Tourné vers l’autre… comme dans une danse infinie. Les traductions ne rendent pas tout : « AU COMMENCEMENT était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. Il était au commencement auprès de Dieu. C’est par lui que tout est venu à l’existence, et rien de ce qui s’est fait ne s’est fait sans lui. En lui était la vie, et la vie était la lumière des hommes » Jean 1, 1-4. (AELF)
La lecture ce matin de ce beau sermon de saint Bernard fait écho à mon billet précédent… :
« Nous savons qu'il y a une triple venue du Seigneur. ~ La troisième se situe entre les deux autres. ~ Celles-ci, en effet, sont manifestes, celle-là, non. Dans sa première venue, il a paru sur la terre et il a vécu avec les hommes, lorsque — comme lui-même en témoigne — ils l'ont vu et l'ont pris en haine. Mais lors de sa dernière venue, toute chair verra le salut de notre Dieu et ils regarderont vers celui qu'ils ont transpercé. La venue intermédiaire, elle, est cachée : les élus seuls la voient au fond d'eux-mêmes, et leur âme est sauvée. Ainsi il est venu d'abord dans la chair et la faiblesse ; puis, dans l'entre-deux, il vient en esprit et en puissance ; enfin il viendra dans la gloire et la majesté. ~ Cette venue intermédiaire est vraiment comme la voie par laquelle on passe de la première à la dernière : dans la première le Christ fut notre rédemption, dans la dernière il apparaîtra comme notre vie, et entre temps il est notre repos et notre consolation.
« Mais pour que personne ne risque de penser que ce que nous disons de cette venue intermédiaire est une invention de notre part, écoutez ce que dit le Seigneur lui-même : Si quelqu'un m'aime, il gardera mes paroles, et mon Père l'aimera et nous viendrons à lui. Ailleurs j'ai lu en effet : Qui craint Dieu fera le bien. Mais je perçois qu'ici Jésus exprime quelque chose de plus en disant de celui qui l'aime : il gardera mes paroles. Mais où les gardera-t-il ? — Dans son cœur, sans aucun doute. Comme le dit le prophète : Dans mon cœur je conserve tes ordres pour ne point faillir envers toi. ~
« Voici comment il te faut garder la parole de Dieu : Heureux, en effet, ceux qui la gardent. Qu'on la fasse donc entrer dans ce qu'on peut appeler les entrailles de l'âme ; qu'elle passe dans les mouvements de ton cœur et dans ta conduite. Consomme ce qui est bien, et ton âme y trouvera avec joie de quoi s'y nourrir largement. N'oublie pas de manger ton pain pour ne pas laisser ton cœur se dessécher ; de bonne et grasse nourriture rassasie ton âme.
« Si de la sorte tu t'es mis à garder en toi la parole de Dieu, nul doute qu'elle ne te garde aussi. Le Fils viendra à toi, avec le Père ; il viendra, le grand prophète, qui rétablira Jérusalem ; c'est lui qui fait toutes choses nouvelles. Voici en effet ce qu'accomplira sa venue : alors, de même que nous sommes à l'image de l'homme pétri de terre, de même nous serons à l'image de celui qui vient du ciel. Comme le vieil Adam s'est répandu à travers l'homme tout entier et y a pris toute la place, de la même manière il faut que le Christ occupe toute la place, lui qui a créé l'homme dans sa totalité, qui le rachète intégralement et le glorifie dans son entier. »
℟ Viens bientôt, Sauveur du monde,
Lève-toi, clarté d'en haut ;
Vrai soleil du jour nouveau,
Viens percer la nuit profonde.
Ta naissance dans l'histoire
transfigure nos tourments
En douleurs d'enfantement
Où, déjà, surgit ta gloire.
Source AELF, office des lectures d’aujourd’hui
Pourquoi remettre à l’honneur ce prologue en parallèle de ce commentaire de Bernard qui n’aborde pas l’Esprit. J’ai beaucoup écris (1) sur ce thème mais mes tâtonnements ne valent pas grand chose par rapport à l’inaccessible qui se révèle à travers ce prologue ou même l’économie visée par Bernard.
En écho à d’autres tatotonements de Claire, Gilles et d’autres qui évoque la lumière à venir, surpassant le soleil de midi et proche de celle à laquelle nous font goûter Moïse en Ex 34 ou les textes de la transfiguration, le prologue est en lui épiphanie nouvelle…
Lorsque que Dieu commença ou « au commencement » ? Déjà l’ »en arche » grec pose question.
La version grecque est en effet bien parlante tant elle conjugue les mouvements et la danse des Personnes.
« Le grec du premier verset (en arche en o logos, kai o logos en pros ton theon) sous-entend, par l’utilisation du « pros », un déplacement, un mouvement que j’ai osé traduire comme un « tourné vers Dieu ». Un mouvement qui amorce une danse, ce que les Pères de l’Église appelleront la « périchorèse* » ou « circum-incession*[2] ». Ce mouvement particulier qui unit les Trois Personnes est égrèné déjà dans les premiers mots de l’Évangile. »
Le texte de saint Bernard ci-dessus, repris aujourd’hui dans l’office des lectures relance le sujet… comment Dieu se révèle et que reste-t-il à découvrir. ?
Comment agiter en nous cette musique de Dieu, le laisser vibrer en nous. Nous restons bien petits face à l’inaccessible, mais il nous faut contempler dans le silence ce Dieu qui s’abaisse à nous pour nous inviter à cette danse sublime et cette humilité du Fils est Chemin, vérité et Vie.
La spirale divine n’a de sens que si ce « tourné vers » ne reste pas impassible mais bien jusqu’à nous proposer d’entrer dans cette virevoltante ouverture hors de nous-mêmes.
(1) cf. mes essais « Danse trinitaire » et « Sur les pas de Jean » A genoux devant l’homme » et mon dernier billet d’ hier
(2) cf. La thèse d’Emmanuel Durand, la Périchorèse des Personnes divines.
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