10 avril 2016

Sur le toit du monde -3 - M'aimes-tu ?

Quelques jours après la publication d'un post sur Jn 21, je découvre ce texte de Jean Paul II,  qui entre en résonance : " Il y a eu et il y a bien des hommes et des femmes qui ont su et qui savent encore aujourd'hui que toute leur vie a valeur et sens seulement et exclusivement dans la mesure où elle est une réponse à cette même question : « Aimes-tu ? M'aimes-tu ? » Ils ont donné et ils donnent leur réponse de manière totale et parfaite — une réponse héroïque — ou alors de manière commune, ordinaire. Mais en tout cas ils savent que leur vie, que la vie humaine en général, a valeur et sens dans la mesure où elle est la réponse à cette question : « Aimes-tu ? » C'est seulement grâce à cette question que la vie vaut la peine d'être vécue." (1)
(1) Homélie à Paris du 30 mai 1980, (trad. DC 1788, p. 556 copyright © Libreria Editrice Vaticana)

08 avril 2016

Présence et absence - Christophe Gripon

Où nous conduit l'auteur ? Après une fine analyse de Proverbes 8, nous voici sur des rivages plus connu, et notamment Lc 24, souvent commenté ici. En ce temps de Pâques, il nous faut contempler cette présence / absence du Christ. "Il n'est plus possible de s'attacher à la connaissance du corps "palpable, visible et identifiable" de Jésus ; il faut s'en remettre à la parole qui seule donne corps à la présence du Christ et par laquelle une reconnaissance est rendue possible" (1).

En citant le texte d'Emmaüs, C. Gripon rejoint ce que je ne cesse d'affirmer depuis "Pastorale du Seuil" : Dieu se dit et se révèle dans l'entre-deux. Il marche à nos côtés et quand nous pensons le saisir, il disparaît (Lc 24, 31).
Chemin d'humilité extrême(2), chemin de Dieu vers l'homme. 
Danse fragile et kénotique d'un Dieu qui respecte notre liberté au point de disparaître.

(1) C. Gripon, Éros, un chemin vers Christ-Sophia, op. Cit p. 100
(2) Voir notre recherche, Humilité et miséricorde, tome 1, l'humilité de Dieu, publication en cours.

07 avril 2016

Danse sur le toit du monde - 2

Notre société puritaine pourrait mettre des bémols sur une vision de la Sagesse, qui "danse et charme (...) par la force de son attraction érotique, [et] à laquelle ses amants doivent s'abandonner, au-delà de toute tentative de maîtrise et d'objectivation" (1) si "ce rôle médiateur de la Sagesse entre Dieu et l’homme" n'était pas à la fois sous-tendu par Pr 8, 30-31, mais également par Osée 2 et 3.
"Je la conduirai au désert" nous dit ‎Osée 2. Il y a bien un effort de séduction qu'on peut lire jusque dans les paroles du Christ "nous avons joué de la flûte et vous n'avez pas dansé" (Luc 7, 24). On notera plus loin dans la même page cette allusion à cette Sagesse insaisissable, proximité qui se dérobe et se fait désir, qui me rappelle un beau texte de Teilhard sur la custode et les considérations de Jean Luc Marion dans L'idole et la distance. Le chemin pastoral qui se trace là est à contempler. C'est celui d'un Dieu tout tourné vers l'homme et qui cherche à le faire entrer dans sa danse.

(1) C. Gripon, op. Cit p. 79ss‎

Présence et absence - 2

A partir d'une présentation succincte de l'apophatisme de la physique quantique (1) digne de sa connaissance dans le domaine, le physicien et théologien Christophe Gripon nous conduit sur les pas de Denys l'Aréopage, jusqu'à Yannaras. Quel est l'enjeu ? 
Réfuter tout discours trop rationnel sur un Dieu qui nous échappe et parvenir à "la négation des idoles rationnelles de Dieu" (2), et accepter de fait "l'inconnaissance comme unique catégorie de connaissance" (3) ou comme le dit le Pseudo-Denys, "le non-être au delà de l'essence" (4).

Il y a, dans les propos de Gripon, des phrases qui me rappellent la philosophie de Lévinas, disciple lui-même de cet Heidegger qu'il cite. C'est d'abord la question de l'Autre, la différence entre le Dire et le dit et cela va jusqu'au titre de son ouvrage sur "L'autrement qu'être, ou au-delà de l'essence"....

Mais poursuivons. N'y a-t-il pas un risque mys‎tique ? Non dit Yannaras : "La distinction ineffable (...) rend possible à l'homme la participation au Dieu imparticipable (...) [tout en supposant] l'autonomie de la personne (...) et excluant la confusion, la dissolution de la personne dans l'extase mystique". (5) 

En fait, comme il le précise plus loin, la connaissance apophatique est "ordonnée à la communion des personnes", et nécessite une "anthropologie essentiellement kénotique"(6), ce qui n'est pas sans rejoindre ce que je démontre dans mon tome 2 d'humilité et miséricorde : décentrement et communion. Décidément nos pensées se rejoignent.


(1) Christophe Gripon, Éros, un chemin vers Christ-Sophia, op. Cit p. 102 ‎ (on aimerait qu'il en dise plus, mais n'est-ce pas ça justement l'apophatisme : garder en vue l'incompréhensibilité de Dieu).
(2) Christos Yannaras, De l'absence à l'inconnaissance, p. 93‎, ibid. p. 115
(3) Gripon p. 115
(4) Yannaras p. 95
(5) p. 115 ‎ 
(6) Gripon p. 118 et note 343.

Paroles humaines et Parole de Dieu -2

Qu'est-ce qui fait la différence nous dit Théobald ? Il cite pour cela ce texte de Paul (1) :

"C'est pourquoi nous aussi, nous ne cessons de rendre grâces à Dieu, de ce qu'ayant reçu la divine parole que nous avons fait entendre, vous l'avez reçue, non comme parole des hommes, mais, ainsi qu'elle l'est véritablement, comme une parole de Dieu. C'est elle qui déploie sa puissance en vous qui croyez".

1 Thessaloniciens 2:13

Dans ma lecture cursive de Genèse,  je tombe sur la même irruption de bienveillance dans Gn 33. Or ce texte est le fruit direct de Gn 32,  le combat de Jacob avec l'ange.  Jacob passe d'un homme ordinaire à celui qui est touché par Dieu...
Et Gn 33 est une vision inversée des deux frères de Luc 15. A contempler dans ces temps où la bienveillance n'a plus bonne presse (2)

(1) Ibid p. 16
(2) Contre la bienveillance,  paru récemment.

06 avril 2016

Danse sur le toit du monde

Les lecteurs fidèles de mes écrits depuis "la danse trinitaire" savent que le mot danse ne cesse de m'interpeller, du fait de ses implications pastorales.
Je ne peux donc passer à côté des pages 72ss ‎ de L'éros, un chemin vers Christ-Sophia  (1) où mon ami C. Gripon commente les versets 30 et 31 de Proverbes 8.

Il y fait apparaître un chiasme où "délices" et "dansant" se répètent dans une forme concentrique autour de Dieu, comme le font, chez Fra Angelico les anges au Paradis.

A Alors j'étais auprès de lui son ouvrière,
B. j'étais ses délices de tous les jours, 
C et je [dansais] sans cesse 
en sa présence.
C Je [dansais] dans le monde et sur la terre, 
B et mon bonheur [délices] 
A parmi les enfants des hommes.‎(2)
La danse trinitaire à laquelle Adam est invité par la Sagesse est au coeur de la révélation de Dieu.

A suivre...

(1) op. Cit. chez Mediaspaul, 2016
(2) traduction OST corrigée 
Voir aussi mes travaux sur La danse trinitaire / La danse des anges.


04 avril 2016

Sur le toit du monde - 2

Après avoir laissé résonner le silence du tombeau vide, la voix d'un fin silence nous fait entendre son chant. Il se murmure depuis l'éternité.  On l'entend dans l'entre-deux entre la terre et le ciel, où dans la nuit du jardin de l'homme,  alors que nous sommes emportés par le sommeil.
J'étais là (1)
Je suis celui qui suis (2)
Je serai qui je serai (2)
Je suis.(3)
Un "je suis" (ego eimi) répété trois fois auquel Pierre réponds,  à notre image un je ne suis pas (ouk eimi)
Il n'est que murmure,  car c'est la voix du silence(4) et de l'abaissement,  de l'humilité et du renoncement.  Et pourtant,  il ne cesse de résonner dans nos déserts, de crier sa soif de nous rejoindre.
Donne-moi à boire (5)
J'ai soif (6)
Sur la croix, le chant du Christ semble s'éteindre.  Il est remit au Père.
Et pourtant,  alors qu'on croit venue la fin, résonne un ultime chant. Est-ce le chant des anges ?
Je serai avec vous (7)
Allez
Il vous attend au coeur de l'humain,  en Gallilée
À ceux qui doutent encore,  il demeure un signe, celui d'un fleuve immense jailli du sein du Fils de l'homme.
Pour aller plus loin
(1) Proverbes 8, 27 - cf. C. Gripon, op. Cit. p.  61
(2) Ex 3
(3) Jn 18
(4) 1 Rois 19, cf. La voix d'un fin silence,  in L'amphore et le fleuve
(5) Jn 4
(6) Jn 19, cf. aussi Sur les pas de Jean
(7) Mt 28, 20

Sur le toit du monde - 1

Pourquoi sommes nous là réunis aujourd'hui dans ce monde défiguré par la haine, la violence et tous ces égoïsmes auxquels nous ajoutons notre part ?
Vous allez me dire, pas moi, je ne suis pas de ceux là. Je ne vous croirez pas.... Car en nous levant ce matin nous avons consommé, pollué, négligé la planète,  ignoré la main tendue, refusé un sourire...
Nous sommes donc tous participants à cette défiguration du monde. Nous ne sommes pas des parfaits... Nous ne méritons pas cette adresse de Paul, au début de ses lettres : peuple de saints. Et pourtant nous sommes....
Dieu nous a donné vie....
Pourquoi ?
Laissons résonner en nous cette question.
Pourquoi ?
Elle résonne comme une vieille phrase, écrite il y a 2500 ans au chapitre 3 d'un vieux livre : "Où es-tu ?"
Écoutons cette phrase résonner dans le jardin du monde.
Pourquoi ?
Où es-tu ?
On pourrait en ajouter une autre qui résonne comme en écho sur la face irisée d'un lac de Gallilée :
Aimes-tu ?
En version originale,  elle se prononce de manière plus directe : "m'aimes-tu ?"
Posée par trois fois à Pierre,  elle vient s'ajouter aux deux premières questions et déchire le silence de nos nuits.
Alors la réponse du pourquoi pointe son nez,  fragile.
Je suis là pour aimer...
Et vient alors une quatrième question,  posée sur la pointe des pieds.
Jusqu'où ?
Quatre questions donc, gravées sur le sable,  de la pointe d'un bâton,  tant celui qui la pose ignore encore s'il pourra lui même y répondre. 
Ces questions ne sont pas des lieux d'enfermement, elles n'ont pas de morale attachée.  Elles se contentent de résonner depuis un tombeau qui semble vide.
Et pourtant,  ce vide apparent nous laisse habité par ces questions et il nous faut  sans cesse prendre le temps de les écouter et tenter d'y répondre.
Pour aller plus loin :
1) textes évoqués :  Gn 3,  Jn 21, Jn 8
2) C. Hériard, Sur les pas de Jean....

03 avril 2016

paroles humaines et Parole de Dieu

Qu'est-ce qui rend la parole humaine Parole de Dieu ? Une vraie question pour ceux qui scrutent l'Écriture. Souvent, on se rend compte que certains textes restent emplis de leurs "adhérences", qu'elles ne sont pas dignes d'être dans la Bible. On en a presque honte... Jusqu'à cette violence de certains passages de Luc qui parlent d'égorgement...(Lc 19, 27). Et pourtant, parfois, certaines paroles nous échappent. 
"Il y a des paroles exorbitantes" nous dit Theobald,"dont aucun homme ne peut porter le poids, une parole dont Dieu seul peut être l'origine" (1). Alors on pose le livre et on se dit Dieu est là. Et cette quête rebondit avec nos vies, devient souffle...

(1) Christophe Theobald, Paroles humaines, Parole de Dieu, Paris, Salvator, 2015, p. 16

02 avril 2016

L'homme-Dieu indivisible

Dire que Jésus est le voile de Dieu, c'est ne pas comprendre l'enjeu de son humanité, de son humilité, de l'abaissement qui nous ouvre à la contemplation de "l'homme en qui Dieu resplendit". Devant la Croix au contraire le voile s'est déchiré. Dieu est là... "Dieu apparaît en l'homme-Jésus". Il est "l'homme-Dieu indivisible" (1) nous dit Balthasar, contre une idée platonisante qui verrait Jésus comme une figure incomplète réservée aux simples incapables de saisir la réalité de Dieu.

"En révélant son amour dans la chair et le sang et en les sacrifiant pour la vie du monde, Dieu s'est engagé d'une manière insurpassable et sans retour possible. Pour quiconque a pu déchiffrer l'image du Fils ensanglanté sur la Croix, la persistance de cet engagement dans l'Eucharistie (...) est. Révélation de la splendeur divine" (2)
Il nous reste à contempler cela jusqu'à ce don que Dieu nous fait de danser avec lui. En mangeant à sa table et buvant à sa coupe, nous participons à notre manière à cette inhabitation divine dans l'humanité. Plus encore, en marchant à sa suite, nous l'accompagnons sur le chemin d'Emmaüs.

(1) Hans Urs von Balthasar, op Cit GC1, p. 369
(2) ibid p. 372.


01 avril 2016

Pastorale du seuil – 8 idées pour la mission


Notre monde a besoin de nouveaux terrains pour rencontrer Dieu. Le mot terrain, en soi, n’est pas choisi au hasard, tant il est vrai que nombreux sont ceux qui ne trouvent plus dans nos églises un attrait suffisant pour rejoindre nos communautés. Il nous faut donc trouver de nouveaux lieux où exercer notre mission de baptisés.

Le pape François nous appelle à partir à la périphérie, à sortir donc de nos murs et installer des hôpitaux de campagne, pour transmettre au monde la « caresse de Dieu »(1). Habitués à cette pastorale du seuil, nous avons à revisiter les lieux et les approches habituels. Il nous faut trouver les clés d’entrée qui peuvent permettre aux chercheurs de Dieu de rejoindre ce qui nous fait vivre. Pour cela, nous devons accepter de quitter les chemins habituels, pour partir, à la suite de Jésus sur les routes qui s’éloignent en apparence de Jérusalem, ces chemins d’Emmaüs (Lc 24, 13-35)  où l’écho d’un tombeau vide résonne encore du cri et de l’absence apparente de Dieu.

Après 25 ans en pastorale urbaine et 5 années passées en zone rurale, un changement qui a donné lieu pour nous à une conversion du regard, tant les populations et les besoins étaient différents, voici huit chemins identifiés comme prioritaires, pour tenter d’atteindre le cœur de ces brebis égarées sur les chemins du monde.

Une pastorale de l’humilité

La première leçon d’Emmaüs est de contempler le Christ qui ne se dévoile pas, ne joue pas les maîtres, mais accompagne sur un chemin dont il ne connaît pas toutes les pierres. Il a soif de la rencontre, interroge, reconnaît à chacun sa valeur propre et ne cherche pas à s’imposer, au point de disparaître à la fraction du pain.

Une pastorale de la joie

La deuxième leçon de l’Évangile est celle d’un Christ qui ne refuse pas de s’assoir à la table des publicains (Mc 2, 16), à boire du vin (Jn 2, 1-12) et à chanter sur les places. À la différence de son cousin, sa pastorale est celle de la joie.

Une pastorale de la création

Une troisième leçon est celle de la contemplation. En mettant l’enfant au centre de son enseignement, il nous conduit à reconnaître que la naissance, l’enfance, la créature de Dieu est lieu de contemplation et d’étonnement. Et ce faisant, elle est chemin vers Dieu. C’est un atout de notre pastorale rurale, où nous rencontrons souvent des couples déjà parents, de les faire parler de la joie de leur paternité, comme lieu de rencontre avec le divin.

Une pastorale de l’amour

L’amour, leur amour est aussi une clé d’entrée à Dieu. En les faisant contempler ce qui est né en eux, ce qu’ils vivent, voire les joies de leurs rencontres, nous pouvons les introduire à cet amour reçu, débordant qui nous vient de Dieu.

Une pastorale de la miséricorde

Être accueillant, sans juger leur passé mais tout tourné vers l’avenir, c’est exercer la miséricorde d’un Dieu qui ne juge pas l’homme, veut guérir ceux qui sont marqués par des échecs et les inviter à une nouvelle danse.

Une pastorale de l’engendrement

L’enjeu n’est-il pas de les rendre actifs, engagés, leur révéler ces clés intérieures qu’ils portent en eux et peuvent libérer sur les chemins de Dieu ? Il est étonnant de voir combien certains, à l’issue de nos rencontres, accueillis, portés par la dynamique d’un groupe qui les a valorisés, souhaitent aller plus loin. C’est cela l’engendrement : réveiller l’envie de faire église.

Une pastorale de la Parole

La Parole de Dieu, partagée, découverte ensemble, quand elle est source de dialogue, d’échange et de vie, réconcilie l’homme avec l’Évangile, lui montre combien il rejoint l’aujourd’hui de chacun.

Une pastorale de la souffrance

Plus délicate, cette dernière clé n’est pas à oublier. Car ceux qui se sont éloignés de Dieu portent en eux une question qui les minent : « Où es-tu, mon Dieu ? ». Souvent la souffrance, la perte d’un proche est le point de blocage de leur relation avec Dieu. Or, à l’âge où ils se marient, c’est souvent la perte d’un grand-parent qui les touche et interpelle leur lien avec l’Église. En ignorant ce point, nous risquons de passer à côté d’un écueil majeur.

Conclusion

On le voit, les clés sont nombreuses et les moyens d’y parvenir semblent délicats. Pourtant, cette petite liste semble prioritaire. Si nous omettons de nous y référer, nous risquons de passer à côté de l’essentiel, de plaquer un discours, une morale, là où ils cherchent des chemins. Le travail de Dieu en l’homme nous échappe. En ouvrant ces huit portes, nous travaillons à le faciliter.



(1) Pape François, Homélie à Sainte Marthe du 7/4/2014

Pour aller plus loin :
1) Pape François, La joie de l'Evangile
2) W. Kasper, La miséricorde
3) Théobald / Bacq, La pastorale d'engendrement
4) C. Hériard Pastorale du seuil /  Où es-tu, mon Dieu ? - Souffrance et création / Chemins d'Evangile / Aimer pour la vie, essai de spiritualité conjugale / Humilité et miséricorde (à paraître)

27 mars 2016

Il est vraiment ressuscité

Avec saint Augustin,  contemplons la lumière du ressuscité :  "Comme nos yeux éblouis contemplent ces flambeaux brillants, ainsi notre esprit éclairé nous fait voir combien cette nuit est lumineuse –- cette sainte nuit où le Seigneur a commencé en sa propre chair la vie qui ne connaît ni sommeil ni mort !" (1)

(1) saint Augustin,  2ème homélie pour la Nuit Sainte ; PLS 2, 549-552 ; Sermon Morin Guelferbytanus 5 (trad. coll. Icthus 10, p. 197s)

26 mars 2016

Résurrection

Avec saint Augustin,  contemplons la lumière du ressuscité :  "Comme nos yeux éblouis contemplent ces flambeaux brillants, ainsi notre esprit éclairé nous fait voir combien cette nuit est lumineuse –- cette sainte nuit où le Seigneur a commencé en sa propre chair la vie qui ne connaît ni sommeil ni mort !" (1)

(1) saint Augustin,  2ème homélie pour la Nuit Sainte ; PLS 2, 549-552 ; Sermon Morin Guelferbytanus 5 (trad. coll. Icthus 10, p. 197s)

25 mars 2016

Le voile du temple

"Le voile du temple déchiré, le saint des saints devenu béant, la figure a fait place à la réalité, la prophétie à son accomplissement, la Loi à l'Évangile. Tu as tout attiré à toi, Seigneur, puisque la piété de toutes les nations célèbre partout, au vu et au su de tous, le mystère qui jusqu'alors était voilé sous des symboles dans un temple unique de Judée. Ta croix, ô Christ, est la source de toutes les bénédictions, la cause de toute grâce. Par elle, les croyants tirent de leur faiblesse la force, du mépris reçu la gloire, et de la mort la vie. Désormais, l'unique offrande de ton corps et de ton sang donne leur achèvement à tous les sacrifices, car tu es, ô Christ, le véritable Agneau de Dieu, toi qui enlèves le péché du monde. L'ensemble des mystères trouve en toi seul son sens plénier : au lieu d'une multitude de victimes, il n'y a plus qu'un unique sacrifice".

Saint Léon le grand,  Sermon sur la Passion,  Source AELF

Chemin de croix

Voir ma dernière publication sur Prier Dieu
Une méditation à la lumière des événements récents. Nous sommes tous petits face à l'amour.

24 mars 2016

La part féminine...

" Quand l'image de la femme disparaît de la réalité théologique, c'est une conceptualité et une technique abstraites masculines et sans image, qui l'emportent. Mais alors la foi se voit chassée du monde et rejetée dans le domaine du paradoxe et de l'absurde" (1).

Dans la même trajectoire,  on pourra lire Eros, un chemin vers Christ-Sophia, de Christophe Gripon, qui vient de paraître chez Mediaspaul... une excellente étude sur la part féminine, à partir de Proverbes : 
http://mediaspaul.fr/catalogue/eros-un-chemin-vers-christ--sophia-l-8742

(1) Hans Urs von Balthasar, La Gloire et la Croix, tome 1, Apparition, p. 357

23 mars 2016

Désert 2

Plus loin Balthasar précise sa pensée :"l'orant a le droit d'avoir confiance, même quand il souffre de la sécheresse et n'éprouve rien, et il doit apprendre à dégager sa foi toujours plus purement de la subjectivité provisoire de ses dispositions. Et cependant cette purification des dispositions subjectives est en même temps la voie sur laquelle le sujet humain doit rencontrer le plus sûrement, avec tout don être d'homme, le vrai Seigneur et Dieu" (1)

 Là où toute liberté est laissée à Dieu, Dieu peut s'introduire 
 
(1) Balthasar, op . Cit,   GC1, p.354

Désert et démesure

Quand on est dans le désert, que Dieu nous semble bien loin, silencieux alors que nos cris montent vers lui, il est rassurant d'entendre que ce n'est pas sa nature. Sommes nous, comme le fils aîné de Luc 15, incapables de sentir que "tout ce qui est à Lui est à nous". Ne voyons nous pas les dons de Dieu ? Que nous faut-il encore ? Le voir face à face ?

"S'il est vrai que l'Église, pas plus que le chrétien, ne doit jamais désirer de grâces mystiques comme si la figure de la révélation placée devant le monde ne suffisait pas, il est pourtant tout aussi vrai que Dieu ne s'en tient jamais, d'une manière minimiste, à ce qui est strictement suffisant. Car la beauté éternelle se dépense et rayonne toujours merveilleusement au-delà de toute attente." (1)

(1) Hans Urs von Balthasar, La Gloire et la Croix, Apparition, tome 1, GC1 p. 353

22 mars 2016

Le balancier 2 - Ignace de Loyola

"L'expérience chrétienne vivante de foi inclut, d'après Ignace de Loyola , par exemple, une certaine expérience de la proximité et de l'éloignement de Dieu, de la consolation et de la désolation (...) toutes choses qui ne doivent pas nécessairement être appelées déjà "mystiques" au sens fort du terme". (1) 
On pourrait ajouter, à la suite des travaux de Jean-Luc Marion sur l'idole et la distance, que ce que Balthasar dit là est le lot commun ‎de tout chercheur de Dieu. 
Il rime pour moi avec cette‎ idée de balancier, qui est aussi leçon d'humilité pour l'homme. Comme Pierre sur le mont Thabor, une trop grande proximité serait source de chute. 

(1) Hans Urs von Balthasar, op. Cit., Gc1, p. 349

Le balancier - mystique et charismatique

Les prophéties et autres expériences charismatiques‎ ont-elles encore une place dans l'Église pendant la troisième dimension trinitaire ? Elles ne peuvent l'être que comme réelle "participation au Saint-Esprit de l'Église (...) comprise dans sa profondeur comme plénitude du Christ"(1). Elle doit donc lui être subordonnée. Balthasar l'explique en faisant référence aux deux chapitres 12 et 13 de 1 Cor. Mais, précise-t-il, il demeure le risque d'une mystique purement personnelle. Et c'est là où ses propos deviennent particulièrement pertinents. En évoquant la crise montaniste, il souligne, depuis Saint Augustin, la vigilance de l'Église sur ce point(2). On ne peut, pour autant rejeter toute expérience mystique et rejeter avec toute expérience sensible. Cela rejoint pour moi cette notion de balancier déjà évoqué. Il y a un sain équilibre, une saine tension, à trouver entre rationnel et mystique, foi et raison, idéalisme et réel. L'Église n'a cessé d'osciller entre l'Église d'Antioche et celle d'Alexandrie, entre Jean Chrysostome et néo-platonisme. L'Ecole française insiste à juste titre entre la contemplation (préambule) et l'action (finale) comme sain aller retour qui met Jésus au centre (dans mes yeux, dans mon coeur, dans mains).
 Il faut s'en souvenir et mettre en place, comme le fait par exemple "Le Chemin Neuf" des structures de discernement et de vigilance qui évite tout débordements.

(1) Hans Urs von Balthasar, La Gloire et la Croix, Apparition, GC1, p. 347
(2) Ibid. p. 348ss

21 mars 2016

La troisième dimension trinitaire - Urs von Balthasar

Je n'avais pas remarqué dans ma première lecture de la Trilogie cette expression de troisième dimension trinitaire qui a pourtant son sens. Je suppose qu'il appelle la première dimension, le temps de préparation et de pré-révélation du Verbe. La deuxième dimension étant l'incarnation. La troisième est pour lui "l'explicitation et l'intériorisation de la révélation du Logos par le Saint-Esprit. Mais celui-ci, capable d'expliciter la révélation en mode infiniment variés, est libre de se servir aussi des expériences archétypiques bibliques, pour manifester dans L'Église de tous les siècles, l'existence durable de la révélation - non comme passée, mais comme présente."
(1)

Je suppose que la troisième dimension commence sur le chemin d'Emmaüs, et que notre rôle de chrétien engagé est d'être instrument de cette dimension. Vivons donc la 3d ! A la lumière de la 1d et de la 2d.

(1) Hans Urs von Balthasar, La Gloire et la Croix, tome 1, Apparition, GC1, p. 344

18 mars 2016

Présence - Paul Claudel

Dieu nous appelle chacun dans l'être par un nom spécial et l'âme entend alors "ce nom essentiel que l'Amant divin imperceptiblement ne cesse à la fois de lui suggérer et de lui réclamer(1)". Qu'est-ce ? Probablement un "Je suis" mêlé d'un "Je t'aime", comme ce Samuel répété trois fois dans le Temple qui ne dis rien d'autre qu'un "Tu as du prix à mes yeux".

Qu'arrive t-il quand on perçoit l'appel ? Balthasar suggère l'arrivée "d'une bienheureuse‎ humiliation de n'être pas Dieu", de cette lumière qui inonde la créature"et de cette nourriture (...) à laquelle les créatures, comme un troupeau dans le brouillard, tendent d'instinct" (2). Mais il nous conduit plus loin, jusqu'à contempler cette nourriture même "qui a pour but d'accoutumer  notre être à vivre en Dieu par la descente du Verbe dans les sens (...) et même la substance" (3). "Notre chair a cessé d'être un obstacle, elle devient un moyen et un véhicule, elle a cessé d'être un voile, elle devient une appréhension" (4).
J'ajouterai, sur la pointe des pieds, elle devient danse, car cette incarnation du Verbe nous enseigne, à petits pas, la danse éternelle des anges.


(1) Paul Claudel, Présence et prophétie, 1942, p. 15-16
(2) Hans Urs von Balthasar, GC1 p. 339
(3) ibid p. 340.
(4) Paul Claudel, op. Cit  p. 55

Epiphanies de la vie quotidienne -Romano Guardini

Qu'est il resté du caractère épiphanique après que le Seigneur soit remonté se demande Romano Guardini ? Il ne répond qu'avec quelques exemples. Le visage d'Étienne, visage d'ange, la force de l'Esprit,...
Celui qui m'interpelle le plus est cette liturgie "dont le Christ attend que nous reconnaissons sa présence dans ses signes : le pain et le vin, l'eau du baptême". (2)

C'est peut être là que nos sens sont les plus mis en branle. Car quoi de plus incarné que l'eau, le pain, le vin. C'est là pourtant, au coeur de nos existences, dans ce qu'elle a de plus concrète que ce joue l'épiphanie la plus dérangeante. Car à la présence physique du pain que nous mangeons se joint cette réalité concrètement indiscutable du faire mémoire d'un don plus grand, tout aussi incarné d'un corps, sur le bois de la Croix, qui en se donnant à nous par le pain devient présence réelle. Ce que mon corps ressent dans la manducation du pain, rejoint ce que mon âme à manduqué à la table de la Parole et la circulation pneumatique des deux consommation induit en nous le désir et le manque d'une communion réelle et future avec Celui qui se donne, sur les deux tables.

(1) Romano Guardini, Les sens‎ et la connaissance de Dieu, Paris, Cerf, 1954, p. 90
(2) ibid. Cité in GC1 p. 333

Voir aussi une médiation sur le chemin de Croix en union de prière avec les victimes des attentats en Belgique : http://prierdieu.blogspot.fr

Archétypes et exemples - Karl Barth

La suite logique de la pensée Barthienne est que les personnages de la Bible n'y sont pas considérés comme des archétypes éthérés, mais comme des exemples. Cela peut être des pécheurs aveugles, qui ont "des yeux pour ne pas voir" ou d'autres qui au contraire perçoivent Dieu et ses témoignages. Ce sont des hommes "tous entiers qui perçoivent et qui pensent".  En ce sens, ils peuvent devenir "l'espace  ouvert dans lequel Dieu se rend présent dans ses témoignages et vient habiter. Alors la perception de l'homme, parvenue à son terme, est-elle même une pensée. Son corps se met au service de son âme (...) devient une vision et une audition accomplies"(1).
L'enjeu n'est donc pas de l'ordre de la pensée, mais de l'ordre du désir et de l'amour. Tout, étant foncièrement incarné se passe réellement "entre Lui et l'homme. Voilà pourquoi la Bible parle si anthropologiquement de la parole et de l'action, de sa venue et de son départ, de son"‎ agir, comme si tout cela "venait d'une créature semblable à l'homme" (2). "Dans cette perception et ce désir sensibles, l'homme s'élève au-dessus de lui-même et devient libre pour Dieu et par Dieu (3)".

En cheminant à côté d'eux se glissent aussi en nous le Verbe lui-même. En vivant, goûtant à leurs côtés à cette révélation possible d'un Dieu qui s'incarne et se fait anthropologiquement proche, nous sommes, nous aussi touchés dans nos désirs et dans nos manques, dans le réel de nos vies. Alors le Dieu de nos pères devient notre Dieu, alors nos images et nos projections se confortent au réel, Dieu se fait présent et nous pouvons accueillir, au bout de la route d'Emmaüs la fraction du pain d'un Christ qui a rejoint notre route, c'est fait explication et désir, et qui en disparaissant devient présence et manque, révélation et mystère, réel et futur.

(1) Karl Barth, op. Cit p. 485ss
(2) p. 487-499
(3) Hans Urs von Balthasar, GC1 p. 329

Être et sentir - Karl Barth

A la tentation mystique ou orientale de quitter le réel, Barth semble opposer une objection majeure :" je ne suis pas sans être en même temps mon corps"‎(1). A ce sujet, Balthasar considère la pensée de Barth comme "radicalement antiplatonicienne" (2) : "l'âme sans corps n'est pas l'âme, mais la simple possibilité d'une âme" (3).
Que tirer de cette affirmation qui rejoint d'ailleurs l'idée même de l'incarnation ?
Notre vie, not‎re agir ne pourront jamais être l'occasion de fuir le réel. Ce dernier est notre aujourd'hui et  le demeure. Nous avons à le vivre pleinement, jusque dans les méandres de notre chair, même si, d'une manière ou d'une autre, il faudra renoncer, un jour, non au réel, mais à notre maîtrise de lui, jusqu'à se laisser saisir par Dieu, être agis en lui. 

(1) Dogmatique de l'Église, III, 2, p. 450-452, tr. Fr. Ibid. p. 54
(2) GC1, p. 327
(3) Barth, ibid. p. 453

17 mars 2016

Savoir et sentir - Ignace de Loyola

On a souvent une quête de connaissance, y compris sur Dieu, qui nous pousse à creuser les choses de Dieu. Un précepte devrait néanmoins inspirer notre quête : "ce n'est pas l'abondance du savoir qui rassasie l'âme et la satisfait, mais de sentir et de goûter les choses intérieurement" (1). 
Le chemin tracé par Ignace nous conduit à sentir un Christ incarné, jusqu'à voir "comment il parle et prêche, va et s'arrête (...) inscrire dans son coeur son attitude et ses actions"‎ (2).
Quel est l'enjeu sinon cette mimetai (imitation) dont nous parle Paul.

(1) Ignace de Loyola, exercice 2, cité in GC1, p. 317
(2) Ludolphe le Saxon, Vita Jesu Christian, n•11-12, Paris, Rigollot, 1870, p. 9

15 mars 2016

Le côté du Christ - soumission ou amour

Nous pouvons lire la création d'Éve comme une soumission à Adam, de même que nous pouvons buter sur la prétendue soumission de la femme à l'homme dans Éphésiens 5. Mais il peut en être autrement quand nous entendons véritablement ce que demande Paul, quand nous réalisons qu'il demande à l'homme d'aimer sa femme comme le Christ a aimé l'Église.  Alors ce que dit saint Jean Chrysostome sur la création d'Éve prend aussi du sens :

"Aussi saint Paul dit-il : Nous sommes de sa chair et de ses os, désignant par là le côté du Seigneur. De même en effet que le Seigneur a pris de la chair dans le côté d'Adam pour former la femme, ainsi le Christ nous a donné le sang et l'eau de son côté pour former l'Église. Et de même qu'alors il a pris de la chair du côté d'Adam, pendant l'extase de son sommeil, ainsi maintenant nous a-t-il donné le sang et l'eau après sa mort. 

Vous avez vu comment le Christ s'est uni son épouse ? Vous avez vu quel aliment il nous donne à tous ? C'est de ce même aliment que nous sommes nés et que nous sommes nourris. Ainsi que la femme nourrît de son propre sang et de son lait celui qu'elle a enfanté, de même le Christ nourrit constamment de son sang ceux qu'il a engendrés." (1)

Sous cet angle, l'enjeu n'est plus soumission mais amour.

(1) Saint Jean Chrysostome,  catéchèse baptismale, source AELF

14 mars 2016

Création et pastorale

Dans une lecture cursive ‎et pastorale de la Genèse et en particulier de Gn 1 (1), il est intéressant de creuser le crédit à donner à ce texte, 2.500 ans plus tard. Je ne parle pas de sa profondeur scientifique mais d'une vision moderne de l'exégèse, à la lumière des travaux de P. Beauchamp sur le travail mêlé de l'homme et de Dieu dans cette écriture sainte. Peut-on dire, qu'il s'agit encore d'un balbutiement de révélation auquel le prologue de Jean apportera une touche complémentaire, comme j'ai tendance à le démontrer dans mon étude de Jean 1(2) ? 
Dans ce cadre, on peut contemplerque ce que Gn 1 dit de l'Esprit et du Verbe puisse introduire ce que Jn 1 dit de l'interaction des personnes divines. Cela va en effet dans le sens de la circumincession des Personnes divines, telles que contemplées par les Pères de l'Église telle que mise en valeur par E. Durand.(3)

(1) à paraître 
(2) Sur les pas de Jean
(3) ‎Emmanuel Durand, La Périchorèse des Personnes divines, Paris, Cerf , 1993


Peuple de frères

‎Une méditation cursive des deux premiers chapitre d'Osée montre les conditions de basculement de l'état de "non-peuple" à l'état de "peuple" (1). C'est dans la même lancée que, à la suite de Pierre, nous sommes invités à devenir le peuple saint, au sens donné par Ex. 19,5 s et Isaïe 43, 20-21. Notre vocation royale, prophétique et sacerdotale s'est nourrie, pour Balthasar(2), des archétypes de la première et de la deuxième alliance, jusqu'à la figure déjà commentée de Marie, puis celle des Apôtres. Quelle est l'enjeu de ce mouvement ? N'est-ce pas une dynamique sacramentelle(3) au sens d'une succession de figures positives ou négatives qui nous accompagnent dans notre propre quête, reflètent nos propres hésitations des reniements de Pierre au sommeil de Jean, lors du grand soir. Tous ces balbutiements nous accompagnent dans un chemin d'Emmaüs qui trouve son terme dans une humble fraction du pain où Dieu, à la fois, se révèle et disparaît dans ce qui caractérise son humilité la plus flagrante.

‎(1) cf notre Commentaire de l'Ancien Testament, tome 1, à paraître 
(2) Hans Urs von Balthasar, GC1 p. 299
(3) cf notre recherche éponyme

13 mars 2016

Maternité mariale

A la suite de Grégoire de Nysse et Diadoque de Photicé, Balthasar contemple la grossesse mariale, cette "sensation corporelle d'une présence", comme "une imitation du mystère  trinitaire au sein de l'économie" divine, mais aussi comme la première et plus étroite imitation du "mystère des deux natures dans l'unique Personne". Marie doit s'ouvrir par la foi en une expérience qui est elle-même et l'autre, ce "germe" du Verbe qui paraît "d'abord croître dans le je maternel, jusqu'à ce qu'il apparaisse, par la croissance elle-même, que c'est l'inverse et que ce je est contenu dans le Verbe de Dieu" (1)

On peut à sa suite contempler dans le récit de la visitation l'enjeu de ce tressaillement de Jean à la rencontre du Verbe jusqu'à percevoir en quoi le don de Dieu dans l'incarnation nous introduit à notre tour dans l'économie divine et nous fait jaillir hors d'un je qui s'enroule sur lui-même pour entrer dans la danse de Dieu.(2)

Balthasar poursuit en contemplant la kénose virginale jusqu'à ce renoncement de plus en plus déchirant "en faveur de ‎l'Église, à tout ce qui intéresse sa vie personnelle [pour] demeurer finalement, tel un arbre depouillé, la foi nue" (3) et le coeur transpercé d'un glaive.

En contemplant cela, jailit en nous ce qui constitue l'essence de notre dévotion mariale, la prise de conscience qu'elle a ouvert pour nous le chemin d'une kénose à laquelle nous sommes à notre tour convié.

(1) Hans Urs von Balthasar, GC1 p. 286
(2) voir In Utero, le roman initial, à paraître chez Createspace / Amazon.
(3) Balthasar, ibid p. 287-288


12 mars 2016

Vallée d'Achor - 3


A la suite du post précédent qui évoque les vignes de la vallée d'Achor, on peut contempler le Psaume 142 : 

Délivre-moi de mes ennemis, Seigneur :
j’ai un abri auprès de toi.
10Apprends-moi à faire ta volonté,
car tu es mon Dieu.
Ton souffle est bienfaisant :
qu’il me guide en un pays de plaines.
"

L'office des Laudes nous emmène ensuite vers Isaïe 66 :

"10A vous, l'allégresse de Jérusalem ! +
Exultez en elle, vous tous qui l'aimez ! *
Réjouissez-vous de sa joie,
vous qui la pleuriez !

11Alors, vous serez nourris de son lait,
rassasiés de ses consolations ; *
alors, vous goûterez avec délices
à l'abondance de sa gloire.

12Car le Seigneur le déclare : +
« Voici que je dirige vers elle
la paix comme un fleuve *
et, comme un torrent qui déborde,
la gloire des nations. »


PS : Traduction AELF
L'Avre en Juin :

11 mars 2016

La vallée d'Achor - 2

Dans la foulée des posts précédents,  relisons Ézékiel 47, 8-12 : « Cette eau coule vers la région de l'orient, elle descend dans la vallée du Jourdain, et se déverse dans la mer Morte, dont elle assainit les eaux. En tout lieu où parviendra le torrent, tous les animaux pourront vivre et foisonner. Le poisson sera très abondant, car cette eau assainit tout ce qu'elle pénètre, et la vie apparaît en tout lieu où arrive le torrent. Au bord du torrent, sur les deux rives, toutes sortes d'arbres fruitiers pousseront ; leur feuillage ne se flétrira pas et leurs fruits ne manqueront pas. Chaque mois ils porteront des fruits nouveaux, car cette eau vient du sanctuaire. Les fruits seront une nourriture, et les feuilles un remède. »

10 mars 2016

Les innocentes, Film d'Anne Fontaine

Il m'a fallu du temps pour percevoir l'ampleur du message théologique d'Anne Fontaine,  dans ce film dramatique quii évoque le viol de religieuses par des soldats russes à la libération. 

Ce qui en ressort après huit jours de "digestion" du drame, c'est que l'on est porté par ce film dans le mystère même de l'incarnation. 

Le contraste entre ces chants de moniales et l'horreur est révélé au coeur de ce qui se prépare : des enfants à naître qui sont autant de Christs innocents,  plongés dans le "sang de l'agneau" ( Ap 7.14) et vainqueurs de toutes haines,  parce que "figures d'espérance".

A contempler...

Ce sang qui nous lave

On connaît cette affirmation de l'apocalypse : "ils ont lavé leurs vêtements dans le sang de l'agneau" (Ap. 7, 14). Je découvre cette phrase de Léon le Grand,  "le sang sacré du Christ a éteint ce glaive de feu qui interdisait d'entrer dans le domaine de la vie. Devant la vraie lumière, l'obscurité de la nuit ancienne a disparu. Le peuple chrétien est invité à posséder les richesses du paradis, et l'accès à la patrie perdue s'offre à tous ceux qui ont reçu le sacrement de la nouvelle naissance, pourvu que personne ne se fasse fermer ce chemin qui a pu s'ouvrir devant la foi d'un malfaiteur." (1)

Ce texte résonne aussi avec cette vallée d'Achor, patrie perdue, promise dans Osée 2 et Isaïe 65, 8

(1) Saint Léon le Grand,  Sermon sur la Passion,  Source AELF

09 mars 2016

Mort et mission

On connaît probablement l'interprétation de Bernard Sesboué sur la conscience progressive du Christ. J'apprécie ce que dit Balthasar sur le même thème, car il rejoint mes travaux en cours sur l'humilité de Dieu : "L'homme Jésus se comprend lui-même (...) comme ce qu'il est : La Parole du Père adressée au monde, dont la mission comporte le destin du grain de froment : mourir pour le monde et par là porter du fruit. Par là même il fait l'expérience de Dieu, non dans une vision objective, séparée de sa propre réalité, mais dans une humilité qui ne réfléchit pas sur elle-même (...) mais laisse en soi toute la place à Dieu et éprouve en sa propre réalité fonctionnelle la réalité du Dieu qui l'envoie, dispose de lui et l'engendre  éternellement. (...) la transparence de son humilité est expression de son assomption" (1)

On retrouve là l'accent de Ph. 2, 7, mais aussi cette idée de décentrement propre à Jean 15 et 16, où le Fils se love dans le projet du Père. 

(1) Hans Urs von Balthasar, La Gloire et la Croix, Apparition,  tome 1, Cerf,  Ddb, 1965-1990, p. 275 (GC1)


08 mars 2016

Refus de la chair - 2


Dans la lignée du post précédent,  on peut contempler ce que nous dit Augustin d'Hippone, à propos du texte d'hier sur Jn 5, 1-15 :"Les miracles du Christ sont des symboles des différentes circonstances de notre salut éternel... ; cette piscine est le symbole du don précieux que nous fait le Verbe du Seigneur. En peu de mots, cette eau, c'est le peuple juif ; les cinq portiques, c'est la Loi écrite par Moïse en cinq livres. Cette eau était donc entourée par cinq portiques, comme le peuple par la Loi qui le contenait. L'eau qui s'agitait et se troublait, c'est la Passion du Sauveur au milieu de ce peuple. Celui qui descendait dans cette eau était guéri, mais un seul, pour figurer l'unité. Ceux qui ne peuvent pas supporter qu'on leur parle de la Passion du Christ sont des orgueilleux ; ils ne veulent pas descendre et ne sont pas guéris. « Quoi, dit cet homme hautain, croire qu'un Dieu s'est incarné, qu'un Dieu est né d'une femme, qu'un Dieu a été crucifié, flagellé, qu'il a été couvert de plaies, qu'il est mort et a été enseveli ? Non, jamais je ne croirais à ces humiliations d'un Dieu, elles sont indignes de lui ». Laissez parler ici votre cœur plutôt que votre tête. Les humiliations d'un Dieu paraissent indignes aux arrogants, c'est pourquoi ils sont bien éloignés de la guérison. Gardez-vous donc de cet orgueil ; si vous désirez votre guérison, acceptez de descendre. Il y aurait de quoi s'alarmer, si on vous disait que le Christ a subi quelque changement en s'incarnant. Mais non... votre Dieu reste ce qu'il était, n'ayez aucune crainte ; il ne périt pas et il vous empêche vous-même de périr. Oui, il demeure ce qu'il est ; il naît d'une femme, mais c'est selon la chair... C'est comme homme qu'il a été saisi, garrotté, flagellé, couvert d'outrages, enfin crucifié et mis à mort. Pourquoi vous effrayer ? Le Verbe du Seigneur demeure éternellement. Celui qui repousse ces humiliations d'un Dieu ne veut pas être guéri de l'enflure mortelle de son orgueil. Par son incarnation, notre Seigneur Jésus Christ a donc rendu l'espérance à notre chair. Il a pris les fruits trop connus et si communs de cette terre, la naissance et la mort. La naissance et la mort, voilà, en effet, des biens que la terre possédait en abondance ; mais on n'y trouvait ni la résurrection, ni la vie éternelle. Il a trouvé ici les fruits malheureux de cette terre ingrate, et il nous a donné en échange les biens de son royaume céleste."

( 1) Saint Augustin,  Sermon 124, source AELF

Refus de la chair

"De Valentin à Bultmann on a cherché à spiritualiser et à démythiser la chair et le sang (...) jusqu'à un Dieu qui est et reste‎ invisible" (1) nous rappelle Balthasar. Mais cette quête ne conduit-elle pas à s'éloigner du réel, rendre Dieu étranger à l'homme en contradiction même avec le projet de l'incarnation
 N'est ce pas déjà ce qui a conduit au temps de Jésus à la grande séparation entre ceux qui suivaient une idée de Jésus et les apôtres attachés à sa personne. C'est dans la crise de Jean 6, 66 que nous comprenons l'enjeu. "Qui mange ma chair et boit mon sang..." intolérable affirmation pour certains, coeur de notre foi pourtant. Mais l'enjeu n'est il pas dans notre proximité au monde, à ses souffrances et à son réel. "Mets ta main dans mon côté" dit-il à Thomas. Je ne suis pas un pur esprit. J'ai souffert et je souffre pour le monde.

(1) Hans Urs von Balthasar, La Gloire et la Croix, Apparition, 1 (GC1) p. 265

06 mars 2016

Danse trinitaire - de Macaire à Loyola

Il faudrait lire tout le chapitre de Balthasar pour saisir correctement ce qu'il cherche à nous demontrer dans ces pages. Ce que je retiens à partir de ce que je citais de Diadoque de Photicé, Macaire et ce qu'il note chez Augustin, Guillaume d'Auvergne et chez Thomas d'Aquin, c'est qu'en complément du don de la grâce, l'homme doit mettre en oeuvre sa raison et sa volonté pour entrer dans la danse trinitaire. Ce ne sont pas les termes mêmes de Balthasar, mais bien une traduction moderne de l'enseignement de la grande scolastique. Quel est l'enjeu ? Il se situe probablement aux confins des positions catholiques et protestantes sur la justification.
A la connaissance expérimentale de l'Esprit et de la bonté divine, se développe une "théorie de l'expérience chrétienne" (1) qui se poursuivra jusqu'à ce qu'Ignace de Loyola présente des règles structurées de discernement qui n'efface pas le goût de Dieu et développe une "sensibilité chrétienne" (2) et le don des larmes, si caractéristiques de cette danse en Dieu.

L'enjeu n'est-il pas d'atteindre "une certaine ressemblance entre l'union des Personnes divines et celle des fils de Dieu dans la vérité et dans l'amour. Cette ressemblance (...) [conduira alors] l'homme, seule créature sur terre que Dieu a voulue pour elle-même, [à se trouver dans] le don désintéressé de lui-même" (3). 

(1) Hans Urs von Balthasar, GC1 p. 249
(2) p. 251
(3) Gaudium et Spes,  24

04 mars 2016

Dynamique sacramentelle - 2

Poursuivons la lecture de Diadoque de Photicé, chez Hans Urs von Balthasar. A la différence de Macaire, Balthasar nous montre que l'accès à la grâce n'est pas faite depuis la "dissimilitude" à Jérusalem, mais bien par cette inhabitation que l'on pourrait qualifier de rahnérienne, où où grâce s'est installée par le baptême en l'homme et y fait naitre le désir. Pour reprendre mon image précédente, l'homme serait comme dans un bain de grâce qui l'envelopperait de l'intérieur jusqu'à ce qu'il en sente le goût.‎ Mais "bain" n'est pas le bon terme puisqu'il s'agit plutôt d'une source où d'une flamme intérieure : "Des profondeurs‎ mêmes de notre coeur, nous sentons comme sourdre le désir de l'amour divin"
Comment faire jaillir cette source ? Celui qui garde pure dans la prière la profondeur du coeur peut aussi "consumer, dans un sentiment intense", tout ce qui recouvre cette grâce.

(1) Diadoque de Photicé, chap.79, cité par Hans Urs von Balthasar, op. Cit, GC1 p.‎ 234

03 mars 2016

Dynamique sacramentelle chez Diadoque de Photicé

Dans la foulée macarienne‎, on trouve chez un autre père au Vème siècle, Diadoque de Photicé, une belle illustration de ce que j'ai appelé la dynamique sacramentelle : pour lui, au moment du baptême, "la grâce se cache au fin fond de l'intellect en dissimulant sa présence même au sens intérieur" jusqu'à ce que l'âme progressant, "le don divin manifeste ainsi sa bonté à l'esprit" (1).

On pourrait la mettre en résonance avec cette image que j'apprécie chez Bonaventure(2) : cette grâce vue comme un fleuve où l'homme se tient avec une pauvre amphore.

En conjuguant les deux on ne réduit ni la grâce, ni la chance qu'à l'homme de s'en abreuver. Tout dépend finalement de sa position par rapport au courant.

(1) Diadoque de Photicé, chap.77, cité par Hans Urs von Balthasar, op. Cit, GC1 p. 233

(2) cf GC2

02 mars 2016

Macaire et Grégoire de Nysse

Balthasar voit également une continuité entre Grégoire de Nysse et Macaire dans cette course infinie que nous avons déjà longuement commentée chez le cappadocien. Pour Macaire, "l'effort absolu de l'homme pour correspondre à la grâce" nous donne accès, "par la pleine liberté de Dieu, et sans qu'une proportion visible existe ‎[à ] la réponse qui élève l'homme" et donne "un goût anticipé de Dieu" qui ne protège pas pour autant de l'Adversaire. L'alternance "de consolation et de désolation" étant part intégrante de "la pédagogie de Dieu" (1)

(1) Hans Urs von Balthasar , GC1 p. 231

27 février 2016

La source, c'est Dieu - Saint Ambroise

Ce petit commentaire du psaume 42 donne à penser : "Courons comme les cerfs vers la source des eaux ; la soif ressentie par David, que notre âme la ressente aussi. Quelle est cette source ? Écoute David qui le dit : En toi est la source de la joie. Que mon âme dise à cette source : Quand pourrai-je venir et paraître devant ta face ? Car la source, c'est Dieu."

Saint Ambroise,  Sermon là est ton trésor,  source AELF

Le second fils - Luc 15 - Saint Romanos le Mélode

"Comment pouvais-je ne pas prendre en pitié, ne pas sauver mon fils qui gémissait, qui sanglotait ? ... Juge-moi, toi qui me blâmes... Ma joie en tout temps, c'est d'aimer les hommes... C'est ma créature : comment ne pas en avoir pitié ? Comment ne pas avoir compassion de son repentir ? Mes entrailles ont engendré cet enfant que j'ai pris en pitié, moi, le Seigneur et maître des siècles. « Tout ce que j'ai est à toi, mon fils... La fortune que tu as n'en est pas diminuée, car ce n'est pas en prenant dessus que je fais des cadeaux à ton frère... Je suis de vous deux le créateur unique, l'unique père, bon, aimant et miséricordieux. Je t'honore, mon fils, car tu m'as toujours aimé et servi ; et lui, j'en ai compassion, car il se livre tout entier à son repentir. Tu devais donc partager la joie de tous ceux que j'ai invités, moi, le Seigneur et maître des siècles. « Ainsi donc, mon fils, réjouis-toi avec tous les invités du banquet, et mêle tes chants à ceux de tous les anges, car ton frère était perdu et le voilà retrouvé, il était mort et, contre toute attente, il est ressuscité. » À ces mots, le fils aîné s'est laissé persuader et a chanté : « Criez tous de joie ! ' Heureux ceux à qui tout péché a été remis et dont les fautes sont effacées ' (Ps 131,1). Je te loue, ô ami des hommes, toi qui as sauvé aussi mon frère, toi le Seigneur et maître des siècles. »

( 1) Saint Romanos le Mélode, Hymne 28, L'Enfant prodigue, str 17-21 (trad. SC 114, p. 257s) 

26 février 2016

Kénose chez Macaire

Je redecouvre chez Macaire une belle contemplation kénotique‎ :
"De même qu'[ils] ne comprennent la grandeur de Dieu et son essence inconcevable, de même [ils] ne peuvent saisir la petitesse de Dieu et son anéantissement" (1) nous dit Macaire qui parlait plus tôt des pleurs de Dieu devant la chute et la mort d'Adam.
Ces pleurs ne sont-ils qu'une vision anthropomorphique ? On ne peut l'affirmer quand on contemple Osée 11.
Pour Balthasar, et cela rejoint nos propres recherches, sa mystique est "nuptiale". L'épouse est blessée (5, 5-6), mais en raison des blessures de l'Époux. (2)

(1) Homélies de Macaire, source PG 34, 449-831, 32,7 cité par Hans Urs von Balthasar, GC1 p. 229
(2) ibid p. 230‎

25 février 2016

Faustine Kolwaska - Les deux rayons

"Je vis Jésus vêtu d'une tunique blanche, une main levée pour bénir (...) de la tunique entrouverte sortaient deux grands rayons, l'un rouge, l'autre pâle" (1). Ces deux faisceaux de lumière qui illuminent le monde sont offerts à notre contemplation. Comme lui expliqua Jésus lui-même, "‎il s'agit du sang et de l'eau" (2). 
Je suis personnellement sensible à cette contemplation du coeur ouvert, tant elle resume les dons de Dieu. Par sa souffrance il nous ouvre à la grâce infinie de son amour.

Quel est l'enjeu de cette contemplation ? Au delà de l'expérience lumineuse, elle consiste à entrer en communion avec cette double dotation, pour qu'à notre tour nous devenions, au travers de nos souffrances et de notre charité, le signe, par nos mains de l'inhabitation de Dieu en nous." La gloire de l'homme c'est Dieu"‎ (3)

(1) Faustine Kolwaska, Petit journal‎,  cf. Le livre de la miséricorde, Cerf 2015, p. 187
(2) Cité par Jean Paul II,‎ ibid.
(3) Irénée de Lyon, AH III, 20, 2





24 février 2016

Les épousailles de la chair - 2

Irénée va semble-t-il plus loin en parlant de cette ‎glaise modelée par les mains de Dieu et à laquelle est infusée le souffle. "Ce souffle, l'âme humaine, n'est pas l'homme, pas plus que le Saint-Esprit de la grâce n'est l'homme (...) le véritable homme est l'âme dans le corps et la grâce dans les deux (...) comme dans un temple (...) comme l'éponge à l'eau, la torche au feu, la vie à l'Esprit-Saint".

C'est peut-être là que mon concept de danse peut prendre corps.

(1) Irénée AH, 2, 335 et 2, 327 cité par Hans Urs von Balthasar, GC2 p. 57

23 février 2016

Saint Irénée - les épousailles de la chair

En réponse à une idée gnostique, Irénée précise, grâce à une métaphore sponsale typique de son époque qui affirme que l'épouse ne prend pas l'époux en mariage mais se laisse épouser, que la chair ne peut "d'elle-même hériter le royaume de Dieu, mais [qu']elle peut être adoptée par l'Esprit en héritage dans le royaume de Dieu. Toute activité de la créature repose sur une passivité plus profonde : pour grandir, elle doit se couler dans les mains formatrices de Dieu et se livrer à elles" (1)

On peut contempler cette citation comme l'on contemple la venue du Christ en nous dans le sacrement de l'Eucharistie. Car cette passivité profonde, que l'on peut appeler aussi décentrement ou accueil profond est la condition nécessaire de la venue de Dieu en nous.

"Demeurez en moi, et moi je demeurerai en vous. Comme le sarment ne saurait de lui-même porter du fruit, s'il ne demeure attaché au cep, vous n'en pouvez porter aussi, si vous ne demeurez en moi. Je suis le cep, et vous en êtes les sarments. Celui qui demeure en moi, et en qui je demeure, porte beaucoup de fruit; car hors de moi, vous ne pouvez rien faire."‎ Jn 15, 4-5.


(1) Hans Urs von Balthasar, GC2, p. 56 citant Saint Irénée, Contre les hérésies, 2, 299.

22 février 2016

Les deux pieds de Dieu

Étonnante métaphore de Bernard de Clairvaux sur les deux pieds de Dieu , celui de la miséricorde qu'on aime contempler comme la face aimante du Père et celle plus obscure à nos yeux du Jugement que saint Bernard fonde sur St Jean 5, 27 : " le Père lui a donné la puissance de juger". 
Ce qui m'a touché est plus loin dans ce passage où il insiste sur ce nécessaire balancier entre les deux pieds, c'est qu'en tenant "embrassé plus qu'il ne fallait le pied de la miséricorde" il tombe dans  une "si grande négligence et une telle incurie, qu'aussitôt il en devient plus tiède dans l'oraison, plus paresseux" (1) ce qui le conduit à louer les deux pieds. Une interpellation que l'on peut entendre...

(1) Bernard de Clairvaux, Sermon 6 sur le Cantique, in Oeuvres complètes. trad. Charpentier, 1866


21 février 2016

Lave moi de ma faute

"Lave moi de ma faute, purifie moi de mon péché" nous dit le Psaume 50 (51),4. Comme on aimerait que le souvenir de notre faute disparaisse, qu'elle ne soit plus le lieu d'une culpabilité maladive.
"Purifie-moi de mon péché avec l'hysope, et je serai net; lave-moi et je serai plus blanc que la neige". 50 (51),9 Pourtant ce serait remettre notre orgueil en avant que de croire que tout est "neige" immaculée. Si la miséricorde de Dieu est infinie, elle laisse en nous la trace de nos fautes pour que l'humiliation positive qui en découle soit le terreau de notre humilité et conversion future. "Tu ne refuses pas Seigneur un coeur brisé et broyé" 50 (51), 19

18 février 2016

La miséricorde chez Grégoire de Nysse

"La miséricorde est une disposition bienveillante qu'on éprouve pour ceux qu'afflige ‎quelque malheur. Car de même que l'inhumanité et la férocité ont leur source dans la haine, ainsi la miséricorde a la sienne dans l'affection". Cette définition du cappadocien n'a d'intérêt que dans le contraste qu'elle met en avant. Elle rejoint ce retournement du coeur évoqué en Osée 11, 8 qui transforme notre vision de Dieu en Dieu de tendresse, pris aux entrailles...

(1) Grégoire de Nysse, Homélies sur les Béatitudes, traduction de l'abbé Pelletier, 1856-1857, cité in Le livre de la miséricorde, op. Cit p. 72



17 février 2016

Conversions intérieures

Le Fils de Dieu prône une attitude, "signifiée à travers lui, plus grande, plus divine et plus parfaite : dépouiller l'âme elle-même et ses dispositions intérieures de leurs passions cachées, arracher jusqu'à la racine et rejeter les éléments étrangers à l'esprit" nous disait déjà Clément d'Alexandrie au IIème siècle (1) Qu'est-ce à dire ? 
Ce que l'Église appelle péché - même si je trouve le mot trop moralisateur - n'est autre que toutes ces adhérences aux passions intérieures qui viennent du mauvais coeur en nous, celui qui nous détourne de la triple vocation de l'homme : contempler, adhérer et agir en Christ.
Contempler le Christ en ce qu'il a de fondamentalement bon peut nous amener à cette conversion intérieure. Un chemin semé d'embûches mais qui conduit au Père.

(1) Clément d'Alexandrie, Quel riche sera sauvé ? Paris, Cerf, SC 2011, cité in Le livre de la miséricorde, op. Cit p. 36

10 février 2016

Humilité et vérité -2

Cette prière de soeur Térésa nous conduit aussi au décentrement véritable : "Laisser l'amour de Dieu prendre entière et absolue possession d'un cœur ; que cela devienne pour ce cœur comme une seconde nature ; que ce cœur ne laisse rien entrer en lui qui lui soit contraire" 

Si l'on suit ses propos, la contemplation de Dieu "produit l'amour, et la connaissance de soi produit l'humilité.
L'humilité n'est rien d'autre que la vérité. « Qu'avons-nous que nous n'ayons reçu ? » demande saint Paul (1Co 4,7). Si j'ai tout reçu, quel bien ai-je par moi-même ? Si nous en sommes convaincus, nous ne relèverons jamais la tête avec orgueil. Si vous êtes humble, rien ne vous touchera, ni louange ni opprobre, car vous savez ce que vous êtes. Si l'on vous blâme, vous n'en serez pas découragé. Si l'on vous proclame saint, vous ne vous placerez pas sur un piédestal. La connaissance de nous-mêmes nous met à genoux." (1)

(1) Mère Teresa et Frère Roger, La prière, fraîcheur d'une source,  Bayard, 2003, p. 81

09 février 2016

De l'humilité à l'Église

Si je suis bien les propos de Balthasar qui part du postulat que l'humanité du Christ est la voie principale, "l'accès ouvert vers le Père" (1), le processus d'expropriation de l'homme, de décentrement, trouve son aboutissement dans une humilité extrême qui conduit l'homme à "renoncer à sa nature individuelle au profit d'une anima ecclesiastica" (2), c'est à dire qu'il n'est plus rien qu'une âme vouée à plus grand que lui-même, cette Église des saints auquel il donne tout.

On entre ici en correspondance avec l'obéissance décrite chez Madeleine Delbrêl par B. Pitaud dans son petit complément à la lettre des Amis de Madeleine Delbrêl sur les prêtres ouvriers où il insiste sur cette fidélité malgré tout à l'Église en 1953, alors même que la crise fait rage. Cette obéissance est chemin, non parce qu'elle serait une forme de soumission aveugle mais bien parce que Madeleine a compris combien l'Église prime ici sur l'individuel.‎ "On ne fait rien de bon en dehors de l'Église. On ne peut annoncer Jésus-Christ que si l'on est soi-même greffé à son Corps".

(1) Hans Urs von Balthasar, La Gloire et la Croix, Apparition, tome 1, Cerf DDB, 1965-1985, (GC1) p. 212
(2) ibid p. 216
(3) Bernard Pitaud, Supplément n. 91 à la Lettre aux Amis de Madeleine Delbrêl, p. 11


07 février 2016

Le labyrinthe du silence - leçons d'humilité

Film poignant que cette quête de vérité sur le silence qui a suivi Auschwitz en Allemagne après la guerre au point qu'une génération entière ne savait rien du drame. 
Quel chemin que ces hommes qui refusent de concéder qu'ils ont participé au carnage et s'enferment dans le déni,  le mutisme et l'alcool. 
Cela met à nu notre nature humaine dans ce qu'elle a de plus noir et interroge sur la puissance du mal et de la violence.  
Cela met en question aussi ce que nous appelons justice mais aussi miséricorde.  
Cela crie aussi sur Dieu, sa passivité,  son silence et sur ce que la Croix révèle des mimétismes et du mal.  

04 février 2016

Obéissance 2

Il n'y pas de coïncidence fortuite. Si je tombe sur Jn 21 et la pêche miraculeuse après ma réflexion sur l'obéissance chez Madeleine Delbrêl, c'est probablement que cela doit encore travailler en moi. On veut pêcher tout seul ou entre amis (Thomas, Nathanaël, Jean et Jacques), mais les poissons ne sont pas là. N'est ce pas la leçon de Dieu face à nos ambitions humaines. "Cette nuit là ils ne prirent rien" (Jn 21, 3). 
A la question de Jésus sur le rivage, ils doivent reconnaître l'échec de leurs volontés humaines. Et ce n'est qu'en obéissant à l'ordre du Christ que se révèle les dons de Dieu. Une leçon intérieure qui se poursuivra pour Pierre jusqu'à sa fin : " tu étendras‎ la main et c'est un autre qui nouera ta ceinture et te conduira jusqu'ou tu ne voudras pas". (v. 18)
Comme il est dur, souvent de consentir, alors que l'illusion de notre valoir nous semble justifier nos actes. Et pourtant nous ne sommes que des serviteurs, instruments fragiles d'un plan de Dieu qui nous dépassera toujours.


Le culte de l'obéissance

Je poursuis ma lecture commentée de la lettre à Louise Brunot, sur les traces de Bernard Pitaud(1). Si elle insiste sur notre mort, c'est que notre naissance à Dieu au sens de Jean 3 se fait "à proportion" de notre mort. C'est à dire que tout abandons, de l'obéissance à notre père spirituel  jusqu'au renoncement qui nous conduit à "obéir au métro qu'on rate" est à la fois obéissance au monde, renoncement à "sa volonté propre" et de ce fait abandon au vouloir de Dieu sur nous. Plus qu'un regard mystique sur le monde, c'est aussi une hygiène de vie, un retour au centre
 Non pas ce que je veux mais ce que Tu veux.

(1) supplément 99 de la lettre que Amis de Madeleine Delbrêl, op. Cit p. 3


03 février 2016

Visage intérieur

‎"Prendre conscience du jardin intérieur (...) causer interminablement avec le Verbe fait chair et nous enfoncer dans son visage" (1)
L'expression est bizarre. S'enfoncer dans le visage. Que veut dire Madeleine Delbrêl dans cette métaphore ? Probablement que derrière le visage réside l'âme, derrière l'apparence demeure le Saint des Saints, ce coeur auquel on ne parvient que lorsqu'on a fait silence, fait taire notre "propre brouhaha", quand au delà de l'émotion causée par le visage on se laisse mouvoir par autre chose, par l'Esprit qui nous conduit à Dieu.

Pour cela, précise-t-elle‎ il faut atteindre "la volonté de ne plus vouloir", se couler dans "l'obéissance qui tue si bien notre volonté" qui n'est plus alors esclavage, mais liberté de celui qui a trouvé sa voie, qui n'écoute plus les tentations du monde, mais l'amour qui se cache en nous pour éclore.

(1) Lettre à Louise Brunot du 4 janvier 1933, cité dans le supplément 99 de la Lettre aux Amis de Madeleine Delbrêl.

02 février 2016

Le pauvre attendu

"La présence réelle du Christ dans le pauvre connu en tant que personne est peut-être, quand elle est vraiment crue, ce qui peut faire éclater n'importe quelle situation sociale et la rendre authentiquement chrétienne. Le pauvre ne doit pas être quelqu'un de supporté, de toléré mais d'attendu". (1)
Ne rejoint-on pas là ce que Levinas appelle l'irruption du visage de l'autre, l'appel du visage ? Peut-être va t-on même plus loin encore. Car pour Madeleine Delbrêl il n'y a pas de limite à l'appel. On ne peut pas dire : "on fera ceci jusqu'ici - Cela jusque-là. Il ne nous doit jamais rien. C'est nous qui lui devons ce que nous devons au Christ lui-même". (2)
Les propos sont forts. Ils nous interpellent jusqu'aux jointures de l'âme (Heb 4, 14)‎ et font écho à cette parabole de la compassion de Luc 10.

(1) Madeleine Delbrêl, AMD IV, note de 1964, La joie de croire, p. 88, cité dans le supplément n. 103, op. Cit p. 2.
(2)‎ ibid.

Leçons de pauvreté

"Seuls des hommes qui auront accepté du Christ [une] leçon pauvreté et de douceur pourront comme l'ont pu les saints révéler les secrets des Béatitudes qui sont en effet les mêmes pour tous" (1) 
Il y a, en effet, me semble-t-il, une pédagogie du Christ qui, en nous conduisant jusqu'au vide et à la nuit, nous laisse découvrir la porte étroite. 
A contempler.

(1) Madeleine Delbrêl, lettre ‎à Jean Durand du 4 septembre 1951, cité dans le supplément au n. 103 de la lettre aux Amis de Madeleine Delbrêl de janvier 2016.