16 mai 2021

D’agenouillements en agenouillements - danse 46.10

Au-delà de la danse réciproque des femmes et de Jésus avant « l’heure » rapportée par les évangélistes (*) Il faut peut-être partir de l’agenouillement du Christ devant l’homme le dernier soir (Jn 13) pour comprendre à quoi nous sommes nous mêmes invités. Comme le souligne très bien Jean Zumstein, l’heure vient et c’est maintenant que Dieu révèle sa kénose (1) à l’homme en se dévêtant par le mime symbolique (2) du lavement des pieds de toute sa puissance divine en prenant à cœur sa mission diaconale d’esclave - le lavement des pieds leur était réservé (3)- pour signifier le sens même de son dépouillement ultime sur la Croix. 


«Jésus, qui sait que le Père a tout remis entre ses mains, qu’il est sorti de Dieu et qu’il s’en va à Dieu, se lève de table, se défait de ses vêtements et prend un linge qu’il attache comme un tablier.» Jean‬ ‭13:3-4‬ 

Ce prologue n’a de sens qu’en vue de la Croix qu’il introduit souligne Zumstein.


Quel est l’enjeu pour nous ?


Le diacre après avoir prononcé debout l’évangile est censé s’agenouiller devant le mystère de la consécration(4), mais également le prêtre quand après avoir prononcé les paroles dictées par Jésus il s’efface à genoux devant ce qu’il vient d’invoquer, au nom de sa fonction diaconale de serviteur du mystère.


Joseph Ratzinger soulignait avec justesse avant d’être pape qu’il n'a pas besoin d'ajouter quelque chose de personnel à sa liturgie : "Dans la réalisation concrète du service ecclésial, [il doit] se livrer totalement à l'inclusion dans le Christ; non pas construire un être à côté de lui, mais seulement en lui ; et permettre ainsi que devienne enfin réalité cette exclusivité qui ne détruit pas mais libère toute chose en la faisant entrer dans sa propre immensité" (5).  Alors peut importe sa nature. "Cela donne aux paroles d'un prédicateur, fut-il minable, le poids des siècles" et cela inclut la liturgie, "si démunie soit-elle" dans une dynamique qui la dépasse. "En acceptant de devenir sans importance en lui-même, il pourra devenir vraiment important parce qu'il sera pour le Seigneur un lieu d'irruption dans ce monde" (6) En agissant in Persona Christi,  en lui se substitue Celui pour qui il vit.  La dynamique sacramentelle devient alors signe à travers son effacement au delà du signe. Il se fait « creuset » où le fleuve du Verbe prend son lit, pour arroser le monde,  depuis le coeur blessé du Christ jusqu'aux confins de l'humanité.


Que peut faire le laïc devant tout cela ? Probablement à la fois s’agenouiller lui aussi car Dieu se révèle là, mais également - et c’est là que cela devient intéressant - rester debout car ce qui se joue ici, c’est son accession à la résurrection à venir. C’est pourquoi, en principe, le dimanche, au nom de la puissance salvatrice de la mort et de la résurrection il est en droit de rester debout (7) car l’agenouillement du Christ l’a relevé et le conduit à la victoire….

Le mime symbolique devient danse…

L’agenouillement du Christ n’a de sens que pour nous introduire à cette tension théologique d’un Dieu qui croit en l’homme au sens sublime que lui donne Irénée de Lyon.


La danse kénotique des trois personnes divines n’a pour but ultime que le relèvement de l’homme à son rang de fils…. Et c’est là que le « vous êtes des dieux » prend sa dimension téléologique. 


C’est probablement ce que Jean 10, 34 souligne en rappelant le Psaume 82:6‬ ‭ « Vous êtes des dieux, vous êtes tous des fils du Très-Haut.»


C’est aussi la conclusion du Christ en Jean 15, 15 : «Je ne vous appelle plus esclaves, parce que l’esclave ne sait pas ce que fait son maître. Je vous ai appelés amis, parce que je vous ai fait connaître tout ce que j’ai entendu de mon Père.»

‭‭ Jean‬ ‭15:15‬ ‭


‭‭

(*) cf. sur ce point mon essai « A genoux devant l’homme » sous ce lien

http://chemin.blogspot.com/2020/05/lectures-pastorales-2-livres-en.html?m=1


(1) cf. Ph. 2

(2) Xavier Léon Dufour, Evangile de Jean, tome 2

(3) Jean Zumstein l’évangile de Jean (13-21) op. cit. p. 18sq.

(4) Faure, op. cit.

(5) J. Ratzinger, Les principes de la théologie catholique, Paris, Téqui, 1982, p. 315

(6) ibid p. 318

(7) cf. Pretot, réf à retrouver

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