tronc de Jessé, et de ses racines croîtra un rejeton.  Sur lui reposera l'Esprit de Yahweh, esprit de sagesse et d'intelligence, esprit de conseil et de force, esprit de connaissance et de crainte de Yahweh;  (...) Et il arrivera en ce jour-là : La racine de Jessé, élevée comme un étendard pour les peuples, sera recherchée par les nations, et son séjour sera glorieux.  (...) Et ainsi il y aura une route pour le reste de son peuple, ce qui en subsistera au pays d'Assyrie, comme il y en eut une pour Israël au jour où il monta du pays d'Egypte.
On sait que Jessé était le père de David.  On y voit ausi une allusion au serpent de bronze évoqué depuis Nb 11 par le Christ (cf. Jn 3, 13)...
Notre prière ira jusqu'en Syrie...

11 août 2015

L'amour d'aimer - Saint Bernard

Je découvre et vous laisse contempler ce sermon de Saint Bernard :
" L'amour se suffit à lui-même, il plaît par lui-même et pour lui-même. Il est à lui-même son mérite, il est à lui-même sa récompense. L'amour ne cherche hors de lui-même ni sa raison d'être ni son fruit : son fruit, c'est l'amour même. J'aime parce que j'aime. J'aime pour aimer. Quelle grande chose que l'amour, si du moins il remonte à son principe, s'il retourne à son origine, s'il reflue vers sa source pour y puiser un continuel jaillissement ! De tous les mouvements de l'âme, de ses sentiments et de ses affections, l'amour est le seul qui permette à la créature de répondre à son Créateur, sinon d'égal à égal, du moins dans une réciprocité de ressemblance. Car, lorsque Dieu aime, il ne veut rien d'autre que d'être aimé. Il n'aime que pour qu'on l'aime, sachant que ceux qui l'aimeront trouveront dans cet amour même la plénitude de la joie. L'amour de l'Époux, ou plutôt l'amour qu'est l'Époux, n'attend qu'un amour réciproque et la fidélité. Qu'il soit donc permis à celle qu'il chérit de l'aimer en retour. Comment l'épouse pourrait-elle ne pas aimer, elle qui est l'épouse de l'Amour ? Comment l'Amour ne serait-il pas aimé ?"(1)
On le verrait bien aussi en commentaire de 1 Cor 13 ou d'Éphésiens 5.

( 1) Sermon de saint Bernard sur le cantique des Cantiques,  source Bréviaire,  AELF

03 août 2015

Effacement et Kénose

La quête de Paul, son humilité,  son imitation de la kénose du Christ n'est pas un chemin de dénigrement personnel.  Ce n'est pas non plus le plan de Dieu de nous réduire à néant.  La kénose à laquelle nous invite le Christ est plutôt cette danse d'un ami vers un ami (cf. Jn 15, 15), de celui qui en s'effacant laisse place à celui qui est plus immense, celui qui comble et qui rassasie, non pas en cette vie mais en notre éternel quiétude à venir.
"Celui qui aime sa propre vie (Jn 12,25) ne peut pas aimer Dieu, mais celui qui, à cause des richesses débordantes de l'amour divin, ne s'attache pas à lui-même, celui-là aime Dieu. Un tel homme ne cherche jamais sa propre gloire mais celle de Dieu, car celui qui aime sa propre vie cherche sa propre gloire. Celui qui s'attache à Dieu aime la gloire de son créateur. En effet, c'est le propre d'une âme sensible à l'amour de Dieu que de chercher constamment la gloire de Dieu chaque fois qu'elle accomplit les commandements, et de se réjouir de son propre abaissement. Car la gloire convient à Dieu en raison de sa grandeur, et l'abaissement convient à l'homme, car il fait de lui le familier de Dieu. Si nous agissons ainsi, nous serons joyeux à l'exemple de saint Jean Baptiste et nous commencerons à répéter sans relâche : « Lui, il faut qu'il grandisse, et moi, que je diminue » (Jn 3,30) (1). 


(1) Diadoque de Photicé, La Perfection spirituelle, 12 (trad. Solesmes, Lectionnaire II, p.149 rev.) source Bréviaire, AELF

02 août 2015

Ma crainte...

2000 ans plus tard, pouvons nous affirmer que nous sommes à la hauteur des espérances de Paul ?  : "Ma crainte, c'est qu'à mon arrivée je ne vous trouve pas tels que je voudrais, (....) Je crains de trouver parmi vous des querelles, des rivalités, des animosités, des contestations, des médisances, des faux rapports, de l'enflure, des troubles".
La liste est longue.  Elle reste à méditer,  non pour trouver les failles des autres, mais comme un examen personnel.
Ne déchirons pas l'unique tunique du Christ. 

(1) 2 Corinthiens 12:16, 20 

01 août 2015

Éloge de la simplicité

Souvent nous nous perdons dans des calculs et des marchandages, oubliant que le chemin du Christ est dans la simplicité. Écoutons Paul : "Je crains bien que, comme Ève fut séduite par l'astuce du serpent, ainsi vos pensées ne se corrompent et ne perdent leur simplicité à l'égard du Christ " ( 2 Corinthiens 11, 3). Si l'Apôtre s'abaisse pour nous élever, c'est pour annoncer gratuitement l'Évangile de Dieu ? (Ibid. V. 7). Il se distingue des " faux apôtres, des ouvriers astucieux, qui se déguisent en apôtres du Christ. (...) Ne vous en étonnez pas; car Satan lui-même se déguise en ange de lumière."  (11, 13) De quelle race sommes nous ?

30 juillet 2015

Les 6 questions

Quand on a réussi à passer le stade des trois tentations de l'homme : "combien j'ai ?",  "qu'est ce que je vaux ?", "quel est mon pouvoir ?" (1), reste trois autres questions qui peuvent aider à orienter sa vie : "à quoi je sers ?", "pourquoi je souffre ?", "qu'est ce que je donne ?"
Les trois premières sont des impasses parce qu'elles sont auto-centrées.  Les trois secondes tournent vers autrui et conduisent à l'amour...

Or "Dieu est amour : qui demeure dans l'amour demeure en Dieu, et Dieu demeure en lui." (1 Jean 4,  16)

(1) cf. mes développements dans "le chemin du désert"

29 juillet 2015

Donner sans mesure

Combien de fois agissons nous par calculs? Nos actes sont conduits par les bénéfices que nous attendons. Saint Augustin a raison de distinguer 3 strates d'amour :

  • l'aimer être aimé qui nous pousse à acheter l'amour d'autrui par nos dons, 
  • l'aimer aimer où nous prenons plaisir à donner en ce que cela nous valorise, satisfait notre ego (1) 
  • et l' amour véritable qui consiste à aimer "sans intérêt" (1 Cor 13). 
L'amour de Dieu est d'un autre ordre :
 "Avec largesse, il a donné aux pauvres; sa justice subsiste à jamais. " Celui qui fournit la semence au semeur et du pain pour sa nourriture, vous fournira la semence à vous aussi, et la multipliera, et il fera croître les fruits de votre justice." (2)
Entrer dans le don de Dieu,  c'est aller au delà. 

(1) cf. notre analyse de Mat 4, in Le chemin du désert.
(2) 2 Corinthiens 9:9-10 

28 juillet 2015

La vraie miséricorde

A l'heure des migrants, des malnutris, des chômeurs et des nouveaux martyrs,  il est bon d'entendre saint Césaire d'Arles nous rappeller à sa façon,  ce que le Christ nous dit sur la double mesure que nous utilisons : "Comment définir la miséricorde humaine ? C'est que tu prennes garde aux misères des pauvres. Comment définir la miséricorde divine ? Sans aucun doute, c'est qu'elle accorde le pardon des péchés. Tout ce que la miséricorde humaine dépense dans le voyage, la miséricorde divine le rend dans la patrie. Car c'est Dieu qui, en ce monde, souffre du froid et de la faim en tous les pauvres, comme il l'a dit lui-même : Chaque fois que vous l'avez fait à l'un de ces petits, c'est à moi que vous l'avez fait. Dieu qui, du haut du ciel, veut donner, sur la terre veut recevoir. 

Quelle sorte de gens sommes-nous donc, nous qui voulons recevoir lorsque Dieu donne ; et lorsqu'il demande, nous ne voulons pas donner ? Quand le pauvre a faim, c'est le Christ qui est dans l'indigence, comme il le dit lui-même :J'avais faim, et vous ne m'avez pas donné à manger. Ne méprise donc pas la misère des pauvres, si tu veux espérer avec confiance le pardon de tes péchés. Le Christ a faim maintenant, mes frères, lui-même a voulu avoir faim et soif dans la personne de tous les pauvres; et ce qu'il reçoit sur la terre, il le rend dans le ciel.

Je vous le demande, mes frères, que voulez-vous, que cherchez-vous quand vous venez à l'église ? Quoi donc, sinon la miséricorde ? Donnez celle de la terre, et vous recevrez celle du ciel. Le pauvre te demande, et tu demandes à Dieu: il demande une bouchée de pain, et toi, la vie éternelle. Donne au mendiant pour mériter que le Christ te donne ; écoute-le qui dit : Donnez, et il vous sera donné. Je ne sais de quel front tu veux recevoir ce que tu ne veux pas donner. Et c'est pourquoi, lorsque vous venez à l'église, faites l'aumône aux pauvres, selon vos ressources." (1)

(1) Homélie de saint Césaire d'Arles sur la miséricorde. 

27 juillet 2015

Tradition et critiques

‎Peut être devrais-je entendre ce que je lis dans le journal de l'âme : " la critique est lumière, elle est vérité, et la vérité est sainte et il n'y en a qu'une. Toutefois je m'efforcerai toujours d'apporter dans ces discussions, où trop souvent les enthousiasmes inconsidérés et les apparences trompeuses prennent le dessus, une grande modération, une harmonie, un équilibre, une sérénité de jugement qui n'iront pas sans une largeur de vues prudente et circonspects. Sur les points douteux  je préférerai me taire plutôt que de hasarder des propositions mêmes géniales, qui s'écarterai du juste sentiment de l'Église". (1)

Je suppose que l'on touche là à l'apprentissage de l'obéissance pour celui qui se préparait alors à l'ordination diaconale. Mais au delà de cela on sent déjà la mesure, critiquée mais salutaire de celui qui fera néanmoins grandir l'Eglise.

(1) Jean XXIII 1903, op. Cit p. 259




Accent rahnérien

En citant Paul et cette "lumière de Dieu qui brille en nos coeurs" (2 Cor 4, 6), Hans Urs von Balthasar nous précise que la foi chrétienne est "le témoignage de Dieu en nous qui ne peut ‎être comprise que comme réponse à cette auto-attestation interne, intime de Dieu s'ouvrant et se donnant dans ses mystères intimes" (1)

En dépit des différences qui séparent les deux théologiens on ne peut pas dire que cet extrait ne rejoint pas l'intuition de Rahner.


Mais ce serait faire trop crédit au théologien allemand puisque Urs von Balthasar montre que l'on trouve cette notion déjà chez Augustin, Bernard et Thomas d'Aquin. Elle trouve pour lui sa source dans la philosophie de l'antiquité tardive chez Philon, Plotin et Denys (p. 134). Albert le Grand parlait déjà d'une certitude secundum pietatem qui nous ouvre les yeux à la volonté première. Thomas et Eckhart parle ainsi de l'introduction "par grâce de la créature dans l'acte de génération et de naissance trinitaire (...) et de prépondérance entitative de Dieu dans le cœur et l'esprit de l'homme. (...) Ce n'est pas nous qui exigeons la grâce en fonction de notre dynamisme, c'est elle qui nous appelle et nous désapproprie". (2)

Nous retrouvons à la foi ici une idée qui s'approche de ce que nous voulons signifier par la danse trinitaire, mais aussi nos commentaires sur le décentrement et l'effacement (cf. tags). Plus haut Balthasar citait d'ailleurs Jaspers et sa "foi philosophique", cet acte qui ne gagne tout qu'en abandonnant tout. (ibid p. 134)

(1) Hans Urs von Balthasar ,La Gloire et la Croix, GC1 op. Cit p. 131-132
(2) ibid. p. 136


26 juillet 2015

Le sentiment de solitude - 1

Qui peut saisir l'âme humaine,  descendre dans ses profondeurs, traverser ses contradictions,  dépasser les impasses qu'elle prend parfois et découvrir,  in fine, la petite flamme qui brûle. Il faudrait avoir la perspicacité et la clairvoyance d'un Dieu. Dans nos rencontres, nous n'égratignons souvent que la surface de l'humain,  nous ne sentons pas les bouillonnements intérieurs,  les questionnements,  les frustrations, mais aussi les joies profondes de l'homme. Nos paroles atteignent rarement l'intériorité de l'autre,  car pour y accéder,  il faudrait oser se mettre à nu, s'exposer,  faire état de nos faiblesses et de nos fragilités.
Il est loin le temps de la nudité originelle qu'évoquait Gn 2 : "ils étaient nus et ils n'en avaient pas honte". Et pourtant, comme l'affirme certains commentaires,  ne doit on pas en avoir une lecture eschatologique, y voir une direction.  N'est ce pas aussi le chemin de la kénose ? 

25 juillet 2015

Le travail de Dieu en nous

"Ce n'est pas toi qui portes la racine, mais (...) c'est la racine qui te porte" Rom 11, 18

Il nous faut prendre une fois encore le temps de contempler le travail de Dieu en nous. Nos oeuvres ne sont rien sans la dynamique trinitaire qui nous habite, nous fait grandir et fait jaillir de nous des signes qui dépassent toute nos finitudes.

Je rejoins ici ce qu'écrivait Balthasar "dans la figure lumineuse du beau, l'être de l'étant devient visible [en langage courant on pourrait traduire : le divin apparaît derrière l'homme] (...) [conduisant au] renoncement (à maîtriser et à abuser) pour pouvoir être saisi de joie (...) base et première lueur de (...) la révélation et de la grâce. (1)

L'allusion au saisissement nous ramenant à ce que nous avions souligné dans Phil 4.

(1) Hans Urs von Balthasar,  la Gloire et la Croix,  GC1, op. Cit p. 128

Sagesse

Les livres ne sont rien, si notre coeur se ferme à la Parole. "Que votre foi repose, non sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu".  (1)

Bon été...

(1) Corinthiens 2:5 BCC1923

24 juillet 2015

Le visage du Christ

A l'aune de mes contemplations du visage depuis Ex 33/34, je note une pépite chez Ambroise, dans la liturgie de cette semaine : 

"Pourquoi détournes-tu ton visage ? C'est-à-dire : Bien que tu détournes de nous ton visage, cependant, la lumière de ton visage, Seigneur, est imprimée en nous. Nous le gardons en nous et il resplendit dans notre cœur, car personne ne pourrait survivre si tu détournais ton visage".‎ (1)

(1) Saint Ambroise, commentaire du Psaume 43

Figure du Christ

Au delà de ce que j'ai écrit à propos de la dynamique sacramentelle,  on peut écouter en écho ce que nous révèle Balthasar,  en ce qu'il dit de la "figure placée devant le regard de l'homme (...) quoi qu'il en soit du caractère caché (...) déguisé (Luther), incognito (Kierkegaard), (...) nous sommes ici devant une figure authentique,  déchiffrable, (...) plus et autre chose qu'un simple signe (...) Fils de Dieu."
Plus que la fleur(2) qui n'est vue telle que si elle est aperçue comme manifestation d'une profondeur divine, "la figure de Jésus n'est vue telle qu'elle se donne elle même,  que si elle est appréhendée et reçue comme la manifestation d'une profondeur divine, dépassant toute nature du monde (3)".

(1)  Hans Urs von Balthasar,  La Gloire et la Croix,  GC1, p. 128-9 
(2) on retrouve chez lui cette comparaison dans son commentaire de Bonaventure ( cf. GC2, Styles, 1) et notamment sur les 6 niveaux de ressemblances qu'il note entre la trace, l'image et la ressemblance de Dieu.
(3) GC1, ibid.

23 juillet 2015

Bonté - Angelo Roncali

‎Je poursuis la lecture du journal de Jean XXIII,  qu'il faut parfois contextualiser mais qui révèle des pépites.  Nommé évêque en 1923, il est en Bulgarie quand il écrit cela : "toujours chercher, dans "mes rapports avec autrui (...) de la dignité, de la simplicité, de la bonté. Une bonté sereine et lumineuse. Et puis une manifestation constante de l'amour pour la Croix : amour qui de plus en plus me détachera des choses de la terre, me rendra patient, imperturbable, oublieux de moi-même, toujours joyeux dans les effusions de la charité (...)(1) "qui enfante les uns et se fait faible avec les autres (...) qui se penche sur les uns et se dresse contre les autres ; qui est caressante pour les uns et sévère pour les autres ; qui n'est une ennemie pour personne et qui est une mère ‎pour tout le monde.(2)

(1) Journal de l'âme, op. Cit 1928 p. 345
(2) Saint Augustin, De catechizandis rudibus, XV‎, 23 ; PL, 40, 328

16 juillet 2015

Laudato si - dynamisme trinitaire

‎La lecture de l'encyclique nous introduit dans la contemplation du mystère de notre maison commune. Le texte mérite bien sur d'être analysé et discuter en paroisse (cf post plus haut). Je note, en attendant le numéro 240 qui fait écho à mon dernier livre : il y parle du "dynamisme trinitaire que Dieu a imprimé [en chaque personne humaine] depuis sa création". Le pape François nous invite dans ce cadre à "mûrir une spiritualité de la solidarité globale qui jaillit du mystère de la Trinité"

15 juillet 2015

Ora et labora

"Il n'y a rien de plus conforme à l'Évangile que d'amasser, d'un côté, des lumières et des forces pour son âme dans l'oraison, dans la lecture et dans la solitude, et d'aller ensuite faire part aux hommes de cette nourriture spirituelle. C'est faire comme notre Seigneur a fait, et, après lui, ses apôtres ; c'est joindre l'office de Marthe à celui de Marie ; c'est imiter la colombe, qui digère à moitié la pâture qu'elle a prise et puis met le reste par son bec dans celui de ses petits pour les nourrir. Voilà comme nous devons faire, voilà comme nous devons témoigner à Dieu par nos œuvres comme nous l'aimons. Toute notre tâche consiste à passer aux actes."

Saint Vincent de Paul, Entretiens spirituels aux Missionnaires, fragment 171 (Seuil 1960 p. 908 et Orval).

14 juillet 2015

Vie et lectures

‎"Au jour du jugement, on ne nous demandera pas ce que nous aurons la, mais ce que nous aurons fait; ni avec quelle éloquence nous aurons parlé, mais quelle aura été notre vie religieuse" (1)

A mettre en écho avec la vie de Pascal qui après avoir si bien écrit s'est retiré pour exercer la charité.

(1) Jean XXIII op. Cit p. 199‎ 

13 juillet 2015

Manque de courage

"Je ne suis pas du tout le personnage que je m'imagine (...) quand l'amour propre se tait une seconde et que pensant à mon devoir de me donner ‎tout entier à Dieu (...) je me sens hésiter et manquer de courage" (1)

Je pourrais écrire ça...

(1) Jean XXIII, le journal de l'âme, op Cit. p‎. 180

12 juillet 2015

La figure du Christ

‎Dans nos messages précédents sur le surgissement de la foi, nous évoquions la notion de figure. 
Il n'est pas étonnant que Balthasar en vienne lui aussi à la figure du Christ. L'auteur de "retour au centre" parle ici du "surgissement d'une profondeur personnelle (trinitaire) et divine (...) dépassant toute nature du monde." "L'homme qui regarde", je dirais contemple, cela est rendu capable "par la grâce de participer à cette même profondeur."

La beauté devient "la liberté qui apparaît" souligne Balthasar citant Schiller, celle, ajoute-t-il "de Dieu qui n'est contraint par rien", mais surtout "de celui qui se révèle et qui se donne" (1)

On conçoit que le beau évoqué ici ne soit plus une esthétique humaine. La contemplation de la Croix sort des canons grecs. La beauté qui transpire n'est plus esthétique mais philosophique, théologique. Elle fait apparaître autre chose : le don. Celui qui se donne et s'efface pourrait-on dire en suivant les mots de Jean-Luc Marion (2)

(1) GC1 p. 129
(2) cf. notamment Étant donné

11 juillet 2015

Une foi inexplicable 2

Si l'on poursuit le cheminement de Balthasar, il y a cependant, à partir du vide (1) (Masure, mais aussi à mon avis J.Moingt) un chemin possible, une succession d'épiphanies et de signes qui laissent transparaître la "rectitude lumineuse" (2) d'une tendance, ce que j'appellerai à la suite de Lévinas le bruit d'un fin silence, qui au coeur de l'homme trace un chemin vers l'ouvert. Balthasar parle ici du "beau". Mais est-ce forcément le beau, je préfère quand il parle de Figure, à moins de qualifier de "Beau" ce qui n'est pas forcèment esthétique aux yeux des hommes mais "sublime", "surnaturel" voire "kénotique", c'est-à-dire ce qui dépasse l'humainement accessible au sens de Mat 19, ce qui dévoile sans imposer l'agapè véritable. Suis-je clair ? Probablement plus en parlant de la Croix, dont la beauté n'est pas esthétique mais surnaturelle, en ce qu'elle dévoile le jusqu'au bout de Dieu.

(1) Il cite Blondel et Masure à propos de la "place vide" p. 125
(2) GC1 op. Cit. p. 127

10 juillet 2015

Une foi inexplicable

"Si la foi chrétienne est l'attitude suprême de l'homme engendrée et déterminée par l'objet de la révélation, cette attitude est tout aussi inexplicable par la raison humaine que le mystère de Dieu dans le Christ" (1)

Je retiens surtout de cette phrase le côté inexplicable de la foi. La foi est don de Dieu nous dit le catéchisme, mais son actualisation en tout homme est aussi le mystère d'une rencontre personnelle face à laquelle les laboureurs que nous sommes nous sentons bien petits. Contempler, à genoux, le travail intérieur de Dieu en l'homme, c'est contempler le mystère même de la kénose, de cet agenouilement de Dieu devant l'homme dans un je t'aime qui respecte son libre arbitre, sa liberté intrinsèque et pourtant ne cesse, par bien des manières de courir à sa rencontre. Nous ne pouvons forcer la foi, tout au plus pouvons nous écarter quelques branches, travailler la terre, préparer la venue du semeur...

(1) Hans Urs von Balthasar, GC1, op. Cit. p. 119


09 juillet 2015

Foi et raison 2

On retrouve l'idée de circumincession chez Clément d'Alexandrie, avec cette interaction entre foi et raison qui prend une dimension trinitaire. "Pas de gnose sans la foi, comme pas de foi sans la gnose, car le Père lui aussi n'est pas sans le Fils" (1)

S'il rejette une gnose hérétique qui fait ignore le Fils ou "la paresse des simples croyants qui croient pouvoir se contenter du kérygme filial, l'enjeu est de trouver le Père par et dans le Fils.

Clément poursuit en précisant : "Le Christ s'adresse aux hommes : "Je vous donne le Logos, c'est-à-dire la connaissance de Dieu, je me donne moi même parfaitement. C'est ce que je suis, c'est ce que Dieu veut, c'est une symphonie, c'est l'harmonie du Père, c'est le Fils... O vous qui êtes tous des images, mais pas toutes ressemblantes, je veux vous ramener à l'archétype, afin que vous me soyez aussi semblables. Je vous oindrai de l'onguent de la foi" (2)

Deux idées s'entrecroisent ici, celle de l'image et de la ressemblance, que l'on retrouve chez Augustin et surtout Bonaventure, avec cette idée de progressivité, de dynamique. L'enjeu, et c'est la deuxième image, est de rejoindre cette symphonie entre le Père et le Fils, ce que j'appelle : "entrer dans la danse de Dieu".

(1) Strom. V, 1,3 ; 1, 326,8 sq.
(2) Protr. 120, 3-5 cité in GC1 p. 115




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08 juillet 2015

Foi et raison

Il est intéressant de noter que Balthasar parle de circumincession entre foi et raison. Je ne connaissais le terme que dans le long developpement d'Emmanuel Durand sur la trinité (terme que j'ai traduit par danse). Ici Balthasar développe son idée à propos de la foi du simple, qui dit-il, "ne peut être qu'une foi d'autorité (qui est tout d'abord obéissance à la prédication éclésiale)". Il la distingue "du chrétien qui s'efforce énergiquement de s'approprier intérieurement ce qu'il croit" (1)

C'est dans ce passage que la circumincession prend, à mon avis de l'intérêt, en ce que le rapport entre foi et compréhension n'est pas à sens unique. La foi du charbonnier ne peut être regardée avec dédain. Elle est une des portes d'entrée à Dieu. Ce que l'on note, de plus en plus dans nos églises, c'est que nous quittons de plus en plus des fois "sociales", subies. Le besoin de comprendre, quand il est suscité, interagit avec la foi, la stimule, provoque de nouvelles interrogations, purifie l'acte de croire. Elle peut conduire au doute, mais ce dernier est aussi le chemin d'un plus grand questionnement, d'une quête de l'essentiel.

On rejoint ce que je notais chez Moingt, à propos de "l'Evangile sauvera l'Eglise". La lecture de l'Evangile est une danse qui interpelle à la fois foi et raison...

(1) GC1 op. Cit. p. 113 et 114


Humilité et effacement - Angelo Roncali

‎L attachement de Jean XXIII à son journal de l'âme qu'il aimait relire est d'autant plus touchant qu'on y lit des phrases pleine d'une quête authentique : "Je serai d'autant plus réellement grand et digne de réputation devant Dieu et devant les hommes, et mon ministère sera d'autant plus fructueux, que j'aimerai davantage l'effacement."

Angelo Roncali, Jean XXIII, le journal de l'âme, op. Cit p. 241 (avril 1903)


07 juillet 2015

Figure et ravissement

L'introduction de Balthasar (1) se termine par une saine articulation de deux concepts centraux : la figure et l'éclat. A travers Denys l'Aéropagite, il nous conduit dans l'articulation de l'éros divin, qui est pour lui extatique. L'amour de Dieu y est décrit comme tout tendu vers l'homme, sa figure et son éclat conduisant au ravissement et entraînant l'homme dans sa danse : "En Dieu, le désir amoureux est extatique(1)" (...) Double extase, précise-t-il, "de Dieu vers l'homme et de l'homme vers Dieu (...) Admirabile commercium et connubium entre Dieu et l'homme in Christo, tête et corps" (2)

Paul, illustre cela : il ne vit plus, c'est le Christ qui vit en lui, ce qui est bien, ajoute Balthasar avec l'aéropagite, le fait "d'un homme que le désir a fait, comme il dit sortir de soi pour pénétrer en Dieu et qui ne vit plus de sa vie propre, mais de la vie de Celui qui aime (3)".
C'est ce que j'appelle, avec mes mots, la danse de l'homme en Dieu (4)

(1) GC1, op. Cit p. 98ss
(2) ibid. P. 104
(3) Pseudo Denys, De Div nom., 4, 13. Trad. M. de Gandillac, Paris, 1943, p. 107s, cité par Balthasar, La Gloire et la Croix, tome 1, op. Cit p. 101
(4) la danse trinitaire.


06 juillet 2015

Dynamique chez Scheeben

Retour chez Balthasar où je reprends ma lecture de La gloire et la Croix tome 1.
Il y résume(1) le travail de Scheeben et notamment sa dogmatique.
Je tombe sur une phrase qui fait écho à mon dernier livre sur la dynamique sacramentelle.
La grâce chez Scheeben serait ce que saint Thomas et saint Augustin désigne sous le nom de pondus : "une influence dynamique et énergétique ou drastique et élastique" (2)‎ qui meut "la volonté comme une énergie fécondante, immanente à son fond le plus intime, comme sa forma, virtutis volontatis émanant de l'intérieur(3)"

J'aime cette image qui épouse ce que je décris de la dynamique sacramentelle, cette puissance intérieure qui, si on la laisse agir en nous, devient fleuve de vie, force vivifiante, nourriture, sang du Christ actif et irradiant.

Balthasar va dans ce sens en évoquant une "influence éthico-génétique‎ qui renvoie à l'analogie de la génération et invite à comprendre dès l'abord les affections inspirées ou plutôt toute la disposition intérieure du libre arbitre d'après l'analogie de la semence fécondante ou de l'étincelle qui met le feu" (4)

La grâce est donc cette étincelle qui met le feu à nos vies, la féconde de l'intérieur, irradie ses rayons jusqu'à ce que Benoît XVI appelle la fission nucléaire du coeur.

Pour Scheeben, se tourner et accueillir la grâce, c'est être "touché et stimulé de l'intérieur  (...) dans une attitude féminine et prête à concevoir..." (5)

(1) Hans Urs von Balthasar, la Gloire et la Croix, Apparition, tome 1, Cerf DDB 1965, 1990, p. 93
‎Que nous citerons plus loin sous le signe GC1.
(2) Scheeben, Dogmatique III, trad. P. Belet, Paris, 1877-1882, ¤ 288, n. 135
(3) ibid, n. 139
(4) GC1 p. 93
(5) Scheeben n. 155

05 juillet 2015

Lavement des pieds - Angelo Roncali

‎Voilà ce que le séminariste de 20 ans, futur pape Jean XXIII, écrivait en décembre 1902 plus de 50 ans avant d'initier le Concile Vatican II : "Jésus se penche pour laver les pieds des douze malheureux pêcheurs... Voilà la véritable démocratie, dont nous devons, nous ecclésiastiques, présenter au peuple l'image éloquente" (1)


Sans commentaires

‎(1) Angelo Roncali - Jean XXIII , journal de l'âme, Paris, Cerf, 1964, p. 181


04 juillet 2015

Serviteur des serviteurs de Dieu

‎Intéressant de noter en 1899 dans le journal de Jean XXIII (1) que sa première mention du Pape fasse allusion au "Serviteur des serviteurs de Dieu" (2)

(1) op. cit. p. 140
(2) L'expression serait de saint Grégoire le grand in Lettre XIII, 1; PL 77, 1254


03 juillet 2015

La valeur de l'âme

‎"L'âme de l'homme a une valeur infinie, puisqu'elle coûte le sang d'un Dieu"


Pépite à contempler

(1) Jean XXIII op. Cit. p. 141 




02 juillet 2015

Désir de paraître

"Vous connaissez mes défauts, mon désir de paraître, mon besoin d'être caché, de m"abaisser (...) et malgré tous mes défauts, mon désir d'aimer" nous dit Jean XXIII avant de citer 1 Cor 4, 7 " qu'as tu que tu n'aies reçu ? Et si tu l'as reçu, pourquoi t'en glorifier" (1)

‎Jean XXIII ajoute (2) :"Donne moi de te connaître comme le demandait saint Augustin : "que je te connaisse pour me connaître, et que je t'aime pour me mépriser" (3)

A méditer.


(1) Journal de l'âme, op. Cit p. 138 et 139

(2) Jean XXIII ibid. p. 141
(3) saint Augustin, Soliloques, II, I, 1 ; PL 32, 885

01 juillet 2015

Le troupeau de porcs

En première lecture on ne se sent pas concerné par l'évangile d'aujourd'hui (Mat 8, 28-34) ou l'évangéliste nous raconte que Jésus chasse d'un seul homme un troupeau entier de porcs.  Et pourtant,  le prisme d'une lecture spirituelle nous fait voir toutes ces distractions qui, en nous habitant, viennent embrumer notre âme,  loin du "tout est rien" de Thérèse (cf. plus haut)

Ce qui nous convient...

Apprends nous à prier,  demandent les apôtres.  Une question compliquée tant notre âme est prise par des distractions multiples où s'attache à des détails "humains". La prière peut devenir routine, sécheresse,  désespoir,  doute. Dans son journal (1), Jean XXIII note combien ses bonnes résolutions sont presque toujours lieu d'échec et pourtant il s'accroche, persévére.

A la question des apôtres,  Jésus a répondu par le Notre Père.  On peut le prononcer des lèvres.  Autre chose est de le dire avec le coeur. 

"Quelle est la personne, pour étourdie qu'elle soit, qui, lorsqu'elle sollicite un personnage important, ne réfléchit d'avance à la façon de présenter sa requête, de manière à lui être agréable et à ne pas l'importuner, se rappelant l'objet de sa requête, les raisons qui la motivent, en particulier si elle demande quelque chose d'aussi important que celle que notre bon Jésus nous apprend à demander ? Cela me semble digne d'être considéré. Ne pourrais-tu, Seigneur, tout inclure en un seul mot, et dire : « Donne-nous, Père, ce qui nous convient ? » car rien de plus n'eût été, semble-t-il, nécessaire pour celui qui comprend tout.

O Sagesse éternelle ! Cela pouvait suffire entre toi et ton Père, c'est ainsi que tu l'as sollicité au Jardin des Oliviers : tu as exprimé ton amour et ta crainte, en te remettant à sa volonté ; mais nous ne sommes pas, Seigneur, tu le sais, aussi soumis que toi à la volonté de ton Père ; il fallait que nous sollicitions des choses remarquables pour prendre soin d'examiner si ce que nous demandions nous convient, et sinon, ne point le demander. Car nous sommes ainsi faits que si on ne nous donne pas ce que nous voulons, nous usons de notre libre arbitre pour refuser ce que nous offre le Seigneur; même lorsqu'il nous offre ce qu'il y a de meilleur, si ce n'est pas argent comptant, nous craignons de ne jamais nous enrichir. 

Or le bon Jésus nous demande de dire ces mots, qui sollicitent la venue en nous du Royaume : Que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne. Voyez ici, mes filles, la grande sagesse de notre Maître. Je considère que le moment est venu de comprendre que nous demandons ce royaume. Mais comme sa Majesté a vu que nous ne pouvions ni sanctifier, ni louer, ni exalter, ni glorifier ce saint nom du Père Éternel puisque notre petitesse nous empêche de le faire comme il se doit, sauf si sa Majesté y pourvoyait en nous donnant son royaume ici-bas, le bon Jésus a mis ces deux demandes côte à côte. Je veux vous dire ici ma pensée : pour que nous comprenions, mes filles, ce que nous demandons, il est important d'insister et de faire tout notre possible pour contenter celui qui peut nous l'accorder. Si mes considérations ne vous satisfont point, réfléchissez de votre côté, notre Maître nous le permet à condition de nous soumettre en tout aux enseignements de l'Église, comme je le fais ici. 

Il me semble donc que l'excellence du royaume du ciel, c'est, entre autres, de ne plus faire cas des choses de la terre, c'est le calme et la gloire en nous-même, la joie de la joie de tous, une paix perpétuelle, une grande satisfaction intérieure de voir que tout le monde sanctifie et loue le Seigneur, et bénit son nom, sans que nul ne l'offense. Tout le monde l'aime, et l'âme elle-même ne sait que l'aimer, elle ne peut cesser de l'aimer, puisqu'elle le connaît. C'est ainsi que nous l'aimerions ici-bas, quoique moins parfaitement, et moins spontanément; mais nous l'aimerions autrement que nous ne l'aimons, si nous le connaissions." (2)
(1) Journal de l'âme,  op. Cit. p. 100ss

(2) Sainte Thérèse d'Avila,  le chemin de la perfection,  source AELF

Dieu n'a pas fait la mort

En écho à Laudato si,  on peut méditer sur le plan de Dieu sur la création, tel que nous le relève ce beau texte de la Sagesse, lu dimanche :
"Dieu n'a pas fait la mort, il ne se réjouit pas de voir mourir les êtres vivants.
Il les a tous créés pour qu'ils subsistent ; ce qui naît dans le monde est porteur de vie : on n'y trouve pas de poison qui fasse mourir. La puissance de la Mort ne règne pas sur la terre,
car la justice est immortelle.
Or, Dieu a créé l'homme pour l'incorruptibilité, il a fait de lui une image de sa propre identité.
C'est par la jalousie du diable que la mort est entrée dans le monde ; ils en font l'expérience, ceux qui prennent parti pour lui. " (1) Livre de la Sagesse 1,13-15.2,23-24. 

Sans autre commentaire.