17 juin 2005

Figure

"Le beau se choisit une figure, par une parole incarnée définitive pour se dévoiler et se répandre à profusion dans le monde. Face à cette figure, saisi par l'action qui la brise pour en faire émaner la puissance victorieuse, personne ne reste insensible ; et si l'on est ému, on ne peut plus demeurer inerte sur son banc de spectateur : on est appelé par la figure à monter soi-même sur la scène : "Si un seul est mort pour tous, alors tous sont morts" (2 Cor 5,14). (1)

La notion de figure, qui sera développée (et discutée) dans le tome suivant est intéressante à noter à ce stade. Et de fait, je retiens de cette page qui frôle la poésie, le sens véritable du dévoilement. Alors que le voile cachait Dieu, il est maintenant déchiré de haut en bas (cf. Marc 15,38), parce que plus rien ne peut cacher l'amour, visible et élevé sur le bois de la croix...





(1) Urs von Balthasar, ibid p. 28

16 juin 2005

Election

Il te fait changer de vie...
Lorsque l'on est marqué une fois pour toutes par le Beau, comme un contact bouleversant, une élection, tout est regard et ravissement. On est "ravi en Dieu" (1). Entre l'épiphanie qui est d'ordre esthétique et la conversion réelle à une dramatique, il faut probablement le chemin intérieur de l'auto-conversion de l'étant.... "Or le ravissement n'est possible que lorsque Dieu confie une mission", ajoute Balthasar. "Quand le beau est contemplé dans sa réalité vraiment originelle, la liberté s'ouvre en profondeur et fait surgir la décision" (...) "se laisser modeler par l'unique offert à ma rencontre, non séparé de la Parole, l'élection présente son caractère d'universalité. L'élu introduit dans le domaine du Verbe unique (ibid). Le Livre dévoré et la saveur reste dans la bouche. Le Verbe, il lui faut le proclamer." (2)
Ces phrases font raisonner en moi la saveur des psaumes, ce qu'elle disent de Dieu et de cette intimité incomparable entre l'homme et l'infini d'amour, qui conduit à chanter le psaume 139 non pas comme une plainte coupable mais comme la joie d'un homme traversé par le regard aimant de Dieu...

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 26
(2) ibid

Clochard...

Le clochard du coin est aussi une oeuvre d'art... Il a une place unique aux yeux de Dieu. En prendre conscience, c'est percevoir le mystère de l'amour infini de Dieu en tout homme, qui au-delà des contingences qui l'ont mis dans cet état, continue de tracer en lui l'espérance d'une vie. Certains sourires, certains échanges me font prendre conscience à la fois d'une profonde solitude et de la fraîcheur de ceux qui ne sont plus rien que des enfants de Dieu. Et cependant, je me sens impuissant... et souvent hypocrite.

15 juin 2005

Esthétique - I

Le pouvoir de l'expression esthétique n'est jamais contraignant. Il est libérateur. On peut passer à côté "A peine ont-ils pris garde à toi". (1) En relisant ce texte, je suis frappé par l'interpellation mondiale qu'a pu généré les obsèques de Jean Paul II... Tant de fidèles et à côté tant d'apparente indifférence, mais aussi des paroles surprenantes, une lente prise de conscience... N'y a t-il pas finalement ici une excellente pastorale...

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 24

Eschatologie

Est-ce que Pâques ne relève pas de l'eschatologie ? (1)
On peut s'interroger en effet sur la portée du message de Pâques qui dépasse en soi le récit des évangiles et préfigure cette victoire sur la mort, annoncée et proclamée par l'Eglise.
En cela Pâques reste pour moi un mystère et le signe fragile et hyperbolique d'une annonce de ce qui ne sera révélè qu'à la fin des temps...


(1) Urs von Balthasar, ibid p. 23

14 juin 2005

Anthropocentrique

"Une esthétique anthropocentriste moderne est plus à même de nous offrir une précompréhension de la manifestation de Dieu dans la figure ultime de sa révélation qui est la mort et la déréliction du Christ. Au coeur de la figure à déchiffrer qui donne la clé de tout, il y a la non figure de la Croix, à partir de laquelle le spectateur croyant devient capable de déchiffrer la sur-figure de l'amour trinitaire qui se manifeste" (1). Je ne sais s'il faut opposer ces deux esthétiques mais s'il ne faut pas au contraire les conjuguer et voir dans la révélation et dans l'auto-manifestation intérieure deux sources fécondes qui conduisent à l'ultime vision.


(1) Urs von Balthasar, ibid p. 22

Dieu nous précède.

Il y a des moments privilégiés, quand nous constatons émerveillés que se révèle à nous une réalité unique et précieuse : l'exemplarité de la rose précède la causalité qui en donne raison mais "la rose a fleuri de tout temps dans l'éternité de Dieu" (1). Ce qui semble être le fruit de notre amour le plus pur n'est-il pas comme la rose, la réalisation d'un projet nourri par Dieu depuis toute éternité et dont nous nous sommes faits les instruments.

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 18

13 juin 2005

Identifié au rôle...

"Seul l'homme-Dieu s'est identifié à son rôle. Plus un homme se rapproche de son rôle, plus il devient "interprète" authentique du drame divin. Seul les saints y parviennent." (1) On retrouve dès le début du deuxième tome de cette Dramatique la tension du drame. Mais cela réveille en moi ce qui était déjà noté dans le deuxième tome de la Gloire et la Croix, à propos de Bonaventure, sur la trace, l'image et la ressemblance. Seul le Christ est ressemblance véritable... Qu'est-ce à dire, si ce n'est que nous sommes appelés à ce décentrement qui fait de nous des êtres de lumière, c'est-à-dire que si nous parvenons à rejoindre rôle et agir, si notre amour est véritable, nous pourrons rayonner de cet amour qui nous anime. A défaut, et comme le souligne Lévinas dans difficile liberté, nous masquons la lumière. Quand notre adhésion libre est complète, nous devenons alors participant au drame, membre du Christ, digne de notre baptême dans sa mission de prêtre, prophète et roi.


(1) Urs von Balthasar, ibid p. 11

Révélation

Dieu se révèle en son Fils, axiome fondamental loin d'un Dieu pur énergie : "Il se révèle réellement tout en restant inconnaissable". (1) On est pour moi ici au coeur même du mystère de l'incarnation. La révélation ne peut être totalement explicite au point que l'homme en perdrait sa liberté et cependant il faut qu'elle soit complète pour qu'il ne puisse y avoir d'ambiguïté. C'est pour quoi, au delà d'une incarnation datée il demeure la liberté de rejeter et l'évidence que ce Jésus est Fils de Dieu, pour celui qui au coeur de lui-même prend le temps de s'ouvrir intérieurement à cette présence.


(1) Urs von Balthasar,
Dramatique Divine,
II - Les personnes du drame
1. L'homme en Dieu,


Culture et Vérité, Namur, Editions Lethilleux, Paris, Le Sycomore, Trad. Yves Claude Gélébart et Camille Dumont. (C) Thedramatik, II Die Personnen des Spiel, 1 - Der Mensch ins Gott, Johannes Verlag, Einsiedeln 1976
(c) Pierre Zech Editeur, Paris 1986 pour la Version française

12 juin 2005

Verbe médiateur

Si le monde du cela domine le monde du Tu (1), ce n'est que lorsque Dieu parle que ce "moi" reconnaît son frère et comprend (2). Le Verbe serait donc ce/au bas de la tour, ce lieu de la rencontre entre moi et l'autre, ce lieu après avoir été traversé par la Parole, on devient écoutant d'un autre qui se révèle, épiphanie d'un visage qui apparaît et dont je découvre l'existence. Epiphanie qui comme pour Adam, nous fait crier, nous donne accès à la parole. Voici l'os de mes os, une même chair mais différent, autre.

(1) d'après Urs von Balthasar, ibid p. 545
(2) ibid

Je et Tu

Selon Ebner, Buber, G. Marcel ou Rosenzweig, le principe dialogal, c'est la découverte du Tu qui m'amène moi même à la conscience de mon Je (1). L'irruption de l'autre dans ma vie est le cadeau qui me permettra de sortir de mon enfermement sur moi-même. Encore faut-il que ma relation avec l'autre ne soit pas de nature objectale (l'autre pris comme objet), mais qu'il s'agisse d'une rencontre de personne à personne, c'est-à-dire que je descende de la tour de mon moi pour aller à la rencontre d'un Tu... Ou pour reprendre la terminologie de Gabriel Marcel, que je passe de l'avoir à l'être.
L'existence n'est pas dans le Je mais entre le Je et le Tu, et Dieu est fondateur de cette relation. Car Dieu est le Tu éternel auquel le Tu humain ne peut atteindre. Il peut nous arriver de rencontrer cependant une certains sécheresse, mais note Balthasar, "c'est nous qui ne sommes pas là" (2).

(1) d'après Urs von Balthasar, ibid p. 534-5
(2) ibid p. 542

11 juin 2005

Péché originel

Pour Schelling, le péché originel est dans la préférence donnée à la volonté propre sur la volonté de l'amour divin, "au dessus du créé"... (1). Je ne comprends pas cela comme un esclavage, mais bien comme un acte de discernement. Cela fait résonner pour moi la phrase de Paul, dans Romains 12 : "Ne vous conformez pas au siècle présent, mais soyez transformés par le renouvellement de l'intelligence, afin que vous discerniez quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, agréable et parfait." Ce discernement est peut-être le chemin de notre liberté, celle qui nous éloigne de la volonté du fond et nous permet d'entrer dans celle qui donne vie, et qui est amour.
L'homme pour être bon devrait mourir à toute particularité, subordonner sa volonté propre à la volonté de Dieu. Pour vivre en Dieu, qui est pour chaque volonté particulière un feu dévorant, l'homme doit mourir à toute particularité (2).
On en arrive au paradoxe d'un Dieu qui respecte notre unicité, qui nous a créé unique, mais qui nous appelle à trouver en nous et en l'autre, ce qui deviendra le feu dévorant de l'amour, et ce qui en cela nous libérera de nos servitudes.


(1) Urs von Balthasar, ibid p. 488
(2) ibid p. 489

Dieu, non autre

"Même quand nous sommes en Dieu, subsiste toujours en nous quelque chose qui n'était pas Dieu. Dieu hors de Dieu comme la fleur qui s'élève grâce à la lumière mais qui n'est pas lumière" (1). Cette distinction me semble essentielle, je l'ai déjà soulevé plus haut à partir de La Custode de Theillard de Chardin. On retrouve également le non aliud de Nicolas de Cuse. Dans cet autre que l'on ne peut saisir, on perçoit l'ouverture qui permet à la fois une vision anthropocentrique tout en laissant la place à une transcendance. Peut-être que finalement l'idée de temple de Dieu est ce qu'il y a de plus proche. Dieu repose en nous, en l'autre mais on ne peut le saisir. Toujours peut-on être attentif à cette présence, pour devenir transparent de la lumière.
Cette pensés rejoint celle d'Hegel lorsqu'il note la désespérance pour un particulier d'arriver à la vérité s'il demeure dans son pour soi. D'après Balthasar, il souligne ainsi le plus sévère enseignement de dépassement de soi destiné à une personnalité attachée à elle même. (2)
Mais chez Hegel, trois figures reprennent cette direction.
a) le stoïcisme, ou l'être est chez soi. L'homme n'a pas de contenu propre ce qui le conduit à l'ennui.
b) le scepticisme qui conduit à une conscience de soi confuse
c) ou le chrétien qui fait reddition de son autonomie dans l'obéissance, dans la renonciation. (3)
Mais cette critique de Hegel fait abstraction pour moi de la victoire, celle de Dieu qui unit à l'homme s'inscrit sur le chemin d'une liberté retrouvée, d'une humanité qui par sa conformité libre au désir de Dieu, participe à la victoire de l'amour.


(1) Urs von Balthasar, ibid p. 491
(2) ibid p. 493

10 juin 2005

Liberté et fond...

"Décider entre deux principes qui s'opposent en l'homme". Qu'il y en ait deux est décisif : "la volonté de l'homme et la volonté du fond. De fait, on ne peut supprimer le fond car sinon l'amour ne peut exister et le fond doit être à l'oeuvre indépendamment de l'amour afin que ce dernier existe réellement. Par suite, l'homme est comme quelqu'un qui saisi de vertige sur une cime escarpée éprouve l'angoisse de la vie à cause de la sollicitation du fond en lui et il ne faut pour cela aucun diable (1)
Si je comprends ce passage, on en arrive à estimer que l'existence du mal rend possible la tension dramatique et de ce fait la liberté.

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 488

Immuable

Je reste perplexe devant cette affirmation de Schelling : "nous retirer des vicissitudes du temps dans notre intimité, notre foi dépouillée de tout ce qui est venu s'y ajouter de l'extérieur, et là contempler en nous l'éternel sous la forme de l'immuable." (1) Cette immuabilité de Dieu reste pour moi un concept philosophique se heurte foncièrement à ma vision du dialogue Homme-Dieu, même si je reste sensible à l'appel à la contemplation. Le volume 2 de cette dramatique, m'aide finalement à comprendre ce qui reste encore difficile à appréhender dans ce tome. Affaire à suivre donc.


(1) Urs von Balthasar, ibid p. 486