27 août 2014

Les deux églises - 2

Le sujet reste complexe. Notre pape François s'est inquiété de la même façon sur ce thème :
"Dans quel sens l'Église est-elle sainte, quand on voit que l'Église historique, dans son chemin tout au long des siècles, a connu tant de difficultés, de problèmes, de périodes sombres ? Comment une Église constituée d'êtres humains, de pécheurs, peut-elle être sainte ? Une Église faite d'hommes pécheurs, de femmes pécheresses, de prêtres pécheurs, de religieuses pécheresses, d'évêques pécheurs, de cardinaux pécheurs, d'un pape pécheur ? Tous. Comment une telle Église peut-elle être sainte ?
      Pour répondre à cette question, je voudrais me laisser guider par un passage de la lettre de saint Paul aux chrétiens d'Éphèse. L'apôtre, en prenant comme exemple les relations familiales, affirme que « le Christ a aimé l'Église : il s'est livré pour elle, afin de la sanctifier » (5,25s). Le Christ a aimé l'Église, en se donnant tout entier sur la croix. Cela signifie que l'Église est sainte parce qu'elle procède de Dieu qui est saint. Il lui est fidèle ; il ne l'abandonne pas au pouvoir de la mort et du mal (Mt 16,18). Elle est sainte parce que Jésus Christ, le Saint de Dieu (Mc 1,24), est uni à elle de façon indissoluble (Mt 28,20). Elle est sainte parce qu'elle est guidée par l'Esprit Saint qui purifie, transforme, renouvelle. Elle n'est pas sainte du fait de nos mérites, mais parce que Dieu la rend sainte.*".

Je ne pense pas être loin, dans mon post précédent de cette conclusion.

* Audience générale du 02/10/2013 (trad.  © copyright Libreria Editrice Vaticana) ‎

23 août 2014

Les deux églises

Dans un compte rendu paroissial, j'ai osé un jour parler de l'Église pécheresse, un  concept que je tiens de J. Moltman et de H. Kung. Un ami diacre a eu la gentillesse de corriger mon texte et de parler d'hommes pécheurs.
Depuis cette idée me travaille. Je conçois que le terme peut choquer une brebis sans berger. Et pourtant le péché de l'institution en tant que corps constitué est possible, probablement par qu'il est le fruit de dérives et d'aveuglements personnels. Et je ne parle pas seulement de l'inquisition. De tristes histoires nous le rappelle encore dans l'actualité. En cela la demande de pardon de Jean-Paul II avait du sens.
En fait, je crois qu'on peut dire qu'il y a deux églises en parallèle, de même que se côtoient en nous le bien et le mal. J'ai visité à Zagreb en Croatie une église dans lequel une barque est traversée d'une marque blanche en son milieu en souvenir des guerres fratricides qui ont marqué ce peuple.
Ce qui compte n'est pas l'Église visible, mais cette Église invisible que Dieu seul connaît, nourrit, habite et fait grandir. Cette Église sainte est celle que constituent tout ce bien qui, en nous, vient de Dieu, corps du Christ en marche.
L'autre Eglise, la visible, est parfois aussi très belle. Et dans nos efforts pour la rendre plus catholique (universelle) et
"diaconale" c'est à dire au service de tous les hommes‎, nous parvenons doucement à faire converger les deux. Quand je dis nous, c'est un peu prétentieux. Disons plutôt que l'Esprit en nous y veille.
Parler de deux églises est néanmoins osé. Il serait peut être plus sage de reprendre le mot souvent utilisé dans ce blogue de tension.
Sur un thème voisin, p. 217 de ESE*, J. Moingt décrit à sa manière cette tension entre des communautés ecclésiales qui cherche à vivre une diaconie horizontale et une structure verticale nécessaire qui ordonne et rassemble. Mais dire cela, à ce stade serait aller trop loin. La réalité, c'est que les deux pôles sont nécessaires, un peu comme Marthe et Marie se complètent.

* J. Moingt op. Cit.
Photo : C.HD (DR) , Eglise de Saint Lubin de Cravant. Pas très droite, mais si fragile...


Sur le même thème : "Cette Église que je cherche à aimer."

21 août 2014

Présence réelle

Un thème nouveau apporté par J. Moingt dans son livre est l'invitation à faire "des célébrations domestiques" dans le cadre de communauté en absence de prêtre. Cette vision presque futuriste mais pas dénouée de bon sens conduit un de ses auditeurs à poser la question de la réalité d'une présence réelle dans un pain partagé dans ce cadre.
La réponse qui rejoint une discussion familiale récente un peu houleuse, m'inspire ce commentaire.
J. Moingt note, et je le rejoins là dessus que "C'est par la foi que nous recevons le corps du Christ dans le partage du pain.*"
Cela ne nie pas la présence réelle dans le pain eucharistique, mais évite pour moi d'y attacher une importance démesurée. Non que l'adoration eucharistique soit un mauvais moyen de faire oraison (je la pratique aussi), mais parce que nous oublions souvent qu'en partageant le pain, nous devenons "temple du Seigneur". Alors, la place de l'eucharistie est à la fois le sommet et le départ d'une responsabilité qui nous incombe, devenir le signe visible d'une réalité aimante et pourtant cachée, celle du Christ qui "par nos mains**" rayonne de son amour.
Si nous comprenons cela, la présence réelle ne peut suffire. L'enjeu est ailleurs, dans nos vies, dans nos manières d'exercer la diaconie.
Cela dit, Teilhard, dans un beau texte nommé "la Custode" nous invite à contempler cette indicible présence qui nous échappe. On croit la tenir, dit-il en substance, et pourtant, "elle nous échappe toujours". C'est une leçon d'humilité. Nous ne sommes qu'une pâle image de cette présence. En cela, l'eucharistie devient pour nous une nourriture à renouveler.  Elle pourrait être unique, mais reste pour nous une manne, tant nous sommes incapables souvent de conserver en "notre temple" ce don. En attendant cette eau qui comblera toute soif (cf. Jn 4)

* op. cit. p. 161
** Le "par nos mains" est discutable théologiquement. A-t-il besoin de nous ? Je pense que nous sommes invités à participer à sa révélation. Deux auteurs très différents que je cite de mémoire me font penser à cela :
1. Ignace d'Antioche dans sa lettre aux Romains : " Je suis le froment de Dieu"
2. Etty Hillesum : "Je vais t'aider à ne pas t'éteindre en moi. Une chose m'apparaît plus claire, ce n'est pas toi qui peux nous aider, mais nous qui pouvons t'aider, et ce faisant, nous nous aidons nous même." in, Une vie bouleversée, Journal Intime 1941-1943 et autres lettres de Westerbrock, Seuil 1995", p. 175

20 août 2014

Le processus d'émancipation de l'homme

Commentant ce qu'on appelle la sécularisation, c'est à dire cette désaffection de nos églises, J. Moingt cite Bonhoeffer en écrivant : "C'est peut être le plan de Dieu de vouloir que l'homme s'émancipe même à son égard.*"

Cette phrase et le passage qui suit souligne le lent processus qui depuis les Lumières conduit notre société à s'affranchir de la religion comme rite et autorité sur les coeurs. Ce qui m'intéresse dans l'approche de Moingt, c'est qu'il regarde tout cela d'un oeil positif, distinguant une religion qui nous met sous la coupe d'une autorité morale coercitive du mouvement intérieur qui cherche à faire de l'homme un être responsable de ses actes, libre devant Dieu.

Bien sûr, beaucoup trouverons qu'il y a là recul. Ce qui m'intéresse, c'est pourtant que cette liberté est un choix qui fait grandir. Déjà, dans le texte de lundi (Mat 19, 21), on lisait ce "Si tu veux" chez Matthieu, commenté ainsi par Clément d'Alexandrie : " Ce mot « si tu veux » montre admirablement la liberté du jeune homme ; il ne tient qu’à lui de choisir, il est maître de sa décision. Mais c’est Dieu qui donne, parce qu’il est le Seigneur. Il donne à tous ceux qui désirent et y emploient toute leur ardeur et prient, afin que le salut soit leur propre choix. Ennemi de la violence, Dieu ne contraint personne, mais il tend la grâce à ceux qui la cherchent, l’offre à ceux qui la demandent, ouvre à ceux qui frappent (Mt 7,7).**"

L'homme peut dépasser la morale imposée pour faire le choix de Jésus. Un choix que Lévinas décrit comme an-arche : avant tout commandement. Un choix qui est la réponse à l'appel de Dieu à tout homme, à cet "Où es tu ?" de Gn 3, posé au jardin après la chute.

Je suis là. Je réponds à ton amour par l'amour.

La vraie liberté est celle de l'homme qui devient écoutant et réponds ce "Me voici" ! non parce qu'on lui dit de répondre, mais parce qu'il a en lui un désir, qu'il est à l'écoute de ce que Blondel appelle la "crypte intérieure" ou de ce que Rahner appelle l'attention à l'autocommunication de Dieu.

Bien sûr, ce choix personnel a ses limites. Mais c'est le début d'un acte de foi qui permettra ensuite de prendre conscience que la Parole de Dieu mérite d'être partagée, vécu en communion et nourrie par l'eucharistie. En respectant la liberté de l'homme, on l'ouvre à la découverte d'une foi partagée.

* Joseph Moingt, L'évangile sauvera l'Eglise, op. cit. p. 131
** Source : http://levangileauquotidien.org/M/FR/

19 août 2014

Diaconie VII - Philanthropie de Dieu et diaconie de l'Église


Le message à porter au monde nous dit Moingt* est la "révélation de la philanthropie de Dieu ". Un message, précise-t-il qu'il faut plutôt mettre en "oeuvre et en image, en paraboles comme le faisait Jésus". N'est ce pas la encore un appel à la diaconie et au service.

Je citais dans mon post précédent un extrait des notes de Congar au Concile. On trouve plus loin, dans le même livre une phrase qui m'a aussi marqué : "Dieu m’a amené à la servir et à servir les hommes à partir de lui et pour lui, surtout par la voie des idées. J’ai été amené à une vie solitaire, très vouée à la parole et au papier. C’est ma part dans le plan d’amour. Mais je veux m’y engager aussi de cœur et de vie et que ce service d’idées lui même soit un service des hommes."

Servir l'humain... Quel que soit soit sa forme, sa visibilité, l'essentiel est peut être l'essentiel en ce qu'il rayonne à sa manière de la philanthropie de Dieu.

N'est-ce pas d'ailleurs ce que le monde retient de plus beau à travers les gestes désintéressés des Soeurs Téresa, Emmanuelle ou d'un abbé Pierre ou Ceyras comme d'un Jean Vannier. Si ce service de l'humain est le seul message qui passe, n'est-ce pas en sa manière d'être "à genoux devant l'homme".

Poursuivons avec Congar : "Quand on regarde vivre l'Église, (...) ce qu'elle est et porte en elle (...) Il y a là, de sa part, dans les formes mineures au moins de son sacerdoce, de son prophétisme, l'exercice d'une forme de royauté, non d'autorité et de puissance — elle ne l'a pas — mais d'influence et de service, qui répond à sa véritable situation par rapport au monde. Car on peut dire qu'elle en a la responsabilité (...)". Le dominicain cite à ce sujet précise que "l'Eglise a [notamment] dans ce cadre véritablement le nom de semence ou cellule germinale du Royaume qu'aiment à lui donner en particulier les théologiens de langue allemande (Keimzelle)****".

Ce que saint Justin appellait les spermatikos logos ne sont-ils pas ces germes d'amour qui en scintillant de l'amour humain véritable deviennent signes de la philanthropie de Dieu.

* J. Moingt, L'Évangile sauvera l'Église, op. cit p. 121
** Yves Congar, Mon Journal du Concile I, 1960-63, Cerf, Paris, 2002, op. cit. p. 384
*** Yves Congar, Jalons pour une théologie du laïcat, Cerf 1953, p. 133
**** ibid. p. 134 et sa note où il cite le livre de H. André, Die Kirche als Keimzelle der Weltgöttlichung (Leipzig, 1920)

18 août 2014

Diaconie VI - Congar - Un nouvel enjeu du laïcat


A la suite des réflexions issues de la CTI, que peut-on ajouter ? Il faut probablement chercher chez Congar les grandes intuitions du dominicain. On notera ainsi, dans ses notes prises pendant le concile, son rêve de "l'existence d’un plein laïcat" qu'il définit comme une "présence de l'Église, non par mode d’autorité cléricale mais par mode prophétique de l’humain*."

En quoi l'humain peut-il être prophétique, ci ce n'est justement dans sa manière d'être serviteur et comme le titre de mon livre le suggère : "A genoux devant l'homme" ? Le lavement des pieds pratiqué par exemple par l'Arche où chacun lave les pieds de son voisin est alors symbole efficace de cette attitude prophétique d'une diaconie qui envahit l'église. La présence de l'Arche à Dakionia était à ce titre tout à fait justifiée et je dirais "sacramentelle". 


* Source : Yves Congar, Mon Journal du Concile I, 1960-63, Cerf, Paris, 2002, p. 157

17 août 2014

Moingt VII - Rite et prière

Mes propos sur le primat de la charité sur le rite doivent être d'autant plus tempérés par une réflexion approfondie sur le sens même de la liturgie et au fond de l'acte commun sur notre propre lien avec la prière.  J. Moingt nous aide sur ce plan en insistant sur la prière non pas vue comme un rite mais comme, plus fondamentalement, comme une "interrogation de l'homme sur lui-même,  (...) une recherche du sens, (...) une respiration de l'âme*". 
Vue sous cet angle essentiel, la notion sous-jacente de tension entre liturgie et charité s'entend comme une danse entre amour et prière,  entre action et contemplation,  entre les pas de Marthe et ceux de Marie...

J. Moingt,  op. Cit, p. 99

16 août 2014

Triple dimension (Diaconie - V)


Revenons néanmoins un instant sur cette triple dimension du diacre au IVème siècle : "le service liturgique, le service de prêcher l'Évangile et d'enseigner la catéchèse, ainsi qu'une vaste activité sociale concernant les oeuvres de charité*". Ma tentation serait d'inverser aujourd'hui l'importance de ces trois facettes (je parle bien sûr de charité,  évangélisation et liturgie), probablement parce qu'à mes yeux l'image de l'Église ne pourra être rétablie que dans cette inversion. En disant cela, j'ai bien conscience de mes propres difficultés à ordonner ma vie dans ce sens.  Et pourtant je suis persuadé que la cohérence de l'Église est là. Elle ne pourra prêcher et célébrer valablement que si elle rayonne d'abord de charité. 
Bien sûr,  cette charité se nourrit des deux autres points,  mais souvent, elle oublie cette primauté,  retombant dans un ritualisme ou une morale déconnectée. 

La suite du texte de la Commission Théologique Internationale est d'ailleurs édifiante puisqu'elle note l'existence de diaconnesse dès le IIIème siècle,  depuis "Phébée, servante (he diakonos) de l'Église de Cenchrées" (cf. Rm 16,1-4)", la mention controversée de femme-diacres en Tim 1, 3,  jusqu'à ces diaconnesses instituèes dans certaines églises à partir du IIIe siècle, en certaines régions et non pas toutes où est "attesté un ministère ecclésial spécifique attribué aux femmes appelées diaconesses.[61] Il s'agit de la Syrie orientale et de Constantinople**.

Que cela ait pu être concevable redonnerait sens à l'élargissement de la notion de la diaconie et permettrait peut-être de résoudre un autre problème dans lÉglise qui touche aussi a sa cohérence

Source : CTI Il, III
** CTI, Il, IV

Note [61] de la CTI, La collection la plus étendue de tous les témoignages sur ce ministère ecclésiastique accompagnée d'une interprétation théologique est celle de Jean Pinius, De diaconissarum ordinatione, in: Acta Sanctorum, Sept. I, Anvers 1746, I-XXVII. La plupart des documents grecs et latins mentionnés par Pinius sont reproduits par J. Mayer, Monumenta de viduis diaconissis virginibusque tractantia, Bonn 1938. Cf. R. Gryson, Le ministère des femmes dans l'Église ancienne (Recherches et synthèses), Gembloux 1972.



15 août 2014

Primauté de la diaconie sur la liturgie ? (IV)

L'analyse historique du CTI montre qu'en dépit de certains efforts des Conciles, la hiérarchie entre diacres et presbytres reste difficile à établir : "Les sources nous font voir que même Chrysostome n'a pas réussi à placer, de manière évidente, les trois degrés de l'ordre ecclésial dans une continuité historique. Il y a eu des modèles chez les juifs pour le presbytérat; par contre, l'épiscopat et le diaconat ont été constitués par les apôtres. Il n'est pas clair ce que l'on doit entendre ici par ces notions.[55] Chrysostome a fait remonter le diaconat à une institution par l'Esprit Saint.[56]*"
 N'est ce cas d'une certaine manière le conflit qui oppose Paul et Jacques sur les oeuvres et la grâce. 
Y a-il aujourd'hui une question sur ce point ? Pas vraiment,  depuis que le 4ème siècle a tranché et défini le diaconat comme un degré de la hiérarchie ecclésiale,  "situé après l'évêque et les presbytres, avec un rôle bien défini. Lié à la mission et à la personne de l'évêque, ce rôle englobait trois tâches: le service liturgique, le service de prêcher l'Évangile et d'enseigner la catéchèse, ainsi qu'une vaste activité sociale concernant les oeuvres de charité et une activité administrative selon les directives de l'évêque."
Pour autant, la diaconie elle même a perdu peut être aussi son rang "sacramentel" dans l'église. J'avais noté dans "à genoux devant l'homme" que l'on n'a pas considéré bon de mettre le lavement des pieds dans la liste des 7 sacrements,  parce que toute la vie de l'Église était "lavement des pieds". On peut se poser maintenant la question. Non pas pour modifier à nouveau une hiérarchie établie qui a structuré l'Église,  mais pour réintroduire une tension. 
S'il y a pour moi une solution,  c'est en effet dans l'expression théologique: "tension". En effet toute opposition est stérile.  La tension traduit bien l'intérêt des deux sans mettre une hiérarchie là où il devrait y avoir communion. 


Source principale : CTI, II, III 


Les numéros entre crochets renvoient aux notes suivantes du document de la CTI.

[55] Hom. 14,3 in Act.; PG 60, 116: "Quam ergo dignitatem habuerunt illi (sc. les diacres et les évêques)…Atqui haec in Ecclesiis non erat; sed presbyterorum erat oeconomia. Atqui nullus adhuc episcopus erat, praeterquam apostoli tantum. Unde puto nec diaconorum nec presbyterorum tunc fuisse nomen admissum nec manifestum..."

[56] "Et c'est à juste titre; car ce n'est pas un homme, ni un ange, ni un archange, ni aucune autre puissance creée, mais le Paraclet lui-même qui a institué cet ordre en persuadant à des hommes qui sont encore dans la chair d'imiter le service des anges." De sacerdotio III 4,1-8; SCh 272, 142.

14 août 2014

La tentation du jugement

À ceux qui ne cessent de critiquer le monde,  tombant dans la tentation du pharisien,  il convient souvent d être attentif à ce que nous dit le Seigneur sur la paille et la poutre.

A cet égard,  Saint Jean Chrysostome,  nous rappelle combien "Le Christ nous demande deux choses : condamner nos péchés et pardonner ceux des autres ; faire la première à cause de la seconde, qui sera alors plus facile, car celui qui pense à ses péchés sera moins sévère pour son compagnon de misère. Et pardonner non seulement de bouche, mais du fond du cœur, pour ne pas tourner contre nous-mêmes le fer dont nous croyons percer les autres. (...)  Considère donc combien d'avantages tu retires d'une offense accueillie humblement et avec douceur. Tu mérites ainsi premièrement — et c'est le plus important — le pardon de tes péchés. Tu t'exerces ensuite à la patience et au courage. En troisième lieu, tu acquiers la douceur et la charité, car celui qui est incapable de se fâcher contre ceux qui lui ont causé du tort sera beaucoup plus charitable envers ceux qui l'aiment. En quatrième lieu, tu déracines entièrement la colère de ton cœur, ce qui est un bien incomparable.*"

Une voie adaptée qui semble d'actualité. Car ce qui changera le monde ne sera pas notre jugement mais notre charité et la puissance de sa transpiration : "Aimons donc, aimons suprêmement le Père céleste très aimant, et que notre obéissance soit la preuve de cette charité parfaite qui trouvera surtout à s’exercer lorsque nous sera demandé le sacrifice de notre volonté propre. Ne connaissons pas de livre plus sublime que Jésus Christ crucifié, pour progresser dans l’amour de Dieu.**"

*Saint Jean Chrysostome (v. 345-407), prêtre à Antioche puis évêque de Constantinople, docteur de l'Église , in Homélies sur l’évangile de Matthieu, n°61 (trad. Véricel, L’Évangile commenté, p. 214 rev.), source Evangelio

** Lettre de saint Maximilien Kolbe

12 août 2014

Diaconie et pouvoir (III)

Revenons à l'histoire: "Dans la Didascalie, l'accroissement du prestige du diaconat dans l'Église est remarquable, ce qui aura pour conséquence la crise naissante dans les relations réciproques entre les diacres et les presbytres. À la fonction sociale et charitable des diacres s'ajoute leur fonction d'assurer divers services pendant les rassemblements liturgiques: indication des lieux pendant l'accueil des étrangers et des pèlerins, soin des offrandes, surveillance de l'ordre et du silence, soin de la bienséance de l'habillement*." On peut d'ailleurs comprendre les remarques d'Origène sur la cupidité des diacres en charge de la bourse de l'évêque,  qui n'est pas sans rappeler les critiques sur Judas dans le NT.
Mais plus encore cela interroge sur la possible tension entre pouvoir et Diaconie dont seule l'"impossible" [pour l'homme] prise en compte du fait que tout vient de Dieu pourrait nous libérer. 

Quel est l'enjeu pour aujourd'hui ?
Si charité est la première mission de l'Église, si une pastorale axée sur la charité devient, à la suite du Pape François,  la priorité des priorités,  alors la diaconie est au centre, ce qui ne réduit pas la place du prêtre,  mais bien au contraire confirme sa place sacramentelle tout en redonnant à tous les baptisés (et pas seulement au diacre) un nouvel élan. 
Je rejoins d'ailleurs là ce qu'écrivait J. Moingt** :" il y aura moins de confusion si l'Église cherchait à exploiter les ressources du sacerdoce commun des fidèles (...) et mettait son énergie à annoncer l'évangile au monde plutôt qu'à défendre ses traditions. (...) La communauté évangélique (....) n'existe pas sans esprit de communion ni sans communication. 

À noter aussi : "les diacres [vont] abandonner encore plus leurs fonctions originelles à d'autres clercs. Ils vont se définir de plus en plus explicitement par leurs attributions liturgiques et entrer en conflit avec les presbytres."

Nicée ira plus loin en affirmant : "qu'ils ne doivent pas siéger parmi les prêtres. "Que les diacres restent dans les limites de leurs attributions, sachant qu'ils sont les serviteurs de l´évêque et se trouvent en un rang inférieur aux presbytres" (can. 19).***"

Citons enfin Jean Paul II : "« La mission du Christ, prêtre, prophète, roi, se poursuit dans l'Église. Tous, le Peuple de Dieu tout entier, participent à cette triple mission. » Les fidèles laïcs participent à la fonction sacerdotale par laquelle Jésus s'est offert lui-même sur la croix et continue encore à s'offrir dans la célébration de l'eucharistie… : « Toutes leurs activités, leurs prières et leurs entreprises apostoliques, leur vie conjugale et familiale, leurs labeurs quotidiens, leurs détentes d'esprit et de corps, s'ils sont vécus dans l'Esprit de Dieu, et même les épreuves de la vie…, tout cela devient ‘ offrandes spirituelles agréables à Dieu par Jésus Christ ’ (1P 2,5) ; et dans la célébration eucharistique ces offrandes rejoignent l'oblation du corps du Seigneur pour être offertes en toute dévotion au Père » (LG 34)…       La participation à la fonction prophétique du Christ…habilite et engage les fidèles laïcs à recevoir l'Évangile dans la foi, et à l'annoncer par la parole et par les actes… Ils vivent la royauté chrétienne tout d'abord par le combat spirituel qu'ils mènent pour détruire en eux le règne du péché (Rm 6,12), ensuite par le don de soi pour servir…Jésus lui-même, présent en tous ses frères, surtout dans les plus petits (Mt 25,40). Mais les fidèles laïcs sont appelés en particulier à redonner à la création toute sa valeur originelle. En liant la création au bien véritable de l'homme par une activité soutenue par la grâce, ils participent à l'exercice du pouvoir par lequel Jésus ressuscité attire à lui toutes choses et les soumet…au Père, « afin que Dieu soit tout en tous » (Jn 12,32; 1Co 15,28). ****"

* source : CTI, Il, III, op. Cit.
** L'Évangile sauvera l'Église, op. Cit. p. 88ss
***  CTI, ibid. III, I
**** Christi fideles Laici § 13 et 14




11 août 2014

Diaconie - II

Saint Justin décrit fort bien le rôle des diacres dans la liturgie : "Quand le président de l'assemblée a achevé la prière de l'action de grâces (eucharistie) et que tout le peuple a donné sa réponse ceux que chez nous nous appelons les diacres (oi kaloumenoi par'emin diakonoi) donnent à chacun des assistants d'avoir part au pain et au vin mélangé d'eau sur lesquels a été dite la prière de l'action de grâces (eucharistie), et ils en portent aux absents."*
Plus qu'une action "figurative" dans le temps de la messe,  c'est peut être cette deuxième partie de la phrase qu'il faut souligner,  d'autant qu'elle rejoint la mention d'Actes 6, 2 oú "le service des tables" était la première raison.  
Personnellement je suis sensible à cette phrase prononcée, dans le temps, dans mon église du dimanche : "portez l'eucharistie à vos frères,  assurez les de notre prière et demandez leur de prier pour nous". En effet, elle nous fait prendre conscience de la dimension collective de l'eucharistie et de ce que c'est que de vivre "en Christo" dans le sens donné par Paul dans ses lettres,  si bien commenté par Hans Urs von Balthasar, d'un peuple de Dieu en marche.

Plus loin, cependant,  notre texte de référence souligne à nouveau la double fonction liturgique du diacre : "apporter les offrandes et de les distribuer."

Apporter les offrandes n'est pas neutre non plus. Cela touche en effet, pour moi à cette phrase si souvent soulignée par Varillon   "Dieu sanctifie ce que nous humanisons"
 Or, la mission des diacres, comme de tous baptisés,  n'est elle pas cette humanisation à parfaire ?Comment ? En commençant par l'habiter, par la transformer de l'intérieur, tendre à faire de chacun de nos actes un chemin sacramentel. Là aussi la route est longue. 


* Apol. 1,65,3-5. Saint Justin, Apologies. Introduction, texte critique, traduction, commentaire et index par A. Wartelle, Paris 1987, 188-191.

Source principale : CTI, Il, II, op. Cit. 

09 août 2014

Transfiguration - tension théologique 2

Au delà de mes propos sur l'autorité, la contemplation des textes de Daniel et des récits de la Transfiguration nous ouvre une nouvelle tension théologique entre le silence du Christ sur sa nature,  son désir de cacher cette dernière et cette réalité qui n'apparaît que subrepticement avant Pâques,  celle du Fils de Dieu rayonnant de la gloire pascale.  Cette vision réservée à 3 disciples sera à peine esquissée dans les textes évangéliques après Pâques.  Le Christ qui apparaît au bord du lac n'est pas le Fils d'homme décrit par Daniel 7.  C'est celui que Pierre tarde à reconnaître dans Jean 21. C'est celui qui n'apparaîtra que pleinement dans sa gloire le jour du grand retour. Pourquoi alors cette tension ? Probablement parce qu'elle est le prix à payer de notre liberté,  elle est le chemin offert du croire,  donné à tout homme dans le doute,  dans les balbutiements de saint Thomas.  Heureux ceux qui croient sans avoir vu l'étincelle de la gloire du Christ.  
Aujourd'hui néanmoins,  nous devons reconnaître qu'au delà de cette tension pastorale,  la liturgie nous conduit plus loin.  À nous,  en effet qui avons été baptisés dans la mort et la résurrection du Christ,  nous n'avons plus à douter de cette gloire.  Et c'est ce vers quoi nous conduit la liturgie de chaque eucharistie.  Car en ce pain et ce vin consacré, au delà de l'apparente insignifiance du symbole,  c'est bien le Christ de gloire qui se rend présent,  et c'est sur ce chemin du croire que nous sommes invités à avancer. 

Comme le souligne Anastase du Sinaï, "C'est donc vers la montagne qu'il faut nous hâter, j'ose le dire, comme l'a fait Jésus qui, là comme dans le ciel, est notre guide et notre avant-coureur. Avec lui nous brillerons pour les regards spirituels, nous serons renouvelés et divinisés dans les structures de notre âme et, avec lui, comme lui, nous serons transfigurés, divinisés pour toujours et transférés dans les hauteurs. ~

Accourons donc, dans la confiance et l'allégresse, et pénétrons dans la nuée, ainsi que Moïse et Élie, ainsi que Jacques et Jean. Comme Pierre, sois emporté dans cette contemplation et cette manifestation divines, sois magnifiquement transformé, sois emporté hors du monde, enlevé de cette terre ; abandonne la chair, quitte la création et tourne-toi vers le Créateur à qui Pierre disait, ravi hors de lui-même : Seigneur, il nous est bon d'être ici !

Certainement, Pierre, il est vraimentbon d'être ici avec Jésus, et d'y être pour toujours. Qu'y a-t-il de plus heureux, qu'y a-t-il de plus sublime, qu'y a-t-il de plus noble que d'être avec Dieu, que d'être transfiguré en Dieu dans la lumière ? Certes, chacun de nous, possédant Dieu dans son cœur, et transfiguré à l'image de Dieu doit dire avec joie : Il nous est bon d'être ici, où tout est lumineux, où il y a joie, plaisir et allégresse, où tout, dans notre cœur, est paisible, calme et imperturbable, où l'on voit Dieu : là il fait sa demeure avec le Père et il dit, en y arrivant : Aujourd'hui le salut est arrivé pour cette maison. Là tous les trésors des biens éternels sont présents et accumulés. Là sont présentées comme dans un miroir les prémices et les images de toute l'éternité à venir.*"


 * Source : homélie d'Anastase du Sinaï pour la Transfiguration

04 août 2014

Le chant du large

Je viens de mettre en ligne le tome 6 de ma saga "Le chant du large", qui compte maintenant :
1) La barque de Solwenn
2) Maria la Rousse
3) La souffrance d_Elena
4) La Marie-Jeanne
5) Magda-la-douce
6) Renaissance
Un roman en 6 parties qui nous emmène dans un petit village breton, à l'aube du XXème siècle et se poursuit à l'âge où les grands voiliers se laissent distancer par la vapeur.
Grand amateur de "La rivière espérance" de Signol, je signe une saga plus centrée sur la mer, ses appels et ses dangers.
C'est aussi une suite logique à mes travaux de recherche sur la souffrance (mémoire de licence : Quelle espérance pour l'homme souffrant).

Les 6 tomes numériques sont aussi disponibles en deux tomes papier :
I - La barque de Solwenn, texte intégral
II - Le sourire de Nolwenn, le chant du large, tome 2

Diaconie - I

Nous nous proposons de commencer ici la lecture cursive et annotée d'un texte de la Commission théologique internationale* (ci après CTI), en parallèle et en complément  d'autres lectures dont
1) L'Évangile sauvera l'Église,  de Joseph Moingt (ESE),
2) Théologie du Laïcat (TDL), de Yves-Marie Congar,
3) les articles d'Étienne Grieu sur la diaconie (EG)
4) certains textes de Vatican II,  dont GS et LG.

Commençons par le texte de la CTI :
"On peut saisir, dans une perspective christologique, ce qu'est l'essence du chrétien. L'existence chrétienne est participation à la diakonia, que Dieu lui-même a accomplie pour les hommes (...) Être chrétien signifie, à l'exemple du Christ, se mettre au service des autres jusqu'au renoncement et don de soi, par l'amour. Le baptême confère le diakonein à tout chrétien, qui, en vertu de sa participation à la diakonia, leiturgia et martyria de l'Église, coopère au service du Christ pour le salut des hommes. En effet, étant membres du Corps du Christ, tous doivent devenir serviteurs les uns des autres avec les charismes qu'ils ont reçus pour l'édification de l'Église, et celle des frères dans la foi et l'amour: "Si quelqu'un assure le service, que ce soit comme par un mandat reçu de Dieu"  (1P 4,11-12; cf. Rm 12,8; 1 Co 12,5)."
Après avoir insisté sur Christ serviteur,  le texte poursuit ainsi : "De manière radicalement opposée aux seigneurs et puissants de ce monde qui abusent de leur pouvoir, oppriment et exploitent les hommes, le disciple doit être prêt à devenir diakonos et doulos de tous (Mc 10,42-43)*."

Le terme même de diakonos, poursuit le texte est peu utilisé dans l'AT et à une acception large dans le NT. 

Selon P. Audet, c'est simplement "un serviteur susceptible de remplir diverses fonctions suivant les circonstances particulières de son service*".

NB : ce texte étant  cité à partir de la version numérique nous ne pourrons donner de numéros de page,  nous nous contenterons, dans notre lecture cursive d'indiquer les nouveaux chapitres.

Abbréviations utilisées dans les posts suivants :
CTI : Commission théologique internationale

ESE : Évangile sauvera l'Église
TDL : Théologie du Laïcat (TDL), de Yves-Marie Congar,
EG : Étienne Grieu
GS : Gaudium et Spes
LG : Lumen Gentium

31 juillet 2014

J. Moingt - VI - dérapage autoritaire

J'ai eu beaucoup de "chaudes" discussions avec des chrétiens soucieux de me rappeller que Jésus parlait avec autorité,  alors que je tentais de mettre en avant mon concept de Dieu de faiblesse. Et pourtant, je persiste et signe d'autant plus en lisant ce qu'écrit Moingt : "il y a là un dérapage car Jésus n'a jamais tant parlé d'autorité.  Bien sûr on disait "il parlait avec autorité" parce qu'il parlait de source,  mais il n'a jamais insisté sur l'autorité de gouvernement,  d'administration,  jamais si ce n'est pour mettre les disciples en garde." Op. Cit.  
p. 92.

20 juillet 2014

Un long chemin pour l'Eglise

Je retombe sur quelques notes prises dans "La confession d'un cardinal". (cf. post précédents)
"Le monde occidental n'a pas purgé sa mémoire d'une Église hiérarchique et triomphante [...] Comme elle a tardé à reconnaître ses errements, le monde ne lui en fait pas crédit. [...] le monde n'a pas fini [...] de régler ses comptes avec cette Église-là, qui, je le répète, n'est pas toute l'Église mais qui en fit partie." p. 94-95
"Si vous épousez la vision du théologien, vous êtes naturellement porté à dire au monde qu'il erre dans la mauvaise direction, qu'il a imposé une dictature, celle du relativisme. C'est ce qu'à répété le cardinal Ratzinger depuis des années, [...] c'est ce qu'il a continué de dire, devenu Benoît XVI. [...] Un pape qui privilégierait la vision de l'historien dirait au monde que notre foi ne répond pas à toutes les questions. Que l'autonomie de la pensée et de la conscience est inscrite dans la liberté donnée par Dieu au monde. Que l'Église n'a pas toujours su respecter cette liberté et cette autonomie. Qu'elle a été l'objet de scandales et qu'elle en subit aujourd'hui les conséquences." p. 95
De fait, je crois que notre problème se situe là. C'est probablement pour cela que la kénose a pour moi du sens.


Source : Confession d'un cardinal, Olivier Le Gendre, Paris, Jean-Claude Lattès, 2007

19 juillet 2014

Moingt - Bonhoeffer

Je viens de lire cela chez Moingt (ibid p. 82-83) : "Les pères mettaient en avant ce qu'ils appelaient la "philanthropie de Dieu créateur", à savoir, selon saint Paul, le fait que "Dieu est pour nous" (cf. Rom 8, 31), qu'il est tourné vers nous."
Étonnante correspondance avec ce que je notais dernièrement chez Bonhoeffer sur le "pro me".
On rejoint aussi ce qu'écrivais Balthasar sur la triple kénose, d'un Père qui s'efface dans le Fils, d'un Fils qui s'efface pour nous et d'un Esprit qui disparaît en nos coeurs, indicible effacement trinitaire au service de l'amour. Mais n'est-ce pas cela, de fait, l'amour véritable.



18 juillet 2014

Kénose chez Grégoire de Nysse

Mes lecteurs réguliers savent combien j'attache de l'importance au thème de la kénose (cf. notamment ma dernière allusion chez Bonhoeffer). Voici un petit texte découvert chez saint Grégoire de Nysse, moine et évêque (335-395) qui me semble utile à citer dans cette direction :

  "Le fait que Dieu, qui est tout-puissant, ait été capable de s’abaisser jusqu’à l’humilité de la condition humaine constitue une preuve plus grande de sa puissance que l’éclat et le caractère surnaturel des miracles. En effet, quand la puissance divine accomplit une action d’une grandeur sublime, c’est, en quelque sorte, conforme et approprié à la nature de Dieu… Par contre, que Dieu soit descendu jusqu’à notre bassesse est, en quelque sorte, l’expression d’une puissance surabondante qui n’est pas du tout entravée par ce qui est à l’opposé de sa nature…       Ni l’étendue des cieux, ni l’éclat des astres, ni l’ordonnance de l’univers, ni l’harmonie des choses créées ne révèlent la puissance magnifique de Dieu autant que son indulgence qui l’amène à s’abaisser jusqu’à la faiblesse de notre nature… La bonté, la sagesse, la justice et la puissance de Dieu se révèlent dans ses desseins en notre faveur : la bonté dans la volonté de « sauver celui qui était perdu » (Lc 19,10) ; la sagesse et la justice dans sa manière de nous sauver ; la puissance dans le fait que le Christ est « devenu semblable aux hommes » (Ph 2,7-8) et s’est conformé à l’humilité de notre nature. "

A contempler.

Source : Le Discours catéchétique, 23-26 ; SC 453 (trad. SC p. 253 rev.) 

16 juillet 2014

Beauté symphonique

Qui peut dire la signification d’une symphonie de Mozart ? Et pourtant chaque note est pleine de sens nous rappelle Hans Urs von Balthasar. Plus l’œuvre est parfaite, plus aussi son contenu à interpréter est inépuisable.

Il conçoit alors la beauté comme le « rayonnement inexpliqué du foyer de l’être sur le plan extérieur de l’image ». Un rayonnement qui s’imprime sur l’image elle-même et « lui confère une unité, une plénitude et une profondeur représentant bien plus que ce que l’image en elle-même contient. Elle est généralement ce qui donne à la vérité le caractère permanent d’une grâce ». (1)

Cela fait résonner en moi ce que je me plais à affirmer sur le « je te reçois et je me donne à toi ». On reçoit infiniment plus que ce que l’on ne pourra jamais donner, parce que le don de l’autre n’est que la face visible du don de Dieu. L’autre est image d’un mystère plus grand, plus infini qui l’habite et le transcende.



(1) Hans Urs von Balthasar, La Théologique, I – Vérité du monde, ibid, p.149-150

12 juillet 2014

L'annonce faite à Marie de Paul Claudel - Bouffes du Nord

Une belle surprise au Bouffes du Nord cette semaine.
L'interprétation de l'Annonce faite à Marie de Claudel allie respect du texte et mise en valeur musicale avec une mise en scène de qualité à la fois respectueuse de l'oeuvre et frappante par son actualisation. Les chants, magnifiquement interprétés, nous font percevoir ce que la lecture laisse de côté, la vision presque "symphonique" au sens large du terme de ce chef d'oeuvre, probablement le plus poignant de Claudel.
Le personnage de Violaine, aux multiples facettes est superbement interprété.
A voir sans hésiter.
http://www.bouffesdunord.com/fr/saison/518905a4eeed2/lannonce-faite-a-marie

10 juillet 2014

Moingt III - L'évangélisation

L'évangélisation, nous précise Moingt, "n'est pas quelque chose qui se faisait dans les églises (...) elle se faisait dans la rue (...)  dans les maisons." Il évoque ainsi Zachée et le fameux "il faut que Je demeure chez toi". Le Christ, souligne-t-il, n'a pas prononcé un mot de religion. Pas de rite... "il n'a pas fait la morale ... [il y a eu seulement] un rapport humain vrai. C'est certainement ça la tâche la plus noble, la plus urgente de l'évangile.*" Ce n'est qu'après que l'on peut prononcer le nom de Dieu, ajoute le théologien.

Cela fait résonner en moi ce que l'on cherche à faire pour l'avent 2014. Veux-t-on conduire à l'église,  les peuples sans berger, leur servir un plat tout fait, une messe solennelle, où s'agit-il d'habiter chez eux, de signifier que l'on veut demeurer avec eux. Qu'elle est la véritable "pastorale des périphéries" que l'on veut mettre en place. Pour moi, la réponse est ailleurs. Peut-être ici.

L’Évangile sauvera l'Église, op. cit. p. 46ss

09 juillet 2014

Joseph Moingt - II - La parole des femmes

Si Moingt ne se prononce pas en faveur de l'ordination des femmes c'est parce qu'il y a pour lui assez de clercs et que l'enjeu est ailleurs. "Je ne crois pas, pour ma part, que l'église risque de disparaître à cause du manque de personnes consacrées, du manque de prêtres. Si elle court le risque de périr, ce serait je pense, quelle ne saurait honorer les leçons de l’Évangile vis à vis du monde. Donc je crois que l'Église doit donner un exemple de reconnaissance de la femme et en tout la laisser prendre un rôle, l'encourager même"*.
Certaines de mes amies objecteront peut-être qu'il y a là une forme de discrimination. Il y a pour moi surtout une réflexion sur l'enjeu même de la mission d'un baptisé. Doit-on se focaliser sur l'image officielle, la fonction (prêtre,...) où sur la mission ? On est en là cohérence avec cette première réflexion sur la mission première des baptisés et son enjeu en termes d'évangélisation pour le monde.
Qu'est-ce qui, de fait, est plus près des périphéries, des gens du seuil ? Le prêtre, le diacre, la personne consacrée ? Non, l'humain avec un grand H ou un grand F, qui s'abaisse pour rencontrer l'autre.

op. cit. p. 44

08 juillet 2014

Moingt - Lévinas - Tu te dois à autrui



A partir de cette phrase [Tu te dois à autrui] qui serait pour Lévinas un résumé de la Bible, Joseph Moingt conclu, dans la même veine qu'il faut voir dans tout autrui un autre soi-même. *
Il y a là un chemin éthique qui se nourrit de l'évangile et nous conduit toujours plus loin. J'ai longuement commenté dans mes livres cette problématique lévinassienne de l'appel à la responsabilité, mais aussi de ses limites, notamment telles que soulevées par D. Sibony sur la culpabilité de Lévinas. Mais le débat éthique ne peut fermer cette tension.

Moingt va plus loin en mettant à la fois Dieu dans l'origine du "tu" et dans l'origine de la grâce qui nous permet d'y répondre. Si Dieu nous appelle depuis Gn 3 dans un "où es tu ?" déjà longuement commenté ici, il met aussi en nous cet amour que l'on appelle Esprit, source immense et cachée qui nous fait bondir vers l'autre.


* Ibid. p. 35

07 juillet 2014

Joseph Moingt - Initiation de lecture


Le hasard des rencontres me mène à nouveau sur les pas de Joseph Moingt avec son livre, plus grand public, intitulé L’Évangile sauvera le monde, paru chez Salvator en 2013.
Une première phrase pour vous donner envie de me suivre sur ce chemin.
"Le grand problème de l'église actuelle me semble être... la prise de responsabilité des laïcs... qu'ils prennent la responsabilité de leur vocation‎ missionnaire."*

On retourne ici au coeur de ce qui est pour moi l'un des élans de Vatican II dans la foulée de cette "Théologie du laïcat" que l'on trouve si bien décrite chez Congar.

L'enjeu qui est développé dans les pages suivantes est probablement celle d'une vision de la collégialité de l'Eglise qui ne s'arrête pas aux cardinaux mais descend jusque dans l'articulation entre pouvoir et autorité, entre enseignement et dialogue, passivité et engagement où chacun a sa part sans renier l'apport de la triple dimension de l'Église (écriture, tradition et sensus fidei). Comprendre et articuler cela est l'enjeu des années à venir pour notre Église.


* Op. cit p.14

05 juillet 2014

Déréliction - V

« Jésus peut donner part, de même qu’il a fait participer les sœurs de Béthanie, à sa passion future. En cela se montre l’intemporalité de sa passion, l’intemporalité de la rédemption et celle de la marche à sa suite (...) on peut y entrer aussi bien jadis que 1000 ans plus tard » (1)

Je retombe sur cette citation d'Adrienne von Speyr, qui complète, à sa manière mes propos sur D. Bonhoeffer. Le Christ d'hier n'est pas différent du Christ d'aujourd'hui et tout ceux qui payent de leur sang son message montre l'intemporalité de sa Parole et rendent plus vivent l'espérance de la rédemption.

(1) Adrienne von Speyr Johannes, 386 cité par Hans Urs von Balthasar p. 283

Bonhoeffer - VII - L'image de Jésus

‎Le commentaire qui prolonge le texte de Bonhoeffer nous permet de comprendre son apport dans un contexte de crise sur l'historicité et les thèses du "Jésus historique" qui ont marqué le début du XXème siècle. Si la foi en Christ ne "naît pas de l'image historique de Jésus" elle ne peut naître "sans l'image de Jésus"*. Il faut donc aller vers une théologie de l'histoire de Jésus, c'est à dire dépasser la polémique de la pure historicité pour entrer dans la foi en ce que l'église nous révèle sans cesse sur  Lui.

Comment vivre cela, près d'un siècle plus tard. Nous avons longtemps développé dans ce blog l'idée d'un Dieu qui en s'incarnant se fait "faiblesse" pour mieux rejoindre l'homme dans son humanité. L'image d'un Jésus faible, pauvre parmi les pauvres n'est probablement pas la seule voie. Elle doit être pondérée avec celle que l'Eglise relève souvent : son "autorité", la force de sa Parole. Ignorer cette tension serait mettre trop l'accent sur l'un et oublier l'importance de l'autre. L'incognito souligné par Bonhoeffer à la suite de Luther est peut-être une manière de nous rappeler qu'une pastorale du seuil ne peut se faire par la force. Elle demande un travail intérieur, le réveil au plus profond de l'homme d'une prise de conscience du fait Jésus, non plus le "Jésus historique" inaccessible, mais ce "Jésus pour moi" venu en notre chair pour nous conduire vers le Père. Ce qu'il réveille en nous dans la foi n'est pas communicable autrement que par ce que l'Amour transpire de notre être, plus que tout discours. C'est peut-être cela qu'il faut retenir de cette lecture.

Bonhoeffer, en s'opposant au nazisme a payé ce message de son sang. 

* ibid. p. 146

02 juillet 2014

Bonhoeffer - VI - Genus majestaticum


Ce concept Luthérien de "Genus majestaticum" peut se résumer en substance ainsi, si l'on en croit Bonhoeffer : Les deux natures du Christ‎ ne sont pas comme des "planches collées ensemble". La nature humaine est pénétrée par la nature divine et obtient les attributs de la nature divine". Le fini est capable de l'infini non par soi mais par l'infini.*

N'est t-on pas proche ici de la notion patristique de circumincession que j'appelle par ailleurs la danse trinitaire ?


Cela dit Bonhoeffer critique** la doctrine kénoticienne que j'ai peut être trop encensé dans ce blog. Son argument est qu'il ne faut pas trop s'attarder sur le "comment" de la kénose et se refocaliser ‎sur le "qui" est Jésus dépassant cette querelle stérile entre kénoticiens et krypticiens (ceux qui parlent du voilement de Dieu en Jésus) pour contempler la réalité du Christ-là.

L'enjeu est un retour au centre christologique, loin des considérations spéculatives.

* ibid p. 90ss
** Ibid p. 95ss



28 juin 2014

Bonhoeffer - V - Christ pro me

Le Christ est sacrement parce qu'il est "pro me" [tout tourné vers moi ?] nous dit en substance Bonhoeffer*. Qu'est ce à dire sur sa nature ?
Il est à la fois tout tendu vers moi dans un sens qui peut être proche de la tension que Paul présente comme programme dans Philippiens 3.
Mais il est surtout "pro me" dans le sens où il est "qu'amour" pour reprendre ce que disait Varillon déjà invoqué dans un post précédent. Et cet amour est signe efficace de l'amour tendre et miséricordieux du Père. Reste à ne pas passer à côté de cette présence "incognito", de ce "donneur qui s'efface dans le don" pour reprendre les termes de J. L. Marion dans son livre "Etant donné".


* ibid. p. 54ss

27 juin 2014

Bonhoeffer - IV - parler pour Dieu


"Je dois parler et pourtant pas moi, mais Dieu"*
A défaut il faut se taire, a-t-il précisé plus tôt en substance.

Cela dit, quelle parole parle véritablement ? Si Dieu n'est qu'amour comme l'affirme Varillon, la seule parole qui n'est pas une logorrhée humaine ‎serait celle qui transpire l'amour. Et c'est peut-être cela le plus difficile. Car les mots n'ont de sens qu'en accord permanent avec nos actes, ce qui, in fine, n'est l'apanage que du Christ seul.

Quant à nous, nous devons avouer comme le dit Paul, que "nous ne faisons pas ce que nous voulons et faisons ce que nous ne voulons pas".


La cohérence entre paroles et actes, poursuit à sa manière Bonhoeffer est peut-être dans le sacrement. Le sacrement est Parole de Dieu. "En tant Qu'il est Jésus Christ le sacrement est essentiellement Parole"*

On peut retourner la phrase, c'est d'ailleurs une autre façon de dire ce que nous disions plus haut. Où cela nous conduit-il ? Peut-être dans ce que nous écrivions il y a quelques temps sur le "devenir sacramentel". Nous ne pouvons être en pleine cohérence avec nos mots, mais à chaque fois que nous approchons de cette ressemblance, nous nous approchons de ce devenir. Le Christ étant seul le sacrement véritable.


* Dietrich Bonhoeffer, op. Cit. p. 53
* ibid. p. 58

25 juin 2014

Bonhoeffer - III - La clarté de l'Écriture

"En son essence, la Parole s'interprète elle-même. Dans cette clarté et cette signification identique pour tous est fondée sa validité universelle."‎ (op. cit p. 48).

C'est ce qui supporte pour moi ces "banquets de la Parole" collectifs (cf. série de posts précédents) où nous découvrons à plusieurs cette éternelle présence de Dieu qui ne cesse de crier son "Où es-tu ?" à l'homme.

La question que Dieu nous pose dès Gn 3 est cet "où es-tu ?" qui fait face au "Moi je suis [là] présent" de Dieu dans nos vies, y compris et peut-être surtout par cette Parole qui se rend vivante dans nos partages en communauté. La tension entre l'"Où es-tu ?" et le "Je suis" se prolonge jusque dans des détails qui ne sont pas anodins :
- "si vous l'avez fait à l'un de ces petits qui sont mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait." (Mat 25)
- "Je suis" qui fait face au "Je ne suis pas de Pierre... (Jn 18)
Tout cela rebondit en nous... Et c'est dans sa présence dans l'aujourd’hui que la question résonne, écho toujours silencieux de Dieu qui nous appelle.



24 juin 2014

Bonhoeffer - II - Incognito christologique

D. Bonhoeffer reprend page 39* la question de l'incognito développé par Kierkegaard à la suite de Luther. ‎Pour moi, ce thème n'est pas loin de ce que je développe dans mon livre "Dieu de Faiblesse", une apologie de la discrétion de Dieu, qui n'est autre que la condition même de notre liberté. Si l'autorité de Jésus ne fait pas de doute, elle ne s'exprime que dans l'axe du lavement des pieds et de la Croix, c'est à dire dans l'effacement kénotique d'un discours qui s'éteint dans un silence amoureux.
Alors sur le bois ne demeure que le Dieu inconnu que vénéraient les Grecs, l'incognito de ce Fils qui par sa mort révèle l'au delà de tout discours.
‎Mais le risque demeure d'en rester au concept, de le laisser dans l'incognito et dans le passé en ignorant qu'il est ressuscité et de ce fait à la fois loin et présent. Loin parce qu'irréductible à une pensée et présent par cette révélation infinie de l'amour.
Il nous faut alors plutôt entendre ce que nous dit E. Stein : "Qu'elles sont merveilleuses tes merveilles d'amour ! Et notre admiration nous conduit au silence car viennent à défaillir nos esprits et nos mots." **

* op. cit. post précédent
** Sainte Thérèse Bénédicte de la Croix, Poésie « Je demeure parmi vous », 1938 (trad. Source cachée, Cerf 1999, p. 329s).

23 juin 2014

Bonhoeffer - I - La question décisive

‎Ce qui est décisif, nous dit Bonhoeffer c'est finalement de savoir "qui Il est". Est-il un être idéalisé  ou le Fils et Dieu ? Si c'est le cas, alors il peut guérir ma blessure (mon péché) et me pardonner.* 
Je rejoins cette façon de dire les choses. Finalement dans nos crises de foi, il nous arrive de penser que tout cela n'est que du vent, surtout quand la souffrance nous envahit et nous conduit à nier Son existence. Il ne nous reste qu'un fil ténu, celui qui nous fait revivre ces temps inscrits dans notre chair, où le pardon nous a fait découvrir son infinie tendresse et sa miséricorde.

* Qui est et qui était Jésus Christ ? Cours de christologie à Berlin - 1933, labor et fides, 2013 P.39

22 juin 2014

Dietrich Bonhoeffer - Initiation de lecture

‎Nous commençons une lecture méditative de Bonhoeffer.

La question centrale, dit-il dans son premier cours de Christologie, n'est pas le "comment" mais le "qui".

"Qui est-Il ?" 

C'est le nœud du problème. Car soit nous définissons l'autre et ce faisant nous le tuons par notre raison soit nous le laissons être au prix de la mort de notre raison (c'est à dire en faisant enfin silence).

Cela rejoins ce que je définis comme "la descente de tour", ce renoncement à la toute puissance de celui qui croit être.

Là où Bonhoeffer va plus loin c'est dans peut-être dans cette courte phrase :

"Il faut que l'homme se révèle de sa propre initiative. Je ne peux accéder à une personne sauf si l'autre se révèle à moi-même. Dans l'Église (...) cela se produit en réalité dans l’événement du pardon des péchés où l'un, face à l'autre confesse être pécheur et se fait pardonner le péché par l'autre."*

*Qui est et qui était Jésus Christ ? Cours de christologie à Berlin - 1933, Labor et Fides, 2013, p. 38

18 juin 2014

L'esprit descend vers nous.

L'esprit descend vers nous. Peut-on dire qu'il ya, là aussi, kénose ?

L'attitude que cette descente génère en nous est très différente de cette vénération du Sinaï où il fallait "vénérer Dieu" dans sa hauteur, comme nous le rappelle saint Augustin dans la Lettre et l'Esprit, § 27*.

Pourquoi cette différence ? 

C'est peut-être comme l'exprimait très bien ce matin à la messe, notre vicaire,
parce qu'il doit s'agir non d'un bouleversement de notre attitude, mais d'une con-version (son geste d'une main qui se retourne disait bien le mouvement à accomplir). Je compléterai en parlant d'un changement d'axe, qui n'est plus axé sur la crainte, mais bien l'amitié, la communion.

Grâce à l'Esprit, nous sommes appelés à vivre "en christo" (en Christ) comme insiste bien à ce sujet H. UvB, dans l'un des tomes de sa Trilogie.

On pourrait compléter avec cette belle phrase du discours final : "Je ne vous appelle plus serviteurs, parce que le serviteur ne sait pas ce que fait son maître; mais je vous ai appelés amis, parce que je vous ai fait connaître tout ce que j'ai appris de mon Père." (Jn 15,15). Or l'ami ne craint plus de voir l'époux. Il l'attend et se réjouit de sa présence.

* Source Evangelizio
Crédit Image : C. Heriard, DR, Eglise de Saint-Lubin de Cravant

07 juin 2014

Magda la douce, le chant du large, tome 2.2

Pour les amateurs de la barque de Solwenn, le tome 5 vient de paraître sous Kindle, sous le titre Magda-la-douce.
Ce récit qui nous place au coeur d'une famille de pêcheurs à l'aube du XXème siècle est aussi une manière d'aborder la souffrance et la mort, l'inégalité et ses solutions fragiles.

La série s'articule maintenant comme suit :
- La barque de Solwenn, tome 1
- Maria la rousse, tome 2
- La souffrance d'Elena, tome 3
- La Marie-Jeanne, tome 4
- Magda la douce, tome 5

Deux recueils papiers sont disponibles sur Amazon :
- La barque de Solwenn, intégral - Le chant du large, volume 1
- Le sourire de Nolwenn - Le chant du large, volume 2


06 juin 2014

Saint Philippe -V, Heureux les artisans de paix - La guerre juste ? Doctrine sociale de l'Eglise


Je vous confie le CR d'une réunion à Saint-Philippe :

Lecture-prière :
« La foule l'interrogeait, disant: Que devons-nous donc faire?
Il leur répondit: Que celui qui a deux tuniques partage avec celui qui n'en a point, et que celui qui a de quoi manger agisse de même.
Il vint aussi des publicains pour être baptisés, et ils lui dirent: Maître, que devons-nous faire?
Il leur répondit: N'exigez rien au delà de ce qui vous a été ordonnéDes soldats aussi lui demandèrent: Et nous, que devons-nous faire? Il leur répondit: Ne commettez ni extorsion ni fraude envers personne, et contentez-vous de votre solde.» Luc 3, 11-14

Après une lecture de Luc 3, un participant interroge le groupe sur la méthodologie. Doit-on privilégier raisonnement ou témoignage ?
Réponse unanime des autres participants : Il serait bon de conserver les deux, pour ne pas rester dans les « grandes idées » et tenir compte de nos diversités et des apports de notre vie.

La lecture du chapitre 8 de notre livret ne portait pas uniquement sur le droit de faire la guerre mais était double. Outre la question de la juste guerre, on peut aussi parler de la violence y compris dans notre environnement et de notre capacité d'y répondre.

Un participant souligne que la réponse du Christ à la violence est le lavements des pieds de Judas et la mort sur la Croix. Un chemin qui fait signe pour discerner notre manière de répondre à l'agression ?

Mais, dit un autre participant, le Christ n'a pas été tendre avec les changeurs et les vendeurs de colombes du Temple.

Marc 11 : « Ils arrivèrent à Jérusalem, et Jésus entra dans le temple. Il se mit à chasser ceux qui vendaient et qui achetaient dans le temple; il renversa les tables des changeurs, et les sièges des vendeurs de pigeons ; et il ne laissait personne transporter aucun objet à travers le temple.
Et il enseignait et disait: N'est-il pas écrit: Ma maison sera appelée une maison de prière pour toutes les nations? Mais vous, vous en avez fait une caverne de voleurs. »

Etait-ce une sainte colère ? D'autres précisent que le Christ a renversé les tables mais n'a pas ouvert les cages. S'il est en colère, c'est parce que l'on a fait du Temple un lieu de marchandages.

A propos de la guerre juste que dit le Catéchisme ?

Extrait cité :
2307 Le cinquième commandement interdit la destruction volontaire de la vie humaine. A cause des maux et des injustices qu’entraîne toute guerre, l’Église presse instamment chacun de prier et d’agir pour que la Bonté divine nous libère de l’antique servitude de la guerre (cf. GS 81, § 4).
2308 Chacun des citoyens et des gouvernants est tenu d’œuvrer pour éviter les guerres.
Aussi longtemps cependant " que le risque de guerre subsistera, qu’il n’y aura pas d’autorité internationale compétente et disposant de forces suffisantes, on ne saurait dénier aux gouvernements, une fois épuisées toutes les possibilités de règlement pacifiques, le droit de légitime défense " (GS 79, § 4).
2309 Il faut considérer avec rigueur les strictes conditions d’une légitime défense par la force militaire. La gravité d’une telle décision la soumet à des conditions rigoureuses de légitimité morale. Il faut à la fois :
Que le dommage infligé par l’agresseur à la nation ou à la communauté des nations soit durable, grave et certain.
Que tous les autres moyens d’y mettre fin se soient révélés impraticables ou inefficaces.
Que soient réunies les conditions sérieuses de succès.
Que l’emploi des armes n’entraîne pas des maux et des désordres plus graves que le mal à éliminer. La puissance des moyens modernes de destruction pèse très lourdement dans l’appréciation de cette condition.
Ce sont les éléments traditionnels énumérés dans la doctrine dite de la " guerre juste ".
L’appréciation de ces conditions de légitimité morale appartient au jugement prudentiel de ceux qui ont la charge du bien commun. (...)

Il faut donc des moyens adéquats qui savent s'arrêter !
Questions posées : Quel but, comment on s'arrête ?
Tout est centré sur les éléments déjà évoqués de bien commun (cf. post précédent)

Un discernement est à opérer dans ces choix, en particulier sur les éléments qui conduisent en nous à la violence.

Le chemin évangélique est plutôt celui de l'humilité et de la fragilité.
On revient sur les thèmes déjà évoqués de « Tentation de pouvoir » à opposer à « un Dieu de faiblesse » dont le message central reste la croix.

Tendre la joue gauche ?
Cela est, de fait, différent de retendre la joue droite (ce qui serait du masochisme) mais regarder, comme le dit Lévinas, le visage de l'autre, l'interpeller, sans juger la personne, peut-être en l'interpellant sur les actes.

Doit-on lutter contre l'immoralité ?
Y a-t-il une réponse binaire ? Non, dit F., la réponse est trinitaire, elle est de l'ordre de l'expérience de toute vie qui accueille en son cœur la présence de Dieu comme interlocuteur privilégié.

On évoque aussi la question du dolorisme, du sacrifice, des chrétiens qui étant dans le sacrifice oublie la joie...

Oui, mais un participant souligne que notre « attitude catho » conduit à être mis au banc de la société. On rappelle à ce sujet le discours de Jn 15 :

« Ce que je vous commande, c'est de vous aimer les uns les autres. Si le monde vous hait, sachez qu'il m'a haï avant vous. Si vous étiez du monde, le monde aimerait ce qui est à lui; mais parce que vous n'êtes pas du monde, et que je vous ai choisis du milieu du monde, à cause de cela le monde vous hait.
Souvenez-vous de la parole que je vous ai dite: Le serviteur n'est pas plus grand que son maître. S'ils m'ont persécuté, ils vous persécuteront aussi; s'ils ont gardé ma parole, ils garderont aussi la vôtre. Mais ils vous feront toutes ces choses à cause de mon nom, parce qu'ils ne connaissent pas celui qui m'a envoyé. »

Pharisaïsme et extrémismes sont à éviter...
Le terrorisme est une notion vague souligne quelqu'un. Certes, et pourtant toute forme d'extrémisme est violence...

A propos du Génocide voir aussi ce que dit la DSE au n°506 :

« Les tentatives d'élimination des groupes entiers, nationaux, ethniques, religieux ou linguistiques, sont des délits contre Dieu et contre l'humanité elle-même et les responsables de ces crimes doivent être appelés à en répondre face à la justice. Le XXème siècle a été tragiquement marqué par différents génocides: du génocide arménien à celui des Ukrainiens, du génocide des Cambodgiens à ceux perpétrés en Afrique et dans les Balkans. Parmi eux celui du peuple juif, la Shoah, prend un relief particulier: « Les jours de la Shoah ont marqué une vraie nuit dans l'histoire, enregistrant des crimes inouïs contre Dieu et contre l'homme ».

La Communauté internationale dans son ensemble a l'obligation morale d'intervenir en faveur des groupes dont la survie même est menacée ou dont les droits fondamentaux sont massivement violés. Les États, en tant que faisant partie d'une Communauté internationale, ne peuvent pas demeurer indifférents: au contraire, si tous les autres moyens à disposition devaient se révéler inefficaces, il est « légitime, et c'est même un devoir, de recourir à des initiatives concrètes pour désarmer l'agresseur ». Le principe de souveraineté nationale ne peut pas être invoqué comme motif pour empêcher une intervention visant à défendre les victimes. Les mesures adoptées doivent être mises en œuvre dans le plein respect du droit international et du principe fondamental de l'égalité entre les États.

La Communauté internationale s'est également dotée d'une Cour Pénale Internationale pour punir les responsables d'actes particulièrement graves: crimes de génocide, crimes contre l'humanité, crimes de guerre et d'agression. Le Magistère n'a pas manqué d'encourager à maintes reprises cette initiative. »

Un participant dénonce l'attitude américaine au Kosowo. D'autres parlent des guerres entre croates et serbes. Un lieu où l'homme se laisse aller à la violence. Là aussi, l'Église a été marquée par l'action en sein du péché des hommes, même si elle demeure en chemin vers la sainteté.

Le royaume est à venir et il est aussi, par des endroits, déjà présent parmi nous.
L'amour est plus fort que la mort. Telle est notre espérance...

V. a le mot de la fin : « Heureux les artisans de paix ».

Prochaine réunion, le 2 juillet, pour préparer l'année prochaine.
Parmi les propositions : Lecture cursive et dynamique d'Evangelii Gaudium », Exhortation apostolique du Pape François, 24 novembre 2013.
Lieu : le premier mercredi de chaque mois à Saint-Philippe du Roule, Paris 8° 12h30 (salle Baltard) 


Pour aller plus loin :

A – Textes de référence

B – Autres apports

21 mai 2014

"L'espérance du cardinal" - III

Que dire sur "L'espérance du cardinal" en quelques mots. J'ai noté quelques citations qui, à elle seule, mériteraient un temps de silence et de contemplation. C'est un peu ce que je vous propose dans cette brève recension :

Le cardinal parle notamment de "ces pharisiens qui ferment les portes du royaume (...) à des gens de bonne volonté en quête de sens ou d'espérance" (p. 69) un propos qui fait réfléchir, à la suite des posts précédents sur la bonne tension à trouver entre morale et pastorale...

Comme pour le premier opus (Confessions du cardinal), on sent une recherche kénotique (qui vise l'humilité), que ce blog n'a cessé de promouvoir. On retrouve cela notamment page 164, quand il parle de "s'abaisser à la même hauteur", conditions nécessaires à toute rencontre.
Pas de surprise, donc de le voir citer une association qui me tient à coeur (L'Arche), mais aussi San'Edigio.
C'est surtout ce qu'il appelle le principe de Poo, du nom de l'attitude que le cardinal et l'auteur ont eu vis à vis d'un malade en fin de vie, qu'ils ont accompagné ensemble. C'est dans ce sens aussi et j'aime l'entendre, qu'il parle de "rendre sa dignité et ouvrir à l'espérance" (p. 182).
Mais le plus bouleversant est peut être cette affirmation qui laisse pantois et intervelle nous tous les "nantis" : "Seuls les pauvres ont une espérance !" (p. 184). Il faut bien sûr lire le texte pour en comprendre toutes les finesses. Cela rejoint en un sens mes propos sur le décentrement, ce renoncement à tout ce qui nous empêche d'atteindre Dieu...

Or conclue-t-il, "c'est l'espérance des gens qui ouvrent les portes de la foi" (p. 263), après avoir cité une phrase de Jean d'Ormesson : "Les athées, assis à la droite d'un Dieu auxquels ils en croient pas...".

Dans notre France, malade d'espérance, ce livre nous conduit à l'essentiel. Pour paraphraser le titre d'un livre d'Urs von Balthasar", c'est un "retour au centre"...

Source :  "L'espérance du cardinal", Olivier Le Gendre

17 mai 2014

"Fragiles témoins d'une foi fragile"

Je reprends l'expression page 295 de "L'espérance du cardinal" (voir post précédent) que je viens de finir. Elle résume ‎bien l'enjeu de cette délicate transmission de la foi que certains appellent, improprement à mon avis, la nouvelle évangélisation. A la fin de la lecture de ce deuxième tome, on ne peut que comprendre que tout ce qui touche à l'église est complexe et fragile. 
Je rentre d'un congrès à Valence sur cette nouvelle évangélisation. Finalement, ce que j'ai mal écrit en 2016 sous le titre de Pastorale du seuil reste d actualité, au point que j'en ai refait une édition chez Amazon a la demande de lecteurs.
A discuter. 

30 avril 2014

L'espérance du cardinal - Olivier Le Gendre - I

Après ma lecture des "confessions d'un cardinal" (cf. post de décembre 2013), me voici explorant avec joie, le deuxième tome : "L'espérance d'un cardinal" d'Olivier Le Gendre. Je continue à apprécier la pertinence de l'analyse de ce texte à deux voix qui me semble bien répondre à ce souci du primat de la tendresse (cf. posts précédents).

Le cardinal évoque la tenue de conciles régionaux, comme moyen d'ajuster les défis pastoraux à une réalité qui n'est pas univoque. Je ne peux que souscrire à cette idée.

Là encore, j'aimerai faire partager à ces deux co-auteurs, mes premiers balbutiements auto-publiés sous le titre "Cette église que je cherche à aimer".

La Marie-Jeanne, Pourquoi j'ai mal - III

Après mes essais romanesques sur le thème de la souffrance (La barque de Solwenn*), en lien avec mon mémoire de licence de théologie, je vous signale la parution d'une suite, intitulée "La Marie-Jeanne", qui continue à creuser cette histoire de pêcheurs à l'aube du XXème siècle.

Version epub disponible sur demande pour les amis.

* La version brochée inclut maintenant ce tome 4

16 avril 2014

Les écueils de l'évangélisation - II - Divorcés remariés

Dans le premier post sur ce sujet, j'évoquais parmi les écueils, la difficile question d'une pastorale des divorcés remariés, mais aussi des homosexuels, deux chemins sur lesquels j'ai déjà commencé des travaux de recherche à travers "Le vieil homme et la perle" (tome 1 à 3) puis tome 4.

J'ai eu la chance de diner la semaine dernière avec trois théologiens dont l'un des plus grands théologiens moralistes actifs et nous avons évoqué ce sujet, cette faille pastorale comme un des enjeux majeurs de notre Eglise. Bien sûr, je ne suis qu'un petit chercheur sur ce chemin. J'aimerai avoir leur science. La mienne n'est qu'une intuition pastorale.

Il y a actuellement deux courants dans l'Eglise qui se croise et une "tension théologique" qui se précise entre les partisans d'une morale autoritaire et ceux qui ont le souci d'une pastorale "de la faiblesse". Ceux qui connaissent mes écrits sur le Dieu de faiblesse (1), savent vers quel côté je penche. On ne peut qu'espérer que les conclusions du synode en cours n'oublieront pas qu'au delà des débats théologiques, il y a une faille qui s'écarte progressivement entre les "biens pensants" et le monde. Certes le sujet est délicat et il convient de travailler les nuances. Mais la contemplation de Jean 8 doit continuer à nous interpeller. Les pharisiens, dans ce récit, sont debout. Jésus, quant à lui, effectue une "danse", celle qui s'abaisse vers la femme, trace des traits qui s'effacent, et en se relevant, relève la femme blessée et l'invite à marcher (2).

A cet égard, je suis touché, par le commentaire d'une lectrice, marquée par son divorce et son remariage : "Le rite du lavement des pieds tel qu'il est raconté par Claude dans son livre "Le vieil homme et la perle" est éblouissant de signification et tire les larmes du corps, ou de l'âme ..." Espérons que ce chemin soit un jour utile à d'autre...

(1) Cf. "A genoux devant l'homme"
(2) voir aussi mon commentaire dans le même ouvrage

10 avril 2014

Banquet de la Parole - III - Le Père est en moi (Jean 14)

Nous avons poursuivi notre lecture de Jean. Mardi, nous avons mis en perspective Jean 14 et la fin du chapitre 6. Une méditation sur les liens intra-trinitaires et la kénose. Deux thèmes chers à l'auteur de ce blog.

Florilège :

14.6
Jésus lui dit: Je suis le chemin, la vérité, et la vie. Nul ne vient au Père que par moi.
14.7
Si vous me connaissiez, vous connaîtriez aussi mon Père. Et dès maintenant vous le connaissez, et vous l'avez vu.
14.10
Ne crois-tu pas que je suis dans le Père, et que le Père est en moi? Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même; et le Père qui demeure en moi, c'est lui qui fait les oeuvres.
14.11
Croyez-moi, je suis dans le Père, et le Père est en moi; croyez du moins à cause de ces oeuvres.

14.16
Et moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre consolateur, afin qu'il demeure éternellement avec vous,
14.17
l'Esprit de vérité, que le monde ne peut recevoir, parce qu'il ne le voit point et ne le connaît point; mais vous, vous le connaissez, car il demeure avec vous, et il sera en vous.
14.18
Je ne vous laisserai pas orphelins, je viendrai à vous.
14.26
Mais le consolateur, l'Esprit Saint, que le Père enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses, et vous rappellera tout ce que je vous ai dit.
14.28
Vous avez entendu que je vous ai dit: Je m'en vais, et je reviens vers vous. Si vous m'aimiez, vous vous réjouiriez de ce que je vais au Père; car le Père est plus grand que moi.


6.46
C'est que nul n'a vu le Père, sinon celui qui vient de Dieu; celui-là a vu le Père.
6.47
En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit en moi a la vie éternelle.
6.48
Je suis le pain de vie.
6.51
Je suis le pain vivant qui est descendu du ciel. Si quelqu'un mange de ce pain, il vivra éternellement; et le pain que je donnerai, c'est ma chair, que je donnerai pour la vie du monde.
6.54
Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang a la vie éternelle; et je le ressusciterai au dernier jour.
6.55
Car ma chair est vraiment une nourriture, et mon sang est vraiment un breuvage.
6.56
Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang demeure en moi, et je demeure en lui.
6.57
Comme le Père qui est vivant m'a envoyé, et que je vis par le Père, ainsi celui qui me mange vivra par moi.