31 octobre 2015

Un coeur à coeur - humilité et douceur

Il nous faut abandonner toute tentation d'être des sachants. "L'Évangile n'est vraiment annoncé que si l'évangélisation reproduit entre le chrétien et les autres le coeur à coeur du chrétien avec le Christ de l'Évangile. Mais rien au monde ne nous donnera l'accès au coeur de notre prochain sinon le fait d'avoir donné au Christ l'accès au nôtre". Pour Madeleine, ce que nous apprend le Christ, c'est "l'humilité et la douceur", condition nécessaire pour avoir un coeur véritablement fraternel.
A contempler sans modération...

Madeleine Delbrel, ‎ibid. P. 271


30 octobre 2015

Théorie et pratique

"Nous ne pouvons annoncer que la foi dans toute la vérité de son réalisme ‎et, en l'annonçant, nous sommes bien obligés de nous reconvertir nous mêmes." (1) Par ces mots Madeleine adresse le coeur même du problème, ce que Jésus lui même ne cessait de marteler aux Pharisiens : la cohérence entre théorie et pratique, la foi et les actes. Rien ne sert de dire la bonté si elle ne transpire de nos actes, si tendresse et miséricorde, 77 x 7 fois répétée ne prime sur tous les discours. Le langage de l'Église et sa morale, sont creux, s'ils ne transpirent de la course infinie de Dieu aux pieds de l'homme (2).

N'est ce pas aussi ce qu'affirme le pape François quand il parle d'un Dieu qui ‎sort et cherche l'homme (3) comme ce Père du fils prodigue de Luc 15

(1) Madeleine Delbrel, Nous autres gens des rues, ibid p. 264
(2) C. Hériard, Á genoux devant l'homme 
(3) Pape François, Homélie du 20 octobre 2015, source Zénith


29 octobre 2015

Qui est mon prochain ? - 2

Le déplacement qui s'opère à la lecture de Madeleine vient du fait que les vertus communistes du désintéressement, du don de soi, stimulées par la propagande interne du parti mettent en évidence que nous ne détenons pas le monopole de la charité. Je parlais plus haut d'Ahmed‎ pour souligner que l'accueil du prochain n'est pas non plus un monopole du christianisme. Lévinas, dans Difficile Liberté, soulignait avec humour que le royaume de Dieu viendrait sur place quand les chrétiens accepteraient de partager la lumière (je cite de mémoire).
A sa manière, Madeleine précise que le communisme la met dans l'obligation "de réaliser ce que c'est que de faire corps avec l'Église, de ‎substituer vis-à-vis d'elle une obéissance vitale à une discipline passive; d'apprendre que sa matière vivante, sa chair est l'amour mutuel entre chrétiens." (1)

Kénose intra-écclesiale‎ que ce cheminement qui nous conduit à percevoir l'importance d'être actifs (2) et les dégâts d'une passivité laïque entretenue par un clergé trop longtemps attaché à son pouvoir/savoir. 

Congar, dans sa "théologie du Laïcat" a fait sur ce point des avancées qu'il faudrait méditer à nouveau.

(1) Madeleine Delbrêl, Nous autres gens des rues, op Cit p. 262

21 octobre 2015

Qui est mon prochain...

Le visage d'autrui m'appelle disait Emmanuel Levinas‎. A sa manière, Madeleine précise que tous les hommes, "communistes autant que les autres" sont nos proches. "Sans problèmes et sans complications je leur dois, parce que je suis chrétien et parce qu'ils sont des hommes, l'amour du prochain tel que le Christ nous l'a appris et montré, l'amour dont Dieu a voulu que la charité pour lui sont inséparables." (1)
Je rajouterai que notre chemin est, à la suite du Christ, de se mettre à genoux devant l'homme, qu'il soit Pierre ou Judas, Jean ou Thomas, Charles ou Ahmed... même si cela nous coûte.

(1) Madeleine Delbrel, Nous autres gens des rues, op Cit p. 260.

20 octobre 2015

Porté par l'espérance

A la lumière du chemin que trace pour nous les chrétiens d'Orient, nous pouvons entendre à nouveau les propos de Madeleine Delbrel : "ce qui donne un sens au combat de l'Église, ce qui trace le sens de son histoire, c'est l'espérance. Pour marcher, pour se propager, pour libérer, l'Église lutte [j'ajouterai avec les armes fragiles de l'amour], les yeux et le coeur rivé sur les promesses de Dieu. (...) L'espérance chrétienne nous assigne pour place cette étroite ligne de crête, cette frontière où notre vocation exige que nous choisissions, chaque mois et à chaque heure, d'être fidèles à la fidélité de Dieu pour nous. Sur la terre ce choix peut être déchirant. Mais l'espérance nous interdit d'en faire un dolorisme. C'est comme la souffrance d'une femme qui met un enfant au monde. Chaque fois que nous sommes ainsi déchirés, nous devenons comme des brèches ouvertes dans la résistance du monde. Nous livrons passage à la vie de Dieu." (1)

C'est poursuit Madeleine un moyen d'entrer dans la vie intime de l'Eglise.

Bien sûr, les détracteurs parleront d'opium du peuple. Mais notre expérience de la paix trouvée en Dieu et le regard de nos frères nous révèle ex post que cette espérance n'est pas vaine.

‎(1) Madeleine Delbrel, Nous autres gens des rues, op Cit p. 249
 ‎ 

19 octobre 2015

Kénose pratique

Éternel conflit entre l'idéal et la réalité. Dans un long diatribe sur les tentations du chrétien face à l'incroyance, je note ce petit passage qui résume tout. Quand on lui demande "ça sert à quoi la foi", le chrétien aimerait "donner une réponse éclatante, obéir avec brio aux impératifs de la charité fraternelle : nourrir, habiller, loger, etc, mais il risque de perdre de vue l'oeuvre de rédemption qui se fait avec ces actes de charité fraternelle, mais aussi avec l'effacement, mais aussi avec la prière, mais aussi avec le mystère des épreuves que Dieu invente." Bref, ce qui se joue n'est pas toujours dans les actes, mais au delà, dans l'action invisible de Dieu en l'homme. Elle poursuit d'ailleurs plus loin en précisant que le chrétien "ne réalise pas que l'évangélisation demande une proximité, une présence, un a priori de véracité" (1)‎.

C'est là peut être que se comprend la kénose de l'Église. Cette dernière ne sert qu'à être petit instrument, serviteur de l'immense oeuvre de Dieu. Un travail qu'elle ne peut contenir à elle seule.

(1) Madeleine Delbrel , Nous autres gens des rues, op Cit p. 259-260

L'Église, lampadaire du Christ

Je découvre la finesse de cette analogie chez saint Maxime : " Ta Parole est une lampe pour mes pas, une lumière sur mon chemin. Notre Sauveur et notre Dieu est celui qui dissipe les ténèbres de l'ignorance et du mal : voilà pourquoi il est appelé lampe dans l'Écriture. Lui seul, en détruisant l'obscurité de l'ignorance et les ténèbres du mal, à la manière d'une lampe, est devenu pour tous le chemin du salut. Par la vertu et la connaissance, il mène vers le Père ceux qui veulent marcher grâce à lui sur le chemin de la justice, en observant les commandements divins. 
Quant au lampadaire, c'est la sainte Église. C'est sur sa prédication que repose la Parole lumineuse de Dieu, qui éclaire tous ceux qui sont dans le monde comme dans une maison, par les rayons de la vérité, en remplissant tous les esprits de la parfaite connaissance de Dieu." (1)

( 1) Saint Maxime le Confesseur,  Questions à Thalassius,  source AELF


18 octobre 2015

Kénose de l'Église - 6

"L'imitez-moi" de Paul en Philippiens 3, 17 a été repris par les Pères de l'Église jusque dans ce texte de saint Thomas d'Aquin que le bréviaire nous donne à contempler en écho de la question des fils de Zébébédée en Marc 10. Pour le docteur Angélique,  "la Passion du Christ nous fournit un modèle valable pour toute notre vie... Si tu cherches un exemple de charité : « Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis » (Jn 15,13)... Si tu cherches la patience, c'est sur la croix qu'on la trouve au maximum... Le Christ a souffert de grands maux sur la croix, et avec patience, puisque « couvert d'insultes il ne menaçait pas » (1P 2,23), « comme une brebis conduite à l'abattoir, il n'ouvrait pas la bouche » (Is 53,7)... « Courons donc avec constance l'épreuve qui nous est proposée, les yeux fixés sur Jésus, qui est à l'origine et au terme de notre foi. Renonçant à la joie qui lui était proposée, il a enduré, sans avoir de honte, l'humiliation de la croix » (He 12,1-2).       Si tu cherches un exemple d'humilité, regarde le crucifié. (...) Si tu cherches un exemple d'obéissance, tu n'as qu'à suivre celui qui s'est fait obéissant au Père « jusqu'à la mort » (Ph 2,8). (...) Si tu cherches un exemple de mépris pour les biens terrestres, tu n'as qu'à suivre celui qui est le « Roi des rois et Seigneur des seigneurs », « en qui sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la connaissance » (1Tm 6,15 ; Col 2,3) ; sur la croix il est nu, tourné en dérision, couvert de crachats, frappé, couronné d'épines, et enfin, abreuvé de fiel et de vinaigre. (1)

(1) Saint Thomas d'Aquin,   Conférence sur le Credo, 6, traduction Bréviaire 



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Chemin de prière


Il connaît d'avance notre désir,  alors pourquoi prier sans cesse. Saint Augustin,  dans sa lettre à Proba sur la prière apporte une réponse qui mérite d'être méditée "Le Seigneur ne veut pas être informé de notre désir, qu'il ne peut ignorer. Mais il veut que notre désir s'excite par la prière, afin que nous soyons capables d'accueillir ce qu'il s'apprête à nous donner." La prière est une école d'humilité.  Non pas notre désir,  mais Sa volonté (cf. Luc 22, 42).  Comme le suggère le livre des Proverbes (12:15) "La voie de l'insensé est droite à ses yeux, Mais celui qui écoute les conseils est sage." Nous pensons maîtriser notre destin, mais seul le Seigneur connaît la voie.  Après une nuit sans rien prendre,  c'est lui qui nous dit, "jette-là tes filets" (Jean 21, 6)

Idéalisme et pratique

Sommes nous des idéalistes à professer une vie éternelle et un Christ ressuscité ? Oui si ce n'est qu'un rêve mystique‎, une foi éthérée, un voeu pieux.
Il y a une différence nous dit Madeleine entre affirmer la résurrection dans le credo et l'affirmer dans un dialogue avec un incroyant. Pourtant la rendre visible dans nos vies, montrer qu'elle est au coeur de notre foi, pas seulement dans les mots, mais dans l'espérance reçue de Dieu et portée dans nos actes est l'enjeu et la tâche qui nous incombe.

"La bonté de Jésus-Christ vécue, ou qu'on tente de vivre dans toutes ses dimensions, sans exception, sans limites, pour chaque homme, est un miracle par elle même car elle est comme le signe sensible de la charité de Dieu".

(1) Madeleine Delbrel, Nous autres gens des rues, op Cit p. 231 





17 octobre 2015

Le silence des chrétiens

Les incroyants, " les communistes  démasquent notre silence, qui dans d'autres milieux restent masqués. Ils nous apprennent que le silence des chrétiens est le plus souvent ou bien ignorance, ou bien lâcheté".
On pourrait se contenter de méditer ces deux phrases qui déjà interpellent nos silences. 
Madeleine poursuit néanmoins sur deux points : "Croire, c'est savoir, Croire c'est parler". (1)

Il y a là une piste de travail intérieure qui interpelle notre relation à Dieu au delà de la simple émotivité vers la question de l'écoute de la Parole comme de l'articulation entre foi et raison.

(1) Madeleine Delbrel , Nous autres gens des rues, op Cit p. 223

Kénose de l'Église - 5

La kénose de l'Église n'est autre que la réponse au "viens et suis moi" du Christ aux apôtres. En s'effacant le serviteur entre dans la contemplation ultime de son maître,  se love dans la kénose trinitaire,  entre dans sa danse.
" Celui qui est envoyé entre dans la vie et la mission de celui qui « s'est dépouillé lui-même en prenant la condition de serviteur » (Ph 2,7). Le missionnaire doit donc être prêt à persévérer pour la vie dans sa vocation, « à renoncer à lui-même » et à « tout ce qu'il a possédé » jusque-là (Lc 14,26.33), et à « se faire tout à tous » (1Co 9,22).     Lorsqu'il annonce l'Évangile parmi les nations, il doit « faire connaître avec assurance le mystère du Christ qui l'a chargé d'être son ambassadeur » (Ep 6,19) ; en lui il doit parler avec toute l'audace nécessaire, sans rougir du scandale de la Croix. En suivant les traces de son Maître, qui est « doux et humble de cœur », il manifestera que le « joug de celui-ci est facile à porter, et son fardeau, léger » (Mt 11,29). En ayant une vie vraiment évangélique, une constance inlassable, de la patience, de la douceur, une charité loyale, il rendra témoignage à son Seigneur ; et cela, si c'est nécessaire, jusqu'à répandre son sang. Il obtiendra de Dieu force et courage pour découvrir que, dans toutes les détresses qui le mettent à l'épreuve, et dans la plus profonde pauvreté, il y a une joie immense." (1)

(1) Vatican II, Gaudium et Spes, 

Kénose de l'Église - 4

Dans la même collection,  on peut méditer ce qu'écrivait Ignace d'Antioche à la veille de son martyre " Laissez-moi devenir la pâture des bêtes : elles m'aideront à atteindre Dieu. Je suis son froment : moulu sous la dent des fauves, je deviendrai le pain pur du Christ. ~Suppliez le Christ pour que ces animaux fassent de moi une victime offerte à Dieu. ~Que me feraient les douceurs de ce monde et les empires de la terre ? II est plus beau de mourir pour le Christ Jésus que de régner jusqu'aux extrémités de l'univers. C'est lui que je cherche, qui est mort pour nous ; c'est lui que je désire, lui qui a ressuscité pour nous. Mon enfantement approche. De grâce, mes frères. Ne m'empêchez pas de vivre, ne complotez pas ma mort. Ne livrez pas au monde ni aux séductions de la terre celui qui veut appartenir à Dieu. Laissez-moi embrasser la lumière toute pure." (1)

(1) Saint Ignace d'Antioche,  Lettre aux Romains,  source AELF

16 octobre 2015

Lettre à l'incroyant - 2

"L'action de l'homme travaille à la raison d'être de l'humanité maîtresse du monde : sa ressemblance avec Dieu . Or aimer tous les hommes de l'humanité c'est ressembler à Dieu, parce que lui, Dieu, les aime." (1) Dans ce "tous les hommes" je  trouve la des correspondances avec ce que le pape François appelle dans Laudato Si, l'écologie intégrale, ce souci de la maison commune.

(1) Madeleine Delbrel ibid. p. 200


Kénose de l'Église - 3

L'humilité chrétienne se nourrit d'une constante : "Ce que l'homme fait de bon vient de Dieu". Tout prends sa source dans l'immense fleuve jaillissant du coeur du Christ.
"Nous devons prendre autant de soin et travailler de notre côté, comme si nous n'attendions rien de la part de Dieu : et néanmoins nous ne devons non plus nous appuyer sur notre soin et travail, que si nous ne faisions rien du tout, mais attendre tout de la seule miséricorde de Dieu." (1)

(1) Saint Jean Eudes, Le Royaume de Jésus, 2ème part., 30. Œuvres complètes (1922), t. 1,  p. 238.

La kénose de l'Église -2

Dans la suite de mon post sur le même sujet,  comment ne pas contempler ce qu'Augustin nous dit dans la cité de Dieu : "Mon bonheur, c'est d'être uni à Dieu. Il en résulte évidemment que toute la cité rachetée elle-même, c'est-à-dire le rassemblement et la société des saints, est offerte à Dieu comme un sacrifice universel par le grand prêtre qui s'est lui-même offert pour nous dans la Passion, afin que nous soyons le corps d'un tel chef, sous sa forme de serviteur. C'est elle, en effet, c'est son humanité qu'il a offerte, car c'est selon celle-ci qu'il est médiateur, qu'il est prêtre, qu'il est sacrifice. 

C'est pourquoi l'Apôtre nous a d'abord exhortés à présenter nos propres corpsen sacrifice saint, vivant, agréable à Dieu, en culte spirituel ; à ne pas nous conformer à ce monde, mais à nous réformer par le renouvellement de notre esprit ; et cela afin de savoir reconnaître quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bon, ce qui est capable de lui plaire, ce qui est parfait. C'est ainsi que nous-mêmes constituons tout le sacrifice. Et alors il ajoute : Au nom de la grâce qui m'a été donnée, je le dis à chacun d'entre vous : n'ayez pas de prétentions au-delà de ce qui est raisonnable, soyez raisonnables pour n'être pas prétentieux, chacun selon la mesure de foi que Dieu lui a donnée en partage. En effet, comme nous avons plusieurs membres en un seul corps, que ces membres n'ont pas tous la même fonction, ainsi à plusieurs, nous sommes un seul corps dans le Christ, étant tous membres les uns des autres, chacun pour sa part. Et nous avons des dons qui diffèrent selon la grâce qui nous est accordée.

Voilà le sacrifice des chrétiens : à plusieurs nous sommes un seul corps dans le Christ. C'est ce que l'Église célèbre dans le sacrement de l'autel, bien commun des fidèles, où il lui est montré que dans cette réalité qu'elle offre, c'est elle-même qui est offerte."

(1) La cité de Dieu,  source AELF

15 octobre 2015

Lettre à l'incroyant

On connaît les difficultés d'une apologie de la foi. Madeleine s'y essaye dans des notes personnelles. Son premier cri et sa première motivation est de réaliser combien le jugement de l'incroyant est faussé pour une raison qui vient en partie de nous. Intéressante démarche kénotique.

"Si vous critiquez le chrétien médiocre que nous sommes, nous n'acceptons pas la contradiction sur des définitions qui n'ont jamais été celles d'un chrétien, des fantaisies ou des caricatures. Le chrétien veut ressembler au Christ. Discutez le Christ : nous acceptons la discussion"‎ (1)

La suite est une approche du mystère, non comme un "touche pas mon Dieu invisible", mais plutôt comme une contemplation. Vient ensuite une synthèse sur la tâche du chrétien : dire ce que Dieu dit et agir. On est souvent très fort sur la première partie et plus balbutiant sur la deuxième. C'est pourtant là que se joue la conversion du coeur.

(1) Madeleine Delbrel, Nous autres gens des rues, op Cit p. 195ss


Écrit sur le sable

Il a écrit sur le sable nous rapporte Jean au chapitre 8. Qu'est-ce à dire ?
 La loi divine dépasse toutes les lois humaines. Elle est gravée au fond de notre coeur en lettres de feu. Elle va jusqu'au jointures de l'âme (cf. Héb 3). Elle équivaut à le voir "à genoux devant nous" nous dire : relève toi et ne péche plus. 

Appel à notre humanité,  injonction an-archique (avant tout commandement,  comme le souligne Emmanuel Lévinas), appel à notre responsabilité...

Quand on n'y parvient pas, un seul remède,  la lente méditation du psaume 118.

14 octobre 2015

Obligations d'Église

Une petite pointe méritée sur nos pharisaïsme qui se passe presque de commentaires : "Les obligations morales ou d'Église (...) ‎constituent le règlement de ce que nous appelons nos devoirs religieux. Ça sent la discipline et la crainte des pénalités. Ça sent surtout les chrétiens qui n'ont pas eu leur ration de vérité ou dans des conditions qui l'ont rendue inadmissible" (1)

Ce qui interpelle est peut être ce que soulignera plus tard Jean-Paul II dans Veritatis Splendor : toute conscience doit être éclairée.

(1) Madeleine Delbrel , Nous autres gens des rues, op Cit p. 193

La kénose de l’Église

A partir de 2 Cor 6, 4sq. Paul n'apporte pas d'autre démonstration de sa foi que dans l'énumération de ses faiblesses. Quel est l'enjeu ? La force de l'Église est-elle dans sa puissance triomphante ? N'est elle pas au contraire ‎dans sa kénose, dans sa capacité à faire rayonner le Christ dans et à travers son humilité. Dans "Serviteur de l'homme, kénose et diaconie", j'exprime cela sur l'angle individuel, en soulignant l'importance du enmimetai chez Paul (imitez-moi comme j'imite le Christ, Ph. 3, 17). Mais ce qui peut se dire à l'échelle particulière n'est-il pas valable pour toute l'Église. Ses ors et sa puissance ne seront jamais lieu d'évangélisation. La force du Christ est sa faiblesse sur la Croix. La force de l'Église ne peut être ailleurs que dans la qualité de sa diaconie. En oubliant cela on fait le jeu de la bête...


La caresse de l'ange - Roman


Vient de paraître : La caresse de l'ange.
Extrait :  "Pourquoi faut-il que les romans se finissent bien, que les histoires se terminent toujours par l'amour ? 

Depuis que je me suis installée dans mon petit appartement, loin du cocon familial, je vis seule. Non pas seule au monde, sur une île déserte, dans un désert perdu ou dans la jungle, Non !Seule au milieu d'une ville qui compte douze millions d'habitants, seule parce que dehors, je croise d'autres solitudes et que rien ne m'invite n les rompre. Seule, parce que celui qui aurait pu emplir ma vie ne s'est pas présenté à ma porte, n'a pas fait le siège de mon coeur, n'a pas tenté l'histoire. Seule parce que ma vie était ailleurs. Seule parce que rien, ni personne, ne peut communier à ce que je vis. Bien sûr, il m'arrive de rêver que le monde serait autre, que celui qui m'écoutera, un jour, me comprendra, que l'homme en quête d'amour reconnaîtra en moi celle qu'il n'espère plus. Mais aujourd'hui, il me semble que tout cela n'est qu'un rêve. Que si je m'y accroche, je risque de perdre, ce qui en moi, me fait encore vivre"

Ce nouveau roman est à lire dans la foulée de mes travaux sur la souffrance. L'histoire croisée de deux femmes confrontées à l'insupportable réalité et qui trouve, à leurs manières, un chemin d'espérance.

Il fait suite à la série suivante :

13 octobre 2015

Penser l'entreprise - Baudoin Roger / Olivier Favereau


Projet de recension pour une revue amie (à discuter...)
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À partir d'un travail de 6 années aux Bernardins, un groupe de travail publie un compte-rendu de ses recherches sur une nouvelle appréhension de l'entreprise qui essaye de se libérer du carcan de la financiarisation. Cet essai, qui mériterait d'être plus rédigé pour être plus accessible, à néanmoins l'avantage d'interroger les fondements d'un vivre ensemble dans l'entreprise, où la valeur travail, la création collective, la gestion des relations reprennent leurs droits face aux demandes exacerbées d'un rendement à court terme et au pouvoir exagéré des seuls actionnaires. Le questionnement, progressif et exhaustif, permet d'envisager la création d'un autre univers, d'une entreprise à « objet social étendu » qui redonne place au travail, mais aussi à la responsabilité sociale au sens large de l'entreprise, loin des seules exigences instantanées du marché. Ce travail entre dans une réflexion plus large, celle du vivre ensemble, de la construction d'un monde plus respectueux et responsable. La conclusion se situe entre le rêve et l'utopie : croire que l'on peut échapper aux seules règles financières et laisser place à l'humain.

Penser l'entreprise, Nouvel horizon du politique, par Olivier Favereau et Baudoin Roger, Paris, Editions Parole et Silence, 2015, 10 €.

12 octobre 2015

Cyberthéologie, Penser le christianisme à l'heure d'internet


Quels sont les enjeux du net à l'aune de nos efforts en pastorale ? Comment intégrer ce formidable mouvement collectif, lui donner sens, en percevoir les limites et les atouts ?
Le jésuite Antonio Spadaro, célèbre en France depuis son entretien du pape François paru dans Études, est docteur en philosophie et en théologie, directeur de la revue Civiltà Cattolica.
L'intérêt de son livre « Cyberthéologie, Penser le christianisme à l'heure d'internet » publié en Français chez Lessius, est d'explorer les enjeux théologiques de la "toile", à la fois dans ses moyens et sa finalité.
Pour cela, l'approche retenue est en particulier celle de la sémantique et de l'herméneutique. En décryptant le nouveau sens des mots sur le Web, l'auteur nous invite à comprendre les glissements qui se sont opérés, à la faveur conjointe des idéologies qu'il véhicule - y compris une analyse fine des apports et des faiblesses des « creatives commons » et de l'esprit "hacker".
On y trouve aussi une réflexion pertinente sur les dangers d'internet, ses addictions. Il y décrypte ses modes, les risques du virtuel qui peut passer à côté des relations vraies et faire d'un idéal de connexion une "fausse" impression de communion. Spadaro nous permet néanmoins de discerner ce en quoi le net peut devenir « un lieu de connexion significative des personnes, capable de fournir la base pour construire des rapports de communion dans une société fragmentée ».
Mais ce livre nous ouvre surtout à une vision théologique du net, qui rejoint d'après lui le génie teilhardien et sa Noosphère. Car l'intelligence collective qui s'y déploie peut être aussi une manière d'entrer « en tension », de « soulever l'humanité » vers le mieux, sans pour autant détruire ce qui reste « unique et intransmissible » en chacun. Si l'on passe ainsi l'écueil «collectiviste » qui gomme l'individu et son unicité, le net peut être un chemin vers l'Oméga, et devenir un « réseau eucharistique » ou le Logos qui s'y révèle est force de convergence, d'attraction pour nous reconduire à Dieu.

11 octobre 2015

Un autre regard sur le handicap - La caresse de l'ange

Mon dernier roman est aussi un moyen d'aborder la question du handicap. Quel regard l'autre porte sur l'handicapé. Comment ce regard peut changer. Ce week-end, j'entendais un témoignage d'handicapé en retour de pélérinage. Il disait :"ici au moins, on ne souffre pas du regard des autres..."
La caresse de l'ange est une petite tentative d'humanisation...
A découvrir...

10 octobre 2015

Dans la peau d'un incroyant

Kénose : se vider de soi-même pour épouser la souffrance de l'autre. Ce terme, dont l'origine remonte à Philippiens 2, 7 est surtout utilisé pour décrire l'incarnation du Christ. Dans Retire tes sandales (1), je souligne combien il peut décrire l'économie trinitaire. Mais ce mouvement de Dieu qui se met à genoux devant l'homme peut être aussi celui de l'homme devant autrui. 
Là encore, Madeleine Delbrel nous invite à une kénose, celle du croyant devant l'incroyant . Elle nous fait découvrir ce que nous ne pouvons connaître : l'angoisse infinie devant la mort de ceux qui ne croient pas que Dieu est là, la solitude infinie et inhumaine de ceux qui ne connaissent pas l'amour de Dieu. "Si nous réalisons chez l'incroyant cet état de malheur‎, oserions-nous déduire ce qu'il dit, ce qu'il fait, de ce qu'il cherche ? (...) ou bien le Dieu de l'évangile ne nous brûlerait-il pas insupportablement tant que nous n'aurons pas crié le nom [de Dieu] à voix haute parmi ces hommes désespérés sans le savoir. S'ils se retournent en nous entendant appeler Dieu, ce serait pour eux le début de la Seule Bonne Nouvelle" (2)

(1) Texte repris dans "L'amphore et le fleuve"
(2) Madeleine Delbrel, Nous autres gens des rues, op Cit p. 190

09 octobre 2015

Éloge de la bonté - Madeleine Delbrel

Il faut relire ce passage sur la bonté (1) écrit par Madeleine Delbrel en 1959 pour la lente progression qui s'opère dans son discours sur le lien entre charité chrétienne et bonté. Elle commence son apologie par une exhortation pour finir par un exemple. Elle raconte comment un soir sous la pluie à l'étranger, n'ayant plus assez pour acheter autre chose que des crudités avant son train, en pleurs, elle se réfugie dans un café. Mangeant son plat lentement elle est soudain entourée par une main charitable qui lui dit "vous café, moi donner". A elle, l'étrangère, ce geste est ce Jean-Luc Marion appellerait probablement le don véritable, l'acte gratuit, qui "ne cherche pas son intérêt" (1 Cor 13).
Elle nous traduit ainsi mieux que tout discours ce qui relève de la bonté véritable. A nous de faire résonner ce qui dans nos vie a été reçu et ce que nous pouvons donner.

‎(1) Madeleine Delbrel, Nous autres gens des rues, p. 151-158

Tradition vivante et synode

Discussion intéressante avec des amis sur la Tradition.  On peut la dire figée ou immuable, au nom d'une fidélité à l'Écriture.  Je préfère la voir vivante et perfectible,  capable d'auto-correction et d'humilité,  consciente qu'elle reste la face visible et fragile de la volonté inaccessible de Dieu.  

Ce texte de saint Vincent de Lérins me semble conforter ce point de vue : "Ne peut-il y avoir, dans l'Église du Christ, aucun progrès de la religion ? Si, assurément, et un très grand. Car qui serait assez jaloux des hommes et ennemi de Dieu pour essayer d'empêcher ce progrès ? À condition du moins qu il s'agisse d'un véritable progrès dans la foi, et non d'un changement. Car il y a progrès, si une réalité s'amplifie en demeurant elle-même ; mais il y a changement si elle se transforme en une autre réalité. Il faut donc qu'en chacun et en tous, en chaque homme aussi bien qu'en l'Église entière au cours des âges et des générations, l'intelligence, la science et la sagesse croissent et progressent fortement, mais selon leur genre propre, c'est-à-dire dans le même sens, selon les mêmes dogmes et la même pensée. 
(...) : la règle de tout progrès légitime et la norme précise de toute croissance harmonieuse, c'est que le nombre des années révèle chez les plus grands la forme des membres que la sagesse du Créateur avait ébauchée lorsqu'ils étaient enfants. Et s'il arrivait qu'un être humain prît quelque apparence étrangère à son espèce, soit que le nombre de ses membres augmente, soit qu'il s'amenuise, tout le corps périrait nécessairement, et serait en tout cas gravement débilité. Il en va de même pour les dogmes de la religion chrétienne : la loi de leur progrès veut qu'ils se consolident au cours des ans, se développent avec le temps et grandissent au long des âges.

Nos ancêtres ont jadis ensemencé le champ de l'Église avec le blé de la foi. Il serait injuste et inconvenant pour nous, leurs descendants, de récolter l'ivraie de l'erreur au lieu du froment de la vérité. Au contraire, il est normal et il convient que la fin ne renie pas l'origine, et qu'au moment où le blé de la doctrine a levé, nous moissonnions l'épi du dogme. Ainsi, lorsque le grain des semailles a poussé avec le temps et se réjouit maintenant de mûrir rien cependant ne change des caractères propres du germe."(1)
L'enjeu,  en cette période difficile du synode est de trouver un chemin de progrès.  Prions en cela pour le travail de l'Esprit. 

(1) Saint Vincent de Lérins,  Commonitorium, source AELF

08 octobre 2015

Colossiens 3 et Éphésiens 5

J'ai une amie qui est si outrée par le machisme de ces deux textes, qu'elle refuse d'assister à la messe les jours où ils sont lus.
Une lecture littérale peut conduire à cela
 Mais Colossiens 3, 18 s'eclaire par Éphesiens 5 qui lui même s'éclaire par la contemplation des noces éternelles et par l'invitation de Paul à entrer dans la kénose qui répond à la kénose. La soumission de la femme a son mari (à lire dans le contexte de l'époque) n'a de sens qu'en réponse à l'amour du mari pour sa femme, qui s'eclaire par l'amour du Christ pour son Église
 Si l'on coupe ce lien, on coupe le sens et la réciprocité...

Bien sûr la lettre à Timothée enfonce le clou. Mais la lecture spirituelle reste utile.

07 octobre 2015

Revue de Presse - Projet n°348 - Les bidonvilles - Sortir du déni

Le numéro 348 de Projet qui vient de sortir sur les bidonvilles interpellent.
Ce qui m'a le plus frappé, c'est cette remarque récurrente : les expulsions sont au détriment de la socialisation des personnes, qui faute de positionnement stables ne peuvent pas arriver à se socialiser.
cf. un des articles sous le lien suivant :
http://www.revue-projet.com/articles/2015-08_domergue-huygue_le-bidonville-symptome-du-mal-logement/

Christ, image de Dieu - Col 1, 15

Je reprends ma lente manducation des lettres du Nouveau Testament après la publication de mes commentaires des lettres de Paul, dans "Serviteur de l'homme". J'aborde maintenant celles dont l'origine est plus controversée avec la série commençant par Colossiens et Éphesiens. Deux lettres qui méritent un détour.
La contemplation de Col 1, 15 retombe dans celles suscitées par la lecture de GC1 (cf plus haut) chez Balthasar. Relisons le texte : "C'est lui qui est l'image du Dieu invisible, le premier-né de toutes les créatures" (1) Un commentaire d'Urs von Balthasar pourrait être fait à partir de ce qu'il écrit dans GC2 : En Jésus-Christ, vers qui tendent les révélations
de la création et de l'histoire, est manifestée la "dissemblance toujours plus grande" de Dieu par rapport à tout ce qui n'est pas Dieu ; non pas manifestée seulement comme à travers des signes ni simplement connue (...) mais littéralement aperçue dans la figure de la révélation. (...) Quand Dieu apparaît par lui-même (si profondément voilé qu'il reste malgré tout) une telle apparition inclut finalement un cadeau, amour et par là don de soi (2)


Le terme "image de Dieu" mériterait par ailleurs un excursus particulièrement développé à l'aune des travaux du même Balthasar dans ce même tome GC2 sur les considérations entre image et ressemblance chez Bonaventure. Nous y reviendrons.

En attendant, il nous reste à contempler "l'éclat jaillissant de cet amour qui se donne sans réserve en entrant dans la figure terrestre d'impuissance" (3)

On sent jaillir dans la plume de Balthasar cet embryon de ce que j'appelle chez lui la triple kénose, cette contemplation amorcée de la "danse trinitaire" que j'ai repris dans "L'amphore et le fleuve".

(1) Col 1, 15 traduction OST‎
(2) Hans Urs von Balthasar, La Gloire et la Croix , Styles, d'Irénée à Dante, 2 (GC2), Paris, Cerf : DDB p. 9




06 octobre 2015

Beauté de l'Église

Cette beauté que nous peinons souvent à trouver est d'abord de notre responsabilité. Il ne sert à rien de critiquer l'Église si nous n'avons pris à bras le corps ses enjeux, si nous ne retroussons pas nos manches.
Écoutons encore une fois Madeleine : "L'Église, il faut s'acharner à la rendre aimante. Son amour est en grande partie à notre merci." citant saint Ambroise, Madeleine ajoute "c'est dans les âmes que l'Église est belle". Dans nos vies, ajoute-t-elle, "l'Église doit être bonne; dans nos vies, le Christ-Église doit aimer à l'aise, dans le sens même de son amour, dans les règles de son amour, dans les exigences de son amour". (1)

(1) Madeleine Delbrel, Nous autres gens des rues, op Cit, p. 137

04 octobre 2015

Obéissance ecclésiale

La question de l'obéissance est souvent le point d'achoppement de notre relation ecclésiale. Car, souvent, nous la conditionnons instinctivement à un désir de liberté intérieure, mêlée à un besoin de reconnaissance. Madeleine la conçoit quant à elle comme "une obéissance à la fois passive et active parce qu'elle est obéissance à un ordre vital, à une propagation vitale. De cette obéissance on ne se tire pas avec une oraison dite à la messe, avec un dévouement à un prêtre ou à un mouvement. On ne s'en tire même pas avec une vie sacramentelle fidèle, ni avec une vie de prière fervente, mais en assumant notre vie sacramentelle et notre vie de prière jusque-là où elles doivent aller jusqu'à ce pour quoi elles ont été faites". (1)

On sent chez Madeleine une contemplation de l'obéissance du Christ à son Père, de cette course infinie (Ph 3) de l'apôtre véritable qui se laisse conduire par l'Esprit.

Pour elle, l'Église est "le signe le plus prodigieux du mystère de Dieu, car en elle sont les fameuses dimensions de la charité" (...) que nous ne pourrons incarner qu'en "acceptant d'abord l'incarnation de cette charité dans l'Église‎, dans le Corps mystique de Jésus-Christ".

Il est évident que beaucoup rejette cette image
Elle est pourtant de notre responsabilité commune, tant l'Église n'est faite que de ce que nous en faisons.‎ Nous sommes ses "cellules intelligentes et aimantes". Si ces cellules étaient capables de comprendre et d'aimer elles exploseraient de "reconnaissance pour chaque prêtre qui donne le sang du Christ, ‎ seraient en anxiété priante pour chaque évêque qui a des décisions à prendre..." (2)
Ce discours n'est pas idyllique mais programmation et réaliste :
Pour elle, l'Église est "la Passion du Fils de Dieu fait homme perpétuée au milieu de nous" (3)

‎(1) Madeleine Delbrel, Nous autres gens des rues, op. Cit. p. 134
‎(2) p. 135
(3) p. 136 

03 octobre 2015

Aimer l'Église - 2

"Même quand nous vivons d'une vie très unie à Jésus, il faut je crois, nous demander (...) si nous ne le voyons pas comme il a été et non comme il est dans l'Église ‎" (1)
 Une piste de contemplation à creuser, car c'est la qu'est aussi l'Esprit.

Madeleine Delbrel, Nous autres gens des rues, p. 134

02 octobre 2015

Le risque de la soumission

Sous ce titre se cache le lent travail intérieur de Madeleine Delbrel à la suite de l'interdiction des prêtres ouvriers. Il faudrait citer toutes ces pages (1) ce que le respect des droits d'auteur  m'interdit. Une révolte intérieure s'y lit face à l'incompréhension compréhensible de cette décision qui met un arrêt brutal à 10 ans d'élan ‎missionnaire de ce que notre pape actuel appellerait peut-être (ironie du temps) un essai brillant d'Église en sortie, qui n'hésite pas à "marcher dans la boue" (cf. Evangelii Gaudium).
En 1954, les choses sont moins simples et Madeleine s'interroge intérieurement sur les causes de cet échec. Si l'on sent son attachement à l'Église, souvent cité dans ces pages, elle note qu'il y a aussi une question plus structurelle qui demeure, celle de cet "énorme péché collectif" (2) qui a conduit à ce gouffre entre l'Église et le monde. L'athéisme contemporain n'est pas né par hasard, à nous de percevoir ce qui dans nos indifférences à pu le conforter. Car cette question de la pastorale du seuil, sur laquelle je ne cesse d'écrire reste l'enjeu de notre temps. Je suis sensible à cet égard à ce que dit une étude américaine récente qui interpelle la réalité même de notre vie en Christ. Tant que celle ci reste façade, tant que le Christ ne rayonnera pas dans le jusque au bout de nos choix, nous ne serons que des cymbales qui résonnent. Hier soir je contemplait le chemin de deux amis étudiants en théologie avec moi. L'une est partie en Colombie dans une oeuvre pastorale de première qualité, l'autre est médecin des réfugiés porte de Saint Ouen. Si la théologie conduit à cela, elle est force de l'Esprit. A leurs côtés je me sens petit....

‎(1) Madeleine Delbrel, Nous autres gens des rues, op Cit p. 133 à 144
(2) ibid p. 144

01 octobre 2015

Faire aimer l'Église

De son voyage à Rome en 1952, Madeleine Delbrel nous ramène quelques pépites : 
1. Être auteurs de l'oeuvre de Dieu
2. Contempler le ministère de Pierre à l'aune du "M'aimes-tu ?" de Jean 21
3. Prendre conscience de l'importance de l'évêque 
4. Comprendre "ce qu'il fallait faire passer d'amour dans tous les signes de l'Église".

A contempler pour ce qu'elles sont, dans la lignée de "Cette Église que je cherche à aimer".‎ L'art est délicat, la critique facile. Prions pour que l'Église soit image de ce qu'elle représente.

Source: Madeleine Delbrel, Nous autres gens des rues, p. 127ss

30 septembre 2015

Misère de l'esprit - 2

"Il nous faut prendre conscience des ruptures de pont entre l'homme et le mystère de tout ce qui est. Le pont homme terre est rompu. L'homme de la terre (...) et de la mer, même s'il n'est pas chrétien [voit son esprit conduit] à quelque chose qui le dépasse. C'est une orientation du même ordre qui serait à rétablir entre chaque homme et le mystère du réel avec lequel il est en contact. Ce n'est certes pas donner la foi. Mais où est la capacité de recevoir la foi chez celui pour qui Dieu est absurde ? "

On retrouve dans cette citation ce que Danielou signalait sur ces failles qui conduisent à Dieu (amour, naissance, mort). Autant de lieu que l'on doit travailler car ils sont au coeur du lien ténu entre humanité et transcendance. Une piste pastorale à creuser.

Cf. mes développements sur ce point #pastorale

Madeleine Delbrel, Nous autres gens des rues, op. Cit p. 125

29 septembre 2015

Misère de l'esprit

Auteur de Pastorale du seuil, je ne peut être insensible aux propos de Madeleine Delbrel sur la misère de l'esprit‎, sur cette "intelligence qui n'a plus ce pour quoi elle est faite", (...) "une misère spirituelle" à l'image de ce qu'on lit quelque part dans les Actes des Apôtres : "Nous ne savons pas qu'il y eut un Esprit-Saint". (...) La mort elle-même perd de son mystère prochain. La causalité humaine tend à s'emparer même de la mort. (...) Parce qu'on peut la retarder, on oublie qu'elle vient toujours".
Misère de l'esprit donc pour ceux qui ont un accès "limité à un réel extrêmement restreint" (1)

L'allusion à la mort est intéressante à plusieurs point de vue. Dans mes travaux récents je montre que cette faille de la mort peut être une clé d'entrée à un au delà de l'intelligence commune. "La mort est fin et en tant que fin elle est mystère", (...) elle introduit une relation étrange avec le prochain" (2) nous dit ‎Adrienne von Speyr. De fait, elle ouvre au mystère et à Dieu alors que la vie dans sa routine n'est qu'une course au bonheur que l'on achète : "bonheurs chiffrables en prix d'achat" (3).
Un point qu'il me semble sensible.

(1) Madeleine Delbrel, Nous autres, gens des rues, Paris, Seuil, 1966, p. 120ss
(2) Adrienne von Speyr, Le mystère de la mort, culture de vérité, Namur, Letheilleux, 1989, p. 11
(3) Madeleine Delbrel, ibid. p. 122

28 septembre 2015

Chemins de désert - 2



A la suite de mes recherches sur ce thème, je note les commentaires toujours pertinents de Madeleine Delbrel : " Pour quitter l'Égypte il faut s'en dégager. A toutes les époques de son histoire l'Église a porté en elle des gens, qui perpétuels nomades, partent sans cesse du monde où ils sont mais dont ils ne sont pas, vers cette Terre où, par le Christ, ils sont déjà." (1)‎ 

Etern‎elle tension, ajouterai-je, à maintenir entre l'être au monde, qui ne peut être échappée par une fuite mystique, et l'être "en Christ", qui nourrit notre route.

Soumission aussi au bon vouloir de Dieu.  En effet,  "c’est Dieu qui produit en vous le vouloir et le faire, selon son bon plaisir". ( 2)

(1) Madeleine Delbrel,  Nous autres gens des rues,  p. 118
(2) Philippiens 2,  13

25 septembre 2015

Danser - 2

"La foi, dans le sens chrétien parfait, ne pourra être autre chose que l'attitude dans laquelle‎ l'homme se fait tout à fait réceptacle pour recevoir le contenu divin; dans laquelle il est tout entier accordé à cette musique, prêt à réagir à ce toucher divin, violon tout prêt pour ce coup d'archet, matériau pour cette maison à édifier, rime préparée pour ce vers à composer", piles d'un pont dont le tablier est posé par Dieu, corps prêt à danser à la musique de Dieu....

‎(1) Hans Urs von Balthasar, GC1 p. 186

Le mystère de l'Église

Loin de cette Église triomphante que dénonçait le cardinal de Smedt dans l'aula du Concile Vatican II, Madeleine nous conduit à un réalisme qu'il ne faut pas perdre de vue.

"Parce-que nous rêvons d'un Christ-Église triomphant aux yeux des hommes, nous ne savons pas toujours nous souvenir que le mystère du Christ est le mystère de l'Église et que fin des temps il sera le sauveur humilié, camouflé sous des hommes, des hommes limités et pécheurs, et que c'est en eux qu'il faudra le reconnaître.‎ (...) Le laïc le plus majeur est moindre dans un certain ordre de grâce que le prêtre le plus mineur parce que dans ce prêtre il y a une communication du Christ à laquelle le laïc ne participe pas." (1)

Cela me rappelle des propos du même genre chez Benoît XVI à propos des prêtres minables qui en célébrant sont pourtant signe d'autre chose(2).

Madeleine ajoute " cela ne veut pas dire que le laïc doit être un passif. Il a à devenir ce qu'il est".



(1) Madeleine Delbrel, Nous autres gens des rues, op. Cit p.110
(2) Joseph Ratzinger Les principes de la théologie catholique, op. Cit. 

24 septembre 2015

Christ et Église - 2

Au delà des propos rapportés plus haut, il faut entendre l'appel au renoncement qui en découle. "La lumière de la foi n'est lumineuse que si l'homme, se détachant de lui même et renonçant à sa propre évidence, se livre tout entier à la Source qui se tient ouverte pour lui par grâce. Mais il ne peut accomplir de dépassement intérieur correctement et sans identification mystique secrète, que s'il reconnaît l'origine de la lumière dans la figure du Christ, telle qu'elle vient à lui dans le domaine de l'Église". (1)

C'est pro‎bablement là que l'indépendance franco-française résiste le plus. Mes propos dans "Cette Église que je cherche à aimer" le disait à leur manière. Il y a pourtant là une voix que je prends à petit pas, éclairé également par ce que dit, d'une manière finalement assez similaire Madeleine Delbrel. Il y a là une voie difficile, l'ultime renoncement, celui qui nécessite kénose et effacement véritable devant la triple nécessité de contempler Écriture, Tradition et Sens des fidèles comme un chemin supérieur à l'indépendance farouche qui vient de mon incurable orgueil.... :-)

(1) Hans Urs von Balthasar, GC1 p. 182

Christ - Église 3

"Le travail du Christ c'est le salut du monde. Le travail de l'Église c'‎est le salut du monde; le monde ne peut être sauvé que par l'Église. L'Église n'est l'Église que parce qu'elle sauvé. Nous ne sommes pas l'Église ‎si nous ne sommes pas toute l'Église : chaque membre appartient à tout le corps. Et nous ne sommes toute l'Église que si nous sommes à notre place en elle" (1)

Il faut avoir lu ce passage pour comprendre ce qu'elle dit ensuite sur l'unité qui a pour elle une cohésion, un sens vital. L'obéissance dans le corps du Christ est aussi un état de fait. Le sang ne coule que dans un sens. (...) L'autorité de l'Église ‎peut nous broyer,  nous enténébrer : il faut obéir parce que pour nous c'est vivre" (2)

Cette unité doit primer. Souvent quand vient en nous la tentation de croire que la hiérarchie se trompe peut être faut il laisser le temps nous éclairer, abandonner la tentation de croire que notre ego prime, qu'il a en main toutes les données et croire surtout dans le travail de l'Esprit que personne ne peut revendiquer pour soi.

"Par le baptême le chrétien a échangé sa liberté contre la liberté du Christ".

(1) Madeleine Delbrel,  Nous autres gens des rues, op. Cit. p. 108
‎(2) ibid p. 109

Hommage à Denis Sonet

Un homme d'exception s'est éteint...
Pour l'avoir invité pendant des années au "cycle fiancé" de l'institut de la famille, je me souviens encore des salles combles, des sourires, des jeunes captivés par sa présence. Un grand homme est parti...

A écouter sur RND, un interview d'Olivier Clément, ce matin à 8h avec Louis Dufraisne

23 septembre 2015

Christ et Église

Long développement de Balthasar sur l'importance d'une doctrine/ dogmatique  ecclésiale. Mais, précise t-il, la fonction ecclésiale est avant tout service, donc renvoie au Christ. Elle prend part à la figure que dessine le Christ. Elle est moyen, là où la vie ecclésiale est but. Nous ne sommes fils de Dieu "que si l'on évite (...) toute confusion entre le membre et la tête. (...) Ce qui est vraiment Saint est toujours celui qui se confond le moins avec le Christ, ce qui lui permet d'être transparent au maximum pour le laisser voir ". (1)

Quel est l'enjeu de cette distinction ? D'abord reconnaître que ‎nous restons blessés et reflétons bien mal la figure du Christ. Ensuite percevoir que l'individuel n'est rien à côté de ce qui se joue dans la dynamique sacramentelle vivante de l'Église, enfin percevoir l'enjeu de la distance qui ne fera jamais de nous des modèles, mais bien des traces et de pâles images de l'amour infini qui apparaît dans la relation intradivine.

(1) Hans Urs von Balthasar, La gloire et la Croix, tome 1 (GC1), op. cit. p. 176ss


L'espérance de l'unité

Impossible obéissance qui ne cesse de diviser nos églises,  au nom d'ego et de refus de communion.  Je suis frappé par l'insistance de Madeleine à défendre justement cette obéissance,  même au temps où ses choix pastoraux semblaient incompris par la hiérarchie.
Nous ne cessons de reproduire les causes et les schémas qui conduisent à la division.  Espérons que le synode sur la famille conduira à la paix.

Ézékiel 37:22 "Je ferai d’eux une seule nation dans le pays, dans les montagnes d’Israël; ils auront tous un même roi, ils ne formeront plus deux nations, et ne seront plus divisés en deux royaumes."

21 septembre 2015

Danser

"Il y a beaucoup de saints qui ont eu besoin de danser, tant ils étaient heureux de vivre (...). Si nous étions content de vous, Seigneur, nous ne pourrions pas résister à ce besoin de danser qui déferle sur le monde, et nous arriverions ‎à deviner quelle danse il vous plaît de nous faire danser en épousant les pas de votre providence." (1)

Là encore je retrouve des propos longuement développés dans la "danse trinitaire", cette mélodie intradivine à laquelle nous sommes invités.

"J'ai joué de la musique sur les places et vous n'avez pas dansé"

(1) Madeleine Delbrel, le bal de l'obéissance, in NAGDR, op. Cit. p. 81

20 septembre 2015

Solitude 2

Pour Madeleine, dans la solitude, "Dieu nous fait comprendre que, soustraction faite de ses dons, de ses impulsions, (...)  il ne reste plus qu'une pâte commune faite d'un même néant (...) sur cette boue uniforme les seules distinctions discernables sont les volontés rédemptrices et créatrices‎ de Dieu qui appellent nos enthousiasmes et nos amours."(1)

Plus loin, paraphrasant Osée 2, elle ajoute "Je te conduirai dans la solitude et je parlerai à ton cœur" (2)

On retrouve un peu ce "tout est rien" de sainte Thérèse d'Avila (cf. mes développements in "Chemin de désert", mais son originalité est de développer sur cette solitude intérieure un sentier au coeur de nos vies urbaines. 

En cette veille de saint Matthieu,  contemplons l'appel du Christ qui balaye l'intérêt d'une vie en disant "viens,  suis-moi".


(1 et 2) Madeleine Delbrel, Nous autres gens des rues, p. 76 et  p.77

18 septembre 2015

La quête de la lumière


Je ne me lasse pas de cette lecture de Madeleine qui nous pousse dans le creuset de nos retranchements : "Il faut avoir plongé dans la mort ambiante de ce qui fait notre amour d'homme [et ses] (...) dévastations et à l'autre pôle, tâté l'univers impénétrable de la sécurité de Dieu pour percevoir en soi ‎une telle horreur du noir que la lumière évangélique nous devienne plus nécessaire que le pain."
Elle poursuit plus loin :" la lumière de l'évangile n'est pas une illumination qui nous demeure extérieure : elle est un feu qui exige de pénétrer en nous pour y opérer une dévastation et une transformation. Celui qui laisse pénétrer en lui une seule parole du Seigneur et qui la laisse s'accomplir dans sa vie, connaît plus l'évangile que celui dont tout l'effort restera méditation abstraite ou considération historique. L'Évangile ‎n'est pas fait pour des esprits en quête d'idées. Il est fait pour des disciples qui veulent obéir"

Autant pour moi, même si je trouve le mot obéir un peu fort. J'aurais mis suivre...
Elle précise d'ailleurs que cette obéissance est celle d'un enfant, qui dit oui et se faisant fait confiance...

Madeleine Delbrel, Nous autres, gens des rues, op. Cit.  p. 72-73


17 septembre 2015

Théologie des signes - cohérence 7

La théologie des signes commentée plus haut chez Jean par Balthasar,  trouve ce matin, dans la contemplation d'Ézéchiel 12, 11 un ancêtre parlant. "Dis: Je suis pour vous un signe. Ce que j’ai fait, c’est ce qui leur sera fait: Ils iront en exil, en captivité." Elle rappelle la mission donnée par Dieu à Osée.  "Va épouse Gomer, celle qui se prostitue".
Dieu non content de nous laisser des traces dans la nature, nous parle aussi par signes et par figures...

16 septembre 2015

Cohérence 6 - Unité Ancien et Nouveau Testament

Mes propos précédents mettent un bémol à ce que je lis chez Balthasar : "l'unité [entre ‎AT et NT] se situe à un niveau beaucoup plus profond : (...) l'ancienne Alliance est intrinsèquement, dans sa fondation et dans toutes ses phases, une marche vers le Christ " (1)

‎Il me semble pourtant qu'il a raison, à un niveau plus élevé et plus riche que la seule question des plaies d'Egypte. Car au-delà des conflits d'interprétation, c'est la cohérence du plan de Dieu qu'il nous faut contempler, au delà de cette inter-pénétration parfois dommageable entre la Parole de Dieu et les paroles humaines.

On en trouve un exemple dans les prophéties d'Ézéchiel : "Je traiterai avec eux une alliance de paix, et il y aura une alliance éternelle avec eux; je les établirai, je les multiplierai, et je placerai mon sanctuaire au milieu d’eux pour toujours. Ma demeure sera parmi eux; je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple. Et les nations sauront que je suis l’Éternel, qui sanctifie Israël, lorsque mon sanctuaire sera pour toujours au milieu d’eux." (2)

(1) Hans Urs von Balthasar, GC1 p. 17
(2) Ézékiel 37:26-28 LSG

Cohérence 5 - Exodus

J'ai regardé récemment avec ma nièce le film Exodus, dont la mise en scène est plus que retravaillée par rapport au texte original, même si l'on retrouve beaucoup de liens avec le texte. Le résultat est désolant. Il met notamment en lumière l'abominable récit des plaies d'Egypte dans toute son horreur. Il en ressort, et c'est peut être le but recherché, une idée de Dieu pas très "catholique" renforcée par le gamin qui semble représenter Dieu et qui n'est qu'un morveux, prétentieux et colérique. Difficile d'en faire une pastorale, sauf à en venir à déconstruire‎ l'historicité du récit, ce qui est fondé en historico-critique mais pose des problèmes plus vastes en pastorale. 
‎Doit-on en venir là ? Auprès d'adultes c'est jouable. Auprès de jeunes, cela soulève des questions et en ouvre d'autres. Qu'est ce qui reste crédible si une partie du texte ne l'est plus ? Il faut peut être passer par là. Pour l'instant je me contentais de souligner la lecture spirituelle qu'en fait Grégoire de Nysse dans sa vie de Moïse. C'est plus soft que de dire que rien/peu n'est fondé historiquement... en tapant dans la fourmilière on fait sortir beaucoup d'insectes...‎ est-on prêt ? 

Poussés au désert par l'Esprit

Nous avons longuement commenté cette phrase de Luc 4. Dans "missionnaires sans bateaux", Madeleine nous ouvre à une autre vision du désert, ce monde en manque de Dieu, vers lequel elle nous appelle à sentir, "en haut d'un grand escalier de métro", l'appel de l'Esprit. Désert où on est "la proie de l'amour"‎, où chaque geste peut devenir amour

Cf. Madeleine Delbrel, NAGDR, op. Cit p. 69 et 71

15 septembre 2015

Évangéliser

Evangéliser ? Pour Madeleine Delbrel, c'est "dire à des gens qui ne le savent pas, qui est le Christ, ce qu'il a dit et ce qu'il a fait de façon qu'ils le sachent et qu'ils sachent que nous en sommes sûrs" (1)
Ce n'est pas convertir. Ce n'est pas donner la foi,‎ mais accepter ensuite le travail de Dieu qui nous dépasse. Comme je l'écrivais dans "pastorale du seuil" nous ne faisons que poser les piles fragiles d'un pont que Dieu va construire en l'homme. Madeleine poursuit "Jésus ne nous a pas demandé d'être des exemples admirables (...). L'exemple admirable c'est lui" (2)
Nous ne sommes que des traces, des pâles  images.‎ Souhaitons juste ne pas être des contre-exemples.

On retrouve cette nécessaire cohérence décrite plus haut...

(1) Madeleine Delbrel, athéisme et évangélisation, p. 262
(2) texte inédit 1960, cité dans NAGDR p. 40

14 septembre 2015

Cohérence 4

Cette cohérence passée, il nous appartient maintenant de la poursuivre dans nos vies. Pouvons dire à la suite de Paul : "J’ai été crucifié avec Christ; et si je vis, ce n’est plus moi qui vis, c’est Christ qui vit en moi; si je vis maintenant dans la chair, je vis dans la foi au Fils de Dieu, qui m’a aimé et qui s’est livré lui-même pour moi." (Gal 2, 20)

La cohérence de notre vie est elle, comme le soulignait Jacques dans l'épître d'hier dans nos actes, où, comme le suggère plutôt Paul dans notre foi ? Si l'on suit ce dernier,  ce ne peut être en vérité que par l'Esprit,  qui seul agit et fait que danse en nous le souffle trinitaire : "Celui qui vous accorde l’Esprit, et qui opère des miracles parmi vous, le fait-il donc par les œuvres de la loi, ou par la prédication de la foi?" (Ga 3, 5)...

Il précise plus loin sa pensée : "Avant que la foi vînt, nous étions enfermés sous la garde de la loi, en vue de la foi qui devait être révélée. Ainsi la loi a été comme un pédagogue pour nous conduire à Christ, afin que nous fussions justifiés par la foi. La foi étant venue, nous ne sommes plus sous ce pédagogue. Car vous êtes tous fils de Dieu par la foi en Jésus-Christ; vous tous, qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu Christ. Il n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni libre, il n’y a plus ni homme ni femme; car tous vous êtes un en Jésus-Christ. Et si vous êtes à Christ, vous êtes donc la postérité d’Abraham, héritiers selon la promesse". (Ga 3, 23-29)

Que sommes nous dans le plan de Dieu ? Ni des marionnettes,  ni des saints.  " Pour ce qui me concerne, loin de moi la pensée de me glorifier d’autre chose que de la croix de notre Seigneur Jésus-Christ, par qui le monde est crucifié pour moi, comme je le suis pour le monde!" (Ga 6, 14)

Notre cohérence, c'est ce que nous laissons faire à l'esprit, au service du Christ,  lui qui a été "élevé de terre,  pour attirer à lui tous les hommes.

13 septembre 2015

Cohérence 3

La cohérence soulignée plus haut s'inscrit plus largement nous dit Balthasar :‎ "L'Ancien et le Nouveau Testament forment ensemble une figure totale de la révélation dans laquelle le large monde de symboles de l'Ancien déploie en l'anticipant‎ sous forme d'ombres l'accomplissement condensé dans le Nouveau, l'Ancien s'absorbant dans la fonction d'annoncer, mais en même temps débouchant positivement dans le Nouveau qui est sont accomplissement"(1)

On peut y objecter les ombres de l'Ancien, mais comme il le souligne justement, ces ombres sont d'une certaine manière un écrin pour la lumière qui surgit, en leur sein.

(1) Hans Urs von Balthasar, op Cit, GC1, p. 175



Signes et miracles - Cohérence 2


"Pour le croyant qui se tient au centre (1), les miracles du Christ ne sont pas d'abord ce qui rend subjectivement la foi plus facile (car il en a à peine besoin), mais le rayonnement, sur le domaine sensible, de la gloire divine déjà vue spirituellement" (2).

Là encore la finesse de l'analyse de Balthasar nous conduit dans l'axe de ce que nous contemplons dans ce qu'il appelle (à la suite de nombreux exégètes) la "théologie des signes" chez Jean.

Depuis Cana, la guérison du fils, le relèvement (même mot grec que résurrection) du malade de Bethesda , Jean nous conduit en effet à la contemplation de la Passion et de la résurrection...

Toute la vie de Jésus est alors symboliquement organisée vers la révélation du Père. On retrouve ce que je notais plus haut à propos de la cohérence sacramentelle...

Saint Augustin l'exprimait ainsi : "ce que notre Seigneur a fait corporellement, il voulait le savoir compris spirituellement. Il n'acomplissait‎ pas de miracles pour le plaisir d'en faire, mais afin que le fait accompli apparaisse à ceux qui le voyait comme merveilleux, à ceux qui le comprenaient comme vrai. (....) celui qui ne sait pas lire (...) admire la beauté des lettres, mais ce que les lettres veulent dire, il ne sait pas. (...) un autre, au contraire, célèbre l'oeuvre d'art et en comprend le sens (...) c'est de tels disciples que nous devons être à l'école du Christ (3)

On perçoit, à la différence des balbutiements de l'analyse historico-critique que nous avons commenté chez John P. Meier (4), qu'il y a là ce que Jean de Lubac appelle véritablement une lecture spirituelle (5)‎ rejoignant l'esthétique de la gloire que cherche à démontrer Balthasar.

‎(1) cf. le livre éponyme de Balthasar : retour au centre
(2) Hans Urs von Balthasar, GC1 p. 172
(3) Serm. 98, 3 (PL. 38. 592), cité ibid
(4) cf par ailleurs nos travaux sur John P. Meier, Un certain juif...
(5) Henri de Lubac, Exégèse Médiévale, Les quatre sens de l'Écriture. 1, Cerf, DDB, 1993, p. 110ss



Cette Église que je veux aimer

Plus j'avance dans la lecture de ces chercheurs de Dieu,  plus je prends conscience que la construction du temple est complexe et que nous devons chercher à faire corps pour ne pas déchirer l'unique tunique du Christ.  L'unité de l'Église devrait nous importer plus que nos petites allergies à certains de ces membres.  Dans cette période délicate où elle est souvent décriée,  nous avons à être attentifs à la manière dont nous contribuons à sa marche vers le Père et dépasser nos hésitations et nos résistances (1). 
Et nous devons prier pour nos évêques...
Cette phrase d'Augustin m'y aide : "Beaucoup sont chrétiens sans être évêques ; ils arrivent à Dieu par un chemin peut-être plus facile et ils marchent sans doute avec une allure d'autant plus dégagée qu'ils portent un moindre fardeau. Quant à nous, nous sommes chrétien, et nous devrons donc rendre compte à Dieu de notre propre vie ; mais nous sommes en outre évêque, et nous devrons donc rendre compte à Dieu de notre gestion." (2)

(1) cf. à ce sujet mes développements dans : Cette église que je cherche à aimer, et Chemins d'Eglise, repris dans Serviteur de l'homme
(2) Saint Augustin,  Sermon sur les Pasteurs, source AELF

12 septembre 2015

Cohérence sacramentelle

"Le mystère de l'Eucharistie (...) peut ‎devenir symbole (...) contenant réel d'une manducation spirituelle  [car] il est au croisement de lignes qui partant de données plus évidentes, montrent au regard de la foi, leur point de rencontre comme juste et tout à fait cohérent. Elle lui confèrent une nécessité théologique qui semble indispensable. (...) tous les sacrements ont d'abord leur figure dans la mission du Christ lui-même". (1)


En lisant ce passage je me rends compte que je n'ai peut être pas assez insisté dans ma recherche sur la dynamique sacramentelle sur la figure même du Christ . Certes mon commentaire d'Éphésiens 5 insiste sur le "comme le Christ a aimé‎ son Église", mais la formulation de Balthasar dévoile bien à quel point tout cela s'inscrit dans le plan de Dieu ...
Pour lui, la dimension trinitaire habite l'ensemble de la vie du Christ , transpire de sa Parole et de ses actes et les sacrements respirent de tout cela, sont donc à leur façon surchargés de sens. En prendre conscience nous interpelle dans notre manière même de vivre les dits sacrements.

(1) Hans Urs  von Balthasar, La gloire et la Croix, op. cit. GC1 p. 170ss


11 septembre 2015

Solitude

‎"Trouver [Dieu]‎ c'est trouver la vraie solitude : c'est lui qui nous attend. Le trouver c'est la trouver car la vraie solitude est esprit et toutes les solitudes humaines ne sont que des acheminements relatifs vers la parfaite solitude qui est la foi . La vraie solitude ce n'est pas l'absence des hommes, c'est la présence de Dieu" (1)

Je crois qu'il faut du temps pour percevoir la finesse de ces propos... Elle entre pour moi en résonance avec mon Prologue de "La caresse de l'ange", mais aussi avec "Le chemin du désert" deux de mes très récentes recherches sur la souffrance et la foi.

"C'est lui qui nous attend" est surtout une variation de "l'où es-tu ? " de Gn 3, 9. Contempler la solitude de Dieu n'est autre que percevoir la quête du Père raconté dans Luc 15, guettant le fils à qui il a tout donné.


(1) Madeleine Delbrel, Celui qui me suit, p. 76, cité in NAGDR, op. cit. p. 29