30 septembre 2016

Charis grecque

Continuons de suivre Balthasar qui nous conduit à Sophocle. "L'épiphanie extérieure de Dieu n'est plus nécessaire (...) c'est de l'intérieur que, dans le trépas, la souffrance fait resplendir la gloire divine. Une gloire qui ne se dérobe pas dans un insaisissable au-delà (...) La beauté de pareil salut réside dans cette courageuse et libre acceptation de la souffrance (...) il faut supporter avec courage (ce qu'envoie la divinité). Ce n'est pas avec les mots - dit Thésée - que je tiens à illustrer ma vie (...), c'est avec des actes (1)". Balthasar poursuit :"c'est cela et seulement cela la charis grecque : un bel amour, donné gratuitement et réciproquement". (2)

Que nous chrétiens trouvions ici encore des traces de ce qui sera la déréliction n'est pas fortuit.
Mais ce n'est pas tout. Il y a aussi une ouverture qui mérite d'être soulignée dans la différence, la tension entre le dit et le faire, qui rejoint Pascal. Si le penseur s'est arrêté d'écrire et est passé aux actes, c'est que la raison a ses limites. La véritable charité se vit. À méditer.

(1) Prom. 88-91, cité par Hans Urs von Balthasar in GC6 p. 103
(2) GC6, ibid.

29 septembre 2016

S'ouvrir au don - 2

Le risque en effet est de se "vautrer"(Amos 6,7) dans le Même, de s'y autojustifier par des œuvres qui endorment notre culpabilité alors que le cri résonne à nos oreilles sans réveil.

"Tu veux honorer le Corps du Christ ? Ne le méprise pas lorsqu'il est nu. Ne l'honore pas ici, dans l'église, par des tissus de soie tandis que tu le laisses dehors souffrir du froid et du manque de vêtements. Car celui qui a dit : « Ceci est mon corps » (Mt 26,26), et qui l'a réalisé en le disant, c'est lui qui a dit : « Vous m'avez vu avoir faim, et vous ne m'avez pas donné à manger » et aussi : « Chaque fois que vous ne l'avez pas fait à l'un de ces petits, c'est à moi que vous ne l'avez pas fait » (Mt 25,42.45). Ici le corps du Christ n'a pas besoin de vêtements, mais d'âmes pures ; là-bas il a besoin de beaucoup de sollicitude... Dieu n'a pas besoin de vases d'or mais d'âmes qui soient en or. (...) Pense qu'il s'agit aussi du Christ, lorsqu'il s'en va, errant, étranger, sans abri ; et toi, qui as omis de l'accueillir, tu embellis le pavé, les murs et les chapiteaux des colonnes, tu attaches les lampes par des chaînes d'argent ; mais lui, tu ne veux même pas voir qu'il est enchaîné dans une prison. Je ne dis pas cela pour t'empêcher de faire de telles générosités, mais je t'exhorte à les accompagner lorsque tu ornes l'église n'oublie pas ton frère en détresse, car il est un temple et de tous le plus précieux". (1)

(1) Saint Jean Chrysostome, Homélies sur l'évangile de Matthieu, n°50, 3-4 (trad. bréviaire)

28 septembre 2016

S'ouvrir au don

Entrer dans le schéma de pensée de Lévinas et son opposition entre Même et Autre(1), c'est percevoir combien la Raison, qu'elle soit réduction ontologique de l'Autre dans un Même raisonnable ou système du Même qui s'enroule sur lui même n'est pas le véritable Désir de l'Autre qui constitue pour lui l'appel éthique par excellence. Comment redire cela plus simplement avec des termes plus accessibles si ce n'est en montrant que nos lois humaines resterons toujours entachée par nos propres adhérences. En cherchant à rejoindre l'amour par la Raison, on reste enfermé dans nos raisonnements, nos systèmes. Ce n'est pas ce à quoi Dieu nous appelle. À quoi nous appelle-t-il ? À se laisser faire, à entrer dans le no man's land de la nudité d'un étant qui s'expose dans la fragilité et la faiblesse à ce qui l'appelle et le dépasse en même temps.
Le saut vient par le don. Si mon don est calcul, obligation, réponse, dette, il n'est pas don mais échange, économie.
Le don véritable nous dit Jean-Luc Marion est le don où le donateur s'efface et disparaît(2). Tant que nos dons restent dans l'échange (c'est à dire dans un jeu de pouvoir ou d'avoir) il n'est pas don. S'il est dans le valoir du donateur, il ne l'est pas non plus. Nous n'échappons que rarement à ce triple crible. Car il en est de nos adhérences au monde. Le vrai don est celui qui répond au visage, donne, non pour avoir ou pouvoir mais parce que ce qu'il donne ne vient pas de lui, mais d'un autre.
Le vrai don fait violence à nous même. Il est arrachement, décentrement, kénose c'est à dire évidement de nous mêmes.
Non pas ma volonté mais la tienne. Extrusion de ce qui nous est confié pour autrui. Le vrai don coûte car il nous arrache au confort du même pour entrer dans le cercle trinitaire d'une éternelle kénose.

(1) Emmanuel Lévinas, Totalité et infini, op. cit. p. 31ss
(2) cf. Étant donné.

27 septembre 2016

Toute puissance et faiblesse

Le livre des Actes nous dit que Moïse avait déjà 40 ans quand il fut interpellé par la souffrance de son frère et tua l'Égyptien (Ex 2, 11). Nous n'avons pas encore là la preuve qu'il était habité par Dieu car il répond à la souffrance par la violence. Dire le contraire serait cautionner le droit de tuer. Et pourtant, que s'est-il passé pour que le fils adoptif de Pharaon soit interpellé par la souffrance d'autrui. Nous reviendrons plus loin sur l'appel du visage (cf. notre post sur Lévinas). Ce qui est intéressant de contempler ici est la faille qui se crée chez l'homme. Il a conscience d'autrui, quelque chose naît en lui, une soudaine compassion mêlée au désir de vengeance. Il surveille les alentours pour voir s'il peut agir sans être vu. Quelque chose vient de faire irruption en lui. Le visage d'autrui l'a interpellé... Il n'a pas trouvé la voie, mais il est en chemin. C'est peut-être le début d'une descente de tour (cf. par ailleurs) qui lui permet de quitter la stature indépendante de l'indifférent pour entrer dans celle du concerné. Un chemin qui nécessite une fuite au désert...

26 septembre 2016

La nudité qui m'interpelle - Emmanuel Lévinas

Face aux cris de l'humanité en souffrance évoquée dès le début de l'Exode, il est bon également de relire ce qu'écrivait Emmanuel Lévinas en 1987 dans sa nouvelle préface de Totalité et Infini. "La nudité humaine m'interpelle (...) de sa faiblesse, sans protection et sans défense, mais elle m'interpelle aussi d'étrange autorité, impérative et desarmée, parole de Dieu et verbe dans le visage humain. (...) langage de l'inaudible, langage de l'inoui, langage du non-dit. Ecriture ! (1)

"Socialité utopique qui commande cependant toute l'humanité en nous et où les Grecs aperçurent l'éthique"(2)

Que tout juif qu'il est, il fasse mention des Grecs ne fait qu'ajouter du poids à nos propos précédents sur les semences du Verbe dans leur universalité. La souffrance est, par essence, le lieu d'interpellation de l'humanité et nos élans de charité, nos attentions "au visage" sont ce qui, de fait, nous rapproche des soucis de Dieu. Elle nous fait voir de ses yeux, entrer dans sa danse.

(1) Préface de 1987 de Totalité et Infini p. III, Martinus Nijhoff 1971
(2) Ibid

25 septembre 2016

Tragédie - 2

"La théophanie visible n'est jamais que la face extérieure et contingente d'une apparition essentiellement intérieure, la gloire divine s'attestant elle-même dans la monstruosité de la douleur humaine et du sacrifice" (1)

"Chez Sophocle, derrière l'homme de plus en plus solitaire, Dieu se révèle comme le Dieu lointain, caché, courroucé. Il faut au cœur de l'homme un grand courage et une grande piété pour affronter cette nuit de l'abandon". (2)

Qu'est-ce qui se joue ici, dans cette terre où Dieu ne diffuse pas sa lumière, si ce n'est la prise de conscience des limites humaines ? La tragédie grecque est aussi, comme peut l'être l'AT, notre histoire...

(1) GC6 p. 85
(2) p. 86

24 septembre 2016

Tragédie grecque et déréliction

Intéressante thèse de Hans Urs von Balthasar sur la tragédie grecque que je vous livre a brut : "C'est dans la souffrance que la vérité éclate (...) celle qui met a nu l'homme dans sa déréliction, le démasque violemment et l'humilie. (...) La souffrance n'est pas niée (...) fuie, tout au contraire c'est au plus profond de la douleur que passe le chemin menant de l'homme a Dieu, et que se révèle la vérité profonde de l´être. Inconnu des philosophes, cet héroïsme d'un coeur sans defense conduit directement au Christ(1).
Plus loin(2), il précise a propos dr Prométhée et d'Oedipe roi que l'homme y apparait dans sa nudité et que c'est "ce dévoilement qui constitue l'événement de la tragédie" On découvre ainsi que "la tragédie est liturgie en ce sens quelle est au service de Dieu qui se révèle, de son Epiphanie(3)".
"De quel côté que l'homme se tourne, il souffre, et qu'il accuse les dieux est encore un visage de sa souffrance : dans tous les cas en effet, au dessus de l'homme pris au filet, tombe dans le malheur extreme, Dieu surgit, tel le fruit mûr sortant de sa coque éclatée".

On n'est pas loin, à mon avis, de ce que cherche a dire Marc 15,8 dans son déchirement du voile.

Il nest pas étonnant alors que Hans Urs von Balthasar évoque dans ce cadre le lien intrinsèque entre cette "plénitude mythique et le "fait sacramentel" (4) qui le dépasse, car il s'agit bien de la même dynamique.

Pour rejoindre ma "dynamique sacramentelle", mais aussi la théologie de JB Metz, l'intérêt est que ce qui se dévoile là n'est pas de l'ordre du parfait, mais d'un chemin douloureux.

(1) GC6 p. 83
(2) p. 84
(3) il cite ici W.F. Otto, Ursprung der Tragédie. Aeschylos, dans Das wort der Antike, 1962, p. 175-179
(4) GC6 p. 85

23 septembre 2016

Théophanie homérique

L'analyse par Hans Urs von Balthasar des théophanies chez Homère nous ouvrent un champ de contemplation cohérent avec ce que nous disions sur les semences du Verbe. Tout chercheur de Dieu a accès a des parcelles de la lumière même sil est de notre devoir de montrer que le Christ nous conduit plus loin : "Un rapport dieu-homme qui baigne tout d'une lumière scintillante que le mot éros ne traduit pas, pas plus que celui de philia (...) et qui est celui de l'amour, d'un amour essentiel, silencieux, et qui enveloppe tout de tendresse. Les apparitions divines sont pour Homère un donné traditionnel qu'il purifie manifestement (...) et auquel il donne la forme pure et lumineuse qui correspond bien à sa vision intérieure de Dieu et de l'homme" (1) et l'amène à conclure : "nous sommes tout proches d'eux"(2)


(1) Hans Urs von Balthasar, GC6 p. 51.
(2) Homère, Od. 7, 201-205, ibid.

Les pleurs de Zeus

Une faille dans le "Dieu sans changement" grec que Hans Urs von Balthasar se plait à relever (1). Un Zeus émut par la souffrance de l'homme, qui "pleure des larmes de sang", (2) et prend pitié des plaintes d'Achille.

À méditer à l'aune de nos propos précédents.

(1) GC6 p. 46
(2) Ibidem.

Burin spirituel - Padre Pio

Je découvre dans le bréviaire du 23 septembre ce beau texte de Padre Pio, qui évoque pour moi un veille tradition spirituelle depuis Gn 32, 26, Ex 4 et 1 Rois 19, le combat avec Dieu. 

C'est ce qu'appelle Jérémie la circoncision du coeur (Jr 4, 6) et que Paul reprend à plusieurs reprises. 

"C'est par les coups répétés d'un burin salutaire et un nettoyage soigneux que l'Artiste divin veut préparer les pierres avec lesquelles se construit l'édifice éternel.(...) Le Père céleste se comporte de la même manière avec les âmes choisies (...) Mais que sont ces coups de marteau et de burin ? Ma sœur, ce sont les ombres, les craintes, les tentations, les afflictions de l'esprit et les troubles spirituels, avec un parfum de désolation, et aussi le malaise physique.


Dès lors, remerciez l'infinie bonté du Père éternel qui traite votre âme de cette façon, parce qu'elle est destinée au salut. (...) Ouvrez votre cœur à ce médecin céleste des âmes et abandonnez-vous en toute confiance entre ses bras très saints. Il vous traite comme les élus, afin que vous suiviez Jésus de près par la montée du Calvaire. (...).

Ayez la certitude que tout ce que votre âme a éprouvé a été disposé par le Seigneur. Alors, n'ayez pas peur de tomber dans le mal et l'offense de Dieu. Qu'il vous suffise de savoir qu'en tout cela vous n'avez jamais offensé le Seigneur, mais qu'au contraire il en a été davantage encore glorifié.

Si cet Époux très tendre se cache à votre âme, ce n'est pas, comme vous le pensez, qu'il veuille vous punir de votre infidélité, mais parce qu'il met toujours à l'épreuve votre fidélité et votre constance, et qu'en outre il vous purifie de certains défauts, qui n'apparaissent pas tels aux yeux de chair, c'est-à-dire ces défauts et ces fautes dont le juste lui-même n'est pas exempt. Dans la sainte Écriture, il est dit en effet : Le juste tombe sept fois.

Et, croyez-moi, si je ne nous savais pas dans une telle affliction, je serais moins content, parce que je verrais que le Seigneur vous donne moins de pierres précieuses… 

Chassez comme des tentations les doutes contraires… Chassez aussi les doutes qui concernent votre façon de vivre, c'est-à-dire que vous n'écoutez pas les inspirations divines et que vous résistez aux douces invitations de l'Époux. Tout cela ne provient pas de l'esprit du bien mais de l'esprit du mal. Il s'agit d'artifices du diable, qui cherchent à vous éloigner de la perfection ou, du moins, à retarder votre marche vers elle. Ne perdez pas courage !

Si Jésus se manifeste, remerciez-le ; s'il se cache, remerciez-le encore : ce sont comme des jeux amoureux. Je souhaite que vous arriviez à rendre votre souffle avec Jésus sur la croix et à crier avec Jésus : Tout est consommé ( 1)

Écoutons ce que dit Paul en Colossiens 2:11

En lui vous avez été circoncis d'une circoncision non faite de main d'homme, de la circoncision du Christ, par le dépouillement de ce corps de chair.

"Tu ne repousse pas un coeur brisé" Ps 51

(1) lettre du Padre Pio, source AELF

22 septembre 2016

Charis chez Pindare

Au delà d'Homère et d'Hésiode, qui nous enseignent les vertus de la mesure et de la vigilance, Pindare développe le concept d'humilité, mais surtout la "charis" dans le sens du don le plus abouti, le plus spontané. Le poète "se fait le gérant de la charis divine elle-même qu'il répand comme une coupe nuptiale écumante et débordante" (1).
Il ne manque à cela, ajoute Balthasar qu'un "homme-Dieu embrassant dans son triomphe la mort comme la vie" vers la "fête éternelle". (2) et peut être, ce fleuve jaillissant dont nous parle Ez 47, 1-12.

(1) Cf. GC6 p. 76
(2) p. 77

Gloire et Kénose

il est intéressant de trouver les deux concepts dès l'antiquité grecque avec des nuances qui méritent d'être commentée. Hans Urs von Balthasar nous fait goûter la gloire des héros grecs non dans "l'or qui scintille" (1) mais comme "aimés des Dieux", habités de vertus que nous appellerons plus tard théologales. De même Ulysse est alternativement paré par Athéna de gloire et d'humilité, cette dernière allant jusqu'à la nudité, la perte de toute beauté pour affronter les prétendants de Pénélope. Que ces éléments soient présents dans l'imaginaire et la tragédie grecque ne préjugent pas de la révélation. Ils tracent néanmoins des pistes acceptables qui conforte l'idée de Balthasar. L'apport grec ne s'oppose pas au christianisme (2), il vient lui donner une épaisseur, celle de la raison humaine, certes aveuglée parfois, mais pour autant habitée elle aussi des semences du Verbe.Le contempler nous ouvre les yeux au travail universel de Dieu vers l'homme. Et la kénose d'Ulysse ne fait pas ombrage à celle du Christ, elle lui prépare un écrin.

(1) cf. GC6 p. 36ss.
(2) cf. p. 11

21 septembre 2016

Le silence de Germain - Un roman à découvrir

Une lecture facile, qui court comme l'enfant qui dévale son escalier dans les premières pages.
Un récit qui nous prend aux tripes, devient envoûtant.

Cela fait des années que je cherche à exprimer cela dans mes romans. Le chant du Large, La caresse de l'Ange, La perle ont le même projet littéraire.

Ici, je trouve une leçon d'humilité. Delphine de Roquefeuil nous conduit au coeur du sujet, n'apporte pas de réponse, mais entrouvre le voile et la fin, que je vous laisse découvrir est pleine d'espérance.

A déguster sans modération.

Delphine de Roquefeuil, Le silence de Germain, Edilivre (2016)

19 septembre 2016

Le beau démoniaque

Ambivalence et tension. "Aucun transcendantal n'est plus démoniaque que le "kalon" (beau)(...) apparence projetée sur la réalité périssable : reflet de Dieu ou du néant" (1). Nous devons porter ce risque qui depuis Cesarée (Mc 8, 34) fait cohabiter en nous l'intuition du divin et le risque de passer à côté et sombrer dans la vanité et la fatuité de se croire plus grand que Dieu. Ce rêve d'Icare habite notre condition humaine. Nous devons l'apprivoiser pour ne pas le laisser nous envahir. Pierre l'a appris à ses dépends. Dès que nous nous croyons proche de Dieu, il nous rappelle que nous ne sommes qu'un homme tout en nous couvant de son amour miséricordieux.

(1) GC6 p. 28

16 septembre 2016

De l'art à Dieu

Ce gouffre évoqué plus haut a cependant des ponts et Hans Urs von Balthasar en déploie un avec majesté en affirmant qu'il existe dans l'art des semences du verbe, "logos spermatikoi" que l'on peut "rassembler dans la figure de révélation dont le centre est le Christ". (1)

(1) GC6 p. 24

La beauté et la gloire

On comprend mieux dans la suite du tome 6 la distinction fragile entre la beauté, transcendantal porté aux nues depuis Platon jusqu'à Hegel, et la Gloire (1) dont nous avons vu dans le tome 7 combien elle ne rayonnait finalement que dans la Croix. C'est ce gouffre qu'il faut combler entre la projection humaine et la révélation fragile de l'amour divin. Nous avons déjà commenté plus haut la tension testamentaire entre le plus bel enfant des hommes et l'ignominie de la Croix. Les chemins de Dieu sont insondables. Dans cette contemplation se joue pourtant la tension même de la foi.

Hans Urs von Balthasar, GC6 p. 18

15 septembre 2016

Circumincession des transcendantaux

Je poursuis ma lecture un peu désordonnée de Hans Urs von Balthasar par le tome 6 de la Gloire et la Croix. Je note avec intérêt le fait qu'il parle de la circumincession des transcendantaux. Je croyais le terme réservé aux Personnes divines dans ce que j'appelle la danse trinitaire. Et pourtant cette évocation du "facteur de conciliation" de salut par la grâce "qui est le propre du beau-sain n'a jamais éliminé le salut éthique et la clarté de la vérité" (1) est bien du même ordre. L'esthétique transcendantale est loin de notre art humain, ce n'est qu'un aspect de la danse trinitaire et cette conciliation prend sens car elle révèle "l'immanence".

(1) Hans Urs von Balthasar, La Gloire et la Croix, Le domaine de la métaphysique, Les fondations, tome 6, théologie Aubier n. 84, 1991, traduction Robert Givord et Henri Engelman, ci après GC6, p. 15

Une procession silencieuse

Quel est finalement l'enjeu de mes réflexions sur la dynamique sacramentelle. Il est, en fait, dans l'actualisation en devenir du "Faites ceci en mémoire de moi". Nous devrions vivre chaque eucharistie dans cette dynamique intérieure suggérée par Varillon d'offrir nos "travaux" sur l'autel. À l'image de la danse africaine qui se "joue" à l'offertoire, nous devrions tous avancer dans nos cœurs avec nos efforts de la semaine et les présenter à Dieu pour qu'Il divinise ce que nous avons cherché à humaniser. L'enjeu est là, non dans le geste, mais dans ce qu'il signifie, dans la dynamique sacramentelle véritable qui s'est mise en branle dans nos vies.

À méditer

14 septembre 2016

Pierre un Pécheur aimé

Dans la tension que nous avons ouverte entre Marie et Pierre, il peut nous arriver de percevoir combien nous sommes de la race de ceux qui ne cessent de chuter, renier et délaisser notre maître au lieu de nous tenir fidèle au pied de la Croix.
Notre seule consolation, à la suite du pape François est de nous savoir "pécheur aimé"(1).

C'est la joie de Pierre. Elle doit nous porter dans l'espérance.

(1) Spadaro, op. cit. p. 203


12 septembre 2016

Le clown pour Dieu

Ici se termine mes notes de lecture du tome 7 de la Gloire et la Croix d'Urs von Balthasar (GC7). Le dernier chapitre qui mérite le détour évoque la figure du clown pour Dieu, de don Quichotte, Simplicius à l'Idiot de Dostoeisvsky, mais aussi au clown de Rouault.
On y trouve une étonnante contemplation de l'humilité et de la charité loin de tout valoir et pouvoir. C'est finalement un ode à la folie de Dieu au sens paulinien.
À méditer

09 septembre 2016

Pure image du Christ

La lettre aux Romains n'évoque pas la vierge mais pourrait fort bien l'avoir en tête et ce n'est sans doute pas pour rien que la liturgie nous donne cet extrait à contempler le jour de la nativité : " Ceux qu'il a destinés d'avance à être configurés à l'image de son Fils, pour que ce Fils soit le premier-né d'une multitude de frères.
Ceux qu'il avait destinés d'avance,
il les a aussi appelés ;
ceux qu'il a appelés,
il en a fait des justes ;
et ceux qu'il a rendus justes,
il leur a donné sa gloire."
Plus qui voir un chemin inaccessible pour nous, il nous appartient de rendre grâce pour ces figures qui nous appellent à grandir.

Humilité - Caussade

"L'âme doit réellement apprendre à ne trouver plus aucun appui hors d'elle et en elle, à ne sentir que faiblesse, à supporter sa souffrance", à se paraître pleinement inutile, à être humiliée, "comme un fragment de pot cassé dont personne ne s'avise à tirer le moindre service", nous apprenant à nous tenir si bas que nous disparaissions à nos propres yeux" (...) car Dieu veut être en nous pauvrement et sans tous les accompagnements de sainteté qui rendent les âmes admirable" (1).

A l'heure de la canonisation de mère Térésa, il nous faut contempler cette nuit de la foi qui génère les plus grands saints, ceux que Dieu a choisi pour être instruments de sa charité sans qu'ils en tirent de bénéfices intérieurs, voir restent dans la nuit la plus profonde. S'abandonner pour laisser Dieu être ? C'est probablement le prix à payer.

Qui sommes-nous pour comprendre les voies de Dieu ? On pense à cette tapisserie dont les fils sont tous embrouillés et pourtant se fait "point à point" en vue du dessin parfait qui n'apparaîtra, à l'endroit que dans l'éternité(2).


(1) Jean-Pierre de Caussade, direction spirituelles, volume 2, cité par Hans Urs von Balthasar in GC7 Op.Cit p. 184-5

(2) Caussade, ibid. 37. 122. GC7 p. 185

06 septembre 2016

Un Fiat qui résume tout - Caussade

Ce fiat marial qui "résume tout". "Il n'y a qu'à recevoir et à laisser faire"(1). C'est la pure foi, nue, dépouillée, qui ne veut pas disposer d'elle même, qui ne veut rien savoir ; qui est (...) l'unité indissoluble de la foi, de l'espérance et de la charité". Une espérance qui se fonde, poursuit Caussade, "sur les trésors de la miséricorde infinie de Jésus-Christ".
On entend presque en écho le Magnificat de Luc : "Il s'est penché sur son humble servante (...) il a fait pour moi des merveilles"‎.

Caussade insiste sur la contemplation de "l'instant", de l'aujourd'hui ‎qui "contient l'unique nécessaire", comme cette manne du désert qui éduque l'homme à la confiance en son Dieu. Il nous invite à suivre Jésus "sans savoir où conduit le chemin"(2), à s'aventurer dans "la mer immense de la volonté de Dieu" (3).


Ce chemin n'est pas sans angoisse, ennuis et désespoirs sans le sentiment d'avoir perdu Dieu, qu'il n'est plus là qu'il ne répond plus. L'expérience des ténèbres qui est aussi celui de la Vierge, reste habitée, autant possible par le sentiment d'une présence, tout en passant aussi parfois par cette déréliction qui ‎marque tout chemin du désert. Au lieu de céder aux murmures et à la tentation, il nous appartient de tenir car il est toujours là... Un jour viendra "le festin, la fête perpétuelle (...) un Dieu toujours donné toujours reçu (...) une communion de tous les instants, une sorte de sacrement (...) où tout devient pain pour me nourrir.

(1) Gc7 p. 183
(2) Ibid.
(3) p. 184.




02 septembre 2016

Un seul esprit - Saint Bernard

Dans ma dynamique sacramentelle je développe une lecture spirituelle de Gn 2,24 qui voit l'union de l'Église et de l'Époux comme point ultime de l'hyperbole. saint Bernard, dans le contexte particulier du Moyen-Âge à une distinction formelle que je vous laisse découvrir : " Commentaire du jour : "De tous les mouvements de l'âme, de ses sentiments et de ses affections, l'amour est le seul qui permette à la créature de répondre à son Créateur, sinon d'égal à égal, du moins de semblable à semblable... L'amour de l'Époux, ou plutôt l'Époux qui est Amour ne demande qu'amour réciproque et fidélité. Qu'il soit donc permis à l'épouse d'aimer en retour. Comment n'aimerait-elle pas, puisqu'elle est épouse et l'épouse de l'Amour ? Comment l'Amour ne serait-il pas aimé ? (...) Mais, même si elle fond tout entière en amour, que serait-ce en comparaison avec le torrent d'amour éternel qui jaillit de la source même ? Le flot ne coule pas avec la même abondance de celle qui aime et de l'Amour, de l'âme et du Verbe, de l'épouse et de l'Époux, de la créature et du Créateur ; il n'y a pas la même abondance dans la fontaine et dans celui qui vient boire... (...) C'est là l'amour pur et désintéressé, l'amour le plus délicat, aussi paisible que sincère, mutuel, intime, fort, qui réunit les deux amants non pas en une seule chair mais en un seul esprit, de sorte qu'ils ne soient plus deux mais un, selon saint Paul : « Qui s'attache à Dieu est avec lui un même esprit » (1Co 6,17) (1)

Saint Bernard, Sermons sur le Cantique des Cantiques, n° 83 (trad Béguin, Seuil 1953, p.849s rev).

Tentation mystique - Fénelon

As-ton assez parlé dans ce blog de tentation mystique. La pique de Balthasar fait ici réfléchir : "Les Français [de l'école] semblent avoir été tellement occupés de leur rencontre personnelle avec Dieu que l'ouverture catholique au monde passa à l'arrière plan, voire resta un élément extérieur à côté de la contemplation (1).

Pour le théologien, il manque finalement à l'enseignement de Fénelon un centre de gravité christologique, tant il se fixe avec une obstination spirituelle sur l'idée abstraite d'indifférence. (...) l'état devient plus important que l'objet"(2).



(1) GC7 p. 179
(2) Ibid.

31 août 2016

Vivre en Christ - Bérulle et Charles de Condren

Les deux oratoriens Bérulle et Charles de Condren vont plus loin que Ruysbroeck et Eckhart sur le chemin de l'in Christo nous précise Balthasar. Leur démarche éloigne ainsi tout risque de dérive vers le platonisme. Leur contemplation est plus centrée sur la médiation du Christ(1) . Il en découle une vie "plus incorporée en Christ" (2) mais aussi un retour à la contemplation de Marie, qui avait introduit notre recherche. C'est dans la contemplation de son chemin intérieur face à Jésus enfant jusqu'à la Croix que nous pouvons saisir le rôle de la Vierge. 
 Elle est chemin parce qu'elle a traversé tout cela jusqu'à l'instant final. C'est le stabat mater qui est voie pour nous dans l'épreuve et fait d'elle une intermédiaire de poids sur nos chemins d'homme.



(1) GC7 p. 175‎.
(2) p. 176


Autorité de Jésus

En quoi est-elle différente de celle des Pharisiens et des scribes ? (1)
A la différence de ceux qui revendiquent un pouvoir qu'ils n'ont pas, celle du Christ repose sur le don du Père. Elle ne vient pas de lui, mais de sa contemplation et de sa prière, de son humilité (kénose) et de son obéissance. La est la différence. Elle se contemple jusque dans sa manière d'être et de mourir.


Résonances

"Un homme ne peut recevoir que ce qui lui a été donné du ciel". (Jn 3, 27)

On en perçoit le sens dans sa phrase à Pilate
‎"Tu n'aurais sur moi aucun pouvoir, s'il ne t'avait été donné d'en haut." (Jn 19, 11)

(1) cf Luc 4.

29 août 2016

Indifférence, élection et obéissance

La voie tracée par Ignace, qui doit éviter la tentation mystique, "comme une oeuvre, au sens stoïcien ou boudhiste" (...) en s'élevant, "en vertu d'une pseudo éthique, au dessus de l'humanité considérée comme illusoire, insignifiante ou dangereuse"‎ doit trouver, dans l'élection et l'obéissance à Dieu, un "chemin étroit et abrupt" (1).

Cette analyse est pertinente dans le contexte baroque dont "le point culminant est dans la glorification de l'Etat, paré du scintillement religieux du Baroque ecclésial"(2)‎. Elle l'est aussi dans notre environnement actuel. A ceux qui se laissent tenter par un communautarisme étriqué, le discernement ignatien ouvre les portes vers le monde et sa "périphérie". Le monde n'est pas à abandonner. 
L'élection vise cette oeuvre ouverte habitée par les trois paraboles de Luc 15 (brebis perdue, fils prodigue,..). En cette année de la miséricorde, le pape nous le rappelle avec une acuité nouvelle.

Mais l'élection elle même peut devenir lieu de chute. L'oebéissance devient alors, chez Ignace, l'ultime garde-fou, celui qui nous fait échapper à la tentation de faire de notre élection un nouveau lieu de pouvoir et d'autorité. La force du catholicisme est de tout ordonner sous une hiérarchie qui, non-obstant son poids et ses abus humains, à le mérite de conduire l'homme au-delà de lui-même, dans une diaconie véritable.

Il y a là, d'ailleurs, un chemin de contemplation que nous n'avons pas esquissé encore dans ces pages. Ignace parle d'abord de l'obéissance à Dieu, qui "purifie notre intelligence, notre volonté et notre sentiments(3)", mais ses voies ne prennent pas seulement le chemin de la Parole. L'Église est aussi un lieu d'exercice de l'obéissance divine.

Chose inouïe aujourd'hui à l'ère du tout est permis, il faut reconnaître à la communion vivante des Apôtres un pouvoir qui ne peut qu'être structurant pour l'homme. 
Cela n'empêche pas un liberté intérieure, mais cela impose une exigence, celle d'éclairer sa conscience, de toujours vérifier qu'elle ne succombe pas à l'illusion solitaire du pouvoir et du valoir. La direction spirituelle obéissante aux "surveillants" épiscopaux ou autres, est lieu de discernement et de croissance. 
Obéir "c'est avoir l'avant denier mot", disait mon évêque. J'aime l'expression qui sous-entend un dialogue. Une Église fermée au dialogue est fermée à l'Esprit mais le libre-penseur ne doit pas cesser d'écouter. Il y a la une tension (encore une) qu'il convient de maintenir.


(1) GC7 p. 168
(2) p. 166.
(3) p. 170


28 août 2016

Course ignatienne

De l'indifférence à l'élection, c'est finalement devenir transparent ‎à la Personne qui envoie, être "représentant de Dieu", dans l'apostolat (cf. à ce sujet les propos déjà rapportés de Madeleine Delbrêl), pour la (seule) et plus grande gloire de Dieu.

"C'est à Son service que l'existence voudrait se consumer dans l'ardeur de son amour" (...). Cette vocation conduit à un "dynamisme" qui fait que "la grâce et la mission de Dieu n'a rien d'incroyable et d'impossible" (1).

On retrouve dans les propos de Balthasar sur Ignace, cette impression de course déjà notée chez Paul et Grég‎oire de Nysse.

(1) Hans Urs von Balthasar, GC7 p. 163-4

27 août 2016

Les joies terrestres - Sainte Monique

"Je suis comblée sur ce point, puisque je vois que tu es son serviteur au point de mépriser les joies terrestres. Qu'est-ce que je fais ici? " disait sainte Monique à son fils Augustin...

Cette phrase entre en résonance avec l'homélie de mon curé hier. Les huiles des vierges folles (Mat 25, 1-13) sont d'essence terrestre, alors que les autres s'occupent de la rencontre ultime.  Il ne faut pas en conclure que le monde est à ignorer,  mais percevoir que notre vie n'a de sens qu'orienté vers le rendez-vous final. 

Être serviteur de l'invisible,  c'est se tourner vers l'essentiel. 

Où est l'essentiel ? La confrontation entre Marthe et Marie mérite d'être contemplée dans sa tension féconde. 

"Marie a choisi la meilleure part" (Luc 10, 42), mais Marthe a compris l'essentiel (cf. Jn 11).

L'essentiel nous dit Francois peut être à la "périphérie".  C'est à l'amour que nous serons jugés dignes d'entrer dans la danse.

Versé pour la multitude


De Marc 14 et Jn 19 à  Saint Colomban, la contemplation de la source jaillissant du coeur du Christ nous conduit toujours plus loin. 

Relisons les 3 textes, à la lumière des paroles de Jésus à la Samaritaine (Jn 4) :

Marc 14:23-24 BCC1923

Il prit ensuite la coupe, et, ayant rendu grâces, il la leur donna, et ils en burent tous. Et il leur dit: "Ceci est mon sang, le sang de la nouvelle alliance, répandu pour la multitude.

Jean 19:33-34 BCC1923

Mais quand ils vinrent à Jésus, le voyant déjà mort, ils ne lui rompirent pas les jambes; mais un des soldats lui transperça le côté avec sa lance, et aussitôt il en sortit du sang et de l'eau.


"Frères, suivons notre vocation : à la source de la vie nous sommes appelés par la vie cette source est non seulement source de l'eau vive, mais de la vie éternelle, source de lumière et de clarté. D'elle en effet viennent toutes choses: sagesse, vie et lumière éternelle. L'auteur de la vie est la source de la vie, le créateur de la lumière est la source de la clarté. Aussi, sans regard pour les réalités visibles, cherchons par-delà le monde présent, au plus haut des cieux, la source de l'eau vive, comme des poissons intelligents et bien perspicaces. Là nous pourrons boire l'eau vive qui jaillit pour la vie éternelle

Veuille me faire parvenir jusqu'à cette source, Dieu de miséricorde, Seigneur de bonté, et que là je puisse boire, moi aussi, avec ceux qui ont soif de toi, au courant vivant de la source vive de l'eau vive. Qu'alors, comblé de bonheur par cette grande fraîcheur, je me surpasse et demeure toujours près d'elle, en disant : « Qu'elle est bonne, la source de l'eau vive; elle ne manque jamais de l'eau qui jaillit pour la vie éternelle ! »

O Seigneur, tu es, toi, cette source qui est toujours et toujours à désirer, et à laquelle il nous est toujours permis et toujours nécessaire de puiser. Donne-nous toujours, Seigneur Jésus, cette eau, pour qu'en nous aussi elle devienne sourced'eau qui jaillit pour la vie éternelle. C'est vrai : je te demande beaucoup, qui le nierait ? Mais toi, Roi de gloire, tu sais donner de grandes choses, et tu les as promises. Rien de plus grand que toi, et c'est toi-même que tu nous donnes ; c'est toi qui t'es donné pour nous.

Aussi est-ce toi que nous demandons, afin de connaître ce que nous aimons, car nous ne désirons rien recevoir d'autre que toi. Tu es notre tout : notre vie, notre lumière et notre salut, notre nourriture et notre boisson, notre Dieu. Inspire nos cœurs, je t'en prie, ô notre Jésus, par le souffle de ton Esprit, blesse nos âmes de ton amour, afin que chacun de nous puisse dire en vérité : Montre-moi celui que mon cœur aime, car j'ai été blessé de ton amour.

Je souhaite que ces blessures soient en moi, Seigneur. Heureuse l'âme que l'amour blesse de la sorte : celle qui recherche la source, celle qui boit et qui pourtant ne cesse d'avoir toujours soif tout en buvant, ni de toujours puiser par son désir, ni de toujours boire dans sa soif. C'est ainsi que toujours elle cherche en aimant, car elle trouve la guérison dans sa blessure. De cette blessure salutaire, que Jésus Christ, notre Dieu et notre Seigneur, bon médecin de notre salut, veuille nous blesser jusqu'au fond de l'âme. À lui, comme au Père et à l'Esprit Saint, appartient l'unité pour les siècles des siècles. Amen" (1)

(1) Saint Colomban, Le Christ, source de vie, souce AELF

26 août 2016

De l'indifférence à l'élection - Ignace de Loyola

Dans la ligne de GC7, après toutes les pages consacrées à l'indifférence et au décentrement dans le Moyen-âge tardif, Balthasar souligne combien la particularité d'Ignace est de placer celles ci au début de ses exercices. La deuxième semaine peut alors s'axer sur l'élection, "ce que Notre Seigneur  nous aura donné de choisir", (Ex. 135) c'est à dire "ce choix particulier accompli spontanément et volontairement dans la liberté éternelle de Dieu" (1)

‎(1) GC7 p. 160

25 août 2016

Indifférence ignatienne

On n'est pas surpris de trouver, après Catherine de Gênes, une belle présentation d'Ignace de Loyola et de son indifférence, clé d'une démarche intérieure, qui commence par placer l'homme dans "l'enfer de la connaissance de soi-même", déblayage préparatoire, qui place l'homme "devant la Croix en lui enlevant la conscience de tout ce qu'il a de bon en lui", avant de lui faire contempler la vie de Jésus.

On rejoint là, ce que j'ai tenté de développer plus maladroitement dans "le chemin du désert", ce qui me conforte dans cette approche comme préparation à la "disponibilité foncière à tout" visée par Ignace (1).

(1) cf. GC7 p. 160-1

La circoncision du coeur

Il existe une correspondance subtile entre Jr 4, 1-4 et Rom 2, 29, c'est celle qui conduit l'homme à quitter sa tour d'orgueil pour s'exposer à la lumière divine(1). 

Relisons les deux textes :

Romains 2:27-29 BCC1923

Bien plus, l'homme incirconcis de naissance, s'il observe la Loi, te jugera, toi qui, avec la lettre de la Loi et la circoncision, transgresses la Loi. Le vrai Juif, ce n'est pas celui qui l'est au dehors, et la vraie circoncision, ce n'est pas celle qui paraît dans la chair. Mais le Juif, c'est celui qui l'est intérieurement, et la circoncision, c'est celle du cœur, dans l'esprit, et non dans la lettre: ce Juif aura sa louange, non des hommes, mais de Dieu.

Jérémie 4:1-4 BCC1923

Si tu veux revenir Israël, - oracle de Yahweh, reviens vers moi. Et si tu ôtes tes abominations de devant moi, tu ne seras plus errant! Et si tu jures "Yahweh est vivant!" avec vérité, avec droiture et avec justice, les nations se diront bénies en lui; et se glorifieront en lui. Car ainsi parle Yahweh aux hommes de Juda et de Jérusalem: Défrichez vos jachères, et ne semez pas dans les épines. Circoncisez-vous pour Yahweh, et enlevez les prépuces de votre cœur, hommes de Juda et habitants de Jérusalem, de peur que ma colère n'éclate comme un feu et ne consume, sans que personne éteigne, à cause de la méchanceté de vos actions.

N'est ce pas le chemin d'Exode 33 et de Gn 2, 25, quittez son vêtement pour se retrouver nu devant l'Autre ? A contempler...

(1) intéressante interprétation d'Annick de Souzenelle sur ce thème

24 août 2016

Consumée en Dieu - Catherine de Gênes

Creuser son désir de Dieu, faire en soi toute la place pour se laisser envahir...
C'est un peu ce que dit Catherine de Gênes qui cherche à se "laisser consumer de l'extérieur et de l'intérieur par la puissance et la bonté de Dieu" (1) jusqu'à ce que la créature soit ramenée "à cet être divin dont elle procède, c'est à dire cette pureté dans laquelle il l'a créée"(2).

On peut rejoindre là une lecture spirituelle de Gn 2, 24, où l'être créé quitte sa corporéité d'origine pour faire une seule chair en Christ, dans cet élan de la dynamique sacramentelle que j'ai longtemps développé. Il y a par exemple dans la nourriture eucharistique, cette dimension même de manger la chair pour ne faire qu'une seule chair, illustration même de cette nouvelle naissance évoquée par le Christ à Nicodème en Jn 3.
Un ami dit ainsi que la communion est pour lui extatique. Elle est en tout cas, participation fortuite et éphémère à cette danse trinitaire à laquelle nous sommes invités.

Chez Catherine de Gênes,‎ cette vision la conduit à une tension dialectique qui la pousse à se "jeter dans le feu purificateur" (3), exprimant l'aspect dévorant de l'amour. Pour Balthasar, cette alternance entre mérite et indignité, proche de maître Eckhart et caractéristique du Moyen-âge tardif, rejoint le justus et peccator de Luther. (4).

‎En cette année de la miséricorde, on réduira probablement cette dernière tension à l'aune de ce que peut écrire sainte Catherine de Sienne : Dieu est plus miséricordieux que notre péché...

(1) Sainte Catherine de Gênes, Vita 9, cité en GC7 p. 158
(2) Vita 14.
(3) et (4) GC7 p. 159

Caisse de résonance de l'Esprit Saint - Catherine de Sienne

Pour Balthasar, la voix de  ‎Catherine de Sienne, en se faisant l'écho de la parole biblique, est une "caisse de résonance de l'Esprit Saint et de l'âme ecclésiale" où l'Évangile est perçue comme "la profondeur de l'Être infini lui-même" (1). Pour elle, qui parvient au véritable décentrement, "l'âme ne se plaint pas, parce que sa volonté n'est plus sienne" (...) "elle désire ardemment correspondre à ce que Dieu réclame et attend; ce à quoi tend le désir (...) la manifestation de la gloire de Dieu dans son oeuvre de salut". (2)

Chez Catherine, on trouve aussi une phrase qui fait écho à notre thème de l'année : "Ma miséricorde est incomparablement plus grande que tout les péchés que peuvent commettre toutes les créatures ensemble" (3). Le Christ est ainsi pour elle un "pont"* entre le ciel et la terre qui nous a conféré le pouvoir d'aimer (4)‎.

Enfin, Balthasar souligne l'attachement de Catherine à l'image du Sang du Christ, qui coule par sa plaie ouverte, source infinie d'amour de celui qui s'est donné pour nous...


(1) Cité par Hans Urs von Balthasar, GC7 p. 153.
(2) p. 154
(3) Dialogue, 132
(4) Dialogue de Sainte Catherine de Sienne, 136, cité p. 155

* Image qui rejoint "le dernier pont", un petit travail de recherche repris dans "sur les pas de Jean".


23 août 2016

Dynamisme esthétique et mystique - Saint Augustin

‎La lecture de Balthasar en GC2 (1) nous conduit jusqu'à "la contemplation passive de laquelle l'esprit éprouve des sentiments esthétiques" (...) dont Augustin trouve "un caractère dynamique" (...) "qui tend à une unité jamais accessible". (2)

Qu'est-ce qui est visé, si ce n'est la vraie lumière, la plus simple de toutes, vérité et beauté originelle, harmonie divine supra-sensible, idéal transcendantal, que l'on ne peut que deviner, force au-delà de tout et tendant vers l'ultime accomplissement ?

Cette vision qualifiée par Balthasar de stoïcienne, suppose, "à l'arrière plan, l'âme du monde, à la fois corporelle et spirituelle, pensée d'une manière panthéistique" (3).

Ce n'est rien d'autre que "le grand thème oriental, de Plotin à Grégoire de Nysse, d'Evagre à Syméon" (4) qu'on retrouve probablement dans la contemplation teilhardienne du Logos.

Mais dans cet arrière plan, nous retrouvons ici notre quête, cette dynamique sacramentelle toute tendue vers la "danse trinitaire"(5), cette "âme qui s'unifie‎ en tendant à l'unité de Dieu, reçoit de Dieu son unité" (...),"‎mélodie intérieure"(6), "beauté au dessus de toute beauté"(7), "beauté ineffable"(8), unique et véritable.(9).

Et pourtant, poursuit le théologien, cette beauté reste voilée, soulignant sa différence avec la beauté corporelle. La beauté du Christ louée par le Psaume 44 est en tension avec ce que dit Isaïe 53(10). Entre les deux, se résument les limites d'une esthétique ‎apparente. Derrière le Christ défiguré se cache le Christ transfiguré. Derrière la kénose se cache la Gloire du relèvement, derrière la souffrance se cache l'amour infini de Dieu, au point que des ombres actuelles, la beauté ne sera visible totalement que dans sa révélation eschatologique (p. 124).

L'homme semble à la fois loin de tout cela et pour autant invité à cette danse. S'il ne peut en percevoir l'étendue, il lui est donné parfois d'entendre cette musique intérieure qui le conduit à avancer, à y tendre, en toute liberté. Cette nuance, qui distingue Augustin de Plotin, est profondément chrétienne, c'est l'histoire de la pédagogie divine.

(1) ibid p. 116
(2) VR 60-61, LA 2, 22
(3) GC2, p. 117
(4) ibid p. 118
(5) cf. notre travail éponyme, repris dans L'Amphore et le fleuve
(6) Confessions 4, 15, 27
(7) Confessions 3, 6, 10
(8) Cité de Dieu 9, c. 22
(9) S. 1, 14.... in GC2, p. 119
(10) GC2 p. 121-123




22 août 2016

Kénose et souffrance - Saint Augustin

La kénose du Christ lui apparaît, souligne Balthasar (1) comme la révélation de la beauté et de la plénitude de Dieu. Pour Augustin, "le chemin lui-même est beauté" (2).
Il nous faut pour cela prendre de la distance, contempler l'ensemble de la pédagogie divine, comme une mosaïque, vue toute entière, à la lumière de Dieu, "grâce à qui l'univers, même avec ses éléments fâcheux, est parfait lui-même" (3).

On a bien sûr du mal, à l'échelle humaine, à rentrer dans cette contemplation après les drames qui vont de la Croix à Auschwitz. Il faut prendre un sacré recul pour accepter ce mal qui défigure la création(4). Pourtant, à la suite de Job, nous devons entendre l'imprécation de Dieu. Qui es-tu pour saisir le plan de Dieu ? C'est au bout du chemin que nous percevrons le bienfait de l'apparente absence divine, quand la victoire du Crucifié rayonnera sur le monde.
En attendant, il nous faut, comme le suggère E. Hillesum, retrousser nos manches : "Dieu a besoin de nos mains". "Heureuse faute qui nous a valu un tel sauveur".

(1) Hans Urs von Balthasar, La Gloire et la Croix, tome 2 styles, d'Irenée à Dante,Cerf, DDB, 1993, (ci-après GC2), p. 110
(2) Augustin d'Hippone, De Libera Arbtitrio, 2, 45, cité ibid.
(3) Soliloquia, 1, 2, cité ibid. p. 114.
(4) cf. sur ce point mon travail de recherche : "Où es-tu, mon Dieu ?".

21 août 2016

Contemplation au désert -Saint Bernard

Le chemin du désert* nous a conduit,  depuis l'ancien Testament jusqu'au Nouveau sur les pas du Christ et son imitation.  Sur ce chemin,  nous nous sentons petits et la dynamique contemplative qui suit reste celle qui nous sépare de lui. Elle est à la fois invitation et humilité.  Il y a tension entre notre réalité et celle de Dieu.  Cette tension est ce qui sépare l'idole et l'icône,  l'image et la ressemblance,  le corps et l'esprit.  Cette tension n'est pas pour autant dualiste mais kénotique.  

Notre chemin est d'entrer dans la course divine, une course infinie sur laquelle nous retrouvons Grégoire de Nysse,  Augustin et les pères de l'Église,  derrière Paul ( Ph.  3).Cette voie est aussi celle de l'humilité et du désir.  Humilité car nous ne parviendrons jamais sans lui à la ressemblance ("Impossible à l'homme,  mais possible grâce à Dieu"), désir car c'est la soif intérieure que fait naître en nous la soif de Dieu. 

Mon âme à soif de toi... (Ps...)
Mon époux est là... (Cant...)

"Reviens, Verbe de Dieu, qui nous visites comme en passant.
Inconsolable en ton absence,notre cœur te réclame.
Par ton départ, tu l'éprouveset tu avives son désir
de connaître à nouveau la rencontre.

R/Reviens à nous, Seigneur, toi, notre bien-aimé.
Ta venue nous échappe toujours,chaque fois ton départ nous surprend,
mais le goût reste en nous de ton passage.
D'où venais-tu, où allais-tu, nous l'ignorons, 
mais la mémoire demeure en nous
d'un grand bonheur furtif et redoutable.
Très au-delà des sens et du savoir, 
en grand secret tu nous visites : 
pour un instant nous touchons l'infini.
Nous n'avons pu te voir ni te saisir ; 
par où es-tu passé ? 
Nous ne savons, 
mais notre cœur reste blessé d'amour." (1)

Le chemin du désert est celui de l'épouse vers l'Époux, il est celui de l'amour.
"L'amour se suffit à lui-même, il plaît par lui-même et pour lui-même. Il est à lui-même son mérite, il est à lui-même sa récompense. L'amour ne cherche hors de lui-même ni sa raison d'être ni son fruit : son fruit, c'est l'amour même. J'aime parce que j'aime. J'aime pour aimer. Quelle grande chose que l'amour, si du moins il remonte à son principe, s'il retourne à son origine, s'il reflue vers sa source pour y puiser un continuel jaillissement ! De tous les mouvements de l'âme, de ses sentiments et de ses affections, l'amour est le seul qui permette à la créature de répondre à son Créateur, sinon d'égal à égal, du moins dans une réciprocité de ressemblance. Car, lorsque Dieu aime, il ne veut rien d'autre que d'être aimé. Il n'aime que pour qu'on l'aime, sachant que ceux qui l'aimeront trouveront dans cet amour même la plénitude de la joie. L'amour de l'Époux, ou plutôt l'amour qu'est l'Époux, n'attend qu'un amour réciproque et la fidélité. Qu'il soit donc permis à celle qu'il chérit de l'aimer en retour. Comment l'épouse pourrait-elle ne pas aimer, elle qui est l'épouse de l'Amour ? Comment l'Amour ne serait-il pas aimé ?Elle a donc raison de renoncer à tous ses autres mouvements intérieurs, pour s'adonner seulement et tout entière à l'amour, puisqu'elle a la possibilité de répondre à l'amour même par un amour de réciprocité. Car elle pourra bien se répandre tout entière dans son amour, que grâce au regard du flot éternel d'amour qui jaillit de la source même ? Les eaux ne sourdent pas avec la même profusion de celle qui aime et de l'Amour, de l'âme et du Verbe, de l'épouse et de l'Époux, du Créateur et de la créature: la différence n'est pas moins grande qu'entre l'être assoiffé et la source. Alors quoi ? Faudra-t-il pour autant que périsse et disparaisse complètement chez l'épouse le souhait de voir s'accomplir ses noces ? Le désir qu'expriment ses soupirs, la force de son amour, son attente pleine de confiance ; seront-ils réduits à rien, parce qu'elle ne peut égaler à la course un géant, et qu'elle ne peut rivaliser de douceur avec le miel, de tendresse avec l'agneau, de blancheur avec le lis, de rayonnement avec le soleil, d'amour avec celui qui est l'amour en personne ? Non, car même si la créature aime moins, en raison de ses limites, pourvu qu'elle aime de tout son être, il ne manque rien à son amour, puisqu'il constitue un tout. C'est pourquoi aimer de la sorte équivaut à un mariage, car une affection si forte ne saurait recevoir une réponse de moindre affection, dans cet accord réciproque des deux époux qui fait la solidité et la perfection du mariage. À moins qu'on ne mette en doute que l'amour du Verbe précède et dépasse celui de l'épouse. (2)

(1) Hymne, office des lectures, saint Bernard,  bréviaire. source AELF
(2) Saint Bernard,  Homélie sur le Cantique des Cantiques,  ibid.

* Cf.  notre livre éponyme sur Amazon.fr

20 août 2016

Islam - loin de l'amalgame - Chrstian de Chergé

Dans une actualité portée par la peur et la radicalisation, il nous faut prendre le temps et la distance nécessaire pour ne pas oublier le message de ceux qui ont signé de leur sang le message d'un Dieu qui n'est qu'amour.

"Je sais le mépris dont on a pu entourer les Algériens pris globalement. 
Je sais aussi les caricatures de l'islam qu'encourage un certain islamisme.
Il est trop facile de se donner bonne conscience en identifiant cette voie religieuse avec les intégrismes de ses extrémistes.
L'Algérie pour moi, c'est autre chose,  c'est un corps et une âme. (...) ma mort pourra donner raison à ceux qui me traitent de naïf ou d'idéaliste (...) je pourrai s'il plaît à Dieu, contempler avec Lui ses enfants de l'Islam tels qu'ils les voient, tout illuminés de la gloire du Christ,  fruits de sa Passion,  investis par le don de l'Esprit dont la joie secrète sera toujours d'établir la communion et de rétablir la ressemblance,  en jouant avec les différences". (1)

Sa contemplation prend d'autant plus de sens dans ses derniers mots qui rejoignent ceux du Christ en croix.

"Et toi aussi, l'ami de la dernière minute, qui n'auras pas su ce que tu faisais.  Oui, pour toi aussi je le veux ce MERCI, et cet "A-DIEU" envisagé de toi. Et qu'il nous soit donné de nous retrouver,  larrons heureux, en paradis, s'il plaît à Dieu, notre Père à tous deux. Amen !" (2)

(1) Christian de Chergé,  Thibihrine, 1er janvier 1994
(2) ibid.

19 août 2016

Amour et espérance

"Le plus haut degré est atteint lorsque « la Loi habite au milieu de notre cœur » (Ps 39,11)" (1). La méditation des textes du jour nous conduise à une lecture spirituelle du texte d'Ézéchiel 37.

Et si les ossements desséchés étaient nos corps fermés au souffle de l'Esprit.  Nous serions des coeurs de pierre (Ez. 36), envahis par la violence,  la peur, les tentations de rejeter ceux qui sont différents,  au nom d'une soi-disant supériorité culturelle qui masque nos propres violences. 

Laissons nous relever par le souffle ténu de l'amour.  Il dort en nous depuis le baptême(2),  faute de trouver chez nous la bonne terre, celle d'un coeur de chair, un coeur pour aimer.

Seul l'amour de l'étranger ouvrira nos coeurs à la vie.

C'est l'unique double commandement du Seigneur. (Cf. Mat 22)

(1) Sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix, L'Histoire et l'esprit du Carmel (trad. Source cachée, Cerf 1999, p. 221)
(2) Diadoque de Photicé, cf. tag sur ce père de L'Église.

18 août 2016

Mais qui donc est Dieu ? - CR de lecture

"Mais qui donc est Dieu pour nous aimer ainsi fils de la terre (1)" est une contemplation de la pédagogie de Dieu vers l'homme.

L'intérêt majeur de l'apport de Francis Barbey réside dans la mise en perspective de deux histoires de civilisation (les Kroumen à l'est de la Côte d'Ivoire  et l'histoire juive).
En ouvrant et élargissant la recherche dans une démarche inductive, l'auteur rappellent ces couches successives dont parle Paul Beauchamp dans la constitution de l'Ancien Testament, comme autant de relectures personnelles et collectives, récits qui creusent et préparent la révélation christique ultime‎.

Sa lecture ouvre des horizons, élargit la quête de Dieu à l'univers et nous ouvre à une "messe sur le toit du monde" au sens theilhardien.

L'enjeu est là : comprendre que l'histoire des quêtes humaines est notre histoire, que l'on ne peut conduire l'homme vers des certitudes toutes faites, mais être, à l'image du Christ sur le chemin d'Emmaüs, des passeurs de sens, qui marchent à côté de l'homme vers cet "a-venir" qu'il évoque.

Retenons aussi la belle image du "ventre de Dieu" (p. 86), qui évoque à la fois les entrailles divines d'Osée 11 que le "en-christo" paulinien.

(1) Père Francis Barbey, Mais qui donc est Dieu pour nous aimer ainsi fils de la terre ?, Editions Paulines, 2016.

17 août 2016

Le bon pasteur

Plus que l'idée de l'ouvrier de la dernière heure qui nous font rêver dans nos élans de liberté, c'est la figure du Père qui pouvoit des pasteurs et des ouvriers pour sa vigne que nous sommes appelé à contempler aujourd'hui. 
Donnes nous Seigneur des hommes qui ne servent pas leurs intérêts mais le royaume....

" Tous ceux qui, à une foi droite, ont joint les bonnes œuvres ont été les ouvriers de cette vigne." (1)

Donne nous d'avancer sur tes chemins d'humilité.

(1) Saint Grégoire le Grand,  Homélies sur l'Évangile, n°19 (trad. Le Barroux).

06 août 2016

Ode à l'agir pour l'amour

La tentation serait de se contenter de reposer en Dieu de se remettre à son agir seul. Notre agir ne doit pas pour autant viser une utilité première, mais plutôt l'amour. Notre agir doit viser la véritable gratuité : celle qui perçoit que nous ne sommes que les "mains de Dieu".
"Le Christ a vécu sa vie non en vue d'une récompense, mais par amour" (1)

(1) Anonyme de Francfort, cité par Hans Urs von Balthasar GC7 p. 134

05 août 2016

Pierre


A contempler à l'aune des grands discours sur l'Eglise.
Un chemin d'humilité et de miséricorde...

"Il a fallu que Pierre, lui à qui l'Église devait être confiée, la colonne des Églises (Ga 2,9), le port de la foi, celui qui allait enseigner le monde entier, se montre faible et pécheur. Oui, vraiment, c'était pour qu'il puisse trouver dans sa faiblesse une raison d'exercer sa bonté envers les autres." (1)

(1) Saint Jean Chrysostome, ‎Homélie sur saint Pierre et saint Élie, 1 ; PG 50, 727 ‎

04 août 2016

Humilité de Dieu - Angèle de Foligno

A contempler :

L'éternelle "humilité de Dieu" rayonne avec une irrécusable clarté dans "l'humilité du Christ", dans sa pauvreté (...) sa douleur infinie "multiple, inexprimable et cachée" sur la Croix (...) douleur intolérable et continuelle" (...) " sans adoucissement"(1)

Angèle de Foligno, cité par Hans Urs von Balthasar, Gc7 p. 146‎-7

03 août 2016

Se laisser manger...

Dure condition humaine que de sentir Dieu nous échapper alors qu'on croit le saisir. Le chemin du désert, c'est aussi connaître Son silence qui creuse en nous le désir.

"Entrer dans le travail intérieur (1) qui consiste à laisser agir Dieu, ce travail qui, par-delà l'action et la passion, les embrasse toutes deux. Cette oeuvre correspond à la vie eucharistique de Jésus : manger Dieu et être mangé par Dieu, avoir comme nourriture la volonté divine et être soi même une nourriture pour Dieu (2)".

Plus encore, il nous faut aussi renoncer à l'idée d'imiter la souffrance du Christ, prendre conscience de la distance qui nous sépare de lui et nous placer en "un grand cercle" avec le Crucifié au centre, sans prétendre atteindre celui qui révèle l'amour le plus fort et le plus caché, dans une "insondable et mystérieuse nuit" jusqu'à sentir que la sagesse divine " se révèle parfaitement "dans la folie et la faiblesse de la Croix" et dans les "mystères de l'abandon souffrant et sacrifié"  (3).

Notre désert n'est en effet qu'un avant goût de la déréliction...


(1) Jean Tauler, Predigten 54 II 49
(2) 60c II 98-99, cité par Balthasar, GC7, p. 129
(3) GC7, p. 130, citant Henri Suso.


Un roman pour l'été - D'une perle à l'autre

Vient de paraître, la nouvelle version intégrale de ma saga à fort contenu théologique "D'une perle à l'autre". Un roman qui part de la vallée d'Avre en 1944 et explore la question de l'amour, du pardon, de l'Eglise, du respect de la personne et de la souffrance...

D'une perle à l'autre reprend en un tome les romans et nouvelles parues sous les titres de :
- Le pont des planches,
- Le cheval d'écume
- La perle
- Le vieil homme et la perle
- Le désir brisé
- La caresse de l'ange
- La danse des anges
- In Utero
et donne en bonus, "Le fruit du silence"...
Près de 700 pages pour occuper votre été...

Si vous préférez en petit morceau, chaque titre est sous Kindle...

02 août 2016

Dieu dans nos mains

"C'est dans notre activité que Dieu agit"(1). C'est dans notre silence que Dieu fait entendre son appel et nous invite à replonger dans notre origine. (..) quand l'homme se met en quête de Dieu, il y a bien longtemps que Dieu est en quête de lui. (2)

En lisant ces extraits de Jean Tauler, je repense à l'homélie entendue dimanche. Le jeune prêtre qui s'exprimait nous parlait d'un Dieu sans changement. Quel est le fondement scripturaire de son affirmation ? On y sent plutôt l'influence d'une doctrine grecque, probablement aristotélicienne ou néo thomiste. Elle a ses mérites mais conduit pour moi à un désert pastoral, car elle annonce un Dieu froid et juge, loin de la kénose intratrininitaire, de la circumincession des personnes divines et surtout de ce qui est probablement à ses yeux un anthropomorphisme : un‎ père qui se penche vers l'homme, un Christ serviteur, un esprit qui s'enfouit dans l'humanité pour le rejoindre et l'habiter.
Que Dieu soit éternel, fidèle et bon et son amour infini oui. Mais que l'amour divin soit sans changement, sans compassion ou sans miséricorde, j'ai du mal...

(1) Jean Tauler, Predigten n. 43 I 191
(2) n. 53 II 43, cité par Hans Urs von Balthasar, GC7 p. 127

01 août 2016

La surprise divine - 2


Écoutons à la suite de Spadaro,  saint Ignace sur ce thème.  Il nous faut considérer "Dieu présent dans toutes les créatures.  Il est dans les éléments (...) les plantes (...) les animaux (...), dans les hommes (...) Il est en moi-même de ces différentes manières,  me donnant tout à la fois l'être,  la vie, le sentiment et l'intelligence.  Il a fait plus : il a fait de moi son temple ; et dans cette vue, il m'a créé à la ressemblance et à l'image de sa divine Majesté" (Exercice spirituel,  235).
Chercher Dieu en toutes choses, completerai-je ne consiste pas temps à le croire en moi, qu'à le percevoir dans ce frère que je n'arrive pas à aimer. Alors, sa présence chez lui, comme reçue sacramentellement en moi, me fait tendre à l'inoui de Dieu,  cette irruption surprenante du bien en moi et en lui qui dépasse nos différences pour tracer un chemin d'unité. 

C'est là une vision dynamique,  en mouvement(2),  qui "parie sur la fertilité de la semence,  en triomphant de la tentation de hâter" (3) et nous appelle à protéger le bon grain en laissant aux anges la moisson de l'ivraie" (4).

(1) cité par Spadaro,  op. Cit p. 113
(2) p. 114
(3) p. 115
(4) Jorge Maria Bergoglio,  Disciplina e passione. Le sfide di oggi per chi deve educare, Milan, Bompiani, 2013, p. 42

31 juillet 2016

Dieu, l'éternelle surprise

Trouver Dieu dans l'aujourd'hui demande une attitude contemplative. Car trouver Dieu en toutes choses n'est pas "un eurêka empirique" (1), mais contempler Dieu comme premier, toujours premier,  "Un Dieu qui nous précède" (2), un Dieu qui se rencontre en marchant, non dans un relativisme indistinct, mais "comme une surprise.  On ne sais jamais où ni comment on le trouve, on ne peut pas fixer le temps ou les lieux où on Le rencontre (3).

Dieu est dans chaque homme. Il n'est pas dans une doctrine ou une contrainte, mais se révèle dans l'irruption du bien. "Même si la vie d'une personne est un terrain plein d'épines et de mauvaises herbes, c'est toujours un espace dans lequel la bonne graine peut pousser" (4). Tel est notre espérance,  celle d'un Dieu qui se révèle par surprise dans "Le bruit d'un fin silence" (1 R 19) dont nous avons montré qu'il pouvait être le cri de l'homme comme le chant des anges (5).

(1) Le pape François,  L'Église que j'espère,  entretien avec A. Spadaro, p. 107
(2) ibid. p. 108
(3) et (4) p. 109
(5) Cf. Humilité et miséricorde,  tome 1 p.109ss

30 juillet 2016

Un amour qui élargit


Comme le souligne bien Ronald D.  Whitherup (1),  l'appel de Paul à l'imiter peut paraître surprenant voir orgueilleux si ce dernier n'était ampli d'humilité et si surtout sa vie visait l'imitation du Christ (cf. notamment Ph. 3). Et en même temps, la contemplation de ses lettres poussent à entrer dans un amour plus large.

Saint Jean Chrysostome nous le fait remarquer avec justesse dans son commentaire de 2 Corinthiens : "Notre cœur s'est dilaté.De même que la chaleur produit un épanouissement, la charité a pour effet de dilater, car c'est une vertu chaude et ardente. C'est elle qui ouvrait la bouche de Paul et dilatait son cœur. « Je ne vous aime pas seulement en paroles », veut-il dire. « Mon cœur s'accorde avec ma bouche : je m'exprime donc en pleine liberté (...) » Il n'y avait rien de plus largement ouvert que le cœur de Paul. Il aimait ardemment tous les fidèles, comme si chacun était son préféré, sans laisser son affection se diviser ou s'affaiblir, mais en la faisant reposer tout entière sur chacun. Et qu'y a-t-il d'étonnant à ce qu'il ait eu un tel amour pour tous les fidèles, lui dont le cœur embrassait jusqu'aux infidèles de la terre entière ? C'est pourquoi il ne dit pas : « Je vous aime », mais ce qui est beaucoup plus éloquent: Notre bouche s'est ouverte, notre cœur s'est dilaté ; nous vous tenons tous au-dedans de nous, non pas d'une façon quelconque, mais de la façon la plus généreuse. Car celui qui est aimé se trouve parfaitement à l'aise dans le cœur de celui qui l'aime. C'est pourquoi saint Paul ajoute : Vous n'êtes pas à l'étroit chez nous, c'est dans vos cœurs que vous êtes à l'étroit. Vous voyez que son reproche est plein de délicatesse, comme il convient à ceux qui aiment vivement. Il ne dit pas : « Vous ne nous aimez pas », mais « Vous ne nous aimez pas dans la même mesure. » Car il ne veut pas les reprendre trop fortement. (...) On peut parfaitement voir combien son amour pour les fidèles est ardent, si l'on recueille ses propos dans chacune de ses lettres. Il dit aux Romains : J'ai un très vif désir de vous voir; j'ai souvent projeté de me rendre chez vous; il demande continuellement d'avoir enfin l'occasion de se rendre chez vous. Il dit aux Galates : Mes petits enfants que, dans les douleurs, j'enfante à nouveau. Aux Éphésiens : Je tombe à genoux en priant pour vous. Aux Philippiens : Quelle est notre espérance, notre joie, notre orgueil, sinon vous ? Et il disait que, dans sa captivité, il les portait dans son cœur. Aux Colossiens : Je veux que vous sachiez quel rude combat je mène pour vous et pour tant d'autres qui ne m'ont jamais vu personnellement, afin que vos cœurs soient encouragés. Aux Thessaloniciens :Comme une mère qui entoure de soins ses nourrissons, ayant pour vous une telle affection, nous voudrions vous donner non seulement l'Évangile, mais tout ce que nous sommes. (...)
Vous n'êtes pas à l'étroit chez nous, dit-il ici aux Corinthiens. Il ne dit pas seulement qu'il les aime, mais aussi qu'il est aimé d'eux, afin de les attirer davantage. Et il l'atteste lorsqu'il dit : Tite est venu nous faire part de votre vif désir, de vos larmes, de votre zèle." (2)

(1) cf. 101 questions,  op Cit.
(2) Saint Jean Chrysostome,  Homélie sur la deuxième lettre aux Corinthiens, source AELF



29 juillet 2016

La tentation raisonnante

"Celui qui veut éprouver Dieu doit éprouver tout dans l'Un et ne s'opposer à aucune souffrance, mais cela c'est le Christ", disait déjà Denys (1)‎. Cette phrase introduit un long développement de Balthasar sur l'évolution de la pensée rationnelle au delà de Jean Tauler et de ses pairs. Il y décrit la tentation de tout ramener à la raison au point de sortir Dieu pour y substituer "la transcendance impersonnelle de notre esprit".

On sent bien à ce stade le risque qui pointe de ne plus vouloir accepter l'inconnu de Dieu. Ce qui est inconcevable par l'homme ne peut être. Mais la tentation de tout raisonner laisse-t-elle une place au souffle divin ?

Nous entrons là dans l'ère moderne. Notre chemin n'est-il pas d'entendre cet ultime défi de l'orgueil humain qui veut refuser ce qu'il considère comme étant la faiblesse de la foi. Notre tâche est immense car l'écart entre Dieu et l'homme n'a cessé depuis de s'étendre. Pour. Le rejoindre  "Il faut une Église qui n'ai pas peur d'entrer dans leur nuit. Il faut une Église capable de les rencontrer sur leur chemin. Il faut une Église en mesure de se mêler à leurs conversations. Il faut une Église qui sache dialoguer avec ces disciples, qui quittent Jérusalem, errent sans but, seuls avec leur désenchantement, avec la désillusion d'un christianisme considéré comme un terrain stérile, infécond, incapable de générer du sens." (2)

(1) GC7 p. 124
(2) Pape François, discours à l'épiscopat brésilien à Rio le 27/7/2013, cité par Spadaro op. Cit p. 98



28 juillet 2016

Les limites de l'apathie

Nous continuons notre lecture du tome 7 de la Gloire et la Croix (GC7). Au delà de F. Suarez et Maître Eckhart, l'apathie chrétienne semble s'être affrontée au réel, à la souffrance, dans son irréductible réalité. Doit-on pour cela nier l'intérêt du chemin intérieur qui relativisait notre importance et nous rendait disponible à Dieu ?
L'erreur d'Eckhart semble être pour Balthasar dans l'excès. L'apathie peut conduire à l'indifférence à l'autre, à l'individualisme mystique. A l'autre bout du spectre, la souffrance peut aussi nous envahir au point de rejeter Dieu...

Le chemin est dans  l'entre- deux, et probablement dans un retour au centre qui ne rejette ni la souffrance ni la kénose.




27 juillet 2016

Au service de l'homme

Toujours à la recherche de pépites je ne peux que reproduire cette citation qui fait écho à cette belle image longuement commenté de Bonaventure, qui voit l'homme tenant une misérable amphore au milieu du fleuve de l'amour divin(1). Ici Jean de Ruysbroeck va plus loin :‎ "Dieu s'est mis humblement au service de l'homme, si courtoisement et fidèlement que le chrétien se sent toujours loin derrière Dieu pour la vénération et le service" (2). 

On s'approche là de la danse kénotique de Dieu vers l'homme, dont on retrouve des accents chez J. Moingt.

L'accent trinitaire est aussi présent puisque l'auteur évoque au delà du Christ offert "cette lumière éclatante et incompréhensible : auguste Trinité" qui investit de tout son éclat et aveugle tout oeil humain, tellement elle est insondable"  (...) tout "revigorant l'homme" (3) de sa présence. 
Élan mystique ? Consolation ? Je pencherai pour une simple contemplation de la grâce divine, qui survient quand on ne l'attend pas et donne à l'homme la force d'agir.

(1) cf GC2 et mon livre éponyme.
(2) Jean de Ruysbroeck, L'ornement des oeuvres spirituelles, I, 12, cité par Hans Urs von Balthasar, GC7 p. 139
(3) ibid.


Semences et miséricorde

La liturgie nous donne à contempler le beau texte du semeur. Sous la plume de saint Jean Chrysostome on y voit la mesure débordante et miséricordieuse de Dieu : "On aurait raison de faire des reproches à un cultivateur qui semait si largement... Mais quand il s'agit des choses de l'âme, la pierre peut être changée en une terre fertile, le chemin peut n'être pas foulé par tous les passants et devenir un champ fécond, les épines peuvent être arrachées et permettre aux grains de pousser en toute tranquillité. Si ce n'était pas possible, il n'aurait pas répandu son grain. Et si la transformation n'a pas lieu, ce n'est pas la faute du semeur, mais de ceux qui n'ont pas voulu se laisser changer. Le semeur a fait son travail. Si son grain a été gaspillé, l'auteur d'un si grand bienfait n'en est pas responsable."‎ (1)

(1) ‎Saint Jean Chrysostome, ‎Homélies sur Mt, 44 (trad. Véricel, L'Evangile commenté p. 138s) ‎

Face à la haine

On ne peut que penser à la clairvoyance du regretté René Girard, dans cette surenchère mimétique qui s'amplifie et montre jusqu'où la folie humaine peut conduire.  Plus que jamais le silence de la Croix semble être la meilleure réponse à la surenchère et au bruit.
Seul le souffrant, élevé sur le bois de la Croix, apparaît comme la solution à cette haine.

26 juillet 2016

Nativité de la Vierge

Si l'on contemple aujourd'hui la nativité de la Vierge elle même et si l'on affirme qu'elle a été conçu sans péché,  ce n'est pas pour déclarer que l'union des corps est lieu de chute,  mais plutôt pour nous aider à percevoir le chemin qu'il nous reste à parcourir pour atteindre cette perfection à venir qui fera de nos corps le temple véritable du Seigneur. 
Qui sommes nous en effet pour accueillir en nous la sainteté de Son Corps déchiré ?
Si la grâce nous donne de le recevoir,  c'est peut être qu'à son contact ce qui est indigne de lui se purifie, tel un buisson épineux brûlant sans se consumer mais devenant empli de l'intérieur de l'inconnaissable et inouï amour de Dieu pour l'homme.
Creusons en nous cette soif intérieure qui transformera nos corps pour ne faire qu'avec lui une seule chair. Entrons dans cette dynamique sacramentelle qui fait de nous des fils, pâles images d'un Dieu qui se révèle en nous, en dépit de nos faiblesses.

" Tandis que le Christ saint, innocent, sans tache, venu uniquement pour expier les péchés du peuple, n'a pas connu le péché, l'Église, elle, qui renferme des pécheurs dans son propre sein, est donc à la fois sainte et appelée à se purifier, et poursuit constamment son effort de pénitence et de renouvellement. » (LG 42)

25 juillet 2016

Le Dieu du sans pourquoi - Maître Eckhart

Depuis la rose qui fleurit sans raison (Silesius) jusqu'à l'homme qui parvient à l'acceptation totale des choses, sans plus s'interroger sur les raisons de Dieu, l'apport de Maître Eckhart, qui voit l'égalité de l'être et de Dieu n'est pas qu'un panthéisme indistinct. C'est aussi une contemplation qui rejoint l'apathie citée plus haut. L'homme y est appelé à chercher la "très chère volonté de Dieu et rien d'autre" (1)

(1) Hans Urs von Balthasar , op Cit, GC7 p. 106 citant Reden der Unterweisung 22, D V 285