La difficulté, c’est qu’après avoir déboulonné les vieilles statues il nous faut reconstruire correctement des structures plus collégiales et inductives où les individus, libérés d’un ritualisme enrhumé retrouvé le chemin d’un engagement sincère et durable.
La page est blanche sur notre manière d’envisager des lieux et des manières de passer de l’interdît à une morale vectorielle, où la miséricorde laisse place à « un va et ne pêche plus », d’un « aime et fais ce qui te plaît » à une prise de conscience de notre responsabilité. La polémique entre Kasper et Ratzinger et la CPLF de 1984 pointe par exemple les conditions d’un remariage, les critères nécessaires pour accepter qu’une première union ne soit pas brisée par une seconde. Les critères mis en place par Kasper sont d’autant plus exigeants qu’ils interpellent l’humain dans ses choix (comment prend-t-on soin de la personne délaissée, quelle sincérité dans le fort interne, quelle progression patiente au delà du pulsionnel etc. Le chapitre 8 d’Amoris Laetitia ne fait pas table rase, il appelle juste au discernement. Je pense qu’il doit en être de même pour les nouvelles formes d’engagement rendus possibles par une porte grande ouverte...
Ricoeur dans le tome 2 de sa thèse souligne bien que rituel des pharisiens avait un sens premier, poussé à l’extrême : mettre Dieu au centre. De même Jesus en insistant au « shabbat fait pour l’homme et non l’homme pour le shabbat » (Mc 2, 27) interpelle sur l’unité intérieure à retrouver...
En élargissant le sacrement d’un rite à toute une dynamique je n’enlève pas l’importance du rite, des mots prononcés, du sens interne d’un rassemblement communautaire. La théologie sacramentelle doit probablement sortir du carcan d’un rituel auto centré sur le ministre sans casser son essence. A défaut nous laissons place au désordre...
Les fidèles n’ont pas toujours conscience que dans l’échange rituel qui précède la consécration il laisse la place au ministre pour faire en leur nom ce que Jésus a demandé de célébrer. Pour autant ce transfert de responsabilité ne doit pas donner lieu à une exclusion et le silence des fidèles n’est pas synonyme d’un rejet, mais doit idéalement conduire à une conversion intérieure.
Il est intéressant de considérer que le diacre qui proclame debout l’Evangile s’efface ensuite progressivement jusqu’à s’agenouiller devant l’autel. Il n’y a pas là asservissement mais mime symbolique pour articuler la danse kénotique qui est en jeu et peut-être conduire le célébrant lui-même à prendre conscience qu’il n’est rien devant le mystère qui s’accomplit dans la présence rendue possible par l’effacement successif de l’assemblée, du diacre et du prêtre pour laisser Dieu au centre...
De même nos dynamiques humaines doivent conduire à autre chose, notre volontarisme faire place à un échange et rejoindre la danse évoquée par ailleurs...
Car l’agenouillement de Dieu n’a de sens que s’il rencontre celui de l’humain, non dans une servilité destructrice mais dans la danse féconde d’une réciprocité...
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