01 juillet 2015

Le troupeau de porcs

En première lecture on ne se sent pas concerné par l'évangile d'aujourd'hui (Mat 8, 28-34) ou l'évangéliste nous raconte que Jésus chasse d'un seul homme un troupeau entier de porcs.  Et pourtant,  le prisme d'une lecture spirituelle nous fait voir toutes ces distractions qui, en nous habitant, viennent embrumer notre âme,  loin du "tout est rien" de Thérèse (cf. plus haut)

Ce qui nous convient...

Apprends nous à prier,  demandent les apôtres.  Une question compliquée tant notre âme est prise par des distractions multiples où s'attache à des détails "humains". La prière peut devenir routine, sécheresse,  désespoir,  doute. Dans son journal (1), Jean XXIII note combien ses bonnes résolutions sont presque toujours lieu d'échec et pourtant il s'accroche, persévére.

A la question des apôtres,  Jésus a répondu par le Notre Père.  On peut le prononcer des lèvres.  Autre chose est de le dire avec le coeur. 

"Quelle est la personne, pour étourdie qu'elle soit, qui, lorsqu'elle sollicite un personnage important, ne réfléchit d'avance à la façon de présenter sa requête, de manière à lui être agréable et à ne pas l'importuner, se rappelant l'objet de sa requête, les raisons qui la motivent, en particulier si elle demande quelque chose d'aussi important que celle que notre bon Jésus nous apprend à demander ? Cela me semble digne d'être considéré. Ne pourrais-tu, Seigneur, tout inclure en un seul mot, et dire : « Donne-nous, Père, ce qui nous convient ? » car rien de plus n'eût été, semble-t-il, nécessaire pour celui qui comprend tout.

O Sagesse éternelle ! Cela pouvait suffire entre toi et ton Père, c'est ainsi que tu l'as sollicité au Jardin des Oliviers : tu as exprimé ton amour et ta crainte, en te remettant à sa volonté ; mais nous ne sommes pas, Seigneur, tu le sais, aussi soumis que toi à la volonté de ton Père ; il fallait que nous sollicitions des choses remarquables pour prendre soin d'examiner si ce que nous demandions nous convient, et sinon, ne point le demander. Car nous sommes ainsi faits que si on ne nous donne pas ce que nous voulons, nous usons de notre libre arbitre pour refuser ce que nous offre le Seigneur; même lorsqu'il nous offre ce qu'il y a de meilleur, si ce n'est pas argent comptant, nous craignons de ne jamais nous enrichir. 

Or le bon Jésus nous demande de dire ces mots, qui sollicitent la venue en nous du Royaume : Que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne. Voyez ici, mes filles, la grande sagesse de notre Maître. Je considère que le moment est venu de comprendre que nous demandons ce royaume. Mais comme sa Majesté a vu que nous ne pouvions ni sanctifier, ni louer, ni exalter, ni glorifier ce saint nom du Père Éternel puisque notre petitesse nous empêche de le faire comme il se doit, sauf si sa Majesté y pourvoyait en nous donnant son royaume ici-bas, le bon Jésus a mis ces deux demandes côte à côte. Je veux vous dire ici ma pensée : pour que nous comprenions, mes filles, ce que nous demandons, il est important d'insister et de faire tout notre possible pour contenter celui qui peut nous l'accorder. Si mes considérations ne vous satisfont point, réfléchissez de votre côté, notre Maître nous le permet à condition de nous soumettre en tout aux enseignements de l'Église, comme je le fais ici. 

Il me semble donc que l'excellence du royaume du ciel, c'est, entre autres, de ne plus faire cas des choses de la terre, c'est le calme et la gloire en nous-même, la joie de la joie de tous, une paix perpétuelle, une grande satisfaction intérieure de voir que tout le monde sanctifie et loue le Seigneur, et bénit son nom, sans que nul ne l'offense. Tout le monde l'aime, et l'âme elle-même ne sait que l'aimer, elle ne peut cesser de l'aimer, puisqu'elle le connaît. C'est ainsi que nous l'aimerions ici-bas, quoique moins parfaitement, et moins spontanément; mais nous l'aimerions autrement que nous ne l'aimons, si nous le connaissions." (2)
(1) Journal de l'âme,  op. Cit. p. 100ss

(2) Sainte Thérèse d'Avila,  le chemin de la perfection,  source AELF

Dieu n'a pas fait la mort

En écho à Laudato si,  on peut méditer sur le plan de Dieu sur la création, tel que nous le relève ce beau texte de la Sagesse, lu dimanche :
"Dieu n'a pas fait la mort, il ne se réjouit pas de voir mourir les êtres vivants.
Il les a tous créés pour qu'ils subsistent ; ce qui naît dans le monde est porteur de vie : on n'y trouve pas de poison qui fasse mourir. La puissance de la Mort ne règne pas sur la terre,
car la justice est immortelle.
Or, Dieu a créé l'homme pour l'incorruptibilité, il a fait de lui une image de sa propre identité.
C'est par la jalousie du diable que la mort est entrée dans le monde ; ils en font l'expérience, ceux qui prennent parti pour lui. " (1) Livre de la Sagesse 1,13-15.2,23-24. 

Sans autre commentaire. 

30 juin 2015

Ton amour

‎Le début du Psaume d'aujourd'hui peut ouvrir nos yeux pour la journée :
"J'ai devant les yeux ton amour, Seigneur."‎ Ps 25(26), 2

En ouvrant les yeux, nous contemplons tes merveilles.

29 juin 2015

Orgueil


"Il y a un point où j'ai commis davantage de manquements, parce que c'est conforme à mon caractère : vouloir faire le savant, juger, trancher à tort et à travers. Hélas ! Orgueil, orgueil, orgueil ; c'est mon vieil amour-propre qui s'est fait remarquer" (1)

J'aurais pu écrire ces lignes !
 Qu'elles soient tirées du jeune séminariste devenu plus tard Jean XXIII ne me rassure pas. Il me reste de la route.

(1) Journal de l'âme, op. Cit. p. 75

Journal de l'âme

Quelques pages lues du "Journal de l'âme" de Jean XXIII (1). Une pépite donne à penser dans ses résolutions de jeune séminariste : se préparer au moins un quart d'heure dans le silence avant d'aborder un sacrement.  Dans nos vies,  cela semble intéressant à entendre...

(1) Jean XXIII, "Journal de l'âme" - écrits spirituels, Paris, Cerf, 1965 p. 55ss

28 juin 2015

Au delà de la mort

Le lectionaire aujourd'hui nous donne à contempler deux textes d'espérance imbriqués l'un dans l'autre,  deux souffrances que Dieu entend et vient combler d'une grande nouvelle : La puissance et l'amour de notre Dieu vient au delà de nos peurs, de nos peines,  de notre mort.  Entrer en Dieu,  c'est croire à la vie éternelle,  dont Christ n'est que la porte étroite,  un aperçu de la gloire immense qui nous embrasera : "Or, une femme, qui avait des pertes de sang depuis douze ans… – 
elle avait beaucoup souffert du traitement de nombreux médecins, et elle avait dépensé tous ses biens sans avoir la moindre amélioration ; au contraire, son état avait plutôt empiré –…
cette femme donc, ayant appris ce qu'on disait de Jésus, vint par-derrière dans la foule et toucha son vêtement.
Elle se disait en effet : « Si je parviens à toucher seulement son vêtement, je serai sauvée. »
À l'instant, l'hémorragie s'arrêta, et elle ressentit dans son corps qu'elle était guérie de son mal.
Aussitôt Jésus se rendit compte qu'une force était sortie de lui. Il se retourna dans la foule, et il demandait : « Qui a touché mes vêtements ? »
Ses disciples lui répondirent : « Tu vois bien la foule qui t'écrase, et tu demandes : "Qui m'a touché ?" »
Mais lui regardait tout autour pour voir celle qui avait fait cela.
Alors la femme, saisie de crainte et toute tremblante, sachant ce qui lui était arrivé, vint se jeter à ses pieds et lui dit toute la vérité.
Jésus lui dit alors : « Ma fille, ta foi t'a sauvée. Va en paix et sois guérie de ton mal. »
Comme il parlait encore, des gens arrivent de la maison de Jaïre, le chef de synagogue, pour dire à celui-ci : « Ta fille vient de mourir. À quoi bon déranger encore le Maître ? »
Jésus, surprenant ces mots, dit au chef de synagogue : « Ne crains pas, crois seulement. »
Il ne laissa personne l'accompagner, sauf Pierre, Jacques, et Jean, le frère de Jacques. (...)
Il saisit la main de l'enfant, et lui dit : « Talitha koum », ce qui signifie : « Jeune fille, je te le dis, lève-toi ! »
Aussitôt la jeune fille se leva et se mit à marcher – elle avait en effet douze ans. Ils furent frappés d'une grande stupeur.
Et Jésus leur ordonna fermement de ne le faire savoir à personne ; puis il leur dit de la faire manger. " (Marc 5, 23ss)
Joseph Ratzinger écrit à ce sujet :"La résurrection de Jésus nous dit que cette victoire est effectivement possible, que la mort ne faisait pas partie de la structure du créé, de la matière, en son principe et d'une manière irréversible... Elle nous dit de plus que la victoire sur les frontières de la mort est impossible à atteindre par des méthodes cliniques perfectionnées. Elle n'existe que par la puissance créatrice de la Parole de Dieu, et de l'Amour. Seules ces puissances sont assez fortes pour changer la structure de la matière de manière si radicale que les barrières de la mort deviennent surmontables...     La foi en la résurrection est une profession de foi en l'existence réelle de Dieu et une profession de foi en sa création, au « oui » inconditionnel qui caractérise la relation de Dieu à la création et à la matière... C'est ce qui nous autorise à chanter l'alléluia pascal au milieu d'un monde sur lequel plane l'ombre menaçante de la mort."
( 1) Jésus le Christ,  Paris, Fayard,  1975, p. 105ss
Source AELF

25 juin 2015

Parole et agir

Pépite du jour :
"Lire, écouter et méditer assidûment la parole de Dieu sans la mettre en pratique, est une faute que l'Esprit de Dieu a condamnée à l'avance... Il a même interdit à celui qui se trouve dans de telles dispositions de prendre le livre saint dans ses mains. A l'impie, Dieu déclare : « Qu'as-tu à réciter mes lois, à garder mon alliance à la bouche, toi qui n'aimes pas les reproches et rejettes loin de toi mes paroles ? » (Ps 49,16-17)... Celui qui lit assidûment les Écritures sans les mettre en pratique trouve son accusation dans sa lecture ; il mérite une condamnation d'autant plus grave qu'il méprise et dédaigne chaque jour ce qu'il entend chaque jour. Il est comme un mort, un cadavre sans âme. Des milliers de trompettes et de cors peuvent bien sonner aux oreilles d'un mort, il ne les entendra pas." (1)

Au boulot.  Comme disait le cardinal Marty, on embauche !

(1) Philoxène de Mabboug, Homélie 1, 4-8 (trad. Delhougne, Les Pères commentent, p. 103, cf SC 44, 27-31), source AELF

24 juin 2015

Jean Baptiste, une leçon d'humilité

La lecture du bréviaire est une leçon d'humilité,  ce matin en la fête de saint Jean Baptiste.  Saint Augustin nous précise que Jean apparaît "comme une frontière placée entre les deux testaments, l'ancien et le nouveau. (...) Il est un personnage de l'antiquité et le héraut de la nouveauté. Parce qu'il représente l'antiquité, il naît de deux vieillards ; parce qu'il représente la nouveauté, il se révèle prophète dans les entrailles de sa mère. (...) Il apparaît déjà comme le précurseur du Christ, avant que celui-ci puisse le voir. (...) Zacharie se tait et perd la parole jusqu'à la naissance de Jean, précurseur du Seigneur, qui lui rend la parole. Que signifie le silence de Zacharie sinon que la prophétie a disparu, et qu'avant l'annonce du Christ, elle est comme cachée et close ? Elle s'ouvre à son avènement, elle devient claire pour l'arrivée de celui qui était prophétisé. La parole rendue à Zacharie à la naissance de Jean correspond au voile déchiré à la mort de Jésus sur la croix. Si Jean s'était annoncé lui-même, la bouche de Zacharie ne se serait pas rouverte. La parole lui est rendue à cause de la naissance de celui qui est la voix ; car on demandait à Jean qui annonçait déjà le Seigneur : Toi, qui es-tu ? Et il répondit : Je suis la voix qui crie dans le désert. La voix, c'est Jean, tandis que le Seigneur est la Parole : Au commencement était le Verbe. Jean, c'est la voix pour un temps ; le Christ, c'est le Verbe au commencement, c'est le Verbe éternel." (1)
De meme la lecture d'Isaie rappelle la vocation du prophète : "Seigneur parle, lui qui m’a façonné dès le sein de ma mère pour que je sois son serviteur, que je lui ramène. (...) Oui, j’ai de la valeur aux yeux du Seigneur, c’est mon Dieu qui est ma force." (2)
Mais un autre texte d'Augustin vaut le détour : "Jean naît lorsque le jour commence à diminuer ; le Christ, lorsque le jour se met à croître. La diminution du jour pour l'un est le symbole de sa mort violente. Son accroissement pour l'autre, l'exaltation de la croix.     Il y a aussi un sens secret que le Seigneur révèle...par rapport à ce mot de Jean sur Jésus Christ : « Il faut qu'il croisse et que moi je diminue ». Toute la justice humaine...avait été consommée en Jean ; de lui la Vérité disait : « Parmi les enfants des femmes, il n'en est point surgi de plus grand que Jean Baptiste » (Mt 11,11). Nul homme, donc, n'aurait pu le dépasser ; mais il n'était qu'un homme. Or, en notre grâce chrétienne, on nous demande de ne pas nous glorifier dans l'homme, mais « si quelqu'un se glorifie, qu'il se glorifie dans le Seigneur » (2Co 10,17) : homme, en son Dieu ; serviteur, en son maître. C'est pour cette raison que Jean s'écrie : « Il faut qu'il croisse et que moi je diminue. » Bien sûr Dieu n'est ni diminué ni augmenté en soi, mais chez les hommes, au fur et à mesure que progresse la vraie ferveur, la grâce divine croît et la puissance humaine diminue, jusqu'à ce que parvienne à son achèvement la demeure de Dieu, qui est en tous les membres du Christ, et où toute tyrannie, toute autorité, toute puissance sont mortes, et où Dieu est tout en tous (Col 3,11).     Jean l'évangéliste dit : « Il y avait la vraie lumière, qui éclaire tout homme venant en ce monde » (1,9) ; Jean-Baptiste, lui, dit : « Nous avons tous reçu de sa plénitude » (Jn 1,16). Lorsque la lumière, qui est en elle-même toujours totale, s'accroît néanmoins en celui qui en est illuminé, celui-là est diminué en lui-même lorsque s'abolit en lui ce qui était sans Dieu. Car l'homme, sans Dieu, ne peut rien que pécher, et sa puissance humaine diminue lorsque triomphe la grâce divine, destructrice du péché. La faiblesse de la créature cède à la puissance du Créateur et la vanité de nos affections égoïstes s'effondre devant l'universel amour, tandis que Jean Baptiste du fond de notre détresse, nous crie la miséricorde de Jésus Christ : « Il faut que lui grandisse et que moi je diminue ». (3)
(1) Homélie de saint Augustin sur la naissance de saint Jean Baptiste
(2) Isaïe 49
(3) Sermon pour la naissance de Jean Baptiste ; Mai 109 ; PLS II, 497 (trad. Quéré in L'Année en fêtes, Migne 2000, p. 507 rev.)

Il s'enfuit tout nu

Marc 14:51-52 BCC1923

Un jeune homme le suivait, couvert seulement d'un drap; on se saisit de lui; mais il lâcha le drap, et s'enfuit nu de leurs mains.

Un chiasme est à observer dans la version grecque de petit récit de Marc 14 entre les deux évocations du drap et de la fuite, au jardin des Oliviers.
Certains y voient une évocation possible de l'évangéliste. Moi j'y contemple surtout ma fuite du réel.

22 juin 2015

Oú es-tu, mon Dieu ? -2

Belle homélie de mon curé, le père Tryphon, sur ce thème hier à propos du texte de Job. J'ai retenu deux choses sur son interprétation de l'apparent silence de Dieu :
1) Dieu est compassion
2) il nous laisse libre de devenir adulte et responsable face aux "lois de la nature".  Cela rejoins ce que j'essaie d'exprimer dans mon essai éponyme à propos de l'appel que Dieu nous fait, mais je dois avouer que sa manière de dire était plus limpide.
La notion de responsabilité est elle à entendre à l'aune de Lévinas? À creuser. Dans ce sens cela s'appliquerait autant au mal de faute qu'au mal de peine.

19 juin 2015

Laudato Si - premières notes

Notre Pape François vient de publier un long texte (1);qu'il faudra prendre le temps de méditer.  Nous le ferons en paroisse, chaque premier mercredi à 12h30 à saint Philippe du Roule à partir de septembre. Mais cela n'empêche pas d'en goûter les premières notes. François qui parle a la manière d'Assise de notre terre comme d'une soeur, commence par citer un discours de Paul VI à la Fao qui donne le ton : " les progrès scientifiques les plus extraordinaires, les prouesses techniques les plus étonnantes, la croissance économique la plus prodigieuse, si elles ne s’accompagnent d’un authentique progrès social et moral, se retournent en définitive contre l’homme ». (2)
Nous avons là les prémisses d'une écologie intégrale, qui met l'homme au centre de ses responsabilités.

"Le défi urgent de sauvegarder notre maison commune inclut la préoccupation d’unir toute la famille humaine dans la recherche d’un développement durable et intégral, car nous savons que les choses peuvent changer. Le Créateur ne nous abandonne pas, jamais il ne fait marche arrière dans son projet d’amour, il ne se repent pas de nous avoir créés." (3)

Le plan de l'encyclique


Rien de ce monde ne nous est indifférent
Unis par une même préoccupation
Saint François d’Assise
Mon appel
PREMIER CHAPITRE
Ce qui se Passe dans notre maison
I. Pollution et changement climatique
Pollution, ordure et culture du déchet
Le climat comme bien commun
II. La question de l’eau
III. La Perte de biodiversité
IV. Détérioration de la qualité de la vie humaine et dégradation sociale
V. Inégalité planétaire
VI. La faiblesse des réactions
VII. Diversité d’opinions
DEUXIEME CHAPITRE L’Évangile de la création
I. La Lumière qu’offre la Foi
II. La sagesse des récits bibliques
III. Le mystère de l’univers
IV. Le message de chaque créature dans l’harmonie de toute la création
V. Une communion universelle
VI. La destination commune des biens
VII. Le regard de Jésus
TROISIEME CHAPITRE La racine humaine de la crise écologique
I. La technologie : créativité et pouvoir
II. La globalisation du paradigme technocratique
III. Crise et conséquences de l’anthropocentrisme moderne
Le relativisme pratique
La nécessité de préserver le travail
L’innovation biologique à partir de la recherche
QUATRIEME CHAPITRE Une écologie intégrale
I. L’écologie environnementale, économique et sociale
II. L’écologie culturelle
III. L’écologie de la vie quotidienne
IV. Le principe du bien commun
V. La justice entre générations
CINQUIEME CHAPITRE Quelques lignes d’orientation et d’action
I. Le dialogue sur l’environnement dans la politique internationale
II. Le dialogue en vue de nouvelles politiques nationales et locales
III. Dialogue et transparence dans les processus de prise de décisions
IV. Politique et économie en dialogue pour la plénitude humaine
V. Les religions dans le dialogue avec les sciences
SIXIEME CHAPITRE Éducation et spiritualité écologiques
I. Miser sur un autre style de vie
II. Éducation pour l’alliance entre l’humanité et l’environnement
III. La Conversion écologique
IV. Joie et paix
V. Amour civil et politique
VI. Les signes sacramentaux et le repos pour célébrer
VII. La Trinité et la relation entre les créatures
VIII. La Reine de toute la création
IX. Au-delà du soleil



On a toujours ses marottes et son désir de lire dans le sens de ce que l'on veut entendre.  Il faudra éviter cet écueil. Bien sûr, après la publication de mon "Où es tu ?", j'ai déjà cette tentation. Affaire à suivre...



(1) http://www.eglise.catholique.fr/vatican/les-ecrits/395463-encyclique-laudato-si/
(2) Discours à l’occasion du 25ème anniversaire de la FAO (16 novembre 1970), n. 4 : AAS 62 (1970), 833.
(3) LS 13

18 juin 2015

Solitude et souffrance

Cela tombe sous l'évidence et pourtant cela vaut la peine d'être toujours souligné : "avec de bonnes paroles on ne fait pas grand-chose. Or Jésus nous montre une voie plus réaliste. Il nous dit que chaque chrétien, qu'il soit marié, abandonné (...) qu'il ait vécu sans contact avec sa propre famille n'est jamais solitaire ni perdu. Il est chez lui dans une nouvelle famille de frères et de soeurs (Mat 12, 48-50; 19, 27-30)." (1)

Il nous reste à quitter les mots et passer à l'agir.
Hier soir, en paroisse, un tour de table sur la miséricorde active nous mettait aux pieds du mur. Il faut entendre ceux qui ne sont pas prêts parce que trop souffrants, ceux qui disent et ne font pas, ceux qui comme moi sentent monter en eux une paresse profonde qui, pour sûr, ne vient pas de Dieu... :-)


(1) Kasper, évangile. de la famille op. Cit p. 43

Chemin de développement

Je retrouve chez Kasper (y a-t-il, en ce domaine, un hasard ?)‎ cette préoccupation qui m'habite depuis quelques semaines : il y a urgence à présenter le sacrement de mariage,  non comme un acte unique et statique mais dans une dynamique.  Écoutons-le : "le mariage et la famille sont sur le chemin qui va de la Croix à la résurrection. En vertu de la loi du développement, la famille est appelée à croître toujours plus profondément dans le mystère du Christ (FC 9; 34). Cette loi du développement me semble une chose très importante pour la pastorale du mariage et de la famille. Elle ne signifie pas un progrès de la loi, mais une croissance progressive dans la compréhension et la réalisation de la loi de l'Evangile qui est une loi de liberté (Jc 1, 25 ; 2, 12). Cette loi est devenue difficile aujourd'hui pour beaucoup de fidèles. Ils ont besoin de temps et d'écoute patiente pour y avoir accès. (1)

N'est ce pas ce que je cherche en évoquant l'on terme de dynamique sacramentelle, avec un zeste de liberté qu'il n'est pas inintéressant d'ajouter ?

(1) Kasper‎, Evangile de la famille, op. Cit. p. 41
FC : Familiaris Consortio, de Jean Paul II

Silence intérieur

Contemplation,  cette nuit, de cet hymne souvent chanté "dans le silence" et qui résonne plus particulièrement aujourd'hui : "En toute vie le silence dit Dieu, (...)
Soyez la voix du silence en travail, 
Couvez la vie, c'est elle qui loue Dieu !
Pas un seul mot, et pourtant c'est son Nom 
Que tout sécrète et presse de chanter :
N'avez-vous pas un monde immense en vous ? Soyez son cri, et vous aurez tout dit."
Il fait résonner ce "chemin du désert" qui m'a habité le mois dernier et ce texte trouvé hier chez Augustin : 
« Entrer au fond de ta maison, c'est rentrer dans ton cœur. Heureux ceux qui se réjouissent de rentrer dans leur cœur, et qui n'y trouvent rien de mal..."

Le véritable décentrement c'est celui où son propre cri finit par de transformer en contemplation de l'infini et insondable tendresse pour rejoindre l'autre cri, celui qu'il a déposé en nous : "aime".
Un cri qui n'est autre que l'écho de celui qui jaillit en Gn 3, cet "où es-tu ?" qui atttends la réponse d'un "me voici".

(1) 2eme discours sur le Psaume 33, §8  ; PL 36,312 

16 juin 2015

Dureté du coeur

Je continue bon an mal an, ma lecture de l'oeuvre de Walter Kasper avec un cinquième petit ouvrage(1) rédigé à l'occasion du synode en cours sur la famille. 
Je m'arrête sur un petit passage page 36 qui rejoins ce que j'écrivais déjà dans chemins croisés sur Matthieu 19 :

‎"On ne doit pas comprendre la parole de Jésus de façon isolée, mais dans l'ensemble de son message relatif au règne qui vient. Jésus ramène le divorce à la dureté du coeur (Mat 19, 8) qui se ferme à Dieu et à l'autre. (...) de même que l'adultère commence dans le coeur (Mat 5, 28), ainsi la guérison n'est possible que par la conversion et par le don du coeur nouveau. C'est pourquoi (...) il accorde le pardon à une femme accusée d'adultère (Jn 8, lc 7, 36-50)"

Je souscrit à sa thèse et reviendrai sur ce point dans mon essai sur la dynamique sacramentelle... car c'est bien encore ee cela qu'il s'agit.  

(1) Walter Kasper, l'évangile de la famille, Paris, Cerf, 2014
(2) op. Cit.  P. 36

Koinonia - la prière de tous

On trouve souvent chez Paul cette notion de Koinonia (1 Cor 10, 16) cet appel à la prière communautaire.  En 1 Cor 11, 18-22 notamment,  il insiste pour que nos assemblées ne doivent pas être des lieux d'égoïsme où on mange sans attendre les autres, où les riches sont repus alors que les esclaves se nourrissent des restes. Ses propos sont durs. "J'apprends que, lorsque vous vous réunissez en assemblée, il y a des scissions parmi vous, — et je le crois en partie; lors donc que vous vous réunissez ce n'est plus le repas du Seigneur que vous célébrez; car, à table, chacun commence par prendre son propre repas, en sorte que tels ont faim, tandis que d'autres se gorgent. N'avez-vous pas des maisons pour y manger et boire? ou méprisez-vous l'Eglise de Dieu, et voulez-vous faire un affront à ceux qui n'ont rien?"

On retrouve un peu cela chez saint Cyprien (1) que nous donnait à lire le lectionaire d'hier : "Notre prière est publique et communautaire. Avant tout, le Christ, (...) n'a pas voulu que la prière soit individuelle et privée, comme si l'on ne priait que pour soi. Nous ne disons pas : « Mon Père, qui es aux cieux », ni : « Donne-moi aujourd'hui mon pain de ce jour». Chacun ne demande pas pour lui seul, que sa dette lui soit remise (...) Notre prière est publique et communautaire, et quand nous prions, ce n'est pas pour un seul, mais pour tout le peuple, car nous, le peuple entier, nous ne faisons qu'un." Une perspective intéressante.

(1) commentaire de saint Cyprien sur la prière de Notre Seigneur,  source AELF.

14 juin 2015

Anne-Dauphine Julliand - Deux petits pas sur le sable mouillé

Compte rendu de lecture de :
- "Deux petits pas sur le sable mouillé", Paris, Les Arènes, 2011
- "Une Journée particulière", Paris, Les Arènes, 2013
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Une lecture particulière pour une histoire particulière.
On ne peut rester indifférent au chemin de cette mère qui découvre que sa fille Thaïs va mourir, que sa deuxième enfant est aussi marquée par cette terrible leucodystrophie métachromatique.
Comme toute souffrance, on reste d'abord sans voix et puis progressivement on vibre en profonde empathie avec cette femme et son chemin plein d'espérance et plein de désir de vivre l'aujourd'hui, "d'ajouter de la vie aux jours"
Cela met bien sûr aussi à jour nos propres fragilités, nos propres souffrances, ce petit frère que j'ai aussi perdu et dont ma mère a fait aussi un étonnant témoignage, dans "L'enfant à coeur ouvert".
La souffrance est aussi chemin de vérité sur la vie, sur Dieu.
J'y trouve bien sûr un écho à mes deux essais sur la souffrance (1) qui restent bien sûr très théoriques par rapport à ce réel, ce vécu. Et pourtant, la même quête surgit.
Je ne peux souligner dans ce double texte qu'une phrase qui résume tout :
"La réponse à la souffrance, c'est l'amour" (2).
Il a fallu à Anne-Dauphine Julliand deux tomes pour distiller cette réponse, sur le bout des lèvres. Et cette progression dans la révélation est une voie qui me touche.
Saluons ce cheminement exceptionnel.

(1) voir notamment sous ce lien  :
- Quelle espérance pour l'homme souffrant, Createspace, 2012
- Où es-tu mon Dieu, Souffrance et création, Createspace, 2015
et les romans qui y sont associés :
- Le collier de Blanche
- Le chant du large
- Les tisseuses de l'Avre

(2) "Une Journée particulière", op. cit. p. 195

Le chemin du désert - Un itinéraire spirituel

"Que nous dit la Parole sur le désert ? Comment, plusieurs milliers d’années plus tard, pouvons-nous en percevoir l’enjeu ? Que nous apprend la tradition des Pères du désert, quel est le secret de la vie érémitique ? En quoi peut-elle être signe pour aujourd’hui ? Comment nous aide-t-elle à nous préparer à la révélation de Dieu dans nos vies, à y être réceptifs ? Toutes ces questions, nous les portons en nous et pourtant, parfois, nous passons à côté, parce qu’il reste difficile de prendre le temps de s’arrêter. Le silence, le recueillement n’est plus qu’un rêve. Et pourtant, la voie du silence nous conduit au-delà de nous-mêmes. Elle interpelle notre cœur et nous pousse à nous interroger sur ce qui vit en nous, caché au fond de notre conscience et que parfois nous refusons d’entendre. Dieu est pourtant au cœur de cette quête, même si nous passons si souvent à côté. "

Cet essai, maintenant disponible sur Amazon/Kindle* reprend des pistes de recherche de l'Amphore et le Fleuve. A partir d'une manducation de Luc 4 et Mat 4 (les tentations du Christ) il cherche à établir une lecture narrative des grands épisodes de désert (Osée, Genèse, Exode, Nombres, 1 Rois 19...) et de tracer un itinéraire spirituel pour l'homme de notre temps.

A titre de résumé, on retrouve ce texte de Josué : "Les enfants d'Israël
marchèrent pendant quarante ans dans le désert jusqu'à ce (...) que Yahweh dit à Josué: «Ôte ta chaussure de tes pieds, car le lieu sur lequel tu te tiens est saint.» (Josué, 5.6,15)

* Ce livre est vendu à prix coûtant et reste en téléchargement gratuit sur KDP, comme tous les publications récentes de l'auteur en théologie.

La graine de moutarde - Dynamique sacramentelle

Quel va être le fruit du sacrement en nous ?N'est il pas comparable à cette "graine de moutarde : quand on la sème en terre, elle est la plus petite de toutes les semences. 
Mais quand on l'a semée, elle grandit et dépasse toutes les plantes potagères ; et elle étend de longues branches, si bien que les oiseaux du ciel peuvent faire leur nid à son ombre." ( Marc 4, 31-32)
Comment cela est-il possible ? A écouter Saint Pierre Chrysologue, "tant que la graine de moutarde demeure intacte, ses vertus restent cachées, mais elles déploient toute leur puissance quand la graine est broyée. De même le Christ a-t-il voulu que son corps soit broyé pour que sa force ne reste pas cachée..." (1)

Qu'est ce à dire pour nous ? Si nous recevons en nous le sacrement comme grâce,  ce ne peut être que dans un esprit broyé ( cf. Ps 51), comme une terre vierge qui se laisse féconder après avoir accueilli la blessure du laboureur. 
Porter du fruit ce n'est pas claironner le mérite de notre foi comme un dû, mais s'effacer devant ce travail mystérieux de l'Esprit en nos coeurs,  reconnaître qu'il nous échappe,  qu'il est plus grand que nous et que notre décentrement sera le lieu de Sa croissance,  que notre faiblesse sera le terreau de Sa puissance. 

(1) Saint Pierre Chrysologue, Sermon 98, 1-2 ; CCL 24A, 602 (trad. Delhougne, Les Pères commentent, p. 225 rev.) 

13 juin 2015

Un véritable décentrement

On se préoccupe trop de savoir si l'on est à la hauteur de la tâche.  Le véritable décentrement,  c'est de percevoir que l'on n'est ni homme,  ni femme, ni juif, ni esclave mais bien " serviteur de l'homme,  de la joie et du Verbe". (1)

Dans un sermon célèbre, repris aujourd'hui dans la liturgie des heures, saint Laurent Justiniien disait ainsi : "Heureuse, certes, l'âme de la bienheureuse Vierge : habitée par l'Esprit et par son enseignement, elle obéissait toujours et en toutes choses aux ordres du Verbe. Elle n'était pas guidée par son sentiment personnel, pas sa propre décision ; mais ce que la sagesse suggérait intérieurement à sa foi, elle l'accomplissait extérieurement pas son corps." (2)

De même le prêtre soulignait Joseph Ratzinger n'a pas besoin d'ajouter quelque chose de personnel à sa liturgie : "Dans la réalisation concrète du service ecclésial, [il doit] se livrer totalement à l'inclusion dans le Christ; non pas construire un être à côté de lui, mais seulement en lui ; et permettre ainsi que devienne enfin réalité cette exclusivité qui ne détruit pas mais libère toute chose en la faisant entrer dans sa propre immensité" (3).  Alors peut importe sa nature. "Cela donne aux paroles d'un prédicateur, fut-il minable, le poids des siècles" et cela inclut la liturgie, "si démunie soit-elle" dans une dynamique qui la dépasse. "En acc
eptant de devenir sans importance en lui-même, il pourra devenir vraiment important parce qu'il sera pour le Seigneur un lieu d'irruption dans ce monde" (4) En agissant in Persona Christi,  en lui se substitue Celui pour qui il vit.  La dynamique sacramentelle devient alors signe au delà du signe, creuset où le fleuve du Verbe prend son lit, pour arroser le monde,  depuis le coeur blessé du Christ jusqu'aux confins de l'humanité.

Alors peut-on contempler la parole d'Isaïe, également donnée dans la liturgie d'aujourd'hui : "Je tressaille de joie dans le Seigneur, mon âme exulte en mon Dieu. Car il m'a vêtue des vêtements du salut, il m'a couverte du manteau de la justice, comme le jeune marié orné du diadème, la jeune mariée que parent ses joyaux. Comme la terre fait éclore son germe, et le jardin, germer ses semences, le Seigneur Dieu fera germer la justice et la louange devant toutes les nations." (Isaïe 61, 10-11) 

(2) saint Laurent Justinien, source AELF,  bréviaire du 12 juin
(3) J. Ratzinger, Les principes de la théologie catholique, Paris, Téqui, 1982, p. 315
(4) ibid p. 318

12 juin 2015

Source du côté du Christ

"Du côté du Christ endormi sur la Croix, surgit l'Église" nous rappelle saint Bonaventure (1) en ajoutant que "la sagesse divine a bien voulu que la lance d'un soldat ouvre et transperce ce côté. Il en sortit du sang et de l'eau, et c'était le prix de notre salut qui s'écoulait ainsi. Jailli de sa source, c'est-à-dire du plus profond du cœur du Christ, il donne aux sacrements de l'Église le pouvoir de conférer la vie de la grâce et, à ceux qui ont déjà en eux la vie du Christ, il donne à boire de cette eau vive qui jaillit jusque dans la vie éternelle".

Nous retrouvons là l'essence même de ce que j'appelle la dynamique sacramentelle...

(1) in L'Arbre de vie, 29-30, 47 (trad. cf bréviaire Sacré Cœur et Orval) source AELF,  office des lectures en la solennité du Sacré Coeur.

Oecumenisme du sang - pape François

Dans une belle méditation sur la Samaritaine et la soif du Christ qui est une "soif de rencontre" et de dialogue,  le pape nous invitait à une unité qui "se fait sur le chemin,  (...) en marchant"

« L’engagement commun à annoncer l’Évangile permet de dépasser toute forme de prosélytisme et la tentation de compétition », a-t-il souligné à Saint-Paul hors les murs le 25 janvier 2015.  « Nous sommes tous au service de l’unique et même Évangile ! », a-t-il conclu, faisant de nouveau ressortir le fait que ceux qui persécutent aujourd’hui les chrétiens dans le monde ne distinguent pas l’Église à laquelle ils appartiennent. Ce que le pape François appelle « l’œcuménisme du sang ».

Cela souligne aussi pour moi cette inguérissable souffrance de la séparation. Pouvons nous continuer à déchirer la tunique unique au lieu de travailler sens à construire l'unité, dans et au seuil de nos églises.

09 juin 2015

Lumière du sacrement

La force signifiante du sacrement,  qu'elle soit celle du baptême, du mariage ou de l'ordre est à contempler.  Pleinement empli du Christ l'homme peut sentir la puissance qui se déploie dans sa faiblesse. Car ce n'est pas ses mérites qui sont signes, mais la manière dont Dieu les habitent, les emplit de ses dons. 

Quand les chrétiens réalisent cela, ils ne sont plus serviteurs d'eux mêmes mais serviteur d'autre chose, d'un plan qui est supérieur. De même qu'un couple heureux rayonne de l'amour qui l'habite, le chrétien qui danse avec son Dieu rayonne d'un amour qui l'enveloppe, le fait agir, l'emplit d'une joie qui le dépasse. Il n'est plus lui-même mais passeur (1) de Dieu.
 
On peut entendre à ce titre ce que disait Paul : « Vous brillez comme des sources de lumière dans le monde, vous qui êtes porteurs de la parole de vie » (Ph 2,15-16).  

Reprenant cette affirmation, saint Chromace d'Aquilée, évêque du 3ème siècle précise : "Cette lampe resplendissante, qui a été allumée pour servir à notre salut, doit toujours briller en nous. Nous avons en effet la lampe (...) et la grâce spirituelle dont David disait : « Ta parole est une lampe pour mes pas, une lumière sur ma route » (Ps 118,105)... Cette lampe (...) nous ne devons donc pas la cacher, mais la dresser dans l'Église comme sur le lampadaire, pour le salut d'un grand nombre, afin de jouir nous-mêmes de la lumière de la vérité, et d'en éclairer tous les croyants." (2) 

Il ne s'agit pas pour autant de l'imposer mais plutôt de laisser transparaître en nous cette lumière qui nous habite, nous fait vivre. Car elle ne vient pas de nous mais de la force de l'Esprit que Dieu a déposé en notre coeur. Cette lumière n'est autre en effet que la lumière du Christ,  puissance venue de ce corps glorieux qui jaillit du tombeau. 

(1) cf. Theobald / Bacq la pastorale d'engendrement
(2) Saint Chromace d'Aquilée, Homélies sur l'évangile de Matthieu, n°5, 1.3-4 : CCL 9, 405 (trad. cf bréviaire 11/06 et Orval) 


Dynamique sacramentelle - suite - présence réelle


Thomas d'Aquin n'affirme-t-il pas que l'originalité de l'Eucharistie c'est à dire son but n'est pas tant la présence réelle du corps et du sang du Christ (qui n'est qu'une réalité intermédiaire) que l'unité ‎de l'Eglise (1).
C'est une idée qui conduit à un déplacement par rapport à l'affirmation de l'Eucharistie comme sacrement central, non pour le nier mais pour le mettre en perspective. Cela conforte en effet cette idée de dynamique sacramentelle qui ne met pas l'acte au centre mais cherche à voir plus loin, cette réalité foncière de l'en Christo, de la koinonia (cf. Paul).

Le même Paul ne critiquait-il pas la manière dont les premiers chrétiens ne mangeaient pas ensemble au sein même de l'eucharistie (cf. 1 Cor 11, 21ss). Ce rappelle à l'ordre et à l'unité reste valable.

(1) Saint Thomas d'Aquin Somme théologique III, 73, 6 cf. SC 47 ; LG 3 ; 7,11 cité par Kasper, Serviteur de la joie, op. cit. p. 124


08 juin 2015

Pratique isolée, catéchèse et pastorale

‎Mon travail de recherche évolue sur le thème la dynamique sacramentelle. Une phrase de Kasper me donne à nouveau à penser dans ce sens : "la distribution des sacrements et la "pratique sacramentelle" ne peuvent pas être isolées et présentées comme le but le plus élevé. Car les sacrements sont les sacrements la foi. La pratique juste et responsable de la participation aux sacrements suppose une évangélisation et une catéchèse préalable". (1)

Même s'il ajoute une ligne sur l'importance de rencontrer des chrétiens habités par leur foi, je le rejoins et met aussi des réserves sur son affirmation qui me semble trop idéaliste. Car pour moi la dynamique sacramentelle ne prend pas naissance nécessairement dans la seule catéchèse ou l'évangélisation. Il y a plusieurs portes d'entrée à une foi agissante (2) et je crois que l'important est de ne pas fermer la porte en chargeant trop la bête. Il nous faut apprendre à donner soif et les chemins de Dieu en l'homme sont innombrables.

(1) Kasper, Serviteur de la joie, op. cit. p. 92
(2) Je développe ce point dans "Pastorale du seuil"

07 juin 2015

Le bon pasteur

Je parle souvent dans ce blog de tension théologique. Il y a dans ces lignes ce que je qualifierai d'une saine tension "pastorale" :
"Celui qui guide et qui a le courage de donner par la foi une direction claire et sûre (...) mais également celui qui réagit (...) avec compréhension, compassion et patience envers ceux qu'il rencontre (....) capable de dire la vérité dans la charité." 

W. Kasper, serviteur de la joie, op. cit. p. 85

Sacrement source

Dans l'octave du dimanche où nous fêtons le Saint Sacrement du Corps et du Sang du Christ, prenons  le temps de contempler cet hymne magnifique que nous chantons parfois à la messe. Il compare le Christ a un mendiant : 

Mendiant du jour, 
je te prends dans mes mains, (...)
et tu deviens 
la Nuée qui dissout les ténèbres. 

Mendiant du feu, 
je te prends dans mes mains, (...)
et tu deviens 
l'Incendie qui embrase le monde. 

Mendiant d'espoir, 
je te prends dans mes mains (..)
et tu deviens 
le Torrent d'une vie éternelle.

Mendiant de toi, 
je te prends dans mes mains, (..)
et tu deviens 
le Trésor pour la joie du prodigue. 

Mendiant de Dieu, 
je te prends dans mes mains ; (...)
et je deviens 
l'Envoyé aux mendiants de la terre.

On y voit, on y sent le principe même de la kénose,  de ce Dieu à genoux devant l'homme qui nous demande à boire, qui vient quérir en nous le meilleur de nous mêmes. 

Saint Thomas d'Aquin commente ainsi ce sacrement : "il a laissé aux fidèles son corps à manger et son sang à boire, sous les dehors du pain et du vin. 

Banquet précieux et stupéfiant, qui apporte le salut et qui est rempli de douceur ! Peut-il y avoir rien de plus précieux que ce banquet où l'on ne nous propose plus, comme dans l'ancienne Loi, de manger la chair des veaux et des boucs, mais le Christ qui est vraiment Dieu ? Y a-t-il rien de plus admirable que ce sacrement ? (...) Il est offert dans l'Église pour les vivants et pour les morts afin de profiter à tous, étant institué pour le salut de tous. Enfin, personne n'est capable d'exprimer les délices de ce sacrement, puisqu'on y goûte la douceur spirituelle à sa source et on y célèbre la mémoire de cet amour insurpassable, que le Christ a montré dans sa passion.

Il voulait que l'immensité de cet amour se grave plus profondément dans le cœur des fidèles. C'est pourquoi à la dernière Cène, après avoir célébré la Pâque avec ses disciples, lorsqu'il allait passer de ce monde à son Père, il institua ce sacrement comme le mémorial perpétuel de sa passion, l'accomplissement des anciennes préfigurations, le plus grand de tous ses miracles ; et à ceux que son absence remplirait de tristesse, il laissa ce sacrement comme réconfort incomparable." (1)


(1) Saint Thomas d'Aquin, Lecture pour l'office du Corps du Christ

06 juin 2015

Dynamique sacramentelle - Un aller retour

‎Concevoir les sacrements en dehors de la vie, comme un temps à part, c'est nier l'interaction constante qui devrait se faire au service de l'unité intérieure de la personne et de la communauté. Il existe un aller et retour constant entre ce qui se vit dans notre expérience sacramentelle et ce que nous vivons dans notre vie ordinaire. C'est là où la notion de dynamique prend sens.

En lisant les pages de Kasper ‎sur le rôle pastoral du prêtre (1) je retrouve cette idée (ou est ce elle qui vient à moi) à propos de la prière comme lieu d'unité. En effet, j'adhère à cette vision de la messe, non comme un chemin uniforme de prière (ce qu'elle est de fait) mais surtout comme le lieu où, pour reprendre les termes de Varillon (2) nous divinisons ce que nous humanisons, c'est à dire que toutes nos différences trouvent là un terreau d'unité, où le prêtre, pasteur de ses brebis, accueille et met ensemble nos sensibilités, nos différences sans les nier ou y faire violence mais en les concentrant sur leur centre unique : Jésus Christ.

(1) op. Cit. chapitre V
(2) Joie de croire, joie de vivre


05 juin 2015

Kasper - Serviteur de la joie

‎Nous devons être ambassadeur du Christ, nous dit Kasper, reprenant les termes de Paul. A ce sujet il précise que "le service du prêtre doit être marqué dans son ensemble par son origine christologique (...) correspondre au Christ et (...) ne pas exercer leurs charismes de manière orgueilleuse et dominatrice, mais (...) en termes de service pour la construction de la communauté (...) non pas seigneurs de la foi, mais "serviteur de la joie". (2 Cor 1, 24).
Sans surprise, il évoque alors le lavement des pieds...

Je retrouve là des accents de "Cette église que je cherche à aimer" et de "Serviteur de l'homme. Kénose et diaconie", mes deux études sur la place du ministre et des laïcs dans l'Eglise.

(1) Serviteur de la joie, op. Cit p. 67

04 juin 2015

Dynamique sacramentelle


Ne pas connaître l'écriture c'est ne pas connaître le Christ nous rappelle le Concile (DV25), mais, poursuit Kasper (1), l'église continue à se construire. Il rappelle ainsi l'affirmation de 2 Cor 3, 2-3 : "C'est vous-mêmes qui êtes notre lettre, écrite dans nos cœurs, connue et lue de tous les hommes.
Oui, manifestement, vous êtes une lettre du Christ, écrite par notre ministère, non avec de l'encre, mais par l'Esprit du Dieu vivant ; non sur des tables de pierre, mais sur des tables de chair, sur vos cœurs."

Cela renvoie pour moi à cette idée de dynamique sacramentelle qui va probablement être mon nouveau thème de recherche théologique. Comprendre que Dieu agit par nous donne un autre sens à notre vie de chrétien, fait de nous des "porte-Christ" mais plus encore des témoins non par nos paroles mais en actes, en Christo...
En cela nous devenons participants à l'oeuvre de l'Esprit.

De nos ossements desséchés (cf. Ez 37), Dieu fait de nous des porteurs de son Amour...


"‎Ce qui était visible en Jésus Christ est passé dans les sacrements" nous rappelle Kasper, évoquant Léon le Grand (2). Qu'est-ce à dire ? Est-ce une apparition fugace, l'oeuvre d'un jour, où bien une dynamique véritable qui nous met en mouvement ? Telle est la question qu'il me semblerait intéressant de creuser, tant elle implique une mise en question de notre façon de concevoir la nature même du sacrement.

(1) Serviteur de la joie, ibid. p. 51
(2) Léon le Grand, Sermons, 74,2 cité p. 65 par Kasper, op. cit.

03 juin 2015

Trinité

Je découvre chez saint Antoine,  une articulation trinitaire qui donne à penser : "La suprême origine, comme le dit saint Augustin, (...) c'est Dieu le Père, de qui viennent toutes choses, de qui procèdent le Fils et le Saint Esprit. La beauté très parfaite, c'est le Fils, la vérité du Père, (...) modèle de toutes choses, parce que tout a été fait par lui et que tout se rapporte à lui. La joie très bienheureuse, la souveraine bonté, c'est le Saint Esprit, qui est le don du Père et du Fils ; et ce don, nous devons croire et tenir qu'il est exactement pareil au Père et au Fils. En regardant la création, nous aboutissons à la Trinité d'une seule substance. Nous saisissons un seul Dieu : Père, de qui nous sommes, Fils, par qui nous sommes, Esprit Saint, en qui nous sommes. Principe, à qui nous recourons ; modèle, que nous suivons ; grâce, qui nous réconcilie." (1)

L'intérêt est pour moi dans cette triple articulation,  et notamment l'appel très paulinien à l'imitation du Christ et la prise de conscience de l'Esprit comme d'une grâce dans lequel on repose. Imiter le Christ et être en lui, tout un chemin vers la paix et l'unité. 


(1) Saint Antoine de Padoue, Sermons pour le dimanche et les fêtes des saints (trad. Bayart, Eds. franciscaines 1944, p. 160) 



02 juin 2015

Reconsidérer le sacerdoce commun

Reconsidérer le sacerdoce commun. ‎Kasper (1) nous invite dans ce sens. Non seulement pour inviter le prêtre à descendre de son piédestal (sic) mais surtout en enrichissant notre rôle de baptisés et redonnant, par conséquence, une conception plus riche de "la compréhension que le prêtre a de lui-même pour lui redonner sa véritable dignité dans le peuple de Dieu". 
Il me semble lire là des accents familiers, probablement type de ce que Congar écrit dans sa théologie du Laïcat.‎..
Mais Kasper va plus loin en citant Paul qui parle de l'offrande d'une vie, du sacrifice et du service de la foi de la communauté (Ph 2, 17) et souligne que d'après lui "toute la communauté doit être une offrande agréable à Dieu" (Rm 15, 16).‎ (2). L'idée souligne Kasper n'est pas d'arriver à une cogestion mais d'une "construction d'une maison spirituelle faite de pierres vivantes, (...) à partir de la pierre angulaire qu'est Jésus Christ."
Afin d'être prêtre pour les autres, le ministre ordonné ajoute t il, doit être chrétien avec les autres et, comme Jean sur la poitrine de Jésus, apprendre dans l'amitié avec le Christ à être ami de Dieu et des hommes" sans s'en isoler, mais en famille.

(1) Serviteur de la joie, op. Cit. p. 32
(2) ibid. p. 35‎ et 36





01 juin 2015

Docta spes - une espérance réfléchie

‎Après son livre sur la miséricorde me voilà plongé dans un livre plus ancien de Walter Kasper : Serviteur de la joie, la vie de prêtre et le service sacerdotal, Paris, Cerf, 2007.
Une première réflexion me fait réagir : il y parle (p. 23) d'une espérance réfléchie loin de l'espérance naïve à laquelle je cède trop souvent, celle de croire que "Dieu pourvoira"...
"Espérer contre toute espérance" dit Paul en Rm 4, 18, mais aussi comprendre peut être que "Dieu a besoin de nos mains", comme le dit Etty Hillesum, de nos intelligences, de nos efforts sans limites pour labourer le champ, préparer le travail du Grand Semeur....Mais aussi, ajoute Kasper, que l'espérance se fonde "‎dans le mystère pascal" (p. 24), ce qui rejoint la conclusion de mon "chemin vers le désert"...



31 mai 2015

Impossible à l'homme, Marc 10, 27

Relisons le contexte : "23 Et Jésus, jetant ses regards autour de lui, dit à ses disciples : " Qu'il est difficile à ceux qui ont les biens de ce monde d'entrer dans le royaume de Dieu ! " 24 Comme les disciples étaient étonnés de ses paroles, Jésus reprit : " Mes petits enfants, qu'il est difficile à ceux qui se confient dans les richesses, d'entrer dans le royaume de Dieu ! 25 Il est plus aisé à un chameau de passer par le trou d'une aiguille, qu'à un riche d'entrer dans le royaume de Dieu. "
26 Et ils étaient encore plus étonnés, et ils se disaient les uns aux autres : " Qui peut donc être sauvé ? " 27 Jésus les regarda, et dit : " Aux hommes cela est impossible, mais non à Dieu : car tout est possible à Dieu. " 28 Alors Pierre, prenant la parole : " Voici, lui dit-il, que nous avons tout quitté pour vous suivre. " 29 Jésus répondit : " Je vous le dis en vérité, nul ne quittera sa maison, ou ses frères, ou ses sœurs, ou son père, ou sa mère, ou ses enfants, ou ses champs, à cause de moi et à cause de l'Evangile, 30 qu'il ne reçoive maintenant, en ce temps présent, cent fois autant : maisons, frères, sœurs, mères, enfants et champs, au milieu même des persécutions, et dans le siècle à venir, la vie éternelle. 31 Et plusieurs des derniers seront les premiers, et des premiers, les derniers. " (1)

"Que Dieu nous comble de ses biens ne fait pas de doute et pourtant",  comme le souligne saint Grégoire le grand, il arrive qu'une "chose créée bonne nous cause de la douleur". Quel sera alors notre réaction ? 
Il faut entendre ce que dit encore ce Père de l'Église, en évoquant Job : "l'âme de celui qui est ainsi corrigé est rétablie par l'humilité dans la paix avec son Créateur." (2)

Car la richesse des biens n'est pas le signe du bonheur intérieur. Relisons à nouveau la tension ouverte par le récit du jeune homme riche. Pierre s'inquiète : "Mais alors, qui peut être sauvé ? » Jean Chrysostome précise,  "C'est qu'avant même d'être pasteur, il en avait l'âme ; avant d'être investi de l'autorité..., il se préoccupait déjà de la terre entière. Un homme riche aurait probablement demandé cela par intérêt, par souci de sa situation personnelle et sans penser aux autres. Mais Pierre, qui était pauvre, ne peut pas être soupçonné d'avoir posé sa question pour des motifs pareils. C'est le signe qu'il se préoccupait du salut des autres, et qu'il désirait apprendre de son Maître comment on y parvient. D'où la réponse encourageante du Christ : « Pour les hommes, cela est impossible, mais pas pour Dieu ». Il veut dire : « Ne pensez pas que je vous laisse à l'abandon. Moi-même, je vous assisterai dans une affaire aussi importante, et je rendrai facile et aisé ce qui est difficile ». (3)
A contempler...
(1) traduction Crampon 1923
(2) saint Grégoire le grand,  Commentaire de Job
(3) Saint Jean Chrysostome, Homélie sur le débiteur de dix mille talents, 3 ; PG 51, 21 (trad. Delhougne, Les Pères commentent, p. 297) source : AELF


30 mai 2015

Souffrance de Job, souffrance du Christ

Dans "Quelle espérance pour l'homme souffrant ?" et "Où es tu ? Souffrance et création", je continue d'explorer l'impossible question de la place de Dieu face à la souffrance. Sur ce chemin, la médiation donné aujourd'hui par l'office des lectures donne une piste supplémentaire :

"Job offrait une préfiguration du Christ. (...) Job est appelé par Dieu un homme juste. Le Christ est la justice, et tous les bienheureux se désaltèrent à sa source (...)  Le diable tenta Job par trois fois. De même, d'après l'Évangile, il a essayé par trois fois de tenter le Seigneur. Job a perdu toutes les richesses qu'il avait. Et le Seigneur a délaissé par amour pour nous tous les biens au ciel ; il s'est fait pauvre pour nous rendre riches. (...) Job fut couvert d'ulcères. Et le Seigneur, en s'incarnant, a été souillé par les péchés de tout le genre humain. (1)
Sur cette piste de Job, voir aussi Philippe Némo et sa réponse par E. Lévinas que je résume dans "Quelle espérance..."

(1) Saint Zénon de Vérone, Homélie sur Job, source : Textes liturgiques © AELF.

29 mai 2015

Froment de Dieu et Esprit Saint

Association...
Il y a des trésors chez les pères de l'Église que l'on ne peut laisser  sous silence... et nous pousse à l'humilité...
Ignace d'Antioche voudrait "être le froment de Dieu" (1) et Saint Irénée, nous dit que "La farine sèche ne peut sans eau devenir une seule pâte, pas davantage nous tous, ne pouvions devenir un en Jésus Christ sans l'eau qui vient du ciel. La terre aride, si elle ne reçoit pas d'eau, ne fructifie pas ; ainsi nous-mêmes, qui d'abord étions du bois sec, nous n'aurions jamais porté le fruit de la vie, sans l'eau librement donnée d'en haut. Ainsi nos corps ont reçu par l'eau du baptême l'unité qui les rend incorruptibles ; nos âmes l'ont reçue de l'Esprit. (2)

(1) Lettre au Romains
(2) Saint Irénée,  traité contre les hérésies

28 mai 2015

L'essaim qui nous attaque

Une pépite aujourd'hui sous la forme d'un commentaire par saint Grégoire le grand de l'Evangile du jour.
Elle justifie à sa manière la publication aujourd'hui de mon nouvel essai,  "Le chemin du désert" (1), cette invitation longuement commentée dans ses pages à prendre de la distance sur l'essaim des distractions qui nous attaquent alors même que nous aspirons à trouver le chemin de Dieu : "Que tout homme qui connaît les ténèbres qui font de lui un aveugle...crie de tout son esprit : « Jésus, fils de David, aie pitié de moi ». Mais écoutons aussi ce qui fait suite aux cris de l'aveugle : « Ceux qui marchaient en tête le rabrouaient pour lui imposer silence » (Lc 18,39). Qui sont-ils ? Ils sont là pour représenter les désirs de notre condition en ce monde, fauteurs de trouble, les vices de l'homme et leur tumulte, qui, voulant empêcher la venue de Jésus en nous, perturbent notre pensée en y semant la tentation et veulent couvrir la voix de notre cœur en prière. Il arrive souvent, en effet, que notre volonté de nous tourner vers Dieu à nouveau..., notre effort pour éloigner nos péchés par la prière, soit contrarié par leur image : la vigilance de notre esprit se relâche à leur contact, ils jettent la confusion dans notre cœur, ils étouffent le cri de notre prière...       Qu'a donc fait cet aveugle pour recevoir la lumière malgré ces obstacles ? « Il criait de plus belle : ' Fils de David, aie pitié de moi ! ' »... Oui, plus le tumulte de nos désirs nous accable, plus nous devons rendre notre prière insistante... Plus la voix de notre cœur est couverte, plus elle doit insister vigoureusement, jusqu'à couvrir le tumulte des pensées envahissantes et toucher l'oreille fidèle du Seigneur. Chacun se reconnaîtra, je pense, dans cette image : au moment où nous nous efforçons de détourner notre cœur de ce monde pour le ramener à Dieu..., ce sont autant d'importuns qui pèsent sur nous et que nous devons combattre. C'est un essaim que le désir de Dieu a du mal à écarter des yeux de notre cœur... Mais en persistant vigoureusement dans la prière, nous arrêtons en notre esprit Jésus qui passait. D'où le récit de l'Évangile : « Jésus s'arrêta et ordonna qu'on le lui amène » (v. 40). (2)
Au bout du chemin nos yeux se descillerons et nous le verrons de dos ( Ex. 33)

(1) en ligne sur Amazon dans deux ou trois jours, cf. lien (version Kindle déjà disponible)
(2) Saint Grégoire le Grand, Homélies sur l'Évangile, n°2 ; PL 76, 1081 (trad. Luc commenté, DDB 1987, p. 141 rev.) Source : evangileauquotiden.org

27 mai 2015

Liturgie des heures

Liturgie des heures. Pour ceux qui cherchent l'équivalent de l'application Bréviaire sur IPhone :
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23 mai 2015

À la lumière de Pâques, en chemin vers la Pentecôte

Vivre en Christ

À l'ombre de la Croix et de la Résurrection,  il est bon de contempler l'inaccessible rêve auquel nous sommes appelés en Dieu. 
La première lettre de Jean nous en donne une première clé : " Dieu nous a donne la vie éternelle, (...) cette vie est dans son Fils. Celui qui a le Fils a la vie (...). Je vous ai écrit ces choses, afin que vous sachiez que vous avez la vie éternelle (...) [Si] nous avons auprès de Dieu cette pleine confiance, que, si nous demandons quelque chose selon sa volonté, il nous écoute. Et si nous savons qu'il nous écoute, quelque chose que nous lui demandions, nous savons que nous obtenons ce que nous avons demandé. (1 Jean 5, 11-15)
Quel est l'enjeu : "Si le Christ est en vous, votre corps a beau être voué à la mort à cause du péché, l’Esprit est votre vie, parce que vous êtes devenus des justes. Et si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous". (Rm 8, 10-11)
Vivre en Christ paraît comme l'aboutissement de notre chemin, une vie où la paix et l'unité se mêle à la danse. « Si je ne pars pas, le Paraclet ne viendra pas à vous », nous confie Jésus dans son testament spirituel (Jean 14-16) qu'il faudrait méditer dans son ensemble.  À ce sujet, saint Cyrille d'Alexandrie(1) le commente ainsi : "Tout ce que le Christ avait à faire sur la terre était maintenant accompli ; mais il fallait absolument que nous devenions participants de la nature divine du Verbe, c'est-à-dire que nous abandonnions notre vie propre pour qu'elle se transforme en une autre, qu'elle se transfigure pour atteindre la nouveauté d'une vie aimée de Dieu. Et cela ne pouvait se faire autrement que par union et participation à l'Esprit Saint. Le moment le plus indiqué et le plus opportun pour l'envoi de l'Esprit et sa venue en nous était celui où le Christ notre Sauveur nous quitterait. En effet, aussi longtemps qu'il demeurait dans la chair auprès des croyants, il leur apparaissait, je crois, comme le donateur de tout bien. Mais lorsque viendrait le moment où il devrait monter vers son Père des cieux, il faudrait bien qu'il soit présent par son Esprit auprès de ses fidèles, qu'il habite par la foi dans nos cœurs. Ainsi, le possédant en nous-mêmes, nous pourrions crier avec confiance : Abba, Père ; nous porter facilement vers toutes les vertus et, en outre, montrer notre force invincible contre tous les pièges du démon et toutes les attaques des hommes, puisque nous posséderions l'Esprit tout-puissant. Les hommes en qui l'Esprit est venu et a fait sa demeure sont transformés ; ils reçoivent de lui une vie nouvelle comme on peut facilement le voir par des exemples pris dans l'Ancien et le Nouveau Testament. Samuel, après avoir adressé tout un discours à Saül, lui dit :L'Esprit du Seigneur fondra sur toi et tu seras changé en un autre homme. Quant à saint Paul : Nous tous qui, le visage dévoilé, reflétons la gloire du Seigneur, nous sommes transfigurés en cette même image, de gloire en gloire, comme il convient au Seigneur qui est Esprit. Car le Seigneur, c'est l'Esprit. Vous voyez comment l'Esprit transforme pour ainsi dire en une autre image ceux en qui on le voit demeurer. Il fait passer facilement de la considération des choses terrestres à un regard exclusivement dirigé vers les réalités célestes (...). Nous constatons que ce changement s'est produit chez les disciples : fortifiés ainsi par l'Esprit, les assauts des persécuteurs ne les ont pas paralysés ; au contraire, ils se sont attachés au Christ par un amour invincible. (...) Elle est donc bien vraie, la parole du Sauveur : C'est votre intérêt que je retourne au ciel. Car, c'est le moment de la descente de l'Esprit. "
Quels sont les fruits de l'Esprit.  Il nous faudrait relire Paul et les contempler à nouveau.  Mais nous le sentons bien,  l'issue du chemin est la vie en Christ,  c'est à dire sentir à la fois sa présence en nous par le mystère de l'eucharistie et en même temps contempler son absence, son caractère insaisissable qui fait naître en nous le désir de la danse.
"Tous ensemble ils dansent, et ils chantent : « En toi, toutes nos sources ! » nous dit le Psaume 86, 7.
Redisons le : Si l'on écoute saint Basile (2) les dons de l'Esprit sont une invitation à danser :" les âmes qui portent l'Esprit, illuminées par l'Esprit, deviennent elles-mêmes spirituelles et renvoient la grâce sur les autres.  De là viennent (...) la distribution des dons spirituels (...), la danse avec les anges, la joie sans fin, la demeure en Dieu, la ressemblance avec Dieu."


L'enjeu est aussi pastorale,  comme le clame  Zacharie à son fils, il nous faut,  à la suite du Baptiste devenir nous aussi "prophète du Très-Haut,  marcher devant, à la face du Seigneur, et préparer ses chemins 77 pour donner à son peuple de connaître le salut(...) [dévoiler la] "78grâce [et] la tendresse, (...) l'amour de notre Dieu, (..) 79 pour illuminer ceux qui habitent les ténèbres et l'ombre de la mort, [et] conduire (...) au chemin de la paix. (Luc 1, 76-78).

"Il nous a rendus participants de sa divinité et il nous incorpore tous à lui. D'ailleurs la divinité à laquelle nous participons par cette communion n'est pas divisible en parties séparées ; il s'ensuit nécessairement que nous aussi, une fois que nous avons participé à elle en vérité, nous sommes inséparables de l'Esprit unique, formant un seul corps avec le Christ." (3). Nous parvenons alors "en Christ"
(1) saint Cyrille d'Alexandrie,  commentaire de Jean
(2) Saint Basile, traité sur les dons de l'Esprit
(3) Syméon le Nouveau Théologien, Éthique 1, 6-8 (trad. Prière mystique, Cerf 1979, p. 75 rev.) 

Pour aller plus loin cf. ci dessous les libellés "danse" et "En Christ"



22 mai 2015

Jean 21 - Agape et Philia, le dernier agenouillement

Le Seigneur ne demande pas plus que ce que nous pouvons porter. Il considère chacun comme s'il était la perle unique en qui il avait mis tout son amour.  Contemplons le dialogue sublime qui réunit Pierre avec Jésus sur le lac de Tibériade. J'ai commenté longuement ce texte dans "A genoux devant l'homme",  et "Pastorale du seuil" notamment à propos de la subtilité des deux verbes grecs utilisés par Jésus dans son questionnement.  Il demande d'abord si Pierre l'aime d'amour (agape) avant  d'utiliser le verbe qu'utilise Pierre pour lui répondre : "Philo te !" Je t'aime d'amitié.  

On sait que Pierre sort de son reniement,  qu'il doit avoir la honte du fils prodigue et pourtant Jésus se remet à genoux devant lui. Et lui dit "paix mes brebis".

Écoutons ce commentaire d'Augustin que je découvre grâce à Evangelizo...

"Le Seigneur demande à Pierre s'il l'aime, ce qu'il savait très bien ; et il le lui demande non pas une fois, mais deux et même trois fois. Et chaque fois Pierre répond qu'il l'aime, et chaque fois Jésus lui confie le soin de faire paître ses brebis. À son triple reniement répond une triple affirmation d'amour. Il faut que sa langue serve son amour, comme elle a servi sa peur ; il faut que le témoignage de sa parole soit aussi explicite en présence de la vie qu'elle l'a été devant le menace de la mort. Il faut qu'il donne une preuve de son amour en s'occupant du troupeau du Seigneur, comme il a donné une preuve de sa timidité en reniant le Pasteur."

 N'est ce pas nos tentations pastorales,  qui ne sont autres que celles que Mat 4 décrit au désert.  L'avoir,  le pouvoir, le valoir.

Augustin poursuit : "Ceux qui s'occupent des brebis du Christ avec l'intention d'en faire leurs brebis plutôt que celles du Christ se montrent coupables de s'aimer eux-mêmes au lieu d'aimer le Christ. Ils sont conduits par le désir de la gloire, de la domination ou du profit, et non le désir aimant d'obéir, de secourir et de plaire à Dieu. Cette parole trois fois répétée par le Christ condamne ceux que l'apôtre Paul gémit de voir chercher leurs intérêts plutôt que ceux de Jésus Christ (Ph 2,21)."

Prenons le temps de relire  Philippiens 2, dans son contexte, c'est à dire depuis l'évocation de la kénose du Christ (illustration théologique du lavement des pieds évoqué en Jn 13).

"Ayez en vous les mêmes sentiments dont était animé le Christ Jésus : bien qu'il fût dans la condition de Dieu, il n'a pas retenu avidement son égalité avec Dieu; mais il s'est anéanti lui-même, en prenant la condition d'esclave, en se rendant semblable aux hommes, et reconnu pour homme par tout ce qui a paru de lui; il s'est abaissé (grec : ekenosen) lui-même, se faisant obéissant jusqu'à la mort, et à la mort de la croix. (...) Agissez en tout sans murmures ni hésitations, afin que vous soyez sans reproche, simples, enfants de Dieu irrépréhensibles au milieu de ce peuple pervers et corrompu, dans le sein duquel vous brillez comme des flambeaux dans le monde, étant en possession de la parole de vie; et ainsi je pourrai me glorifier, au jour du Christ, de n'avoir pas couru en vain, ni travaillé en vain. (...) Car je n'ai personne qui me soit tant uni de sentiments, pour prendre sincèrement à cœur ce qui vous concerne; tous, en effet, ont en vue leurs propres intérêts, et non ceux de Jésus-Christ. (Ph2, 5-8, 14-16, 20-21)"

C'est dans l'esprit kénotique de Paul et sous l'éclairage de la triple tentation (Mt 4 /Lc 4) que l'on peut entendre l'évêque d'Hiponne.

"Que signifient, en effet, ces paroles : « M'aimes-tu ? Pais mes brebis » ? C'est comme s'il disait : « Si tu m'aimes, ne t'occupe pas de ta propre pâture, mais de celle de mes brebis ; regarde-les non comme les tiennes, mais comme les miennes. En elles, cherche ma gloire, et non la tienne ; mon pouvoir, et non le tien ; mes intérêts, et non les tiens »... Ne nous préoccupons donc pas de nous-mêmes : aimons le Seigneur et, en conduisant ses brebis vers leur pâturage, recherchons l'intérêt du Seigneur sans nous inquiéter du nôtre."

À nous les pécheurs pardonnés, Jésus nous "met l'anneau",  nous revêt du "manteau" du pardon (Luc 15) et nous comble de sa grâce.  Louange et gloire à notre Dieu.

(1) Saint Augustin, Sermons sur l'évangile de Jean, n°123 
Source : levangileauquotidien.org/

21 mai 2015

Mea culpa - suite

‎Un autre écueil de ma recherche est probablement dans mon insistance sur la faiblesse de Dieu. Kasper qui a de belles phrases sur la kénose, ne déroge jamais sur le principe de la toute puissance divine. Mais est-ce fondé sur un concept de l'infini divin au sens grec du terme où sur l'impression que Dieu est de fait tout-puissant.
Mon deuxième essai, "où es-tu mon Dieu ?" pose la question du silence de Dieu face au mal. Kasper n'y réponds pas. Peut-on y répondre ? Ma seule piste, celle en tout cas que je développe est celle, à la suite de Hans Jonas, d'un retrait de Dieu. Kasper semble très ‎critique sur ce point. Je ne sais s'il le serait sur mes développements. Pourtant il me semble que son approche de la kénose, voire même de la souffrance de Dieu est très proche de la mienne. Où se trouve la faille, est-elle chez moi qui ose chercher une réponse pastorale à défaut d'être universitaire et théologique ? En osant braver le mystère de la théodicée, je cherche à dire autre chose qu'un Dieu tout puissant qui semble absent des drames du monde. En parlant de la faiblesse de Dieu je ne nie pas la puissance de sa création. J'ose articuler son silence avec la déreliction que ressent le Fils en Croix.
Cela met à mon avis en lumière la phrase de Paul : c'est quand je suis faible que je suis fort. La faiblesse de Dieu peut être un fantasme à la hauteur de ma timidité. Elle peut être aussi la révélation de ce que Varillon affirme : "seul l'amour est tout puissant". Or, à mon avis, l'amour véritable inclut une part de faiblesse, celle qui renonce à la puissance pour Autrui.


Mea culpa ?


Les pas du chercheur parviennent à des impasses et il lui faut parfois faire marche arrière, reconnaître qu'il s'est perdu, qu'il a pris un mauvais chemin.
En poursuivant ma lecture du dernier livre de Walter Kasper et ses pages sur la mauvaise miséricorde, la miséricorde bon marché qui ne fait pas grandir, j'en viens à douter sur ma bonhomie pastorale, ma tendance à excuser l'homme pécheur sous prétexte de le rejoindre. 
Est-ce que je suis tombé dans ce travers en écrivant "Pastorale du seuil" ? Il y a quelques semaines je terminais un tour de table avec des futurs mariés. Ils venaient de se présenter, chacun traduisant à sa façon leurs difficultés à croire en l'amour pour toujours, leurs histoires reflétant leurs hésitations envers l'engagement du mariage. Sur les 7 couples, tous avaient déjà construit leur vie sans passer par l'Eglise. Ils avaient tous des enfants. Bien sûr ils étaient là, mais sur la pointe des pieds. Ce que voyant l'un d'eux a dit soudain :
- si je résume, nous sommes tous dans le péché.
Bien sûr, sa remarque nous cherchait, nous les animateurs au profil bien "catho". 
Je lui ai répondu par une pirouette, ne condamnant pas leur passé mais essayant d'ouvrir un avenir "en Dieu". Tâche difficile. Est-ce qu'une morale aurait été utile à ce stade ? Il me semble que non. Comme le glissait un jour un évêque, la morale sert à juger nos propres actes, pas ceux des autres. 
Un chemin pastoral, à l'écoute du fils prodigue, consiste d'abord à courir à la rencontre du pécheur, lui redonner le goût de l'amour du Père avant d'oser proposer la phrase qui fait grandir : "relève toi" et "ne péche plus" (Jn 8). Plus encore, il me semble que cette phrase ne peut être prononcée que du bout des lèvres, que ce n'est même pas à nous de la dire mais au chercheur de Dieu de la découvrir dans son chemin de foi, à travers sa marche au désert. 
Idéalement, ce n'est probablement pas à nous de la prononcer mais à l'Esprit ‎qui réside au coeur de l'homme, celui qu'il découvre en avançant. Comme le souligne M. Rondet, nous n'avons pas à les enfermer dans la sécurité d'un port mais les accompagner sur le chemin, trouver avec eux les pierres qui rendent leur route plus difficile...
A cela répond à sa manière Kasper en citant Ezéchiel : si tu laisses ton frère dans le péché c'est sur toi que retombera la faute. Il a peut être raison. Encore faut-il probablement lui opposer la remarque de Jésus : "ils chargent les autres de poids qu'ils ne peuvent porter eux mêmes". Entre miséricorde, morale et chemin pastoral, le sentier est étroit.
Une tension théologique ? 

PS: vos commentaires sont les bienvenus...

Du désert à l'agir

‎Je l'esquissais déjà plus haut, la fuite au désert, ne peut être une fuite de nos responsabilités. Élie comme Jonas l'on appris à leur dépens. Le chemin du désert abouti à une impasse s'il passe à côté de l'essence même du christianisme, de cette miséricorde active qui n'est autre que l'imitation de notre Seigneur. En cristallisent notre analyse des tentations au désert chez Mat 4 sur l'avoir, le valoir et le pouvoir, on peut passer à côté de l'appel à aimer, de tout son corps, de toute son âme jusqu'à cet apparemment impossible "amour de l'ennemi". En récitant machinalement le notre père, s'arrête-ton assez sur le "comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensé. Impossible demande, disait les Pères de l'église qui préférait introduire une gradation dans le pardon plûtot que d'exiger ce qui relève pour eux de la perfection de l'amour(1). Et pourtant le chemin qui nous conduit à imiter le Christ (2)  ne peut passer à côté de son 77 x 7 fois (Mat 18, 21) qui culmine jusqu'au "père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu'ils font" (Lc 23, 38). 


(1) Kasper, La miséricorde, op. Cit. p. 140‎, qui cite notamment  Tertullien, de la patience, 6 ; Chrysostome, commentaire de Matthieu, Homélie 18, n.3 ; et Thomas d'Aquin, S. Th. II/II. Q. 25 a. 8...
(2) cf. Kasper ibid. p. 133

20 mai 2015

Le pont des planches - Nouvelle


Mars 1944.
Une histoire d'amours impossibles à la veille de la libération.
Je vous livre ici une petite histoire au sein de cette vallée qui m'enchante et m'inspire depuis plus de 7 ans. Le pont des planches est un récit de résistance, d'honneur et de fraternité.

Contrairement aux apparences données par ce premier extrait, cette nouvelle est le début de la saga la plus "théologique" des mes "oeuvres" romanesques.

Extrait : "Quand, venant du lieu-dit Le Chêne-Simon et sortant de la grande forêt on parvient sur la route qui longe la vallée de l'Avre, le regard quitte les couleurs légères des jeunes pousses de fougères pour se perdre dans un vaste horizon de verts plus soutenus. Vers l'ouest on aperçoit les méandres de la rivière qui épousent la colline sud jusqu'à la Mulotière avant de rejoindre les contreforts du village médiéval de Tillères, son château et les restes du vieux prieuré bénédictin . Au nord, la vue plonge dans la vallée et se laisse distraire par la haute flèche de l'église d'Acon. Puis, se tournant vers l'est, il suit la route qui longe la crête.
C'est là que vers dix heures, alors que les derniers signes du brouillard qui masquaient la vallée disparaissaient en de fines volutes blanches, le cheval galopait sur la crête... Bertille se laissait entraîner dans sa course folle. Ses longs cheveux ondulaient dans le vent, masquant parfois son visage de grandes boucles noires qu'elle repoussait d'un geste. Elle était de grande
taille, avec un joli cou qui apparaissait par instant, au gré des sauts de l'animal. Si elle n'avait pas eu ce visage un peu chevalin, elle aurait pu ressembler à cette Diane chasseresse qui ornait le mur du salon, au-dessus de la grande cheminée. Elle avait néanmoins un certain charme et avait compté déjà
quelques déclarations enflammées. Pourtant, son cœur était encore libre. Aucun des prétendants ne valait pour l'instant la joie de ses courses folles dans la campagne normande. En ces temps de guerre, elle aspirait surtout à un peu de calme et d’air pur...
Au loin dans la vallée les premières pousses claires semblaient jaillir au faîte des feuillus, comme autant de promesses d'un printemps qui tardait pourtant à revenir après le long hiver qui avait enveloppé l'Avre d'un lourd manteau de neige.
Après un mois de février 1944 particulièrement sec et frais, la nature semblait exprimer au monde son désir de liberté. Un cri que tous partageaient, mais n'osait encore clamer, tant la France occupée ployait encore sous la souffrance et cette armée brutale qui lui ôtait toute joie.
Trois ans déjà qu'elle avait quitté Paris et sa vie tumultueuse pour s'enfermer dans les murs protecteurs de la grande maison bourgeoise cachée au fond des ruelles de Nonancourt. Elle s'était pliée à l'ordre paternel, sans rechigner, se contentant de goûter à la joie de se glisser à l'aube avec Nora, sa jument, sur les chemins discrets des alentours. La plupart du temps, elle grimpait sur la colline qui dominait Saint-Rémy à laquelle on accédait par une combe verdoyante. Là elle trottait dans les sous-bois, parcourait les sentiers qui la menaient jusqu'au château d'Escorpain, où elle déjeunait avec sa cousine Maëlle.
Depuis qu'en 1941, juste après son départ de Paris, son père avait réussi à rejoindre l'Angleterre, elle n'avait pas de nouvelles régulières. Allait-il survivre à cette reconquête qui s'annonçait si délicate ? Elle ne pouvait repousser la nuit des angoisses qui l'habitaient, quand elle l'imaginait à la tête d’une compagnie, se battant pour défendre sa liberté. C'était un homme doux dont la force reposait plus sur les mots que sur les armes. Pourquoi avait-il rejoint Londres ? Elle le savait proche du Général depuis qu'ils s'étaient croisés à Paris, mais cela n'expliquait pas son geste à ses yeux.
Depuis qu’il n’était plus là, l’inquiétude l’envahissait souvent. Seules la présence chaude de Nora, cette harmonie qui unit un cheval et sa cavalière lui apportaient du réconfort et guérissait partiellement la souffrance de cette absence.
Depuis la mort de sa mère, en 1938, elle avait développé pour son père un attachement presque fusionnel qui rendait sa fuite difficilement supportable.
Elle avait maintenant 25 ans... Et elle savait que tout cela ne serait que temporaire. Elle aspirait aussi à un nouveau printemps.
En ces premiers jours d'avril, les champs avaient une teinte chaude. Les sous-bois étaient couverts de campanules aux teintes violettes et les jeunes pousses de fougères surgissaient sous leurs manteaux de feuilles. Pour changer de ses paysages habituels, elle avait décidé de remonter la rivière, passer les moulins d'Islou et d'Heudez et grimper sur les hauteurs sud de la vallée
d'Acon, là où la vallée s'élargit et révèle tous ses charmes.
Elle tira sur la bride et remit Nora au pas. La jument souffla bruyamment, et un peu de vapeur d'eau s'échappa de ses flans. À l'horizon une silhouette apparut."



Cette petite nouvelle constitue en effet la nouvelle première partie d'une saga en constitution qui compte déjà 6 petits opus dont 5 déjà disponibles sur fnac.com, kobo.com , Amazon et kindle :
1. Le pont des planches
2. Le vieil homme et la perle
3. Le vieil homme et la perle (tome 2)
4. La perle
(version kindle et papier des tomes 2 à 4)
5. Le désir brisé
6. Chronique d'une fin de vie (projet, en cours d'écriture)

Rappel : mes 97 premiers titres...

19 mai 2015

La danse avec les anges

Si l'on écoute saint Basile (1) les dons de l'Esprit sont une invitation à danser : "les âmes qui portent l'Esprit, illuminées par l'Esprit, deviennent elles-mêmes spirituelles et renvoient la grâce sur les autres. 


De là viennent (...) la distribution des dons spirituels (...), la danse avec les anges, la joie sans fin, la demeure en Dieu, la ressemblance avec Dieu".


 À la veille de la Pentecôte,  confions au Seigneur cette envie de danser. Qu'elle embrase l'Église d'un brin de folie pour son Dieu...



(1) Saint Basile, traité sur les dons de l'Esprit

16 mai 2015

La prière stérile ?

Le silence de Dieu,  son retrait apparent, le tombeau vide sont autant d'épreuves qui font germer en nous le doute,  des murmures et des cris. Nous sommes là au coeur même de l'expérience du désert,  dans ce lieu où la qualité même de notre foi fera la différence.  Le risque est d'oublier qu'il s'agit là d'une situation bien commune traversée sans cesse par tous ceux qui ose quitter le confort apparent de l'insouciance du monde et parte en quête de Dieu. L'expérience de nos pères,  qui nous accompagnent sur cette voie sont autant de puits pour poursuivre la route, Écoutons saint Bernard sur ce point : "Comment se fait-il que si rarement nous paraissions expérimenter le fruit de la prière ? Nous avons l'impression de ressortir de la prière comme nous y sommes entrés ; personne ne nous répond un mot, ne nous donne quoi que ce soit, nous avons l'impression d'avoir peiné en vain. Mais que dit le Seigneur dans l'évangile ? « Ne jugez pas sur l'apparence, mais portez un jugement juste » (Jn 7,24). Qu'est-ce qu'un jugement juste sinon un jugement de foi ? Car « le juste vit de la foi » (Ga 3,11). Suis donc le jugement de la foi plutôt que ton expérience, car la foi ne trompe pas alors que l'expérience peut nous induire en erreur.            Et quelle est la vérité de la foi, sinon ce que le Fils de Dieu lui-même promet : « Tout ce que vous demanderez en priant, croyez que vous le recevrez, et cela vous sera accordé » (Mc 11,24). Que donc aucun d'entre vous, frères, ne tienne pour peu de chose sa prière ! Car, je vous l'affirme, celui à qui elle s'adresse ne la tient pas pour peu de chose ; avant même qu'elle ne soit sortie de notre bouche, il la fait écrire dans son livre. Sans le moindre doute nous pouvons être sûrs que soit Dieu nous accorde ce que nous lui demandons, soit il nous donnera quelque chose qu'il sait être plus avantageux. Car « nous ne savons que demander pour prier comme il faut » (Rm 8,26) mais Dieu a compassion de notre ignorance et il reçoit notre prière avec bonté... Alors « mets ta joie dans le Seigneur, et il accordera les désirs de ton cœur » (Ps 36,4)"

(1) saint Bernard,  Sermons de Carême n°5, 5 

14 mai 2015

Coïncidence des opposés

‎Il faut rendre hommage à Johann Georg Hamann, nous dit Balthasar, pour voir dans la coïncidence de l'opposition entre la kénose extrême d'un Christ en croix et la divine majesté de la création la trace unique de Dieu : "un miracle de tranquillité infinie, qui fait de Dieu l'égal de son néant et tel qu'on doit ou nier sans scrupule son existence ou être un âne ; mais en même temps d'une force infinie, qui remplit tout en tout, tellement que l'on ne peut échapper à son activité au plus intime de soi même" (1)
Cette coïncidence justifie pour moi à la fois mes développements sur l'opposition entre souffrance et création et cette recherche en cours sur le désert.

(1) J.G. Hamann, Aesthetica, édit. Nadler, II, p. 204, cité par Hans Urs von Balthasar, GC tome 1, p. 68