16 avril 2016

Ne me touche pas ?

En écho à la phrase célèbre de Jésus, voici une contre résonance chez Theobald : "Nous sommes invités à le toucher, à le rencontrer, à le manger, à nous nourrir de lui et à entrer dans son mouvement pascal d'effacement" (1).

Contre résonance mais aussi résonance, car le "me touche pas" Jn 20, 17 prononcé à Marie Madeleine est compatible avec les propos du théologien. Ne pas toucher c'est entrer dans le cacher dévoiler de Dieu, respecter l'inconnaissable divin et percevoir que bien que nourriture il nous échappe encore.

(1) Christoph Théobald, op. Cit. p. 30

15 avril 2016

Pour une vision positive de la sexualité - AL, note 11

"Dieu lui-même a créé la sexualité qui est un don merveilleux fait à ses créatures. Lorsqu'on l'entretient et qu'on évite sa déviance, c'est pour que ne se produise l'appauvrissement d'une valeur authentique." (1)

Les propos du pape François méritent d'être soulignés tant on véhicule souvent une vision contraire de l'Église‎. Il souligne le trait reprenant sur ce point les catéchèses de Jean-Paul II (septembre et octobre 1980) : "le besoin sexuel des époux n'est pas objet de mépris" (2). Il est "don de Dieu qui embellit la rencontre des époux" (AL 152). 

Le pape ne s'arrête pas là bien sur et il est dans son rôle quand ses propos insistent sur le réalisme et les dangers d'une dépersonnalisation des relations. (AL 153) car on sait d'expérience que cette porte ouverte peut aussi être utilisé à l'envers. J'ai même vu avec stupeur de bons chrétiens utiliser ces propos positifs pour ‎justifier leurs excès. L'enjeu réside dans cette symphonie à construire où chaque Personne est respectée. Un "équilibre fragile" (cf. AL 157) qui est laissé aux soins des époux qui trouvent seulement dans l'expérience le lieu de leur plénitude (3).

Mais j'aime surtout quand il cite plus loin à nouveau Jean-Paul II : Le sens procréatif de la sexualité, le langage du corps et les gestes d'amour vécus dans l'histoire d'un mariage, se convertissent en "une continuité ininterrompue du langage liturgique" et la "vie conjugale devient en un certain sens, liturgie". (4)




(1) Amoris Laetitia 150
(2) ibid
(3) cf. Aimer pour la vie, essai de spiritualité conjugale
(4) Jean-Paul II , catéchese du 4 juillet 1984, nn 3.6, cité par le pape François AL 215, cf. Homme et femme il les créa, p. 30


14 avril 2016

Semina Verbi - AL - 8

La mention des "semences du Verbe" en AL 77, les logos spermatikos de saint Justin, déjà apparues dans le rapport intermédiaire du synode, n'étonne pas dans la démarche pastorale de François. Qu'est ce qui est derrière ? Une contemplation du travail de Dieu en l'homme, y compris chez ceux qui n'entrent pas dans les critères sacramentels catholiques. Hors de l'Église, l'amour est possible et les germes de la Parole, déposés en tout homme doivent être contemplés comme tels, accueillis, encouragés voire éclairés....

Syntonie et Trinité

Lire chez Teilhard que "l'instant du don total coïnciderait  alors avec la rencontre divine" (1), n'est-ce pas rejoindre cette dimension trinitaire du mariage évoquée par le pape François dans la joie de l'amour (2).

C'est ce que j'appelle la symphonie conjugale où l'homme et la femme mettent tout en oeuvre pour conjuguer leurs "instruments de musique" dans une quête qui peut devenir, comme le suggère Jean Paul II une liturgie, c'est à dire que leurs dons s'oublient dans une chair‎ unique (Gn 2) qui les dépassent, véritable fécondité à laquelle ils sont appelés.

Car cette chair unique visée par Gn 2 n'est-ce pas in fine le grand Corps du Christ . "La vraie union est celle qui simplifie, c'est à dire qui spiritualise... la vraie fécondité est celle qui associe les êtres dans la génération de l'Esprit". (3)

Teilhard le dira plus tard : " vous ne serez heureux (...) que si vos deux vies se rencontrent et se propagent, aventureuse ment penchés vers l'avenir dans la passion d'un plus grand que vous" (4)

(1) op. Cit p. 89 Cité par Christophe Gripon, p. 159ss
(2) AL n. 11
(3) Teilhard, Eternel féminin, p. 258
(4) Henri de Lubac,‎ L'éternel féminin, p. 72

Se marier, ça vaut la peine - AL 10

Je ne résiste pas à citer presque l'intégrale d'AL 130,tant il y a là l'essence du témoignage : " Après avoir souffert et lutté unis, les conjoints peuvent expérimenter que cela en vaut la peine, parce qu'ils sont parvenus à quelque chose de bon, qu'ils ont appris quelque chose ensemble (...) peu de joies sont aussi profondes et festives". 
Cela me rappelle l'hymne de la Fédération internationale des Centres de Préparation au mariage (FICPM) : "je voudrais qu'en ‎nous voyant vivre ils disent voyez comme ils s'aiment"....

Le festin de Babette dans La joie de l'amour - 9

Le chapitre 4 d'Amoris Laetitia (AL) commence par une très belle manducation de 1 Cor 13 : "l'amour prend patience....". Sur plus de 20 pages le pape commente un à un chacun des versets de cet ode à l'amour. Il y a une pédagogie et une dynamique dans cette lectio divina qui rejoint ce que j'ai longuement commenté dans La dynamique sacramentelle en apportant bien sûr des couleurs plus vives et plus profondes. On sent que ce texte a habité l'auteur et le porte dans sa méditation. En AL 126 il en arrive à une contemplation de la joie de l'amour, élargissement et "dilatation du coeur" qui passe par la prise de conscience de "la grande valeur" de l'autre (AL 127), le don jusqu'à la contemplation de l'autre comme une fin en soi (128), même s'il est malade et sans attraits.
On s'étonnera à moitié qu'après saint Th‎omas d'Aquin le pape François cite le film "le festin de babette" (AL 129)...

13 avril 2016

La dimension sacramentelle - La joie de l'amour 7

Le sacrement de mariage, "signe sacramentel" (AL 71) est aussi un "don pour la sanctification et le salut des époux, (...) rappel permanent de ce qui est arrivé sur la croix (...) vocation (...) réponse à l'appel spécifique à vivre l'amour conjugal comme signe imparfait de l'amour entre le Christ et l'Église" (AL 72).

On note là chez notre pape un léger glissement entre la vision idéaliste de ses prédécesseurs et le réalisme pastoral de François. En liant la vocation sponsale à la Croix, il ne dénature pas le sens commun du sacrement, mais insiste sur la difficulté qui‎ en découle. Comme je l'ai souvent écrit, le mariage est "impossible à l'homme et possible avec Dieu". C'est probablement ce que l'imparfait du n. 71 veut signifier. Dans Aimer pour la vie, j'insiste à la suite d'Augustin et de Bonaventure sur la différence entre l'image et la ressemblance, soulignant que seul le Christ est ressemblance parfaite. 
François nous donne une leçon d'humilité. Nous ne serons jamais à la ressemblance de l'amour trinitaire. Mais c'est à quoi nous sommes appelés.

Balancier ? - Les limites de l'exercice

Je souscris à la "sagesse" de Christos Yannaras sur les limites de l'utilisation de la métaphore érotique dans une pastorale. Dans un monde trop érotisé‎, il faut se méfier plus que jamais de notre utilisation de la Parole plus loin qu'elle ne veut aller. Dans un contexte vétéro-testamentaire, les métaphores de d'Osée 2, des premiers chapitres de Proverbes comme du Cantique des Cantiques, avaient leur place. Mais la sagesse de Paul est de la transformer, de la purifier en une métaphore plus aboutie, celle d'Éphésiens 5, dont l'accent lui-même doit être à nouveau contextualisé, comme je le montre dans Aimer pour la vie. On touche là à la vertu de tempérance.
Et pourtant on sent bien l'intention de C. Gripon  qui en cherchant à combattre l'excès masculin qui pèse sur la théologie depuis Lombard et Thomas, nous réouvre‎, par Teilhard à une poétique du féminin.
Cet effet de balancier me semble nécessaire, tant notre rationalisation de la foi européenne peut nuire à son éclosion. 

Il ne faut pas tomber, à l'inverse,  dans une traduction trop érotisée de la théologie du corps qui dépasse les avancées plus prudentes de JP II sur la liturgie des corps(1). 

On le voit tout est complexe et délicat. Suis-je trop prudent et masculin en disant ça ?  ‎

Aristote avec sa tempérance était plus prudent que Platon.  On peut relire plus bas ce que j'écrivais à la suite de Barth et les limites du platonisme telle que mise en évidence dans GC1 de Balthasar...‎

C'est peut être aussi le chemin de Teilhard entre son Éternel feminin et un ouvrage plus tardif sur L'évolution de la chasteté. On sent dans le premier la faille qui s'ouvre en lui dans la rencontre du féminin et dans le second la conversion intérieure (sublimation ? ) d'un désir qui lui permet enfin de saisir que la force érotique fleurit dans une fécondité nouvelle ce que j'appelle symphonie (quand François nous parle de syntonie (2)‎.
Citons Teilhard : "La femme épanouit, sensibilise, révèle [l'homme]à lui-même" (3) et plus loin "L'amour est le seuil d'un autre univers".  C'est  la flamme jaillie de cette première union [conjugale] qui s'élèvera vers Dieu" (4)
(1) Homme et femme, il les créa, p. 30
(2)  cf. Amoris Laetitia n. 13
(3) Pierre Teilhard de Chardin, L'évolution de la chasteté, p. 77 et 80, cité par Christophe Gripon p. 152‎
(4) Ibid p. 88‎







Famille et sacrement - La joie de l'amour 6

Le pape François reprend ce beau texte de Paul VI prononcé à Nazareth en 64  : "toute famille, malgré sa faiblesse, peut devenir une lumière dans l’obscurité du monde" (AL 66). Il parle bien sûr de la "sainte famille", mais je me doute que sous la plume de François,  ses propos sont plus larges et sonnent comme une exhortation.
C'est ce qui apparaît dès le n.70, dans sa citation de Deux caritas est : “Le mariage fondé sur un amour exclusif et définitif devient l’icône de la relation de Dieu avec son peuple et réciproquement: la façon dont Dieu aime devient la mesure de l’amour humain ” (n. 11).

On rejoint ici ce lien particulier mis en avant par Éphésiens 5 et récemment commenté (cf tags).

C'est ce qu'on peut lire juste après :"Le Christ a (...) aussi élevé le mariage au rang de signe sacramentel de son amour pour l’Église (cf. Mt 19, 1-12 ; Mc 10, 1-12 ; Ep 5, 21-32). C’est dans la famille humaine, réunie par le Christ, qu’est restituée ‘‘l’image et la ressemblance’’ de la Sainte Trinité (cf. Gn 1, 26), mystère de tout amour." (AL 71).

Nous rejoignons là ce que j'ai longuement évoqué dans la "dynamique sacramentelle".

L'inconnaissable

À la suite de mes posts sur "l'inconnaissable divin", je tombe sur ce petit extrait de l'apologie de saint Justin  qui entre en résonance : " personne n'est capable d'attribuer un nom au Dieu qui est au-dessus de toute parole, et si quelqu'un ose prétendre qu'il en a un, il est atteint d'une folie mortelle. Ces mots : Père, Dieu, Créateur, Seigneur et Maître ne sont pas des noms, mais des appellations motivées par ses bienfaits et par ses œuvres. Le mot Dieu n'est pas un nom, mais une approximation naturelle à l'homme pour désigner d'une chose inexplicable" (1)

On pourrait aussi rappeler l'hymne de saint Grégoire de Naziance... : A toi l'au delà de tout"...

(1) Saint Justin,  première apologie,  source : office des lectures du jour, AELF

12 avril 2016

Présence absence - 3

"Il est bien que je m'en aille" Jn 16,7.
"Un seuil que nous avons du mal à passer, car beaucoup occupent la place du Christ. (...) [Celui-ci] s'efface (...) tout en renvoyant à quelqu'un d'autre, à notre origine, à la Parole de Dieu, au Père." nous dit Christoph Théobald. Il appelle cela "une expérience d'inversion  (...) seuil essentiel de l'expérience d'écoute (...) on ne regarde plus vers Dieu mais on se voit regardé par lui" (1).
C'est peut-être le point ultime de l'humilité. S'arrêter de parler à Dieu ou de Dieu et le laisser nous regarder, plonger au fond du coeur, nous aimer, tels que nous sommes et tels que nous pouvons devenir sous son regard, éclairés par sa lumière, portés par ses grâces et conduits à aimer en actes, comme nous le sommes...

(1) Christoph Théobald, Paroles humaines et Parole de Dieu, op. Cit p. 25.

Une éthique positive

Je rejoins ce que disait Mgr. T. Anatrella ce matin sur Radio N-D sur la façon dont le pape aborde la morale familiale. Les numéros 62ss sont caractéristiques de cette approche. L'indissolubilité n'y est pas présentée comme un "joug", "mais bien plutôt comme un don" (62) et la Samaritaine, comme la femme adultère ne sont pas condamnées mais "la perception de leur péché se réveille face à l'amour". (AL 64) L'approche de François n'est pas celle d'une condamnation, mais d'un éclairage miséricordieux qui éveille, éclaire et aide à discerner.

Quelle est ‎la différence me direz vous ? Elle est dans le respect porté à l'homme au-delà des actes. Et cela change tout... Car l'appel peut alors être entendu, l'interpellation donner du fruit.

Réalité et défi de la vie familiale - Chapitre 2

Je termine le chapitre 2 d'AL. On y trouve une description sans concession de toutes les difficultés actuelles de nos familles : excès de travail, individualisme, manque de communication, violences, migrations, addictions, sans compter d'autres pressions exogènes... François en parle avec la compassion misericordieuse d'un père et fustige les "lanceurs de pierres mortes".

On relira utilement le n. 53 sur la force de la famille.
J'aime la dernière phrase du chapitre qui nous vient des évêques colombiens : "libérer en nous les énergies de l'espérance en les traduisant en rêves prophétiques, en actions qui transforment et en imagination de la charité" (1)

(1) AL 57

Réflexions pastorales - AL 35 à 38

Poursuivons notre lecture de La joie de l'amour. Les paragraphes 35 à 38 semblent opposer une pastorale de l'accompagnement à une morale du jugement. Personnellement j'ai toujours eu une préférence pour la première et n'est pas caché mon agacement aux manifestations contre la décadence du monde qui manque de "capacité dynamique pour montrer les chemins de bonheur (...) reflet des attitudes de Jésus qui en même temps (...) [propose] un idéal exigeant [sans renoncer] à une proximité compatissante avec les personnes fragiles, comme la Samaritaine ou la femme adultère" (AL 38).

On retrouve bien là la priorité pastorale de notre pape et son hôpital de campagne. J'ai conscience que cela peut heurter nos vaillants défenseurs de la morale, mais c'est ce qui différencie pourtant Jésus des Pharisiens en Jn 8. 

Cf. A ce sujet mes développements dans Le vieil homme et la Perle.

Éloge de la tendresse - Amoris Laetitia 28

Nous avons souvent commenté ici le chapitre 11 d'Osèe en ce qu'il décrit les entrailles de Dieu et leur retournement. J'aime ce que dit François dans AL 28 sur la tendresse paternelle et maternelle de Dieu. Il met en rapport le Ps 131 et Osée 11 en décrivant un Dieu qui nous comble "comme un petit enfant contre sa mère". Ps 131, 2.
Est-ce parce que je vais être grand-père en septembre que l'image me touche ? :)

PS : Pour ceux qui n'ont pas le temps de lire l'exhortation (snif :( voici quelques pépites "live"...

11 avril 2016

Individualisme et communion

Si Dieu reste inconnaissable, l'incarnation nous ouvre un champ de contemplation, mais aussi de communion. Il nous révèle un Dieu tendu vers l'homme.  "Yannaras va jusqu'à affirmer que le lieu de la connaissance apophatique - la participation - s'identifie (...) au lieu de l'Église" (1). Il s'en suit une intéressante distinction entre l'individualisme religieux et l'Église.
"La religion est nécessairement individualiste (...) pulsion instinctive [alors] (...) que l'Église constitue l'existence comme communion". (2)
Cette clé de compréhension ouvre pour moi des portes à la compréhension de ce que j'appelle l'invitation à la danse trinitaire, non comme une adhésion mystique individuelle, mais comme le dépassement et le décentrement kénotique de l'individu qui entre au service du grand Corps qu'est l'Église.

(1) Christos Yannaras , cité par Gripon, op. Cit p. 120
(2) ibid p. 121.‎

Amoris laetitia - Pape François, La joie de l'amour

La joie de l'amour, du pape François  tout un programme à consommer sans modération.  On sent un texte emplit de sens pastoral.  Affaire à suivre donc... cf. lien sur le site du Vatican.
Petit extrait: "Le couple (...) est la vraie ‘‘sculpture’’ vivante (...) capable de manifester le Dieu créateur et sauveur. C’est pourquoi, l’amour fécond (...) la relation féconde du couple devient une image pour découvrir et décrire le mystère de Dieu, fondamental dans la vision chrétienne de la Trinité qui, en Dieu, contemple le Père, le Fils et l’Esprit d’amour. Le Dieu Trinité est communion d’amour, et la famille est son reflet vivant" AL,11
On retrouve des accents proches des catéchèses de Jean Paul II,  qu'il cite d'ailleurs juste après.
Cela résonne avec ce que j'ai écrit dans "Aimer pour la vie" et "Dynamique sacramentelle". Notons qu'il utilise le mot syntonie en 13 là ou je préfère symphonie. Cela doit être mon côté poète... :)

10 avril 2016

Sur le toit du monde -3 - M'aimes-tu ?

Quelques jours après la publication d'un post sur Jn 21, je découvre ce texte de Jean Paul II,  qui entre en résonance : " Il y a eu et il y a bien des hommes et des femmes qui ont su et qui savent encore aujourd'hui que toute leur vie a valeur et sens seulement et exclusivement dans la mesure où elle est une réponse à cette même question : « Aimes-tu ? M'aimes-tu ? » Ils ont donné et ils donnent leur réponse de manière totale et parfaite — une réponse héroïque — ou alors de manière commune, ordinaire. Mais en tout cas ils savent que leur vie, que la vie humaine en général, a valeur et sens dans la mesure où elle est la réponse à cette question : « Aimes-tu ? » C'est seulement grâce à cette question que la vie vaut la peine d'être vécue." (1)
(1) Homélie à Paris du 30 mai 1980, (trad. DC 1788, p. 556 copyright © Libreria Editrice Vaticana)

08 avril 2016

Présence et absence - Christophe Gripon

Où nous conduit l'auteur ? Après une fine analyse de Proverbes 8, nous voici sur des rivages plus connu, et notamment Lc 24, souvent commenté ici. En ce temps de Pâques, il nous faut contempler cette présence / absence du Christ. "Il n'est plus possible de s'attacher à la connaissance du corps "palpable, visible et identifiable" de Jésus ; il faut s'en remettre à la parole qui seule donne corps à la présence du Christ et par laquelle une reconnaissance est rendue possible" (1).

En citant le texte d'Emmaüs, C. Gripon rejoint ce que je ne cesse d'affirmer depuis "Pastorale du Seuil" : Dieu se dit et se révèle dans l'entre-deux. Il marche à nos côtés et quand nous pensons le saisir, il disparaît (Lc 24, 31).
Chemin d'humilité extrême(2), chemin de Dieu vers l'homme. 
Danse fragile et kénotique d'un Dieu qui respecte notre liberté au point de disparaître.

(1) C. Gripon, Éros, un chemin vers Christ-Sophia, op. Cit p. 100
(2) Voir notre recherche, Humilité et miséricorde, tome 1, l'humilité de Dieu, publication en cours.

07 avril 2016

Danse sur le toit du monde - 2

Notre société puritaine pourrait mettre des bémols sur une vision de la Sagesse, qui "danse et charme (...) par la force de son attraction érotique, [et] à laquelle ses amants doivent s'abandonner, au-delà de toute tentative de maîtrise et d'objectivation" (1) si "ce rôle médiateur de la Sagesse entre Dieu et l’homme" n'était pas à la fois sous-tendu par Pr 8, 30-31, mais également par Osée 2 et 3.
"Je la conduirai au désert" nous dit ‎Osée 2. Il y a bien un effort de séduction qu'on peut lire jusque dans les paroles du Christ "nous avons joué de la flûte et vous n'avez pas dansé" (Luc 7, 24). On notera plus loin dans la même page cette allusion à cette Sagesse insaisissable, proximité qui se dérobe et se fait désir, qui me rappelle un beau texte de Teilhard sur la custode et les considérations de Jean Luc Marion dans L'idole et la distance. Le chemin pastoral qui se trace là est à contempler. C'est celui d'un Dieu tout tourné vers l'homme et qui cherche à le faire entrer dans sa danse.

(1) C. Gripon, op. Cit p. 79ss‎

Présence et absence - 2

A partir d'une présentation succincte de l'apophatisme de la physique quantique (1) digne de sa connaissance dans le domaine, le physicien et théologien Christophe Gripon nous conduit sur les pas de Denys l'Aréopage, jusqu'à Yannaras. Quel est l'enjeu ? 
Réfuter tout discours trop rationnel sur un Dieu qui nous échappe et parvenir à "la négation des idoles rationnelles de Dieu" (2), et accepter de fait "l'inconnaissance comme unique catégorie de connaissance" (3) ou comme le dit le Pseudo-Denys, "le non-être au delà de l'essence" (4).

Il y a, dans les propos de Gripon, des phrases qui me rappellent la philosophie de Lévinas, disciple lui-même de cet Heidegger qu'il cite. C'est d'abord la question de l'Autre, la différence entre le Dire et le dit et cela va jusqu'au titre de son ouvrage sur "L'autrement qu'être, ou au-delà de l'essence"....

Mais poursuivons. N'y a-t-il pas un risque mys‎tique ? Non dit Yannaras : "La distinction ineffable (...) rend possible à l'homme la participation au Dieu imparticipable (...) [tout en supposant] l'autonomie de la personne (...) et excluant la confusion, la dissolution de la personne dans l'extase mystique". (5) 

En fait, comme il le précise plus loin, la connaissance apophatique est "ordonnée à la communion des personnes", et nécessite une "anthropologie essentiellement kénotique"(6), ce qui n'est pas sans rejoindre ce que je démontre dans mon tome 2 d'humilité et miséricorde : décentrement et communion. Décidément nos pensées se rejoignent.


(1) Christophe Gripon, Éros, un chemin vers Christ-Sophia, op. Cit p. 102 ‎ (on aimerait qu'il en dise plus, mais n'est-ce pas ça justement l'apophatisme : garder en vue l'incompréhensibilité de Dieu).
(2) Christos Yannaras, De l'absence à l'inconnaissance, p. 93‎, ibid. p. 115
(3) Gripon p. 115
(4) Yannaras p. 95
(5) p. 115 ‎ 
(6) Gripon p. 118 et note 343.

Paroles humaines et Parole de Dieu -2

Qu'est-ce qui fait la différence nous dit Théobald ? Il cite pour cela ce texte de Paul (1) :

"C'est pourquoi nous aussi, nous ne cessons de rendre grâces à Dieu, de ce qu'ayant reçu la divine parole que nous avons fait entendre, vous l'avez reçue, non comme parole des hommes, mais, ainsi qu'elle l'est véritablement, comme une parole de Dieu. C'est elle qui déploie sa puissance en vous qui croyez".

1 Thessaloniciens 2:13

Dans ma lecture cursive de Genèse,  je tombe sur la même irruption de bienveillance dans Gn 33. Or ce texte est le fruit direct de Gn 32,  le combat de Jacob avec l'ange.  Jacob passe d'un homme ordinaire à celui qui est touché par Dieu...
Et Gn 33 est une vision inversée des deux frères de Luc 15. A contempler dans ces temps où la bienveillance n'a plus bonne presse (2)

(1) Ibid p. 16
(2) Contre la bienveillance,  paru récemment.

06 avril 2016

Danse sur le toit du monde

Les lecteurs fidèles de mes écrits depuis "la danse trinitaire" savent que le mot danse ne cesse de m'interpeller, du fait de ses implications pastorales.
Je ne peux donc passer à côté des pages 72ss ‎ de L'éros, un chemin vers Christ-Sophia  (1) où mon ami C. Gripon commente les versets 30 et 31 de Proverbes 8.

Il y fait apparaître un chiasme où "délices" et "dansant" se répètent dans une forme concentrique autour de Dieu, comme le font, chez Fra Angelico les anges au Paradis.

A Alors j'étais auprès de lui son ouvrière,
B. j'étais ses délices de tous les jours, 
C et je [dansais] sans cesse 
en sa présence.
C Je [dansais] dans le monde et sur la terre, 
B et mon bonheur [délices] 
A parmi les enfants des hommes.‎(2)
La danse trinitaire à laquelle Adam est invité par la Sagesse est au coeur de la révélation de Dieu.

A suivre...

(1) op. Cit. chez Mediaspaul, 2016
(2) traduction OST corrigée 
Voir aussi mes travaux sur La danse trinitaire / La danse des anges.


04 avril 2016

Sur le toit du monde - 2

Après avoir laissé résonner le silence du tombeau vide, la voix d'un fin silence nous fait entendre son chant. Il se murmure depuis l'éternité.  On l'entend dans l'entre-deux entre la terre et le ciel, où dans la nuit du jardin de l'homme,  alors que nous sommes emportés par le sommeil.
J'étais là (1)
Je suis celui qui suis (2)
Je serai qui je serai (2)
Je suis.(3)
Un "je suis" (ego eimi) répété trois fois auquel Pierre réponds,  à notre image un je ne suis pas (ouk eimi)
Il n'est que murmure,  car c'est la voix du silence(4) et de l'abaissement,  de l'humilité et du renoncement.  Et pourtant,  il ne cesse de résonner dans nos déserts, de crier sa soif de nous rejoindre.
Donne-moi à boire (5)
J'ai soif (6)
Sur la croix, le chant du Christ semble s'éteindre.  Il est remit au Père.
Et pourtant,  alors qu'on croit venue la fin, résonne un ultime chant. Est-ce le chant des anges ?
Je serai avec vous (7)
Allez
Il vous attend au coeur de l'humain,  en Gallilée
À ceux qui doutent encore,  il demeure un signe, celui d'un fleuve immense jailli du sein du Fils de l'homme.
Pour aller plus loin
(1) Proverbes 8, 27 - cf. C. Gripon, op. Cit. p.  61
(2) Ex 3
(3) Jn 18
(4) 1 Rois 19, cf. La voix d'un fin silence,  in L'amphore et le fleuve
(5) Jn 4
(6) Jn 19, cf. aussi Sur les pas de Jean
(7) Mt 28, 20

Sur le toit du monde - 1

Pourquoi sommes nous là réunis aujourd'hui dans ce monde défiguré par la haine, la violence et tous ces égoïsmes auxquels nous ajoutons notre part ?
Vous allez me dire, pas moi, je ne suis pas de ceux là. Je ne vous croirez pas.... Car en nous levant ce matin nous avons consommé, pollué, négligé la planète,  ignoré la main tendue, refusé un sourire...
Nous sommes donc tous participants à cette défiguration du monde. Nous ne sommes pas des parfaits... Nous ne méritons pas cette adresse de Paul, au début de ses lettres : peuple de saints. Et pourtant nous sommes....
Dieu nous a donné vie....
Pourquoi ?
Laissons résonner en nous cette question.
Pourquoi ?
Elle résonne comme une vieille phrase, écrite il y a 2500 ans au chapitre 3 d'un vieux livre : "Où es-tu ?"
Écoutons cette phrase résonner dans le jardin du monde.
Pourquoi ?
Où es-tu ?
On pourrait en ajouter une autre qui résonne comme en écho sur la face irisée d'un lac de Gallilée :
Aimes-tu ?
En version originale,  elle se prononce de manière plus directe : "m'aimes-tu ?"
Posée par trois fois à Pierre,  elle vient s'ajouter aux deux premières questions et déchire le silence de nos nuits.
Alors la réponse du pourquoi pointe son nez,  fragile.
Je suis là pour aimer...
Et vient alors une quatrième question,  posée sur la pointe des pieds.
Jusqu'où ?
Quatre questions donc, gravées sur le sable,  de la pointe d'un bâton,  tant celui qui la pose ignore encore s'il pourra lui même y répondre. 
Ces questions ne sont pas des lieux d'enfermement, elles n'ont pas de morale attachée.  Elles se contentent de résonner depuis un tombeau qui semble vide.
Et pourtant,  ce vide apparent nous laisse habité par ces questions et il nous faut  sans cesse prendre le temps de les écouter et tenter d'y répondre.
Pour aller plus loin :
1) textes évoqués :  Gn 3,  Jn 21, Jn 8
2) C. Hériard, Sur les pas de Jean....

03 avril 2016

paroles humaines et Parole de Dieu

Qu'est-ce qui rend la parole humaine Parole de Dieu ? Une vraie question pour ceux qui scrutent l'Écriture. Souvent, on se rend compte que certains textes restent emplis de leurs "adhérences", qu'elles ne sont pas dignes d'être dans la Bible. On en a presque honte... Jusqu'à cette violence de certains passages de Luc qui parlent d'égorgement...(Lc 19, 27). Et pourtant, parfois, certaines paroles nous échappent. 
"Il y a des paroles exorbitantes" nous dit Theobald,"dont aucun homme ne peut porter le poids, une parole dont Dieu seul peut être l'origine" (1). Alors on pose le livre et on se dit Dieu est là. Et cette quête rebondit avec nos vies, devient souffle...

(1) Christophe Theobald, Paroles humaines, Parole de Dieu, Paris, Salvator, 2015, p. 16

02 avril 2016

L'homme-Dieu indivisible

Dire que Jésus est le voile de Dieu, c'est ne pas comprendre l'enjeu de son humanité, de son humilité, de l'abaissement qui nous ouvre à la contemplation de "l'homme en qui Dieu resplendit". Devant la Croix au contraire le voile s'est déchiré. Dieu est là... "Dieu apparaît en l'homme-Jésus". Il est "l'homme-Dieu indivisible" (1) nous dit Balthasar, contre une idée platonisante qui verrait Jésus comme une figure incomplète réservée aux simples incapables de saisir la réalité de Dieu.

"En révélant son amour dans la chair et le sang et en les sacrifiant pour la vie du monde, Dieu s'est engagé d'une manière insurpassable et sans retour possible. Pour quiconque a pu déchiffrer l'image du Fils ensanglanté sur la Croix, la persistance de cet engagement dans l'Eucharistie (...) est. Révélation de la splendeur divine" (2)
Il nous reste à contempler cela jusqu'à ce don que Dieu nous fait de danser avec lui. En mangeant à sa table et buvant à sa coupe, nous participons à notre manière à cette inhabitation divine dans l'humanité. Plus encore, en marchant à sa suite, nous l'accompagnons sur le chemin d'Emmaüs.

(1) Hans Urs von Balthasar, op Cit GC1, p. 369
(2) ibid p. 372.


01 avril 2016

Pastorale du seuil – 8 idées pour la mission


Notre monde a besoin de nouveaux terrains pour rencontrer Dieu. Le mot terrain, en soi, n’est pas choisi au hasard, tant il est vrai que nombreux sont ceux qui ne trouvent plus dans nos églises un attrait suffisant pour rejoindre nos communautés. Il nous faut donc trouver de nouveaux lieux où exercer notre mission de baptisés.

Le pape François nous appelle à partir à la périphérie, à sortir donc de nos murs et installer des hôpitaux de campagne, pour transmettre au monde la « caresse de Dieu »(1). Habitués à cette pastorale du seuil, nous avons à revisiter les lieux et les approches habituels. Il nous faut trouver les clés d’entrée qui peuvent permettre aux chercheurs de Dieu de rejoindre ce qui nous fait vivre. Pour cela, nous devons accepter de quitter les chemins habituels, pour partir, à la suite de Jésus sur les routes qui s’éloignent en apparence de Jérusalem, ces chemins d’Emmaüs (Lc 24, 13-35)  où l’écho d’un tombeau vide résonne encore du cri et de l’absence apparente de Dieu.

Après 25 ans en pastorale urbaine et 5 années passées en zone rurale, un changement qui a donné lieu pour nous à une conversion du regard, tant les populations et les besoins étaient différents, voici huit chemins identifiés comme prioritaires, pour tenter d’atteindre le cœur de ces brebis égarées sur les chemins du monde.

Une pastorale de l’humilité

La première leçon d’Emmaüs est de contempler le Christ qui ne se dévoile pas, ne joue pas les maîtres, mais accompagne sur un chemin dont il ne connaît pas toutes les pierres. Il a soif de la rencontre, interroge, reconnaît à chacun sa valeur propre et ne cherche pas à s’imposer, au point de disparaître à la fraction du pain.

Une pastorale de la joie

La deuxième leçon de l’Évangile est celle d’un Christ qui ne refuse pas de s’assoir à la table des publicains (Mc 2, 16), à boire du vin (Jn 2, 1-12) et à chanter sur les places. À la différence de son cousin, sa pastorale est celle de la joie.

Une pastorale de la création

Une troisième leçon est celle de la contemplation. En mettant l’enfant au centre de son enseignement, il nous conduit à reconnaître que la naissance, l’enfance, la créature de Dieu est lieu de contemplation et d’étonnement. Et ce faisant, elle est chemin vers Dieu. C’est un atout de notre pastorale rurale, où nous rencontrons souvent des couples déjà parents, de les faire parler de la joie de leur paternité, comme lieu de rencontre avec le divin.

Une pastorale de l’amour

L’amour, leur amour est aussi une clé d’entrée à Dieu. En les faisant contempler ce qui est né en eux, ce qu’ils vivent, voire les joies de leurs rencontres, nous pouvons les introduire à cet amour reçu, débordant qui nous vient de Dieu.

Une pastorale de la miséricorde

Être accueillant, sans juger leur passé mais tout tourné vers l’avenir, c’est exercer la miséricorde d’un Dieu qui ne juge pas l’homme, veut guérir ceux qui sont marqués par des échecs et les inviter à une nouvelle danse.

Une pastorale de l’engendrement

L’enjeu n’est-il pas de les rendre actifs, engagés, leur révéler ces clés intérieures qu’ils portent en eux et peuvent libérer sur les chemins de Dieu ? Il est étonnant de voir combien certains, à l’issue de nos rencontres, accueillis, portés par la dynamique d’un groupe qui les a valorisés, souhaitent aller plus loin. C’est cela l’engendrement : réveiller l’envie de faire église.

Une pastorale de la Parole

La Parole de Dieu, partagée, découverte ensemble, quand elle est source de dialogue, d’échange et de vie, réconcilie l’homme avec l’Évangile, lui montre combien il rejoint l’aujourd’hui de chacun.

Une pastorale de la souffrance

Plus délicate, cette dernière clé n’est pas à oublier. Car ceux qui se sont éloignés de Dieu portent en eux une question qui les minent : « Où es-tu, mon Dieu ? ». Souvent la souffrance, la perte d’un proche est le point de blocage de leur relation avec Dieu. Or, à l’âge où ils se marient, c’est souvent la perte d’un grand-parent qui les touche et interpelle leur lien avec l’Église. En ignorant ce point, nous risquons de passer à côté d’un écueil majeur.

Conclusion

On le voit, les clés sont nombreuses et les moyens d’y parvenir semblent délicats. Pourtant, cette petite liste semble prioritaire. Si nous omettons de nous y référer, nous risquons de passer à côté de l’essentiel, de plaquer un discours, une morale, là où ils cherchent des chemins. Le travail de Dieu en l’homme nous échappe. En ouvrant ces huit portes, nous travaillons à le faciliter.



(1) Pape François, Homélie à Sainte Marthe du 7/4/2014

Pour aller plus loin :
1) Pape François, La joie de l'Evangile
2) W. Kasper, La miséricorde
3) Théobald / Bacq, La pastorale d'engendrement
4) C. Hériard Pastorale du seuil /  Où es-tu, mon Dieu ? - Souffrance et création / Chemins d'Evangile / Aimer pour la vie, essai de spiritualité conjugale / Humilité et miséricorde (à paraître)

27 mars 2016

Il est vraiment ressuscité

Avec saint Augustin,  contemplons la lumière du ressuscité :  "Comme nos yeux éblouis contemplent ces flambeaux brillants, ainsi notre esprit éclairé nous fait voir combien cette nuit est lumineuse –- cette sainte nuit où le Seigneur a commencé en sa propre chair la vie qui ne connaît ni sommeil ni mort !" (1)

(1) saint Augustin,  2ème homélie pour la Nuit Sainte ; PLS 2, 549-552 ; Sermon Morin Guelferbytanus 5 (trad. coll. Icthus 10, p. 197s)

26 mars 2016

Résurrection

Avec saint Augustin,  contemplons la lumière du ressuscité :  "Comme nos yeux éblouis contemplent ces flambeaux brillants, ainsi notre esprit éclairé nous fait voir combien cette nuit est lumineuse –- cette sainte nuit où le Seigneur a commencé en sa propre chair la vie qui ne connaît ni sommeil ni mort !" (1)

(1) saint Augustin,  2ème homélie pour la Nuit Sainte ; PLS 2, 549-552 ; Sermon Morin Guelferbytanus 5 (trad. coll. Icthus 10, p. 197s)

25 mars 2016

Le voile du temple

"Le voile du temple déchiré, le saint des saints devenu béant, la figure a fait place à la réalité, la prophétie à son accomplissement, la Loi à l'Évangile. Tu as tout attiré à toi, Seigneur, puisque la piété de toutes les nations célèbre partout, au vu et au su de tous, le mystère qui jusqu'alors était voilé sous des symboles dans un temple unique de Judée. Ta croix, ô Christ, est la source de toutes les bénédictions, la cause de toute grâce. Par elle, les croyants tirent de leur faiblesse la force, du mépris reçu la gloire, et de la mort la vie. Désormais, l'unique offrande de ton corps et de ton sang donne leur achèvement à tous les sacrifices, car tu es, ô Christ, le véritable Agneau de Dieu, toi qui enlèves le péché du monde. L'ensemble des mystères trouve en toi seul son sens plénier : au lieu d'une multitude de victimes, il n'y a plus qu'un unique sacrifice".

Saint Léon le grand,  Sermon sur la Passion,  Source AELF

Chemin de croix

Voir ma dernière publication sur Prier Dieu
Une méditation à la lumière des événements récents. Nous sommes tous petits face à l'amour.

24 mars 2016

La part féminine...

" Quand l'image de la femme disparaît de la réalité théologique, c'est une conceptualité et une technique abstraites masculines et sans image, qui l'emportent. Mais alors la foi se voit chassée du monde et rejetée dans le domaine du paradoxe et de l'absurde" (1).

Dans la même trajectoire,  on pourra lire Eros, un chemin vers Christ-Sophia, de Christophe Gripon, qui vient de paraître chez Mediaspaul... une excellente étude sur la part féminine, à partir de Proverbes : 
http://mediaspaul.fr/catalogue/eros-un-chemin-vers-christ--sophia-l-8742

(1) Hans Urs von Balthasar, La Gloire et la Croix, tome 1, Apparition, p. 357

23 mars 2016

Désert 2

Plus loin Balthasar précise sa pensée :"l'orant a le droit d'avoir confiance, même quand il souffre de la sécheresse et n'éprouve rien, et il doit apprendre à dégager sa foi toujours plus purement de la subjectivité provisoire de ses dispositions. Et cependant cette purification des dispositions subjectives est en même temps la voie sur laquelle le sujet humain doit rencontrer le plus sûrement, avec tout don être d'homme, le vrai Seigneur et Dieu" (1)

 Là où toute liberté est laissée à Dieu, Dieu peut s'introduire 
 
(1) Balthasar, op . Cit,   GC1, p.354

Désert et démesure

Quand on est dans le désert, que Dieu nous semble bien loin, silencieux alors que nos cris montent vers lui, il est rassurant d'entendre que ce n'est pas sa nature. Sommes nous, comme le fils aîné de Luc 15, incapables de sentir que "tout ce qui est à Lui est à nous". Ne voyons nous pas les dons de Dieu ? Que nous faut-il encore ? Le voir face à face ?

"S'il est vrai que l'Église, pas plus que le chrétien, ne doit jamais désirer de grâces mystiques comme si la figure de la révélation placée devant le monde ne suffisait pas, il est pourtant tout aussi vrai que Dieu ne s'en tient jamais, d'une manière minimiste, à ce qui est strictement suffisant. Car la beauté éternelle se dépense et rayonne toujours merveilleusement au-delà de toute attente." (1)

(1) Hans Urs von Balthasar, La Gloire et la Croix, Apparition, tome 1, GC1 p. 353

22 mars 2016

Le balancier 2 - Ignace de Loyola

"L'expérience chrétienne vivante de foi inclut, d'après Ignace de Loyola , par exemple, une certaine expérience de la proximité et de l'éloignement de Dieu, de la consolation et de la désolation (...) toutes choses qui ne doivent pas nécessairement être appelées déjà "mystiques" au sens fort du terme". (1) 
On pourrait ajouter, à la suite des travaux de Jean-Luc Marion sur l'idole et la distance, que ce que Balthasar dit là est le lot commun ‎de tout chercheur de Dieu. 
Il rime pour moi avec cette‎ idée de balancier, qui est aussi leçon d'humilité pour l'homme. Comme Pierre sur le mont Thabor, une trop grande proximité serait source de chute. 

(1) Hans Urs von Balthasar, op. Cit., Gc1, p. 349

Le balancier - mystique et charismatique

Les prophéties et autres expériences charismatiques‎ ont-elles encore une place dans l'Église pendant la troisième dimension trinitaire ? Elles ne peuvent l'être que comme réelle "participation au Saint-Esprit de l'Église (...) comprise dans sa profondeur comme plénitude du Christ"(1). Elle doit donc lui être subordonnée. Balthasar l'explique en faisant référence aux deux chapitres 12 et 13 de 1 Cor. Mais, précise-t-il, il demeure le risque d'une mystique purement personnelle. Et c'est là où ses propos deviennent particulièrement pertinents. En évoquant la crise montaniste, il souligne, depuis Saint Augustin, la vigilance de l'Église sur ce point(2). On ne peut, pour autant rejeter toute expérience mystique et rejeter avec toute expérience sensible. Cela rejoint pour moi cette notion de balancier déjà évoqué. Il y a un sain équilibre, une saine tension, à trouver entre rationnel et mystique, foi et raison, idéalisme et réel. L'Église n'a cessé d'osciller entre l'Église d'Antioche et celle d'Alexandrie, entre Jean Chrysostome et néo-platonisme. L'Ecole française insiste à juste titre entre la contemplation (préambule) et l'action (finale) comme sain aller retour qui met Jésus au centre (dans mes yeux, dans mon coeur, dans mains).
 Il faut s'en souvenir et mettre en place, comme le fait par exemple "Le Chemin Neuf" des structures de discernement et de vigilance qui évite tout débordements.

(1) Hans Urs von Balthasar, La Gloire et la Croix, Apparition, GC1, p. 347
(2) Ibid. p. 348ss

21 mars 2016

La troisième dimension trinitaire - Urs von Balthasar

Je n'avais pas remarqué dans ma première lecture de la Trilogie cette expression de troisième dimension trinitaire qui a pourtant son sens. Je suppose qu'il appelle la première dimension, le temps de préparation et de pré-révélation du Verbe. La deuxième dimension étant l'incarnation. La troisième est pour lui "l'explicitation et l'intériorisation de la révélation du Logos par le Saint-Esprit. Mais celui-ci, capable d'expliciter la révélation en mode infiniment variés, est libre de se servir aussi des expériences archétypiques bibliques, pour manifester dans L'Église de tous les siècles, l'existence durable de la révélation - non comme passée, mais comme présente."
(1)

Je suppose que la troisième dimension commence sur le chemin d'Emmaüs, et que notre rôle de chrétien engagé est d'être instrument de cette dimension. Vivons donc la 3d ! A la lumière de la 1d et de la 2d.

(1) Hans Urs von Balthasar, La Gloire et la Croix, tome 1, Apparition, GC1, p. 344

18 mars 2016

Présence - Paul Claudel

Dieu nous appelle chacun dans l'être par un nom spécial et l'âme entend alors "ce nom essentiel que l'Amant divin imperceptiblement ne cesse à la fois de lui suggérer et de lui réclamer(1)". Qu'est-ce ? Probablement un "Je suis" mêlé d'un "Je t'aime", comme ce Samuel répété trois fois dans le Temple qui ne dis rien d'autre qu'un "Tu as du prix à mes yeux".

Qu'arrive t-il quand on perçoit l'appel ? Balthasar suggère l'arrivée "d'une bienheureuse‎ humiliation de n'être pas Dieu", de cette lumière qui inonde la créature"et de cette nourriture (...) à laquelle les créatures, comme un troupeau dans le brouillard, tendent d'instinct" (2). Mais il nous conduit plus loin, jusqu'à contempler cette nourriture même "qui a pour but d'accoutumer  notre être à vivre en Dieu par la descente du Verbe dans les sens (...) et même la substance" (3). "Notre chair a cessé d'être un obstacle, elle devient un moyen et un véhicule, elle a cessé d'être un voile, elle devient une appréhension" (4).
J'ajouterai, sur la pointe des pieds, elle devient danse, car cette incarnation du Verbe nous enseigne, à petits pas, la danse éternelle des anges.


(1) Paul Claudel, Présence et prophétie, 1942, p. 15-16
(2) Hans Urs von Balthasar, GC1 p. 339
(3) ibid p. 340.
(4) Paul Claudel, op. Cit  p. 55

Epiphanies de la vie quotidienne -Romano Guardini

Qu'est il resté du caractère épiphanique après que le Seigneur soit remonté se demande Romano Guardini ? Il ne répond qu'avec quelques exemples. Le visage d'Étienne, visage d'ange, la force de l'Esprit,...
Celui qui m'interpelle le plus est cette liturgie "dont le Christ attend que nous reconnaissons sa présence dans ses signes : le pain et le vin, l'eau du baptême". (2)

C'est peut être là que nos sens sont les plus mis en branle. Car quoi de plus incarné que l'eau, le pain, le vin. C'est là pourtant, au coeur de nos existences, dans ce qu'elle a de plus concrète que ce joue l'épiphanie la plus dérangeante. Car à la présence physique du pain que nous mangeons se joint cette réalité concrètement indiscutable du faire mémoire d'un don plus grand, tout aussi incarné d'un corps, sur le bois de la Croix, qui en se donnant à nous par le pain devient présence réelle. Ce que mon corps ressent dans la manducation du pain, rejoint ce que mon âme à manduqué à la table de la Parole et la circulation pneumatique des deux consommation induit en nous le désir et le manque d'une communion réelle et future avec Celui qui se donne, sur les deux tables.

(1) Romano Guardini, Les sens‎ et la connaissance de Dieu, Paris, Cerf, 1954, p. 90
(2) ibid. Cité in GC1 p. 333

Voir aussi une médiation sur le chemin de Croix en union de prière avec les victimes des attentats en Belgique : http://prierdieu.blogspot.fr

Archétypes et exemples - Karl Barth

La suite logique de la pensée Barthienne est que les personnages de la Bible n'y sont pas considérés comme des archétypes éthérés, mais comme des exemples. Cela peut être des pécheurs aveugles, qui ont "des yeux pour ne pas voir" ou d'autres qui au contraire perçoivent Dieu et ses témoignages. Ce sont des hommes "tous entiers qui perçoivent et qui pensent".  En ce sens, ils peuvent devenir "l'espace  ouvert dans lequel Dieu se rend présent dans ses témoignages et vient habiter. Alors la perception de l'homme, parvenue à son terme, est-elle même une pensée. Son corps se met au service de son âme (...) devient une vision et une audition accomplies"(1).
L'enjeu n'est donc pas de l'ordre de la pensée, mais de l'ordre du désir et de l'amour. Tout, étant foncièrement incarné se passe réellement "entre Lui et l'homme. Voilà pourquoi la Bible parle si anthropologiquement de la parole et de l'action, de sa venue et de son départ, de son"‎ agir, comme si tout cela "venait d'une créature semblable à l'homme" (2). "Dans cette perception et ce désir sensibles, l'homme s'élève au-dessus de lui-même et devient libre pour Dieu et par Dieu (3)".

En cheminant à côté d'eux se glissent aussi en nous le Verbe lui-même. En vivant, goûtant à leurs côtés à cette révélation possible d'un Dieu qui s'incarne et se fait anthropologiquement proche, nous sommes, nous aussi touchés dans nos désirs et dans nos manques, dans le réel de nos vies. Alors le Dieu de nos pères devient notre Dieu, alors nos images et nos projections se confortent au réel, Dieu se fait présent et nous pouvons accueillir, au bout de la route d'Emmaüs la fraction du pain d'un Christ qui a rejoint notre route, c'est fait explication et désir, et qui en disparaissant devient présence et manque, révélation et mystère, réel et futur.

(1) Karl Barth, op. Cit p. 485ss
(2) p. 487-499
(3) Hans Urs von Balthasar, GC1 p. 329

Être et sentir - Karl Barth

A la tentation mystique ou orientale de quitter le réel, Barth semble opposer une objection majeure :" je ne suis pas sans être en même temps mon corps"‎(1). A ce sujet, Balthasar considère la pensée de Barth comme "radicalement antiplatonicienne" (2) : "l'âme sans corps n'est pas l'âme, mais la simple possibilité d'une âme" (3).
Que tirer de cette affirmation qui rejoint d'ailleurs l'idée même de l'incarnation ?
Notre vie, not‎re agir ne pourront jamais être l'occasion de fuir le réel. Ce dernier est notre aujourd'hui et  le demeure. Nous avons à le vivre pleinement, jusque dans les méandres de notre chair, même si, d'une manière ou d'une autre, il faudra renoncer, un jour, non au réel, mais à notre maîtrise de lui, jusqu'à se laisser saisir par Dieu, être agis en lui. 

(1) Dogmatique de l'Église, III, 2, p. 450-452, tr. Fr. Ibid. p. 54
(2) GC1, p. 327
(3) Barth, ibid. p. 453

17 mars 2016

Savoir et sentir - Ignace de Loyola

On a souvent une quête de connaissance, y compris sur Dieu, qui nous pousse à creuser les choses de Dieu. Un précepte devrait néanmoins inspirer notre quête : "ce n'est pas l'abondance du savoir qui rassasie l'âme et la satisfait, mais de sentir et de goûter les choses intérieurement" (1). 
Le chemin tracé par Ignace nous conduit à sentir un Christ incarné, jusqu'à voir "comment il parle et prêche, va et s'arrête (...) inscrire dans son coeur son attitude et ses actions"‎ (2).
Quel est l'enjeu sinon cette mimetai (imitation) dont nous parle Paul.

(1) Ignace de Loyola, exercice 2, cité in GC1, p. 317
(2) Ludolphe le Saxon, Vita Jesu Christian, n•11-12, Paris, Rigollot, 1870, p. 9

15 mars 2016

Le côté du Christ - soumission ou amour

Nous pouvons lire la création d'Éve comme une soumission à Adam, de même que nous pouvons buter sur la prétendue soumission de la femme à l'homme dans Éphésiens 5. Mais il peut en être autrement quand nous entendons véritablement ce que demande Paul, quand nous réalisons qu'il demande à l'homme d'aimer sa femme comme le Christ a aimé l'Église.  Alors ce que dit saint Jean Chrysostome sur la création d'Éve prend aussi du sens :

"Aussi saint Paul dit-il : Nous sommes de sa chair et de ses os, désignant par là le côté du Seigneur. De même en effet que le Seigneur a pris de la chair dans le côté d'Adam pour former la femme, ainsi le Christ nous a donné le sang et l'eau de son côté pour former l'Église. Et de même qu'alors il a pris de la chair du côté d'Adam, pendant l'extase de son sommeil, ainsi maintenant nous a-t-il donné le sang et l'eau après sa mort. 

Vous avez vu comment le Christ s'est uni son épouse ? Vous avez vu quel aliment il nous donne à tous ? C'est de ce même aliment que nous sommes nés et que nous sommes nourris. Ainsi que la femme nourrît de son propre sang et de son lait celui qu'elle a enfanté, de même le Christ nourrit constamment de son sang ceux qu'il a engendrés." (1)

Sous cet angle, l'enjeu n'est plus soumission mais amour.

(1) Saint Jean Chrysostome,  catéchèse baptismale, source AELF

14 mars 2016

Création et pastorale

Dans une lecture cursive ‎et pastorale de la Genèse et en particulier de Gn 1 (1), il est intéressant de creuser le crédit à donner à ce texte, 2.500 ans plus tard. Je ne parle pas de sa profondeur scientifique mais d'une vision moderne de l'exégèse, à la lumière des travaux de P. Beauchamp sur le travail mêlé de l'homme et de Dieu dans cette écriture sainte. Peut-on dire, qu'il s'agit encore d'un balbutiement de révélation auquel le prologue de Jean apportera une touche complémentaire, comme j'ai tendance à le démontrer dans mon étude de Jean 1(2) ? 
Dans ce cadre, on peut contemplerque ce que Gn 1 dit de l'Esprit et du Verbe puisse introduire ce que Jn 1 dit de l'interaction des personnes divines. Cela va en effet dans le sens de la circumincession des Personnes divines, telles que contemplées par les Pères de l'Église telle que mise en valeur par E. Durand.(3)

(1) à paraître 
(2) Sur les pas de Jean
(3) ‎Emmanuel Durand, La Périchorèse des Personnes divines, Paris, Cerf , 1993


Peuple de frères

‎Une méditation cursive des deux premiers chapitre d'Osée montre les conditions de basculement de l'état de "non-peuple" à l'état de "peuple" (1). C'est dans la même lancée que, à la suite de Pierre, nous sommes invités à devenir le peuple saint, au sens donné par Ex. 19,5 s et Isaïe 43, 20-21. Notre vocation royale, prophétique et sacerdotale s'est nourrie, pour Balthasar(2), des archétypes de la première et de la deuxième alliance, jusqu'à la figure déjà commentée de Marie, puis celle des Apôtres. Quelle est l'enjeu de ce mouvement ? N'est-ce pas une dynamique sacramentelle(3) au sens d'une succession de figures positives ou négatives qui nous accompagnent dans notre propre quête, reflètent nos propres hésitations des reniements de Pierre au sommeil de Jean, lors du grand soir. Tous ces balbutiements nous accompagnent dans un chemin d'Emmaüs qui trouve son terme dans une humble fraction du pain où Dieu, à la fois, se révèle et disparaît dans ce qui caractérise son humilité la plus flagrante.

‎(1) cf notre Commentaire de l'Ancien Testament, tome 1, à paraître 
(2) Hans Urs von Balthasar, GC1 p. 299
(3) cf notre recherche éponyme

13 mars 2016

Maternité mariale

A la suite de Grégoire de Nysse et Diadoque de Photicé, Balthasar contemple la grossesse mariale, cette "sensation corporelle d'une présence", comme "une imitation du mystère  trinitaire au sein de l'économie" divine, mais aussi comme la première et plus étroite imitation du "mystère des deux natures dans l'unique Personne". Marie doit s'ouvrir par la foi en une expérience qui est elle-même et l'autre, ce "germe" du Verbe qui paraît "d'abord croître dans le je maternel, jusqu'à ce qu'il apparaisse, par la croissance elle-même, que c'est l'inverse et que ce je est contenu dans le Verbe de Dieu" (1)

On peut à sa suite contempler dans le récit de la visitation l'enjeu de ce tressaillement de Jean à la rencontre du Verbe jusqu'à percevoir en quoi le don de Dieu dans l'incarnation nous introduit à notre tour dans l'économie divine et nous fait jaillir hors d'un je qui s'enroule sur lui-même pour entrer dans la danse de Dieu.(2)

Balthasar poursuit en contemplant la kénose virginale jusqu'à ce renoncement de plus en plus déchirant "en faveur de ‎l'Église, à tout ce qui intéresse sa vie personnelle [pour] demeurer finalement, tel un arbre depouillé, la foi nue" (3) et le coeur transpercé d'un glaive.

En contemplant cela, jailit en nous ce qui constitue l'essence de notre dévotion mariale, la prise de conscience qu'elle a ouvert pour nous le chemin d'une kénose à laquelle nous sommes à notre tour convié.

(1) Hans Urs von Balthasar, GC1 p. 286
(2) voir In Utero, le roman initial, à paraître chez Createspace / Amazon.
(3) Balthasar, ibid p. 287-288


12 mars 2016

Vallée d'Achor - 3


A la suite du post précédent qui évoque les vignes de la vallée d'Achor, on peut contempler le Psaume 142 : 

Délivre-moi de mes ennemis, Seigneur :
j’ai un abri auprès de toi.
10Apprends-moi à faire ta volonté,
car tu es mon Dieu.
Ton souffle est bienfaisant :
qu’il me guide en un pays de plaines.
"

L'office des Laudes nous emmène ensuite vers Isaïe 66 :

"10A vous, l'allégresse de Jérusalem ! +
Exultez en elle, vous tous qui l'aimez ! *
Réjouissez-vous de sa joie,
vous qui la pleuriez !

11Alors, vous serez nourris de son lait,
rassasiés de ses consolations ; *
alors, vous goûterez avec délices
à l'abondance de sa gloire.

12Car le Seigneur le déclare : +
« Voici que je dirige vers elle
la paix comme un fleuve *
et, comme un torrent qui déborde,
la gloire des nations. »


PS : Traduction AELF
L'Avre en Juin :

11 mars 2016

La vallée d'Achor - 2

Dans la foulée des posts précédents,  relisons Ézékiel 47, 8-12 : « Cette eau coule vers la région de l'orient, elle descend dans la vallée du Jourdain, et se déverse dans la mer Morte, dont elle assainit les eaux. En tout lieu où parviendra le torrent, tous les animaux pourront vivre et foisonner. Le poisson sera très abondant, car cette eau assainit tout ce qu'elle pénètre, et la vie apparaît en tout lieu où arrive le torrent. Au bord du torrent, sur les deux rives, toutes sortes d'arbres fruitiers pousseront ; leur feuillage ne se flétrira pas et leurs fruits ne manqueront pas. Chaque mois ils porteront des fruits nouveaux, car cette eau vient du sanctuaire. Les fruits seront une nourriture, et les feuilles un remède. »

10 mars 2016

Les innocentes, Film d'Anne Fontaine

Il m'a fallu du temps pour percevoir l'ampleur du message théologique d'Anne Fontaine,  dans ce film dramatique quii évoque le viol de religieuses par des soldats russes à la libération. 

Ce qui en ressort après huit jours de "digestion" du drame, c'est que l'on est porté par ce film dans le mystère même de l'incarnation. 

Le contraste entre ces chants de moniales et l'horreur est révélé au coeur de ce qui se prépare : des enfants à naître qui sont autant de Christs innocents,  plongés dans le "sang de l'agneau" ( Ap 7.14) et vainqueurs de toutes haines,  parce que "figures d'espérance".

A contempler...

Ce sang qui nous lave

On connaît cette affirmation de l'apocalypse : "ils ont lavé leurs vêtements dans le sang de l'agneau" (Ap. 7, 14). Je découvre cette phrase de Léon le Grand,  "le sang sacré du Christ a éteint ce glaive de feu qui interdisait d'entrer dans le domaine de la vie. Devant la vraie lumière, l'obscurité de la nuit ancienne a disparu. Le peuple chrétien est invité à posséder les richesses du paradis, et l'accès à la patrie perdue s'offre à tous ceux qui ont reçu le sacrement de la nouvelle naissance, pourvu que personne ne se fasse fermer ce chemin qui a pu s'ouvrir devant la foi d'un malfaiteur." (1)

Ce texte résonne aussi avec cette vallée d'Achor, patrie perdue, promise dans Osée 2 et Isaïe 65, 8

(1) Saint Léon le Grand,  Sermon sur la Passion,  Source AELF

09 mars 2016

Mort et mission

On connaît probablement l'interprétation de Bernard Sesboué sur la conscience progressive du Christ. J'apprécie ce que dit Balthasar sur le même thème, car il rejoint mes travaux en cours sur l'humilité de Dieu : "L'homme Jésus se comprend lui-même (...) comme ce qu'il est : La Parole du Père adressée au monde, dont la mission comporte le destin du grain de froment : mourir pour le monde et par là porter du fruit. Par là même il fait l'expérience de Dieu, non dans une vision objective, séparée de sa propre réalité, mais dans une humilité qui ne réfléchit pas sur elle-même (...) mais laisse en soi toute la place à Dieu et éprouve en sa propre réalité fonctionnelle la réalité du Dieu qui l'envoie, dispose de lui et l'engendre  éternellement. (...) la transparence de son humilité est expression de son assomption" (1)

On retrouve là l'accent de Ph. 2, 7, mais aussi cette idée de décentrement propre à Jean 15 et 16, où le Fils se love dans le projet du Père. 

(1) Hans Urs von Balthasar, La Gloire et la Croix, Apparition,  tome 1, Cerf,  Ddb, 1965-1990, p. 275 (GC1)


08 mars 2016

Refus de la chair - 2


Dans la lignée du post précédent,  on peut contempler ce que nous dit Augustin d'Hippone, à propos du texte d'hier sur Jn 5, 1-15 :"Les miracles du Christ sont des symboles des différentes circonstances de notre salut éternel... ; cette piscine est le symbole du don précieux que nous fait le Verbe du Seigneur. En peu de mots, cette eau, c'est le peuple juif ; les cinq portiques, c'est la Loi écrite par Moïse en cinq livres. Cette eau était donc entourée par cinq portiques, comme le peuple par la Loi qui le contenait. L'eau qui s'agitait et se troublait, c'est la Passion du Sauveur au milieu de ce peuple. Celui qui descendait dans cette eau était guéri, mais un seul, pour figurer l'unité. Ceux qui ne peuvent pas supporter qu'on leur parle de la Passion du Christ sont des orgueilleux ; ils ne veulent pas descendre et ne sont pas guéris. « Quoi, dit cet homme hautain, croire qu'un Dieu s'est incarné, qu'un Dieu est né d'une femme, qu'un Dieu a été crucifié, flagellé, qu'il a été couvert de plaies, qu'il est mort et a été enseveli ? Non, jamais je ne croirais à ces humiliations d'un Dieu, elles sont indignes de lui ». Laissez parler ici votre cœur plutôt que votre tête. Les humiliations d'un Dieu paraissent indignes aux arrogants, c'est pourquoi ils sont bien éloignés de la guérison. Gardez-vous donc de cet orgueil ; si vous désirez votre guérison, acceptez de descendre. Il y aurait de quoi s'alarmer, si on vous disait que le Christ a subi quelque changement en s'incarnant. Mais non... votre Dieu reste ce qu'il était, n'ayez aucune crainte ; il ne périt pas et il vous empêche vous-même de périr. Oui, il demeure ce qu'il est ; il naît d'une femme, mais c'est selon la chair... C'est comme homme qu'il a été saisi, garrotté, flagellé, couvert d'outrages, enfin crucifié et mis à mort. Pourquoi vous effrayer ? Le Verbe du Seigneur demeure éternellement. Celui qui repousse ces humiliations d'un Dieu ne veut pas être guéri de l'enflure mortelle de son orgueil. Par son incarnation, notre Seigneur Jésus Christ a donc rendu l'espérance à notre chair. Il a pris les fruits trop connus et si communs de cette terre, la naissance et la mort. La naissance et la mort, voilà, en effet, des biens que la terre possédait en abondance ; mais on n'y trouvait ni la résurrection, ni la vie éternelle. Il a trouvé ici les fruits malheureux de cette terre ingrate, et il nous a donné en échange les biens de son royaume céleste."

( 1) Saint Augustin,  Sermon 124, source AELF

Refus de la chair

"De Valentin à Bultmann on a cherché à spiritualiser et à démythiser la chair et le sang (...) jusqu'à un Dieu qui est et reste‎ invisible" (1) nous rappelle Balthasar. Mais cette quête ne conduit-elle pas à s'éloigner du réel, rendre Dieu étranger à l'homme en contradiction même avec le projet de l'incarnation
 N'est ce pas déjà ce qui a conduit au temps de Jésus à la grande séparation entre ceux qui suivaient une idée de Jésus et les apôtres attachés à sa personne. C'est dans la crise de Jean 6, 66 que nous comprenons l'enjeu. "Qui mange ma chair et boit mon sang..." intolérable affirmation pour certains, coeur de notre foi pourtant. Mais l'enjeu n'est il pas dans notre proximité au monde, à ses souffrances et à son réel. "Mets ta main dans mon côté" dit-il à Thomas. Je ne suis pas un pur esprit. J'ai souffert et je souffre pour le monde.

(1) Hans Urs von Balthasar, La Gloire et la Croix, Apparition, 1 (GC1) p. 265

06 mars 2016

Danse trinitaire - de Macaire à Loyola

Il faudrait lire tout le chapitre de Balthasar pour saisir correctement ce qu'il cherche à nous demontrer dans ces pages. Ce que je retiens à partir de ce que je citais de Diadoque de Photicé, Macaire et ce qu'il note chez Augustin, Guillaume d'Auvergne et chez Thomas d'Aquin, c'est qu'en complément du don de la grâce, l'homme doit mettre en oeuvre sa raison et sa volonté pour entrer dans la danse trinitaire. Ce ne sont pas les termes mêmes de Balthasar, mais bien une traduction moderne de l'enseignement de la grande scolastique. Quel est l'enjeu ? Il se situe probablement aux confins des positions catholiques et protestantes sur la justification.
A la connaissance expérimentale de l'Esprit et de la bonté divine, se développe une "théorie de l'expérience chrétienne" (1) qui se poursuivra jusqu'à ce qu'Ignace de Loyola présente des règles structurées de discernement qui n'efface pas le goût de Dieu et développe une "sensibilité chrétienne" (2) et le don des larmes, si caractéristiques de cette danse en Dieu.

L'enjeu n'est-il pas d'atteindre "une certaine ressemblance entre l'union des Personnes divines et celle des fils de Dieu dans la vérité et dans l'amour. Cette ressemblance (...) [conduira alors] l'homme, seule créature sur terre que Dieu a voulue pour elle-même, [à se trouver dans] le don désintéressé de lui-même" (3). 

(1) Hans Urs von Balthasar, GC1 p. 249
(2) p. 251
(3) Gaudium et Spes,  24

04 mars 2016

Dynamique sacramentelle - 2

Poursuivons la lecture de Diadoque de Photicé, chez Hans Urs von Balthasar. A la différence de Macaire, Balthasar nous montre que l'accès à la grâce n'est pas faite depuis la "dissimilitude" à Jérusalem, mais bien par cette inhabitation que l'on pourrait qualifier de rahnérienne, où où grâce s'est installée par le baptême en l'homme et y fait naitre le désir. Pour reprendre mon image précédente, l'homme serait comme dans un bain de grâce qui l'envelopperait de l'intérieur jusqu'à ce qu'il en sente le goût.‎ Mais "bain" n'est pas le bon terme puisqu'il s'agit plutôt d'une source où d'une flamme intérieure : "Des profondeurs‎ mêmes de notre coeur, nous sentons comme sourdre le désir de l'amour divin"
Comment faire jaillir cette source ? Celui qui garde pure dans la prière la profondeur du coeur peut aussi "consumer, dans un sentiment intense", tout ce qui recouvre cette grâce.

(1) Diadoque de Photicé, chap.79, cité par Hans Urs von Balthasar, op. Cit, GC1 p.‎ 234

03 mars 2016

Dynamique sacramentelle chez Diadoque de Photicé

Dans la foulée macarienne‎, on trouve chez un autre père au Vème siècle, Diadoque de Photicé, une belle illustration de ce que j'ai appelé la dynamique sacramentelle : pour lui, au moment du baptême, "la grâce se cache au fin fond de l'intellect en dissimulant sa présence même au sens intérieur" jusqu'à ce que l'âme progressant, "le don divin manifeste ainsi sa bonté à l'esprit" (1).

On pourrait la mettre en résonance avec cette image que j'apprécie chez Bonaventure(2) : cette grâce vue comme un fleuve où l'homme se tient avec une pauvre amphore.

En conjuguant les deux on ne réduit ni la grâce, ni la chance qu'à l'homme de s'en abreuver. Tout dépend finalement de sa position par rapport au courant.

(1) Diadoque de Photicé, chap.77, cité par Hans Urs von Balthasar, op. Cit, GC1 p. 233

(2) cf GC2

02 mars 2016

Macaire et Grégoire de Nysse

Balthasar voit également une continuité entre Grégoire de Nysse et Macaire dans cette course infinie que nous avons déjà longuement commentée chez le cappadocien. Pour Macaire, "l'effort absolu de l'homme pour correspondre à la grâce" nous donne accès, "par la pleine liberté de Dieu, et sans qu'une proportion visible existe ‎[à ] la réponse qui élève l'homme" et donne "un goût anticipé de Dieu" qui ne protège pas pour autant de l'Adversaire. L'alternance "de consolation et de désolation" étant part intégrante de "la pédagogie de Dieu" (1)

(1) Hans Urs von Balthasar , GC1 p. 231

27 février 2016

La source, c'est Dieu - Saint Ambroise

Ce petit commentaire du psaume 42 donne à penser : "Courons comme les cerfs vers la source des eaux ; la soif ressentie par David, que notre âme la ressente aussi. Quelle est cette source ? Écoute David qui le dit : En toi est la source de la joie. Que mon âme dise à cette source : Quand pourrai-je venir et paraître devant ta face ? Car la source, c'est Dieu."

Saint Ambroise,  Sermon là est ton trésor,  source AELF