16 octobre 2017

Prosélytisme ou gratuité

Il existe une tension non résolue par Vatican II entre l'importance de la mission et le respect fondamental de l'altérité d'autrui (1). Avant d'abandonner l'adage de Cyprien (hors de l'Église point de salut), il nous faut entendre cette tension, contempler la gratuité des gestes du Christ et comprendre que la foi qu'il évoque n'est pas nécessairement un embrigadement religieux. « Ta foi t'a sauvé » n'est pas la constatation d'une obédience mais la réalité d'une foi intérieure.
Si notre agir quitte le don pour entrer dans une stratégie de conquête nous oublions que la foi est don.
Il s’agit d’une grâce speciale du Christ, comme le rappelle Christoph Théobald citant LG14, 2

(1) cf. Christoph Théobald, Urgences Pastorales, Paris, Bayard, 2017, p. 145ss

15 octobre 2017

Une vision polyèdrique du monde

A la différence de la sphère écrasante et nivellante, l'image apportée par François est une contemplation de l'immensité des richesses humaines. Peu importe en effet que l'humain soit de sexe masculin ou féminin, blanc ou noir, chrétien ou musulman, en lui bat un coeur de chair, dont les cellules uniques vibrent sous le vent d'un esprit invisible. Contempler cela c'est voir l'inouï du doigt de Dieu.

Voir sur le polyèdre :

  •  C. Theobald, ibid. p.121
  • Pape François, Cette Eglise que j'espère, Entretien avec le P. Spadaro, p. 27 : 'Un polyèdre, "où tous se complètent, mais où chacun garde sa spécificité qui chacun enrichit les autres" 
  • Pape François : "De toute manière, je dois dire que le parcours synodal a été d’une grande beauté et a offert beaucoup de lumière. Je remercie pour tous les apports qui m’ont aidé à contempler les problèmes des familles du monde dans toute leur ampleur. L’ensemble des interventions des Pères, que j’ai écouté avec une constante attention, m’a paru un magnifique polyèdre, constitué de nombreuses préoccupations légitimes ainsi que de questions honnêtes et sincères." (AL, §4)

14 octobre 2017

Déconstruction et espérance

En réponse à une question soulevée par Henrik Lindell, sur notre position face à ceux qui ne prêchent que la déconstruction, il me semble que Theobald y répond quand il évoque une tension entre la stratégie de l'accommodement et celle du dépassement. Si je comprends bien sa thèse, dans la première on n'entend pas le cri du monde et des déconstructeurs et l'on rêve dans un repli identitaire que le « reste » soit semence nouvelle. Élie lui-même avait l'illusion de se croire le seul juste. Et il a découvert qu'ils étaient 4.000... (cf. 1 Rois 19).
Dans la deuxième (dépassement) on rejoint l'homme dans sa souffrance et dans son cri et l'on cherche à trouver à ses côtés le chemin du dépassement...

Je pense que l'idée qu'apporte Théobald et qui rejoint le concept de polyèdre du pape François (cf. Evangelii Gaudium 235ss, debeloppé aussi chez Spadaro/François in l'Eglise que j'espère ou chez Christoph Theobald, ibid. p.121) est finalement la reprise d'une thèse de Justin sur les semences de l'Esprit. Chaque homme est porteur d'humanité et il nous appartient, comme le dit le titre provocateur d'un de mes livres de se mettre « à genoux devant l'homme ». Il n'y que la kénose qui est théologale, foi, espérance et charité étant l'unique don de Dieu à l'homme face à un monde qui l'ignore.
« Un missionnaire va là où il n’y a rien encore » (2)

(1) Christoph Théobald, Urgences Pastorales, Paris, Bayard, 2017.
(2)) Godin/Daniel, France pays de mission ?, cité par Christoph Théobald ibid. P. 132

13 octobre 2017

Église et pouvoir

Cela mériterait un livre tant le sujet est historiquement complexe à traiter et source d'autoflagellation constructive. Dès les premiers pas avec Jésus les tentations des fils de Zébèdée (Mc 10, 35) sont nous alertent sur cette faille de l'homme.
Mais j'ai décidé qu'après la publication d'une centaine d'ouvrages je me devais de faire une pause...
Je me réjouis néanmoins de voir Christoph Théobald y faire mention à sa manière : "les prétentions souvent inconscientes de l'Église de posséder les espaces de pouvoir" (1)
Personne n'y échappe et même mes livres peuvent être qualifiés de prétention involontaire de reprendre le pouvoir. Cela étant posé, l'important n'est pas de culpabiliser mais de surmonter cette tentation d'être au centre, alors que notre vie doit être décentrement. La diaconie est l'enjeu !

(1) Christoph Théobald, Urgences Pastorales, Paris, Bayard, 2017, p. 121

12 octobre 2017

Église et ruralité

Refonder notre maison commune passe par "une reformulation de la mission spécifique des Églises dans nos espaces ruraux" (1) où la pauvreté et le désert pastoral est plus criant que dans les zones urbaines et la pauvreté plus évidente. Pourtant l'enjeu n'est pas cantonné au rural. La crise est partout et l'urgence pastorale large. "L'enjeu commun est en effet de changer nos représentations, d'entendre et d'honorer ce que ces églises peuvent apporter de spécifique à l'ensemble du corps ecclésial du pays" (ibid).
Nous avons à creuser sans cesse ces pistes.

Comme je viens de l'écrire dans un échange avec Henrik Lindell, "Il y a un problème qui touche à la sociabilité de nos rencontres. J'ai lu que dans mon village de l'Eure, il y avait jusqu'à 32 cafés au début du XXeme siècle pour une seule église. Les hommes s'y retrouvaient pour parler des cultures, échanger, partager après le travail. L'église n'avait pas cette fonction sociale car peut-être trop pyramidale (...) la crédibilité de notre présence dans le monde et le risque d'une "folklorisation" de nos sacrements loin du réel est ici en jeu. L'intérêt de notre expérience entre foi et vie professionnelle à Saint Philippe du Roule ou à ND de La Défense est de trouver des lieux où social et religieux peuvent se rejoindre... même si ce ne sont que des balbutiements, le côté partage et soucis commun redonne aux hommes des lieux où spirituel et vie peuvent se conjuguer (...) dans une vie de travail, les hommes trouvent là un lieu qui les rejoins. À méditer.



(1) Christoph Théobald, Urgences Pastorales, Paris, Bayard, 2017, p. 119

11 octobre 2017

Crédibilité du théologal - Theobald 3

La question qu'il pose sur la crédibilité doit être expliquée par une allusion à la définition même du mot théologal qui bien que classique reste à repréciser : "le terme théologal est une référence aux trois vertus théologales, foi, espérance et charité (...) [et vise la]prétention interne de ces actes centraux du christianisme de rencontrer effectivement Dieu en son abyssale intimité au point de situer leur propre racine dans "l'autocommunication même de Dieu" (1)
Cela étant défini, il reste à mesurer la crédibilité(2) de notre Église à l'aune de ces vertus et donc de ne cesser de prendre à coeur la profondeur intrinsèquement théologale de notre être chrétien, son lien intime avec le plan de Dieu, son inhabitation.
On est loin, et c'est là le drame, d'un siècle qui vit dans l'illusion de croire que Dieu ne sert plus à rien, comme entendu la semaine dernière sur RND dans l'analyse pertinente de Frédéric Guillaud, l'auteur de Catholix reloaded qui vient de paraître aux Éditions du Cerf.

(1) Christoph Théobald, Urgences Pastorales, Paris, Bayard, 2017, p.45, note 2
(2) op. cit. p. 63

10 octobre 2017

Folklorisation de nos traditions

Deuxième allusion de Christoph Théobald à la folklorisation de nos traditions(1). Il faut laisser résonner cette pique à l'aune de nos célébrations communes, sentir le risque qu'elles portent d'être décalées par rapport aux soucis du monde.

Cela fait écho en moi avec cette insistance chez certains curés à forcer les jeunes fiancés à assister à une messe dans le cadre de la préparation au mariage avant de leur avoir donné le temps de goûter à la communauté chrétienne.

Il est certes difficile, quand on perçoit la profondeur du mystère eucharistique de voir qu'il est inaccessible...

Mais l'urgence pastorale n'est elle pas dans la construction d'un pont viable entre une société loin de nos codes et de nos symboles et le folklore si chargé de sens de nos liturgies ?

(1) Christoph Théobald, Urgences Pastorales, Paris, Bayard, 2017, p. 97

09 octobre 2017

Triple contrainte et crédibilité

En fait, Theobald organise sa réflexion dès la page 54 selon une triple contrainte :
1. L'Évangile du règne de Dieu
2. La situation historique de la société
3. La figure de l'Église qu'il appelle à être crédible.

On perçoit bien combien ces trois pôles sont liés et demande en même temps une dynamique d'ajustement. Si l'Evangile nous habite, les changements du monde obligent à une adaptation constante qui influence même l'Eglise dans ses comportements.
C'est dans cet axe que la fidélité à l'aggiornamento prôné par le Concile Vatican II développe son propos jusqu'à deux exigences. Dépasser la tentation du rétroviseur (le passé était mieux, ce qui est un mythe) et adapter avec attention notre manière d'être pour rejoindre le monde dans sa quête, de "manière créatrice" (...) au-delà du "risque de folklorisation ou d'instrumentalisation" (1) pour s'ajuster au mieux au monde, le comprendre, le servir et l'habiter.
C'est l'enjeu d'une pastorale.

(1) Christoph Théobald, Urgences Pastorales, Paris, Bayard, 2017, p. 72

08 octobre 2017

Dieu sculpteur - Hans Urs von Balthasar

"Que Dieu dans la Bible, quand il crée, soit représenté comme un artiste sculpteur, cela est théologiquement significatif; car jusqu'à la fin, la créature doit reposer calmement et patiemment entre les mains formatrices de Dieu" nous dit Hans Urs von Balthasar. Une phrase qui entre en écho avec sa contemplation de Gn 2 et de la forme donnée au premier homme "de la glaise du sol [comme] (...) dernière victoire sur la matière et (...) couronnement de toute la construction antérieure (1).
Depuis la création ex nihilo Dieu avance à petit pas jusqu'au premier acte de renoncement kénotique où il se désaisit de lui même dans le don du souffle, où il livre à l'homme le fruit de son Esprit prélude d'une symphonie et d'une danse entre l'amour divin et l'appel fait à l'homme d'une liberté créative.

(1) Hans Urs von Balthasar, La gloire et la croix, théologie 3, Ancienne Alliance, Paris, Aubier, 1974 p. 80

07 octobre 2017

De tressaillement en tressaillement - 4 - Jean-Paul II

Dans la suite de ma web-série sur le tressaillement, je découvre ce beau commentaire de Luc 10 par Jean Paul II : " Jésus tressaillit de joie sous l'action de l'Esprit Saint et dit : 'Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d'avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l'avoir révélé aux tout-petits. Oui, Père, car tel a été ton bon plaisir.' » Jésus exulte à cause de la paternité divine ; il exulte parce qu'il lui est donné de révéler cette paternité ; il exulte, enfin, parce qu'il y a comme un rayonnement particulier de cette paternité divine sur les « petits ». Et l'évangéliste Luc qualifie tout cela de « tressaillement de joie dans l'Esprit Saint »... Ce qui, au cours de la théophanie trinitaire au bord du Jourdain (Lc 3,22), est venu pour ainsi dire « de l'extérieur », d'en haut, provient ici « de l'intérieur », c'est-à-dire du plus profond de ce qu'est Jésus. C'est une autre révélation du Père et du Fils, unis dans l'Esprit Saint. Jésus parle seulement de la paternité de Dieu et de sa propre filiation ; il ne parle pas explicitement de l'Esprit qui est Amour et, par là, union du Père et du Fils. Néanmoins, ce qu'il dit du Père et de lui-même comme Fils résulte de la plénitude de l'Esprit qui est en lui, qui remplit son cœur, pénètre son propre moi, inspire et vivifie en profondeur son action. De là, ce tressaillement de joie dans l'Esprit Saint. L'union du Christ avec l'Esprit Saint, dont il a une parfaite conscience, s'exprime dans ce tressaillement de joie, qui, en un sens, rend perceptible sa source secrète. Il en résulte une manifestation et une exaltation particulières qui sont propres au Fils de l'homme, au Christ-Messie dont l'humanité appartient à la personne du Fils de Dieu, substantiellement un avec l'Esprit Saint dans la divinité." (1)

(1) Saint Jean-Paul II, Encyclique « Dominum et vivificantem », § 20-21 

06 octobre 2017

Dynamique sacramentelle du salut - Théobald

Je poursuis ma lecture de "Urgences pastorales". Une tension intéressante est mise en lumière par Théobald : quitter l'illusion d'une "Église parfaite" pour la concevoir comme "sacrement universel du salut" (1) Il mériterait de préciser le sens du mot universel qui peut exclure les semences du verbe. Mais cette dynamique sacramentelle(2) rejoint mes travaux de recherche. Elle porte une espérance qui touche la nature même de l'Église, sa capacité intérieure à se transformer, à être signe.

(1) Christoph Théobald, Urgences Pastorales, Paris, Bayard, 2017, p. 58
(2) cf. mon livre éponyme

05 octobre 2017

La course infinie - Philippiens 3

L'office des lectures nous donne à contempler aujourd'hui ce beau texte de Philippiens 3,  qui m'habite depuis que je l'ai choisi,  le jour de mon mariage,  il y a 31 ans.  Je ne résiste pas à la joie de vous le partager à nouveau : " 07 Mais tous ces avantages que j’avais, je les ai considérés, à cause du Christ, comme une perte.
08 Oui, je considère tout cela comme une perte à cause de ce bien qui dépasse tout : la connaissance du Christ Jésus, mon Seigneur. À cause de lui, j’ai tout perdu ; je considère tout comme des ordures, afin de gagner un seul avantage, le Christ,
09 et, en lui, d’être reconnu juste, non pas de la justice venant de la loi de Moïse mais de celle qui vient de la foi au Christ, la justice venant de Dieu, qui est fondée sur la foi.
10 Il s’agit pour moi de connaître le Christ, d’éprouver la puissance de sa résurrection et de communier aux souffrances de sa passion, en devenant semblable à lui dans sa mort,
11 avec l’espoir de parvenir à la résurrection d’entre les morts.
12 Certes, je n’ai pas encore obtenu cela, je n’ai pas encore atteint la perfection, mais je poursuis ma course pour tâcher de saisir, puisque j’ai moi-même été saisi par le Christ Jésus.
13 Frères, quant à moi, je ne pense pas avoir déjà saisi cela. Une seule chose compte : oubliant ce qui est en arrière, et lancé vers l’avant,
14 je cours vers le but en vue du prix auquel Dieu nous appelle là-haut dans le Christ Jésus.(1)"
Il m'a inspiré bien des choses et notamment mon petit commentaire sur Grégoire de Nysse, La course infinie.
(1) Source AELF

04 octobre 2017

La triple humilité - Saint Ignace de Loyola

Les trois sortes d'humilité : La première sorte d'humilité est nécessaire au salut éternel. Elle consiste à m'abaisser et m'humilier autant que cela m'est possible pour que j'obéisse en tout à la Loi de Dieu notre Seigneur. De la sorte, même si on faisait de moi le maître de toutes les choses créées en ce monde ou s'il y allait de ma propre vie temporelle, je n'envisagerais pas de transgresser un commandement, soit divin soit humain...La deuxième sorte d'humilité est une humilité plus parfaite que la première. Elle consiste en ceci : je me trouve à un point tel que je ne veux ni ne m'incline davantage à avoir la richesse plutôt que la pauvreté, à vouloir l'honneur plutôt que le déshonneur, à désirer une vie longue plutôt qu'une vie courte, étant égal le service de Dieu notre Seigneur et le salut de mon âme... La troisième sorte d'humilité est l'humilité la plus parfaite : c'est quand, tout en incluant la première et la deuxième, la louange et la gloire de sa divine majesté étant égales, pour imiter le Christ notre Seigneur et lui ressembler plus effectivement je veux et je choisis davantage la pauvreté avec le Christ pauvre que la richesse, les opprobres avec le Christ couvert d'opprobres que les honneurs ; et que je désire davantage être tenu pour insensé et fou pour le Christ qui, le premier, a été tenu pour tel, plutôt que « sage et prudent » dans ce monde (Mt 11,25).

Saint Ignace de Loyola, Exercices spirituels, 2e semaine, 12e jour (trad. DDB 1986, p. 103) Source Évangile au quotidien

03 octobre 2017

Le deux cités - Saint Augustin

« Il y a deux cités : l'une s'appelle Babylone, l'autre Jérusalem. Le nom de Babylone signifie « confusion » Jérusalem signifie « vision de paix ». Regardez bien la cité de confusion pour mieux connaître la vision de paix supportez la première, aspirez à la seconde. 
Qu'est-ce qui permet de distinguer ces deux cités ? Pouvons-nous dès à présent les séparer l'une de l'autre ? (...) Il y a quelque chose qui distingue, même maintenant, les citoyens de Jérusalem des citoyens de Babylone : ce sont deux amours. L'amour de Dieu fait Jérusalem l'amour du monde fait Babylone. Demandez-vous qui vous aimez et vous saurez d'où vous êtes. Si vous vous trouvez citoyen de Babylone, arrachez de votre vie la convoitise, plantez en vous la charité si vous vous trouvez citoyen de Jérusalem, supportez patiemment la captivité, ayez espoir en votre libération. En effet, beaucoup de citoyens de notre sainte mère Jérusalem (Ga 4,26) étaient d'abord captifs de Babylone... Comment peut s'éveiller en nous l'amour de Jérusalem notre patrie, dont les longueurs de l'exil nous ont fait perdre le souvenir ? (cf Ps 13).

(1) Saint Augustin, Les Discours sur les psaumes, Ps. 64 (trad. cf En Calcat) Source Évangile au quotidien

01 octobre 2017

Le prix de l’aujourd’hui

Un beau texte de Rilke retrouvé dans un article de la Croix.  Il évoque pour moi un vieux principe chrétien,  celui de vivre le présent dans toute l'intensité de l'appel et des talents recus. "Parce qu'être ici est beaucoup, et parce qu'apparemment tout ce qui est d'ici a besoin de nous, toute cette évanescence qui étrangement nous concerne. Nous les plus évanescents. Une fois chaque fois, une fois seulement. Une fois et pas plus. Et nous aussi, une fois. Jamais plus. Mais d'avoir été une fois cela, ne fût-ce qu'une fois : d'avoir été terrestre ne semble pas irrévocable. »

Rainer M. Rilke, cité par Nathacha Appanah, in la Croix du 28/9/17

29 septembre 2017

Ichtus -> Christus

Ce n'est pas un anagramme,  mais un déplacement du centre. Le chrétien qui met le Christ au centre, doit déplacer son "I" de la première place à celle du serviteur.

27 septembre 2017

La crédibilité du message - urgences pastorales 2

Ce qui frappe dans le discours de Christoph Théobald dès les premières pages c'est son insistance sur la crédibilité du message(1). C'est là où il donne du poids à la démarche parfois critiquée de notre pape. Un discours pastoral n'a de sens que s'il est crédible, tout entier fondé sur la cohérence entre les mots et les actes. Et dans ce discours se sent déjà la profonde immersion du christianisme en Jésus Christ, qui lui seul réconcilie l'aimer en actes et en vérité.

(1) Christoph Théobald, Urgences Pastorales, Paris, Bayard, 2017, p. 12ss

24 septembre 2017

Me voici - Hinnêni

Il est sublime et à la fois peu étonnant que François Cassingena-Trévédy termine son livre par la rencontre mutuelle du "Je suis" divin et du "me voici" humain. Pas étonnant non plus qu'il évoque aussi la thèse de Lévinas sur le sujet dans Être et Infini.
Par rapport à mes propres recherches publiées dans J'ai soif, puis dans ma lecture de Gn (1) je rajouterais seulement, sur la pointe des pieds, le cri lancé par Dieu à l'homme dans Gn 3 qui fait écho au cri fréquent de l'homme à Dieu dans la souffrance : "où es-tu ?" Ce cri des recherches réciproques résume le drame des liens entre l'homme et Dieu, ils contribuent au chiasme dont l'unique centre résonne dans la nudité du "moi je suis" du Christ en croix.

Sans parler du parallèle entre ouk eimi / ego eimi en Jn 18 où Pierre nous conduit dans le "je ne suis pas" quand Jésus crie son "moi je suis".

Notre prière est acculée au décentrement final d'un je suis faible, d'une mise à nu où le "qui suis-je?" de Job n'est pas loin.

(1) Lire l'ancien testament, tome 1

23 septembre 2017

Le silence du fleuve

Après nous avoir vanté la bernique, l'éponge et l'anémone comme autant de symbolique d'orants, après nous avoir invité à être Ichtus (poisson/chrétiens) mettant Christus au centre (cf. AbCBA), voici que François Cassingena-Trévédy(1) nous exhorte à écouter le fleuve, cette eau silencieuse qui coule au milieu du brouhaha de nos vies. Qu'arrive-t-il alors, sinon le tressaillement ultime de l'homme qui a creusé en lui un lit pour la Parole, qui a transformé son coeur en amphore spirituelle, éponge et anémone qui vivre à la danse de Dieu et de son fleuve d'amour (2)

vitrail de la basilique d’Issoudun


(1) op. cit. p. 188ss
(2) cf. là encore ma "danse trinitaire" in l'Amphore et le fleuve.

22 septembre 2017

Approche neuronale de l'Écriture

Une autre belle métaphore de François Cassingena-Trévédy(1) nous parle des synapses dans la lecture biblique. De fait, la lente manducation des textes conduit sans arrêt à de nouveaux rapprochements tous porteur de sens.
Une lecture spirituelle de l'Écriiture est-elle différente d'une  plongée sous-marine dans les profondeurs secrètes de l'amour divin ?
Et ces croisements qui éclairent la Parole, ne peuvent ils pas être comparés à ces flash électriques des neurones de notre cerveau qui s'activent soudain devant la lumière de la vérité ?

(1) op. cit. p. 180

21 septembre 2017

Urgences pastorales de Christoph Théobald

Saluons ici la belle recension d'Élodie Maurot dans la Croix d'aujourd'hui qui m'invite à courir acheter le nouveau livre de Théobald(1).
J'y trouve déjà les thèmes que je ne cesse de travailler dans mes livres (la "pastorale du seuil", la "dynamique sacramentelle" ou "quel espérance pour l'homme souffrant ?").
On y verra aussi peut être des réponses aux questions soulevées par la lecture du dernier livre d'Alphonse Borras (cf. plus haut) ou les thèmes développés par Joseph Moingt dans L'Evangile sauvera l'Église.
Gageons que le défenseur de la pastorale d'engendrement va nous conduire un pas plus loin. À bientôt sur ce blog pour en commenter les meilleures pages.

(1) Urgences pastorales de Christoph Theobald, Bayard, 540 p., 19,90 €

20 septembre 2017

La danse trinitaire - 7ss - François Cassingena-Trévédy

Je ne résiste pas à citer toute cette page de François Cassingena-Trévédy qui pourrait être un bon résumé de mon livre éponyme...
"Nous sommes assistés (...) Nous assistons à l'Échange, à ces Trois qui Se passent et Se disent en nous ? Certes nous sommes habités, mais nous sommes aussi emportés ; emportés dans la circulation, dans le dynamisme vertigineux de l'Échange. Car si nous tenons de Dieu "la vie, le mouvement et l'être " (Actes 17, 28), c'est que Dieu est en lui-même non seulement la Vie et l'Existant, mais le Mouvement. (...) une mobilité vertigineuse, celle de la vie même (...) excès d'infini. Ce Mouvement, c'est l'intimité trinitaire elle-même, l'Échange vertigineux et infini du Père, du Fils et de l'Esprit ; en un mot, c'est la Circumincession des Personnes (...) la Dynamis (...) auquel nous n'assistons pas seulement, mais nous sommes emportés dans une Danse, un Mouvement dont la vitesse vertigineuse se mesure, si l'on peut dire en années-lumières" (1)
Le moine de Ligugé continue plus loin en parlant de systole - phase ascendante de ce "grand Mouvement dans lequel nous sommes emportés", mais évoque aussi une phase descendante, une diastole où le Père nous donne, nous confie au Fils, qui nous donne à l'Esprit. On a là le mouvement intérieur propre à Jean qui va de Jn 1 à 6,44, 10,29 puis à 17,26 jusqu'à cette interprétation d'Irénée qui voit dans le geste du bon samaritain celui du Fils qui donne l'homme souffrant à l'Esprit (2)

(1) François Cassingena-Trévédy, op. cit. p. 142
(2) Irénée de Lyon, AH III, 17, 3 SC 211 p.337 Cité par François Cassingena-Trévédy op. cit. p. 146

19 septembre 2017

Visible et invisible

Si l'on suit la logique des posts précédents,  Dieu n'est visible que dans le beau, le bien et le vrai. S'il se révèle dans la beauté de ses oeuvres, il n'est pas dans le tumulte du monde,  se cache loin des libres excès de la création et ne se dévoile qu'au coeur de l'homme dans l'invisible murmure du bien et du vrai, dans le silence intérieur de celui qui écoute sa voix fragile loin des furies de l'avoir,  du pouvoir et du valoir.  
Je te conduirais au désert,  là ou rien de tout cela n'a de sens, quand dans la brûlure d'un buisson ardent, tu perçois la chaleur intérieure et respectueuse de l'amour.  Dieu n'est pas dans la violence du monde, il se révèle au coeur du souffrant et du faible,  dans la nudité de celui qui a creusé en lui un temple pour son Dieu.  Abba viens ! 
Sur le bois de la croix se déchire le voile.
Dans le tressaillement du coeur Dieu est là. 

18 septembre 2017

Le lieu-dit de Dieu

Voir l'homme comme le "lieu-dit de Dieu"(1), comme le lieu où s'échangent les kénoses intra-trinitaires. N'est-ce pas à la fois osé et lumineux de la part de François Cassigena-Trévédy d'affirmer cela.
Et pourtant j'y retrouve, dit autrement, tout ce que j'ai décrit, à la suite de Hans Urs von Balthasar et des pères de l'Église sur la circumincession et la danse trinitaire.

Le tressaillement de l'homme priant n'est-il pas la rencontre ultime de l'homme et de Dieu ? N'est-ce pas ce chant des anges que perçoit Élie sur la montagne quand il parvient à faire silence et entendre son murmure (1 Rois 19) ?
Dire que l'homme priant est le temple où Dieu vient danser, c'est percevoir l'enjeu même de l'incarnation, de cette source intérieure d'où tout peu jaillir.
En parlant de "danse" les propos de François Cassingena-Trévédy ne font que confirmer mon intuition largement étalée dans ce blog (2). Il va même un cran plus loin en lui donnant une dimension montante et descendante. La danse auquel Dieu nous invite est bien trinitaire (3)

(1) François Cassingena-Trévédy, Pour toi quand tu pries, op. Cit. p. 141
(2) cf. aussi mon livre éponyme repris dans "sur les pas de Jean"
(3) FCT ibid. p. 142ss

17 septembre 2017

Le père en pleurs ? Luc 15

Il y a un détail que Luc omet de dire au chapitre 15, par pudeur : ce sont les pleurs du Père quand le fils s'en va (ou est-ce Jésus lui même qui nous laisse lire entre les lignes ?)
Il n'est pas d'usage de voir ou de montrer un père en larmes.
Excès de sensiblerie de penser aux pleurs du Père ?
Non, je ne crois pas.

Car si la parabole décrit bien un Père qui court vers son fils, elle traduit à sa manière l'au-delà de l'intensité de son amour tout en restant dans la discrétion.

Pouvons nous contempler les pleurs de notre Père à chaque fois que nos pas s'éloignent du chemin qu'il a discrètement tracé devant nous, par l'intermédiaire de cet Esprit semé en nous ?

Et si nous contemplions l'amour infini de Dieu comme un fleuve de larmes?  Ces larmes versées devant l'humanité qui oublie l'amour du Père...
Nous serions alors, comme cet homme debout dans le fleuve. Petit et submergé...

16 septembre 2017

AbCbA

Il y a souvent dans l'Écriture une structure littéraire que l'on appelle "forme concentrique" ou chiasme. Elle se constitue par la répétition d'une formule a et b en b' et a'.
Et au centre, se trouve la phrase C, sommet du discours.
En lisant les pages de François Cassingena-Trévédy (1) sur le père et la prière qui se concentre sur l'ABBA j'entre-aperçois au centre, la déchirure du Père. Souffrance intérieure, kénose du Père au sens souligné par Hans Urs von Balthasar qui voit dans le silence de Dieu la place du Fils. L'ABBA que nous prions est déchiré dans un chiasme tragique pour qu'apparaisse le Christ. AbCbA et tout est dit, si le vent de l'Esprit nous ouvre au mystère.
Prier le Père par le Fils, c'est vivre dans la danse trinitaire, jusqu'à pouvoir dire avec Paul, "ce nest plus moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi". (Ga 2, 20)
(1) op. cit p. 132ss

15 septembre 2017

A l'ombre de la croix - Notre dame des douleurs

Notre dame des douleurs nous rappelle que la Croix n'est glorieuse que parce qu'elle est d'abord lieu de souffrance. Ignorer que la souffrance habite le monde et que le Fils de l'homme s'est vidé de toute divinité pour souffrir à nos côtés,  c'est faire de l'Evangile une illusion. La douleur d'une mère, comme la douleur du Fils nous interpelle. Le signe élevé sur le monde est signe de compassion et de conversion.

14 septembre 2017

Croix glorieuse, croix lumineuse

La coruscation évoquée hier en la fête de saint Jean Chrysostome fait écho avec la croix glorieuse qu'il évoque dans une de ses homélies : " La croix est plus éclatante que le soleil, plus brillante que ses rayons, car, lorsque le soleil s'obscurcit, c'est alors que la croix scintille (Mt 27,45) ; le soleil s'obscurcit non en ce sens qu'il disparaît, mais qu'il est vaincu par la splendeur de la croix. La croix a déchiré l'acte de notre condamnation (Col 2,14), elle a brisé les chaînes de la mort. La croix est la manifestation de l'amour de Dieu : « Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils unique afin que tout homme qui croit en lui ne périsse pas ». " (1)
En ce jour de la Croix glorieuse, alors que l'Église nous donne à contempler la kénose (Ph. 2,7) et le signe élevé sur le monde (Nb 21 et Jn 3) regardons celui qui s'est anéanti pour notre salut.
(1) Saint Jean Chrysostome, Homélie sur « Père, si c'est possible » (trad. Delhougne, Les Pères commentent, p. 72)

13 septembre 2017

Coruscation

Au terme du trajet, quand on a franchi toutes les portes du château intérieur (1) il est là. Il nous saisit (Ph. 3, 12). Le "je suis" résonne comme en écho dans le Temple et la lumière surabonde. Les pères de l'Église appellent cela la coruscation, ce rayonnement particulier de la Transfiguration(2) qui envahit de lumière notre être en quête de l'au-delà du silence.
Alors le chemin qui a conduit Moïse d' Exode 3 à Exode 34 prend fin et notre visage peut rayonner de sa grâce (3)

(1) sainte Thérèse d'Avila, Le château intérieur, premières demeures, chap. 1, cité par François Cassingena-Trévédy, op. Cit. p. 112
(2) François Cassingena-Trévédy ibid. p. 118
(3) cf. Le chemin du désert et Dieu n'est pas violent, une lecture d'Exode.

12 septembre 2017

Dialogismois vs Dia-Logos

Étonnante énumération faite par François Cassigena-Trévédy (1) de l'utilisation par Luc du mot dialogismois que l'on traduit successivement par "pensées mauvaises, troubles, doutes", sortis du coeur de l'homme et troublant sa relation à la pure transcendance ad-intra du Logos : dia-logos.
C'est tout le combat intérieur de la prière qui est en jeu.

Toutes ces pensées, doit-on les refouler, comme il le suggère, ou les mettre en lumière, les exposer à la lumineuse clarté du ressuscité qui seul peut nous permettre d'en déjouer les ruses ?

C'est le travail intérieur du "courant d'air", de la "brise", du "vent de l'Esprit".

Tâche impossible à l'homme seul, mais possible auprès de Dieu

(1) François Cassigena-Trévédy ibid. p. 104ss

10 septembre 2017

Comme cette eau se mêle au vin

"Comme cette eau se mêle au vin", puissions-nous, par l'effort de nos vies, être admis au mystère de sa danse eucharistique. Puisons donc aux puits où Dieu nous attends, allons remplir nos jarres (cf. Jn 3) de l'effort de nos vies, et laisser Dieu "diviniser ce que nous avons humanisé" (1).
Du geste du serviteur qui mêle l'eau de l'humanité au vin (qui nous attend comme le fleuve jaillissant du coeur du Christ) jusqu'à la présentation finale du corps et du sang, par le diacre, s'est ouvert la porte de Dieu au monde et l'eau vive du Mendiant d'amour jailli à nouveau de son sein transpercé,  pour rejoindre dans une danse éternelle,  l'humanité souffrante. Alors,  en ayant creusé en nous le désir de recevoir son Corps, nous ouvrons en nos corps, la porte au vent de l'Esprit,  jusqu'à ce que ce grand courant d'air balaye en nous toutes peurs et toutes adhérences au monde, et nous emporte enfin dans sa danse,

(1) François Varillon,  Joie de vivre,  joie de croire.

09 septembre 2017

Fuites et croix 2 - Hans Urs von Balthasar

Pour percevoir l'enjeu des propos  précités du Père Georges Njila Jibikilayi, il faut méditer sur la citation qu'il donne de Hans Urs von Balthasar et y percevoir toute la profondeur :"À la croisée de cette fuite vers le haut et de la fuite en avant se dresse la Croix de Jésus-Christ. Et ce n'est qu'en ce point que le hic et nunc du présent, autrement dépourvu de sens, reçoit son approbation, et par Dieu précisément (...) le christianisme constitue donc l'unique conception positive du monde. Toutes les autres commencent par critiquer ce qui existe, elles ont ainsi pour forme la négation de la négation, et portent donc en elle le poison du non et finalement du péché. Mais aimer un monde que Dieu lui-même a aimé jusqu'à en mourir, est-ce que cela ne devrait pas valoir la peine ? (1)
L'enjeu est ici l'incarnation mais plus encore. Hans Urs von Balthasar affirme même qu'à la différence de toutes les religions le christianisme apporte sur la souffrance et la mort un autre regard : "la souffrance et la mort sont la preuve suprême que Dieu est amour"(2).

On conçoit qu'à partir d'ici puisse se dérouler une théologie de la croix qui dans toutes sa dimension anthropologique peut prendre sens. C'est là où Najila nous conduit... Une théologie qui s'orient sur la vie, sur l'homme souffrant, jusqu'à cette kénose du père devant la croix.

Najila nous mène aussi vers une contemplation de la double kénose (3), celle où le Christ et l'Esprit "danse" pour inviter l'homme à la danse.

(1) Hans Urs von Balthasar, A propos de mon œuvre, p. 100-101.
(2) Hans Urs von Balthasar Épilogue p. 25-26.
(3) Georges Njila Jibikilayi, ibid.

08 septembre 2017

Ouvre ta porte

Ouvre ta porte au Mendiant d'amour, car sinon il n'osera pas entrer. Ouvre ta porte, parce qu'il respecte trop ta liberté. Si tu lui ouvres, par contre, Ils entrerons tous les Trois, car à leur danse, ils veulent te convier. Ouvre ta porte et ferme la aux monde, à l'Adversaire qui veut emplir ta chambre de futilités et de distractions. Ouvre ta porte et écoute la musique qui t'invite à danser.
(1) d'après François Cassigena-Trévédy, citant Ambroise, ibid. p. 100ss

Le Mendiant et le Courant d'air - François Cassigena-Trévédy

Belle image trinitaire que nous donne encore François Cassigena-Trévédy (1) que ce Mendiant, "Un de la Trinité qui se fit chair pour que l'homme entendit Dieu pour frapper à la porte", Mendiant qui en l'entrebaillant laisse entrer un Courant d'air, "vent qui remplit toute la maison". Ne fermons pas la porte à Dieu qui frappe.

(1) François Cassigena-Trévédy, pour toi, quand tu pries, op. Cit. p. 98
(2) cf. dans la même ligne ma "danse trinitaire" in A genoux devant l'homme et mon roman : le mendiant et la brise, dont le titre est directement inspiré de cette citation

Agonisez pour entrer - Luc 13, 24

Surprenante version littérale du commandement de Jésus en Luc 13 notée par notre moine de Ligugé(1) Agônizezthe eiseltheîn en grec, ce qu'il traduit par "agonisez pour entrer" par la porte étroite. On lit, au travers les lignes, une invitation à la kénose, c'est à dire au don total de sa personne pour que le coeur enfin creusé du désir de Dieu, nous puissions passer le seuil de ce qui nous retient au monde. Une "agonie comme un commencement" ajoute-t-il. Une fois passé la porte, une fois que l'on a quitté l'antichambre où nous plaisons à rester, "Dieu fait tout et tout vient de lui" (1)
Comme cette eau se mêle au vin, puissions-nous,  par l'effort de nos vies, être admis au mystère de sa danse eucharistique. 
Puisons donc pour remplir nos jarres (Cf. Plus loin)
À méditer

(1) François Cassingena - Trévédy,  ibid.

07 septembre 2017

Double fuite et médiation de la Croix

Si je comprends bien l'analyse que fait Georges Njila Jibikilay (1) de la place des autres religions dans la théologique de Hans Urs von Balthasar, à la tentation bouddhiste ou musulmane de fuir du réel vers le haut (nirvâna ou transcendance) ou vers le futur (un monde messianique meilleur), les traditions religieuses africaines apportent une plus grande attention au réel, au présent et à la souffrance où le Christ en Croix à sa place. Il n'est pas fuite mais chemin. Il y a là pour lui un point de convergence avec les notions d'entités intermédiaires entre Dieu et l'homme, typiques de la culture locale : Les ancêtres africains ne sont pas loin de ce que nous adorons comme l'unique médiateur.
Il fonde ici un lieu de dialogue intéressant. À méditer.

(1) Georges Njila Jibikilayi, op. Cit p. 286ss

06 septembre 2017

Dynamique sacramentelle et pneumatologie dialogale

Je me plonge avec plaisir dans l'œuvre phare du P. Georges Njila Jibikilayi (1) et m'arrête sur son analyse de la dynamique de l'esprit dans le "modèle témoignage" qu'il emprunte à Balthasar.

Il cite D. Mollat à propos des premiers chrétiens comme "cette communauté contagieuse parce qu'animée de la vie divine" en écho avec la "contagion du témoignage-langage" chez Hans Urs von Balthasar(2).

J'y vois un écho de ce que j'appelle de mon côté la dynamique sacramentelle. Mais l'intérêt de ses propos et de souligner justement ce qui est en jeu dans une dynamique de dialogue, à partir de ces fameux "spermata pneumatika" (p. 256) propre à toute culture et ici la culture africaine. L'incarnation en jeu ici est celle qui voit en tout homme la dynamique de vie et d'amour inscrite au coeur même de l'humanité que notre témoignage contagieux vient éclairer et stimuler, non comme des modèles mais dans la dynamique même d'un partage où tout homme est digne de révéler Dieu. L'enjeu n'est pas dans une évangélisation par le haut, mais bien dans une dynamique inductive qui ne nie pas la culture mais trouve en chacun l'œuvre de l'Esprit. C'est probablement là qu'il veut nous conduire en soulignant la faiblesse pneumatologique de l'approche théologique africaine et l'axe qu'il cherche à réveiller :
"L'inculturation n'est nullement une oeuvre d'autosatisfaction. Il ne serait pas utile d'amener l'évangile dans une culture sans aider celle-ci à s'épanouir" (3)
Il y a là pour moi une véritable pastorale d'engendrement au sens donné par Bacq/Theobald.

(1) Georges Njila Jibikilayi, La triple exégèse de la révélation chez Hans Urs von Balthasar, principe fondamentaux de la théologie du témoignage et implications théologiques sur le discours christologique africain, L'Harmattan, 2012, p.279
(2) Hans Urs von Balthasar, l'heure de l'Église, p. 24-25
(3) Georges Njila, ibid.

05 septembre 2017

De tressaillement en tressaillement -3 Diadoque de Photicé

Nous devons à Diadoque de Photicé, évêque du 5ème siècle,  ce beau texte sur le don particulier fait à l'homme lors de son baptême (voir tag). Il nous alerte néanmoins sur ces failles qui cachent la lumière intérieure : "Des profondeurs mêmes de notre cœur nous sentons comme sourdre le désir divin, quand nous nous souvenons ardemment de Dieu. Mais alors les esprits mauvais sautent dans les sens corporels et s'y cachent, profitant du relâchement de la chair... Ainsi donc, notre entendement, selon le divin apôtre Paul, se réjouit toujours de la loi de l'Esprit (Rm 7,22). Mais les sens de la chair veulent se laisser emporter sur la pente des plaisirs... « La lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l'ont pas reçue » (Jn 1,5)... : le Verbe de Dieu, la vraie lumière, a jugé bon de se manifester à la création dans sa propre chair, en allumant en nous la lumière de sa connaissance divine dans son incommensurable amour de l'homme. L'esprit du monde n'a pas reçu le dessein de Dieu, c'est-à-dire ne l'a pas connu... ; pourtant le merveilleux théologien, l'évangéliste Jean ajoute : « Il était la vraie lumière, qui éclaire tout homme venant dans le monde... Il était dans le monde, et le monde a été fait par lui, et le monde ne l'a pas connu. Il est venu dans ce qui était à lui, et les siens ne l'ont pas reçu. Mais à ceux qui l'ont reçu, à ceux qui croient en son nom, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu » (v.10-12)... Ce n'est pas de Satan que l'évangéliste dit qu'il n'a pas reçu la vraie lumière, car dès le commencement il lui est étranger puisqu'elle ne brille pas en lui. Mais il stigmatise justement par cette parole les hommes qui entendent les puissances et les merveilles de Dieu mais qui, à cause de leur cœur enténébré, ne veulent pas s'approcher de la lumière de sa connaissance." (1)

(1) Diadoque de Photicé, Cent chapitres sur la connaissance, 78-80, dans La Philocalie (trad. Bellefontaine 1987, t. 8, p. 159 rev.) 

03 septembre 2017

De tressaillement en tressaillement - 2, de Jérémie à Augustin


Il y a un rapport au corps dans l'Écriture que nous n'avons jamais fini de découvrir. Les textes de ce dimanche parlent de brûlure intérieure, de soif, tous les signes qui préparent une terre desséchée au ruissellement de l'eau vive. Laissons nous embraser avant qu'il nous conduise dans les verts pâturages d'Eden :
"Seigneur, tu m'as séduit, et j'ai été séduit (...)
Mais [ta Parole] était comme un feu brûlant dans mon cœur,
elle était enfermée dans mes os.
Je m'épuisais à la maîtriser,
sans y réussir. (
Jr 20, 7-9)

"Mon âme a soif de toi,
Seigneur, mon Dieu !
(cf. Ps 62, 2b)
Dieu, tu es mon Dieu,
     je te cherche dès l'aube :
mon âme a soif de toi ;
après toi languit ma chair,
terre aride, altérée, sans eau.

Je t'ai contemplé au sanctuaire,
j'ai vu ta force et ta gloire.
Ton amour vaut mieux que la vie :
tu seras la louange de mes lèvres !

Toute ma vie je vais te bénir,
lever les mains en invoquant ton nom.
Comme par un festin je serai rassasié ;
la joie sur les lèvres, je dirai ta louange.

Oui, tu es venu à mon secours :
je crie de joie à l'ombre de tes ailes.
Mon âme s'attache à toi,
ta main droite me soutient."(P
s 62 (63), 2, 3-4, 5-6, 8-9)
    "Je vous exhorte, frères, par la tendresse de Dieu,
à lui présenter votre corps – votre personne tout entière –,
en sacrifice vivant, saint, capable de plaire à Dieu :
c'est là, pour vous, la juste manière de lui rendre un culte.
    Ne prenez pas pour modèle le monde présent,
mais transformez-vous en renouvelant votre façon de penser
pour discerner quelle est la volonté de Dieu :
ce qui est bon, ce qui est capable de lui plaire,
ce qui est parfait." 
(Rm 12, 1-2)

 On peut alors entendre d'une manière nouvelle ce que le Christ nous demande, jusque dans notre coeur, au plus profond de notre corps, devenir des icônes vivantes du Christ crucifié, porter sa Croix comme l'étendard fragile d'un coeur qui tressaille pour son Dieu: 
« Si quelqu'un veut marcher à ma suite, qu'il renonce à lui-même " :    "En ce temps-là,
    Jésus commença à montrer à ses disciples
qu'il lui fallait partir pour Jérusalem,
souffrir beaucoup de la part des anciens,
des grands prêtres et des scribes,
être tué, et le troisième jour ressusciter.
    Pierre, le prenant à part,
se mit à lui faire de vifs reproches :
« Dieu t'en garde, Seigneur !
cela ne t'arrivera pas. »
    Mais lui, se retournant, dit à Pierre :
« Passe derrière moi, Satan !
Tu es pour moi une occasion de chute :
tes pensées ne sont pas celles de Dieu,
mais celles des hommes. »

    Alors Jésus dit à ses disciples : « Si quelqu'un veut marcher à ma suite,
qu'il renonce à lui-même,
qu'il prenne sa croix
et qu'il me suive.
    Car celui qui veut sauver sa vie
la perdra,
mais qui perd sa vie à cause de moi
la gardera.
    Quel avantage, en effet, un homme aura-t-il
à gagner le monde entier,
si c'est au prix de sa vie ?
Et que pourra-t-il donner en échange de sa vie ?
    Car le Fils de l'homme va venir avec ses anges
dans la gloire de son Père ;
alors il rendra à chacun selon sa conduite. »


Saint Augustin le souligne : "Quelles rigueurs les hommes n'ont-ils pas endurées, quelles conditions de vie indignes et intolérables n'ont-ils pas supportées pour arriver à posséder l'objet de leur amour ! ... Pourquoi s'étonner que celui qui aime le Christ et veut le suivre renonce à soi-même pour l'aimer ? Car, si l'homme se perd en s'aimant soi-même, il doit sans aucun doute se trouver en se renonçant... 
Qui refuserait de suivre le Christ jusqu'au séjour du bonheur parfait, de la paix suprême et de la tranquillité éternelle ? Il est bon de le suivre jusque-là ; encore faut-il connaître la voie pour y parvenir... Le chemin te semble couvert d'aspérités, il te rebute, tu ne veux pas suivre le Christ. Marche à sa suite ! Le chemin que les hommes se sont tracé est raboteux, mais il a été aplani quand le Christ l'a foulé en retournant au ciel. Qui donc refuserait d'avancer vers la gloire ?

Tout le monde aime à s'élever en gloire, mais l'humilité est la marche à gravir pour y arriver. Pourquoi lèves-tu le pied plus haut que toi ? Tu veux donc tomber au lieu de monter ? Commence par cette marche : déjà elle te fait monter. Les deux disciples qui disaient : « Seigneur, accorde-nous de siéger, l'un à ta droite et l'autre à ta gauche, dans ton Royaume », ne prêtaient aucune attention à ce degré d'humilité. Ils visaient le sommet et ne voyaient pas la marche. Mais le Seigneur leur a montré la marche. Eh bien, qu'a-t-il répondu ? « Pouvez-vous boire à la coupe que je vais boire (Mc 10,37-38) ? Vous qui désirez parvenir au faîte des honneurs, pouvez-vous boire le calice de l'humilité ? » Voilà pourquoi il ne s'est pas borné à dire d'une manière générale : « Qu'il renonce à lui-même et qu'il me suive », mais il a ajouté : « Qu'il prenne sa croix et qu'il me suive ».
(1) Source: Textes liturgiques © AELF.
(2) Saint Augustin, Sermon 96 ; PL 38, 584-586 (trad. Delhougne, Les Pères commentent, p. 132)


02 septembre 2017

Ferme ta porte

A la suite du post précédent, il faut entendre le "ferme ta porte" qui résonne comme une exhortation à atteindre le vrai silence où la musique de Dieu vient prendre enfin le dessus sur nos murmures intérieurs.
"Il faut avoir fermé la porte pour que l'orbe du regard divin embrasse notre coeur, pour que là, dans le rigoureux Ad intra, s'esquissent les premiers pas d'une danse sans témoins" (1)

Clin d'œil à nouveau que cette évocation de la danse. Comme ce bruit d'un fin silence qui n'est autre que le chant des anges qui nous invitent à une ronde.

(1) François Cassingena-Tréverdy, op. Cit. p. 78

La porte et le vase

Fermer la porte aux bruits du monde, pour ne plus l'entrebailler que pour guetter la venue du Très-haut, creuser le vase intérieur de notre coeur, pour recevoir le vin spirituel qui n'est autre que le fleuve de la grâce (Ez 47). (1)
Courir ensuite, l'amphore à la main, pour recueillir le précieux don.
Danser en suite, au clair de lune, dans la joie des noces éternelles.

(1) D'après François Cassingena-Tréverdy, ibid. p. 84ss

01 septembre 2017

Ascèse et danse

Ascèse et non mortification morbide, c'est faire de la place intérieure, "non pas rajouter des "pratiques" comme autant de meubles qui finiront par nous encombrer, qu'à faire le vide, à faire de la place, à simplifier, à alléger, à retirer tables et chaises pour que la danse puisse se déployer à son aise" (1)
Mes lecteurs habitués souriront à l'évocation de la danse, tant elle est fréquente sous ma plume. Je suis heureux de trouver l'expression chez notre moine de Ligugé. La danse est ecclésiale...

(1) François Cassingena-Treverdy, ibid. p. 72

31 août 2017

Au coeur de l'homme -Saint Macaire

« Que l'âme rassemble ses pensées dispersées (...) comme si elle rassemblait des enfants qui folâtrent. Qu'elle les ramène à la maison de son corps, et qu'elle attende toujours le Seigneur dans le jeûne et l'amour, jusqu'à ce qu'il vienne et la recueillDéfrichez pour vous ce qui est en friche, ne semez pas dans les ronces !04 Soyez circoncis pour le Seigneur, enlevez le prépuce de votre cœur, gens de Juda et habitants de Jérusaleme véritablement... Si notre cœur ne s'enfle pas, si nous n'envoyons pas nos pensées pâturer dans les prés aux herbes folles du péché, mais si, au contraire, nous élevons notre esprit et conduisons nos pensées en présence du Seigneur par une fervente volonté, alors, dans son bon vouloir, le Seigneur viendra certainement en nous et nous unira vraiment à lui... 
Empresse-toi donc de plaire au Seigneur, attends-le sans cesse dans ton cœur, cherche-le par tes pensées, incite ta volonté et tes sentiments à tendre à tout instant vers lui. Tu verras alors comme il vient à toi et comme il fait en toi sa demeure." (1)

Comme le  précise Jérémie, il nous faut pour cela "défrichez ce qui est en friche, (...) être circoncis pour le Seigneur, enlevez le prépuce de notre cœur" (Jérémie 4, 3-4)

L'enjeu est de creuser en nous ce désir,  pour faire de notre corps le temple de son corps,  pour devenir les instruments de son amour et danser la danse trinitaire.

(1) Attribué à Saint Macaire d'Égypte, Homélie 31 ; PG 34, 728 (trad. Brésard, 2000 ans A, p. 24), source : Évangile au quotidien