Souvent nous voulons maîtriser le temps, l'organiser. Est-ce que ce n'est pas une façon de s'ériger en Dieu, et donc de tomber au coeur même de la chute que décrit Genèse 3. L'arbre de la connaissance et de la maîtrise.
C'est pourtant le chemin inverse sur lequel nous conduit la méditation de l'Ecriture. Après le massacre des prêtres, Elie est conduit par Dieu au désert (1 Rois 19). Pendant 40 jours, il va marcher dans le désert. Pourquoi ? Comme pour l'Exode et ses 40 années de pérégrinations vers la terre promise, il s'agit d'apprendre à mettrede la distance entre sa toute-puissance et le temps de Dieu. Trouver le temps de Dieu, passe par une dé-maîtrise, un dé-centrement.
C'est aussi le lieu d'une chasteté. Non pas au sens où on l'entend souvent : celle d'une pure continence sexuelle, mais bien celle qui laisse l'autre être, sans que l'on lui prenne son temps, sans lui faire violence. La chasteté, c'est la marche au désert où je quitte ma volonté de puissance pour trouver le souffle fragile d'un autrement.
Elie au bout du chemin parvient sur la montagne. Mais Dieu n'est pas dans le tonnerre ou le feu. Il est dans le "bruit d'un fin silence". Le souffle ténu d'une liberté qui nos laisse libre mais qui ne se manifeste que lorsque l'on a abandonné la maîtrise du temps, quand on a rejeté le désir de maîtriser l'autre et nous même. Ce n'est plus alors la violence mais l'épiphanie d'une présence.
Le fruit de la chasteté, c'est peut-être rejoindre cette tempérance qu'évoquait déjà Aristote dans l'Ethique à Nicomaque. Loin de nos passions frivoles, loin de l'urgence, le temps de Dieu, le temps qui nous échappe mais qui prend alors toute sa mesure.
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