Hans Urs von Balthasar s’insurge contre la perte chez l’homme de tout sens du mystère de l’être, le renoncement à l’admiration et à l’adoration. D’une certaine manière, ajoute-t-il « en accentuant si nettement la différence entre pensée profane et pensée sacralisée, comme le fait Bergson, on pose en absolu la faille qui les sépare et l’on ne veut plus aucun moyens d’y poser remède. On coupe définitivement en deux ce que Thomas d’Aquin regarde comme une unité indissoluble, c'est à dire l’unité de la fonction judicative de l’intellect et la fonction réceptrice. On arrache ainsi à la pensée rationnelle son caractère de mystère, on enlève à la pensée intuitive et compréhensible sa crédibilité, sa structure logique, en la condamnant à devenir marginale et irrationnelle ». Il conclut que pour lui « ce fut toujours une saine philosophie de ne voir, dans ces deux versants de l’être, aucune contradiction ni la moindre opposition ». (1)
Je ne sais si le problème réside actuellement dans la perte du sacré et de toute admiration. Il s’agit pour moi plutôt d’une vanité qui refuse de se considérer comme « dépendant » de tout être qui mettrait en danger l’individu dans sa toute-puissance. Il me semble que nous venons d’atteindre le sommet de la tour de Babel. Plus rien ne retient l’homme et le sacré n’a tout simplement plus sa place, sauf à l’heure des « trois failles », où, pour reprendre les termes du Cardinal Daniélou, il est touché dans sa chair (la naissance, l’amour et la mort). Alors s’ouvre une fenêtre sur la transcendance… Essayons de favoriser l’entrebâillement par une révélation qui puisse atteindre le cœur.
(1) Hans Urs von Balthasar, La Théologique, I – Vérité du monde, ibid, p. 88
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