09 octobre 2006

Le chemin de nos pères

Je ne cesse de mesurer à la fois la grandeur et la misère de ceux qui nous précédé dans la foi. Et si pour Balthasar "Israël s'est infatué de sa propre beauté, qui lui avait pourtant été donné que par Dieu et pour Dieu.", s'il est devenu un "rassasié" ce n'est peut-être que parce qu'il était pré-destiné à tracer devant nous les conséquences de nos propres actes. L'histoire du peuple de Dieu est comme un livre ouvert sur notre propre chemin. Et si "c'est de cet oubli coupable que jailli son idolatrie" (1) ce n'est peut-être pour nous qu'un rappel évident de nos propres idoles.


(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3 L'action, ibid p.154

08 octobre 2006

Les Tours - IV

La symbolique des tours que j'utilise depuis 1996 dans Bonheur dans le couple pour caractériser le non dialogue de deux personnes, trouve chez Balthasar un renfort inattendu.
Pour lui en effet, tout pécheur s'édifie une sorte de bastion contre la vérité authentique et il se retranche dans cette illusion "toujours inquiet de voir la vérité qu'il retient injustement (...) se lancer à l'assaut de ses défenses". ("ceux que la vérité rendait captive" Rm 1, 18). Cette allégorie vient en fait de saint Paul qui l'exploite longuement quand il dit que "ses armes à lui ont, pour la cause de Dieu, le pouvoir de renverser les forteresses. Nous détruisons les raisonnements prétentieux et la toute puissance hautaine qui se dresse contre la connaissance de Dieu" (2 Co 10, 4-5)
L'idée n'était pas de moi, mais je ne savais pas qu'elle remontait si loin.... Il est vrai qu'en 1990, j'écrivais un long essai resté inédit qui décrivait l'homme et la femme dans le jardin d'Eden comme deux arbres solitaires. Mais à l'époque, je n'avais pas pleinement compris que le second Adam n'était pas un "troisième arbre dans le jardin", mais plutôt le renversement de cette prétention. A l'opposé des tours de Babel, se tient la croix du serviteur, signe élevé d'une kénose. Le nouvel Adam n'est pas la toute puissance d'un Dieu, mais la toute faiblesse de celui qui refuse le "rang qui l'égalait à Dieu" pour se faire tout amour.

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3 L'action, ibid p.147

03 octobre 2006

La réponse...

A la tentation de dépasser seul la finitude, Dieu répond par un appel, une invitation discrète. Et pour cela, il se met parfois à genou, à nos pieds, prenant la place du serviteur pour implorer notre conversion.
Pour Balthasar, "il faut qu'à la liberté finie soit offert quelque chose de plus, nommèment la vocation effective adressée par la liberté divine ou l'appel à s'ouvrir en retour à l'ouverture que Dieu fait de lui-même" Interpellation qui va profondèment à l'essentiel.
Comment allons nous nous laisser interpeller ? Quelle place laisserons nous à notre table... ?
(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3 L'action, ibid p.146

Tentation

Nous ne sommes pas dépourvus de réflexion et notre intelligence nous conduit souvent à biaiser avec la vérité. Balthasar évoque à ce sujet l'enchevêtrement inextricable du mensonge originel et l'édification d'une hiérarchie de valeurs qui alimente notre désir spirituel d'être comme Dieu. C'est peut-être cela le péché d'orgueil à laquelle nous ne cessons de succomber
La tentation serait ce désir perpétuel de tout faire tout seul, de penser tout seul, d'être maître de la vérité. C'est le danger du chercheur.
A la différence, le bon chemin resterait celui de l'écoute, de la tempérance et plus intrinsèquement du décentrement...
(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3 L'action, ibid p.145
Balises ; Balthasar, décentrement

01 octobre 2006

Chemin de pauvreté

Je viens de perdre un vieil oncle, mort il y a 8 jours en Guinée après 30 ans de mission... Voici un extrait de son testament spirituel qui me touche particulièrement : J'ai voulu vivre assez pauvre pour être un peu plus près des pauvres, non pas seulement pour le paraître mais pour en subir les conséquences. Je pars vers le Seigneur que j'ai si mal servi? qu'il me montre sa miséricorde.

Je confie à votre prière, tous les germes de vie qu'il a semé sur les terres d'Afrique...

30 septembre 2006

Connaissance du bien et du mal


Une volonté qui viserait la connaissance du bien et mal, n'est-ce pas d'une certaine manière se croire comme des dieux ?
N'est-ce pas être en contradiction secrète avec la liberté ?

En se posant en autonomie absolue, comme un moi qui décide seul je risque de rentrer dans ce travers.

Cela peut aller parfois par le biais d'une vision trop poussée de l'auto-communication, lorsque sous prétexte d'une conscience reçue, l'on se décrète un "Moi qui ai reçu la connaissance" (soit disant de Dieu). Car ce faisant, l'on se défait du lien véritable avec Dieu et l' Eglise (1).

Je crois que l'on n'a jamais fini de s'interroger et de s'interpeller sur le sens de la conscience éclairée. Quand la conscience est-elle vraiment éclairée ? A qu'elle moment je quitte la perversion du sens, le totalitarisme du moi pour atteindre le décentrement véritable ?

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, III, l'action, ibid p.144

26 septembre 2006

Comme des Dieux

Vouloir être comme Dieu c'est supprimer la différence (1).
Mais n'est-ce pas la tentation fréquente, lorsque nous oublions que notre toute-puissance reste limitée et n'est finalement qu'illusion et éphèmère.

(1) Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, III, l'action, ibid p.143

21 septembre 2006

Maîtrise technique

Notre siècle passe par la maîtrise technique, par cette volonté de tout régler par la science, les machines et d'une certaine manière sans Dieu. Cette volonté de puissance n'intègre plus la bonté ou l'abandon comme des valeurs utiles ou souhaitables. (1)
Pour Balthasar, une philosophie de puissance doit être complétée par une "philosophie de la prière, un acte fondamental qui ne redeviendra un acte de réflexion qu'avec Blondel et Ulrich" (1)
Et de fait, à l'heure où tout est réglé et régi par l'homme et la science, comment accepter l'inacceptable, comment se préparer à ce qui n'est pas maîtrisable, sinon en trouvant un chemin vers le décentrement et l'acceptation de l'Autre...

(1) Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, III, l'action, ibid p.137

15 septembre 2006

Lectio Divina

Nouveau, sur le site chemins, un petit résumé de ce qui a été ma principale lecture de l'été : Prier la Parole, d'Enzo Bianchi, l'introduction à la "Lectio divina".
Je vous en reparlerai...

12 septembre 2006

Toute puissance de l'homme...

L'expérience montre que tout individu puissant incline à l'abus du pouvoir et ne s'arrête que s'il se heurte à quelques barrières. Seule une puissance contraire arrêtera la puissance"

d'après Montesquieu Esprit des lois, 1748 XI,4

07 septembre 2006

Abandon et liberté...

Oter à Dieu sa liberté c'est oter sa toute-puissance au profit d'une bonté pure. D'un certain côté, cela met en lumière la tragédie de Dieu...

Quant à la liberté créée, elle ne s'éclaire vraiment qu'en partant du lien qui la rattache à son origine, "laquelle, en vertu de son essence est identique de liberté et de puissance absolue" (1)

"L'essentiel et le pénible c'est de bien faire ce qu'on fait, c'est-à-dire en esprit de soumission et de détachement, de le faire parce qu'on y sent l'ordre d'une volonté à laquelle on se doit de subordonner la notre" (2)

Il y a dans les propos de Blondel, un mot qui ne passe plus aujourd'hui, celui de soumission. Mais est-on loin des propos même du Christ : "Que ta volonté soit faite"... Il a de quoi méditer largement pour la journée.


(1) Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, III, l'action, ibid p.132
(2) Blondel L'action 1893, p 376

06 septembre 2006

Soi face à Dieu

Toute manière par laquelle le soi veut renier son enracinement en Dieu et reposer par lui-même est une tentative pour renforcer sa liberté et mettre la main sur sa puissance.

Cette puissance est heureusement confrontée à la mort, qui vient limiter cette tentation de l'absolu. Pour Balthasar, cependant, d'une certaine manière, si l'on fait apparaître Dieu comme toute puissance, alors le soi croit trouver une excuse, et même puisqu'il est "image de Dieu" un encouragement à se poser comme puissance en face de Dieu.

Pour dépasser ce stade, il faut atteindre, soi un second degré de réflexion, mais aussi probablement une révélation : celle de la générosité aimante de Dieu qui permet de dépasser une vision de liberté comme puissance pour accéder à la vraie notion de liberté comme don de soi. (1)

Ce passage reste difficile à passer. C'est le chemin d'une véritable maturité et de fait d'une libération.

(1) Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, III, l'action, ibid p.129ss

05 septembre 2006

Un équilibre à construire

Balancé par le vent de nos désirs, par les pressions collectives, les névroses médiatiques, les on dit et les courants de pensée, notre coeur est balloté.

Il nous faut prendre une distance, se recentrer sur une parole, devenir écoutant d'une autre manière...

L'homme doit "se reconnaître comme le lieu d'une synthèse qu'il ne peut réaliser seul, comme un balancier dont le mouvement ne trouve sa stabilité qu'en Dieu dans la révélation" (1)

Entre le subjectif et l'objectif, la contrainte externe et l'émotion ressentie, nous devons chercher l'équilibre qui nous libère de ce que Luther appelait le "serf-arbitre"... (1)

(1) Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, III, l'action, ibid p.129

04 septembre 2006

Soi et liberté


Le rapport de soi à soi-même est, en raison de son caractère spirituel une liberté "Le Soi est libre"(*) Cependant, le soi reconnaît dans sa conscience libre, qu'il ne pose pas lui-même la totalité du rapport à soi ; un autre le détermine, en qui seul il peut acquérir " équilibre et repos ". C'est un soi infini, c'est-à-dire Dieu (1)

Toute la question demeure. Comment avoir suffisament de liberté intérieure, pour reconnaître en soi la présence d'un autre que soi, qui nous décentre vers une vraie liberté.

(*) Kierkegaard La maladie mortelle, ou le concept du désespoir 1849 p. 25

02 septembre 2006

Conçu pour le dialogue...

La fuite peut être aussi la fuite en soi...

L'homme, image du Verbe a été "conçu dès l'origine en vue du dialogue ; donc toute recherche de sens qui le replie sur lui-même et ne peut que le détruire" (1)

(1) Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, III, l'action, ibid p.127

31 août 2006

Désincarnation

Face à la complexité du monde actuel, nous penchons souvent vers une désincarnation, une fuite hors du temps et du présent. On reste alors dans l'intemporel lorsque l'on choisit le plan vertical où dans l'avenir si l'on se projette sur l'horizontal, "que ce soit vers le surhomme ou la future société sans classes. On dérive ainsi vers le bouddhisme ou le marxisme qui nie le présent". (1)

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, III, l'action, ibid p.127

29 août 2006

Les limites du moi

D'une certaine manière, le culte du moi, très répandu dans notre société et renforcé par la psychologie moderne a conduit à une anbsolutisation du moi...
Mais le moi n'a de sens que lorsque l'autre existe...
Du rêve du moi comme absolu on peut aller jusqu'à une réduction de la transcendance en un anthropocentrisme. Et cela peut aller, nous dit Balthasar (1) jusqu'au fanatisme, l'anarchie ou le terrorisme destructeur.
(1) Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, III, l'action, ibid p.126

27 août 2006

Connaissance de Dieu - II

S'il doit être à même de connaître Dieu en son intériorité, cela ne se peut se réaliser sans une libre manifestation de Dieu. Pour Henri de Lubac "tout homme pour devenir lui-même, dépend de la libre rencontre d'un autre, mais il ne saurait contraindre l'autre à se manifester". En cela, toute anticipation du terme prévu par Dieu est une "hybris" (un orgueil) et cela d'autant plus qu'on pourrait se rapprocher du terme (1).
Laissons Dieu nous conduire sur les chemins de sa révélation. Laissons la lecture de la Parole nous conduire ailleurs que notre propre volonté...

26 août 2006

L'enfant

"l'enfant ne peut concevoir qu'être n'est pas être bon"(1). On entend en filigranne l'invitation du Christ à devenir enfant, qui signifie pour moi de dégager en soi une ouverture, une réceptivité à la lumière qui tombe de l'absolu et nous éclaire...
C'est là aussi chemin de décentrement.

(1) Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, III, l'action, ibid p.123

24 août 2006

Subjectivité du je

La liberté, bien qu'elle soit autopossession n'est pas donnée à elle-même, elle doit se recevoir, ouverture de l'être à sa totalité, et donc au vrai et au bien absolu. "La conscience, c'est fondamentalement se recevoir d'un autre, s'ouvrir à l'être et à la réception de l'être et de tout le possible". La conscience n'est pas alors un absolu, elle est seulement une image de l'absolu dont elle se trouve dépendante dès l'origine et dans la fin qui la dépasse." (1)
Il me semble qu'il y a là encore une manière de décrire ce que j'appelle le décentrement, c'est-à-dire cette aptitude à sortir de la prétention d'être seule conscience, pour se laisser éclairer par l'autre, par l'absolu qui ne peut être moi...

(1) Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, III, l'action, ibid p.122

02 août 2006

Chaque personne est une histoire sacrée...

"Dans l'avènement du verbe incarné, ce qui prend figure de résurrection des morts n'est pas la construction dans l'au-de-là de l'existence terrestre (...) c'est la mise en évidence du contenu et de la valeur d'éternité de chaque existence toujours unique en sa vie et sa mort corporelle" (1)

Savoir que pour Dieu chaque personne est unique, fruit de l'histoire d'une alliance célébrée personnellement, et pour laquelle l'univers entier à été orientée, c'est le cadeau de la foi... et de l'espérance, parce qu'au delà du présent, Dieu nous ouvre des horizons nouveaux. Certes, l'on pourrait en oublier le présent et ne faire que réver... Mais la tension demeure. Dieu t'aimes. Qu'en fais tu ?

(1) Balthasar, ibid p. 118

02 juillet 2006

Face à la mort...


La réponse à la mort n'est pas donnée d'en haut mais de l'intérieur par un Dieu qui "entre presque incognito sur la scène (...) qui éprouve la finitude (...) et veut en vivre le dénouement, c'est-à-dire l'échec et la mort". Si cela est, ajoute Balthasar, alors "l'existence ne pourra se plaindre d'avoir été méconnue en ce qui lui donne tout son poids".

Je crois que tout repose dans ce qui peut paraître paradoxal, mais qui est folie pour les hommes et sagesse pour Dieu... Dieu le tout-puissant d'amour éprouvre la toute-faiblesse, par la manifestation la plus "exposée" de sa divinité : l'homme-Dieu. Et dans cette faiblesse paradoxale, du fait de son infini, se dévoile l'intensité même de son amour pour tous les autres faibles et souffrants.

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique divine ibid DD 2, 3 p.116

PS : L'été avec ses joies et ses contraintes va reculer fortement le rythme de mes publications...

30 juin 2006

Se mettre à l'écart ?

En 1952, Paul-Louis Lansberg, compagnon de Mounier, écrivait déjà : « Jeté dans un monde plein de contradictions, chacun de nous éprouve souvent le besoin de se retirer du jeu et de se mettre à l'écart. Le motif d'une pareille fuite du monde n'est pas un égoïsme plat, mais plutôt le désir de pouvoir constituer au moins une vie pleine de sens dans sa sphère individuelle et privée en se repliant sur soi-même. »

L'individualisme, le désert, permet à la fois de prendre de la distance, de se protéger, mais constitue, en même temps, une porte ouverte à l'autre et au décentrement. Sachons mettre à profit cette mise à l'écart, sans qu'elle devienne égoïsme mais lieu de ressourcement, de respiration qui nous permet d'être alors plus aimant...

29 juin 2006

Angoisse...

Le frère Timothy Radcliffe, soulignait que "Notre angoisse face à l'avenir est si profonde qu'il est plus comfortable de ne pas y penser du tout"
C'est peut-être cette fuite qui nous fait privilégier l'immédiat et nous éloigne de ce fait de Dieu. Jusqu'à ce que le présent devienne à ce point insupportable que le besoin de Dieu s'impose (soit sous forme de rejet, soit sous forme de demande). Il y a dans ce discernement de Ratcliffe plein de discernement et une possible clé d'interprétation de nos propres fonctionnements.

28 juin 2006

Auto-communication et dangereuse autonomisation

A partir de cette analyse de la volonté de puissance, dans l'observation de ce qui en nous, par notre recherche de la connaissance du bien et du mal nous porte à nous poser en autonomie absolue surgit le risque d'une vision trop poussée de l'auto-communication qui se défait du lien avec Dieu et l'Eglise (1)
N'y a-t-il pas de fait dans une lecture trop monolytique du don de l'Esprit, le même risque qu'ailleurs, nous couper de la racine, devenir par nous "comme des Dieux" ???

C'est le risque du chrétien. C'est le risque du fils ainé (cf. Luc 15) qui se complait dans les biens de Dieu, sans en comprendre l'enjeu...
(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique divine ibid DD 2, 3 p.144

27 juin 2006

La chute


Pour Balthasar, le récit Javhiste de la chute dans Gen 3 montre que ce n'est pas le péché qui constitue l'acté décisif d'accès à la libre conscience de soi, c'est le choix lui-même. Même si l'homme avait rejeté le serpent, il aurait été différent d'un simple récepteur de la bonté de Dieu (1) : "le choix du mal survient quand on attribue au pôle d'autonomie de la liberté un caractère absolu." On est alors loin de la liberté conçue comme un don fragile... Pour Balthasar, on résorbe alors le caractère du don divin et l'orientation vers Dieu de l'autonomie même du sujet.

En soi, vouloir être comme Dieu c'est supprimer la différence

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique divine ibid DD 2, 3 p.143

26 juin 2006

Maîtrise technique

La puissance de l'homme est amplifiée par la puissance de la machine, qui flatte ses besoins de pouvoir et décuple ses forces. C'est pourquoi notre monde devient la cible de forces toujours plus brutales, ce qui ne veut pas dire que la violence des hommes soient supérieures à celle d'antan, mais ce qui sous entend que la fragilité de l'être se trouve maintenant et plus qu'avant à la merci du drame.
Quand la puissance n'intègre plus la bonté, quand elle perd son humanisme profond, on devient esclave du pouvoir que l'on a créé même si c'était pour le bien. C'est pourquoi Balthasar nous rappelle (1) qu'une philosophie de puissance doit être complétée par une philosophie de la prière, l'acte fondamental qui ne redeviendra pour lui un acte de réflexion qu'avec Blondel et Ulrich

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique divine ibid DD 2, 3 p.140

25 juin 2006

Le pouvoir qui détruit...

"L'expérience montre que tout individu puissant incline à l'abus du pouvoir et ne s'arrête que s'il se heurte à quelques barrières" (1) Seule une puissance contraire arrêtera la puissance
C'est ce que Saint Augustin nommait déjà la "libido dominandi" (2). Notre monde politique n'est pas la seule démonstration de cet excès. Et il nous faut souvent balayer devant nos propres portes, tant notre monde, qui valorise l'individu, le rend "égal aux dieux" dans sa course aux idoles...
(1) d'après Montesquieu Esprit des lois, 1748 XI,4
(2) Cit. Dei XII, 14

24 juin 2006

Le drame qui est en nous...

Nous ne sommes pas tout blanc ou tout noir. Créé par amour et pour l'amour, nous restons marqué par ce qui en nous refuse cet amour, dans son exigence et dans sa persévérance. D'ou le drame intérieur qui affleure à chaque moment de notre vie. On ne peut "ôter à l'homme la dramatique qui lui est propre" (1)
Or cette dramatique est incontournable, si la création est faite d'être libres.

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique divine ibid DD 2, 3 p. 133

23 juin 2006

La litanie des jours...

Notre vie est souvent marquée par l'ennui, le désespoir, l'absence d'exitation des sens. Et nous sommes désemparés par le temps qui passe et n'apporte pas de joie. Mais c'est peut-être dans la durée que se vérifie la qualité de notre amour, de notre foi. Comme le disait Blondel : "L'essentiel et le pénible c'est de bien faire ce qu'on fait, c'est-à-dire en esprit de soumission et de détachement, de le faire parce qu'on y sent l'ordre d'une volonté à laquelle on se doit de subordonner la notre" Blondel L'action 1893, p 376 (1)
Encore et toujours ce difficile décentrement de soi, qui n'est pas perte de soi, mais adhésion amoureuse à un plus grand que soi. Et sur ce chemin, nous pouvons faire résonner les paroles du "maître" : "Non pas ma volonté, mais la tienne"...
(1) cité par Hans Urs von Balthasar, Dramatique divine ibid DD 2, 3 p.132

19 juin 2006

Dieu libre, de Varillon à Balthasar...

Est-ce un anthromorphisme que de croire que Dieu n'est qu'amour. Lecteur assidu de Varillon et de l'excellent ouvrage, "Joie de croire, joie de vivre", j'ai toujours apprécié son affirmation qui mettait l'amour au centre de notre vision de Dieu. Dieu n'est qu'amour, affirme-t-il.
Visiblement Balthasar prend des distances avec cette lecture (en l'occurence à propos de Berdiaev).Il affirme en effet "qu'oter à Dieu sa liberté c'est lui oter sa toute-puissance au profit d'une bonté pure" (1). On tomberait pour lui dans une vision gnostique qui verrait une "tragédie en Dieu".
Certes Dieu est miséricorde, et notre volonté de voir chez lui un Dieu de justice peut être aussi entâchée d'un sadisme propre. N'y a-t-il pas en effet dans notre vision d'un Dieu qui punit, dans notre vision de la colère de Dieu, la transposition de notre propre colère. Je reste persuadé que la clé de ce paradoxe est dans la parabole du bon grain et de l'ivraie. Il y a un temps pour tout. Et si Dieu est miséricorde face à notre liberté finie, cela ne l'empêche pas d'être juste, au delà de notre espace de liberté.
Il me semble qu'il faut pour le moins se laisser interpeller par cette divergence. Mais répondre maintenant serait probablement prématuré. La relecture de Rahner, Moltmann, Girard qui va suivre va nous conduire plus loin dans cette interpellation. Laissons nous en tout cas travailler par ces interpellations.
(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique divine ibid DD 2, 3 p. 131

17 juin 2006

La fin du rêve...?


Qu'elle est notre société où l'absence de rêve assèche la source de l'espérance.
On ne rêve plus. Le monde s'enterre sous la peur, l'insécurité ? La course perpétuelle au plaisir immédiat peut-elle être la source de cet assèchement. Peut-on réver sans mimétisme et sans violence, par le seul fait que l'absence de bien génère en nous autre chose que de la concupiscence mais un simple rêve. Rêve non d'avoir mais d'être, d'aimer, de vivre dans le respect de nos différences, mais en voyant en chaque homme un autre qui est...
Pour sortir de cette spirale incessante de l'avoir, n'est-ce pas dans l'apprentissage de la frustration, de la solitude et de la chasteté que l'on peut faire renaître la source d'un ailleurs, la source d'un être en devenir qui sort de ses esclavages intérieurs pour s'ouvrir au dialogue, à la présence intérieure où dans l'autre.
Un autre monde.

Désespoir

Pour Kierkegaard, le désespoir serait refuser d'être soi-même, ou vouloir être lui-même. Comment comprendre cette affirmation. Pour que l'homme puisse "se reconnaître comme le lieu d'une synthèse qu'il ne peut réaliser seul, comme un balancier dont le mouvement ne trouve sa stabilité qu'en Dieu dans la révélation" (1) il lui faut percevoir à quel point il est le battant d'une cloche qui ne cesse d'être malmené par le subjectif et ses émotions multiples d'une part et l'objectif avec son lot de contrainte, sa non liberté. Toute manière par laquelle le soi veut renier son enracinement en Dieu et reposer par lui-même est une tentative pour renforcer sa liberté et mettre la main sur sa puissance. On est là au centre du drame, où le choc des puissances fait face à la mort. Si l'on fait apparaître Dieu comme toute puissance, alors le soi croit trouver une excuse, et même puisqu'il est "image de Dieu" un encouragement à se poser comme puissance en face de Dieu. Pour sortir de ce combat, il faut atteindre un second degré de réflexion, celui qui s'ouvre à la révélation, à la générosité aimante de Dieu et nous permet de dépasser une vision de notre liberté comme puissance pour accéder à la vraie notion de liberté qui elle est don de soi.
N'est-ce pas de fait une métanoia, une conversion totale du coeur qui est en jeu, à travers une mort à l'ancien monde et une renaissance à une vie nouvelle. "Si le grain ne meurt pas, lui-même, seul il reste, si part contre il meurt, beaucoup de fruit il porte..." (Jean 12, 24, traduction littérale du grec)

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique divine ibid DD 2, 3 p.129ss

16 juin 2006

Soi-même vers un autre

Plagiat de la remarquable analyse de Paul Ricoeur, "Soi-même comme un autre" ? Il me semble que le vers exprime plus ce décentrement qui est au coeur de la recherche de ce blog. Chemins de lecture ne veut pas thématiser une science, s'enorgueillir d'un savoir. Ce qui compte est dans l'incessante interpellation d'un texte qui réveille notre conscience, limite nos recherches de liberté solitaire.
Comme l'indique Balthasar, le rapport de soi à soi-même est, en raison de ce caractère spirituel une liberté "Le Soi est libre"(*) Cependant, le soi reconnaît dans sa conscience libre, qu'il ne pose pas lui-même la totalité du rapport à soi ; un autre le détermine, en qui seul il peut acquérir "équilibre et repos". C'est un soi infini, c'est-à-dire Dieu

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique divine ibid DD 2, 3 p.128
(*) Kierkegaard La maladie mortelle, ou le concept du désespoir 1849 p. 25

15 juin 2006

Se "faire" un dieu...

Quand on commence à rêver du moi comme absolu (ce à quoi notre absolutisation de la liberté peut amener) on peut aller jusqu'à une réduction de la transcendance en un anthropocentrisme qui peut aller jusqu'au fanatisme, l'anarchie ou le terrorisme destructeur. Je deviens "maître de Dieu" en faisant de moi son instrument. On perçoit la peut-être, également les limites d'une absolutisation du don qui conduirait à la perte de l'individu comme fils. C'est le chemin du kamikaze.
Dieu n'est pas moi, et s'il est en moi, ce n'est que parce que je reste rattaché à la vigne. Si je me coupe de la source, je deviens un baton sec et noueux qui ne porte plus que le fruit de la violence qui demeure en moi quand l'amour s'est évaporé de moi...
Pour Balthasar, cela peut conduire à une désincarnation, une fuite hors du temps et du présent. On reste alors soit dans l'intemporel (si l'on choisit le plan vertical) soit dans l'avenir si l'on se projette sur l'horizontal, que ce soit vers le surhomme ou la future société sans classes. On dérive ainsi vers le boudhisme ou le marxisme qui nie le présent.
"Pour échapper à la démesure du moi, l'homme, cette image du Logos a été conçu dès l'origine en vue du dialogue ; donc toute recherche de sens qui le replie sur lui-même ne peut que le détruire" (1)

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique divine ibid DD 2, 3 p.127

14 juin 2006

A la rencontre de Dieu

Paradoxe d'un Dieu qui respecte notre liberté en restant voilé, tout en se dévoilant dans son Fils et dans l'expression de sa Parole, retraduite dans l'Ecriture, par la main d'hommes en chemins. L'histoire de notre marche avec Dieu se construit à travers des rencontres, à travers le souffle d'un silence...
Pour Henri de Lubac, s'il doit être à même de connaître Dieu en son intériorité, cela se peut se faire sans une libre manifestation de Dieu. Comme le note Balthasar (1) Henri de Lubac nous a redit que "tout homme pour devenir lui-même dépend de la libre rencontre d'un autre, mais il ne saurait contraindre l'autre à se manifester". En cela, pour Balthasar, toute anticipation du terme prévu par Dieu est une "hybris" et cela d'autant plus qu'on pourrait se rapprocher du terme.
Mystère de la rencontre qui interpelle notre propre cheminement, nos recherches humaines, sur un chemin de crête entre la toute puissance du moi et l'ouverture à l'autre, véritable décentrement...
(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique divine ibid DD 2, 3 p.125

13 juin 2006

L'enfant, chemin de notre humanité


Notre raison nous emporte dans des calculs et des projections, dans des désirs de puissance et dans l'orgueil. J'ai voulu atteindre le sommet, mais à chaque fois que je croyais faire de mon travail une idole, Dieu m'a délicatement rappelé que j'étais un amateur. Que je ne suis que si je suis "en lui", c'est-à dire non de cette liberté qui est autonomie, mais une autre liberté, plus difficile, celle du décentrement et de l'obéissance à celui qui m'aime libre mais qui m'invite ailleurs... Et ce chemin est celui de l'enfant.
"L'enfant ne peut concevoir qu'être n'est pas être bon" (1) C'est pour quoi Jésus nous appelle à devenir enfant. Il nous invité à cette réceptivité à la lumière qui tombe de l'absolu et nous donne la vérité.Celle qui ne nous appartient pas mais qui est grâce.

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique divine ibid DD 2, 3 p. 123

10 juin 2006

Le Je à l'épreuve.

Cette liberté qui demeure un des biens les plus précieux de notre humanité est pourtant, en soi, lieu de danger et d'erreur. Car il demeure en nous une grande subjectivité. La liberté, bien qu'elle soit autopossession n'est pas donnée à elle-même, elle doit se recevoir, ouverture de l'être à sa totalité, et donc au vrai et au bien absolu. "La conscience, c'est fondamentalement se recevoir d'un autre, s'ouvrir à l'être et à la réception de l'être et de tout le possible" (1). La consience n'est donc pas un absolu, elle est seulement une image de l'absolu dont elle se trouve dépendante dès l'origine et dans la fin qui la dépasse.

(1) d'après Hans Urs von Balthasar, Dramatique divine ibid DD 2, 3 p. 122

Balises : Liberté, décentrement, Balthasar

09 juin 2006

Chaque personne est une histoire sacrée


Cette co-habitation ou in-habitation par Dieu de notre condition humaine donne sens à chacune de nos épreuves.
Rien de ce qui nous touche, en notre chair, n'échappe à l'amour de Dieu, non pas comme une chappe emprisonnante et "maternisante" qui nous empêcherait d'être, mais bien comme un être-avec, un "j'ai marché à tes côtés", un "j'ai souffert avec toi" qui caractérise et renforce cette idée qu'aucun cheveu de notre tête ne tombera sans toucher le coeur de Dieu (cf. Mat 10,30).
Chaque personne est une histoire sacrée.
"Dans l'avènement du verbe incarné, ce qui prend figure de résurrection des morts n'est pas la construction dans l'au-de-là de l'existence terrestre (...) c'est la mise en évidence du contenu et de la valeur d'éternité de chaque existence toujours unique en sa vie et sa mort corporelle" (1)

(1) Hans Urs von Balthasar, Dramatique divine ibid DD 2, 3 p.118

08 juin 2006

Christ présent

Le mystère de l'incarnation est au coeur de cette révélation d'un Dieu qui se fait petit, fils d'homme et qui va jusqu'à éprouver les formes les plus douloureuses de notre condition d'homme : la peine, l'affliction, la souffrance et la mort.
Le Christ a connu ma mort et notre mort, il en a "creusé le sens jusqu'à une profondeur abyssale, cela est vraiement le coeur de la foi chrétienne." (1)
On peut toujours objecter qu'il n'a pas connu toutes les souffrances et toutes les peines, mais dans l'affirmation de Balthasar, il ne s'agit pas de cela, mais d'autres choses, que seul une contemplation de la croix peut révéler... "Tu ne voulais pas de sacrifice alors j'ai dit me voici" dit le psaume comme une introduction au mystère... Nous reviendrons longuement sur ce point...
(1) Hans Urs von Balthasar, Dramatique divine ibid DD 2, 3 p. 117

07 juin 2006

Les petits pas de Dieu

S'il est un texte qui me touche dans l'Ancien Testament, c'est bien celui d'1 Rois 19, qui raconte qu'Elie, au bout de 40 jours dans le désert et après avoir entendu la foudre et le tonnerre, ne trouve que le "bruit d'un fin silence".
Toute interprétation d'un Dieu violent contredit pour moi cette révélation du Dieu amour, d'un Dieu aimant, qui va jusqu'à l'effacement malgré les signes évidents de sa présence dans l'esthétique du monde, pour laisser à l'homme un peu de liberté.
Face au drame de la mort et de la violence, je conçois alors que la réponse à la mort n'est pas donnée d'en haut mais de l'intérieur par un Dieu qui "entre presque incognito sur la scène (...) qui éprouve la finitude (...) et veut en vivre le dénouement, c'est-à-dire l'échec et la mort".
Si cela est, ajoute Balthasar, alors "l'existence ne pourra se plaindre d'avoir été méconnue en ce qui lui donne tout son poids" (1)
(1) Hans Urs von Balthasar, Dramatique divine ibid DD 3 p. 116

06 juin 2006

Aimer c'est risquer...

On ne rêve plus. Le monde s'enterre sous la peur, l'insécurité ? Est-on prisonnier à ce point de la désespérance, quelle place laisse-t-on au possible, au sourire, à autrui ?
Notre XXIème siècle n'est-il pas malade de cette course au bonheur individuel, loin de la joie véritable, celle qui risque, ose, de lance dans l'inconnu de la rencontre.
L'amour est-il dans le confort douillet d'un "autour-de-moi" ou dans la lancée vers autrui, au mépris de l'inconfort et de ce que cela pourra générer chez moi de peine et de souci...
Difficile tension me direz vous... ?
Mais n'est-ce pas là l'enjeu d'une humanité en devenir...

04 juin 2006

Un engagement...

La foi chrétienne engage. Et elle dégage le croyant autant de l'activisme exaspérant de certains militants que du repli sur soi et de la piété sans prise sur le sort de l'humanité. La foi chrétienne engage au nom du souci universel non seulement de toutes les Eglises, mais de toutes les communautés humaines. Pour le Père Paul Valadier, le chrétien ne peut pas se contenter du moins, il doit viser l'humanité tout entière.
Et c'est bien là où nous sommes pauvres, où nous restons englués dans nos microcosmes, enfermés dans notre horizon... Ouvrir grand nos coeurs, l'enjeu et la réponse d'une mondialisation croissante de nos économies ?

03 juin 2006

Individualisme

Alexis de Tocqueville, dans son livre célèbre sur La démocratie en Amérique, définissait l'individualisme comme « un sentiment réfléchi et paisible qui dispose chaque citoyen à s'isoler de la masse de ses semblables et à se retirer à l'écart avec sa famille et ses amis ; de telle sorte que, après s'être créé une petite société à son usage, il abandonne volontiers la grande société à elle-même. »
On ne peut que constater à quel point notre société semble emporté dans le tourbillon d'un tel mouvement. Phénomène lié à la mondialisation, il est aussi peut-être, la source possible d'une prise de distance intérieure, qui laisse à l'homme le temps de reprendre pied, à condition de faire de ce temps de solitude, un temps de regénération, pour être à nouveau au centre du monde, ouvrier de Dieu.
Ce repli et cette solitude doit pour cela ne pas être un lieu de fuite, mais d'écoute intérieure, de reconnexion avec ce qui au centre de notre existence, nous vient d'ailleurs, nous vient de Dieu.

Viens Esprit-Saint...


02 juin 2006

De l'ombre à la lumière,

Il y a dans ce film de Ron Howard, une grande finesse de traits. Admirablement interprété par Russel Crowe et Rénée Zwellinger, on notera la fragilité de cette histoire conjugale, malmenée par la grande dépression de 1929. Une grande rage de vivre anime le boxeur déchu, Jimmy Braddock et le pousse à résister, à conserver sa famille unie, à se battre pour ses enfants...
De l'ombre à la lumière est un film d'espérance, parfois violent sur le ring, il est très discret et sensible dans son exécution.
A voir (maintenant en DVD).

31 mai 2006

Décentrement - III

Peut-être que c'est dans ce très beau texte de Jérémie (17, 6-9) que l'on peut voir les fruits d'un décentrement. A l'inverse de celui qui s'appuie "sur un être de chair et se détourne du Seigneur (...) buisson desséché sur une terre aride (...) Béni soit l'homme qui met sa confiance dans le Seigneur, dont le Seigneur est l'espoir. Il sera comme un arbre planté près d'un ruisseau, qui donne du fruit en son temps, et jamais son feuillage ne meurt ; tout ce qu'il entreprend réussira...".

29 mai 2006

La mort - II

La mort n'a plus de sens dans une société technocratique ou l'homme est remplaçable, l'homme est jetable, ce qui entraîne d'importantes conséquences sur la personne et même sur la vie en général. Mais cela a aussi un impact sur Dieu car "la présence de l'absolu dans le relatif est escamoté comme insignifiante" (1). L'acceptation de l'absurde d'une existence sans achèvement, relayée par cette médiatisation des morts innombrables qui ne nous affectent plus que comme des statistiques pourrait conduire à deux solutions : "Ou l'on s'abandonne au totalitarisme croissant du collectif, où l'on persiste malgré tout à se réserver une liberté existentiale pour la mort, vécue dans l'angoisse et repliée sur elle-même" (2) mais il y a peut-être une troisième voie, celle du décentrement où l'on persiste à être tout en devenant obéissant à l'absolu qui nous interpelle.
Et en cela, nos réflexions sur le décentrement prennent une importance aigüe. Si l'on reste dans l'individualité, la mort nous prendra tout. Si l'on fusionne dans le tout, nous sommes rien. Si l'on se décentre, au sens d'une inhabitation d'un absolu, proche et distant, interpellant et créateur, alors nos efforts formeront avec la grâce, les ailes d'un même oiseau, pour reprendre l'expression déjà citée dans ce blogue.

(1) Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3, L'action, ibid p.114
(2) ibid

28 mai 2006

La mort, au centre de notre horizon ?

Dans la question du décentrement, la question de la mort est un point majeur, inévitable. Intégrer la mort dans son horizon, c'est déjà accéder à une véritable maturité.
Or la mort interpelle depuis l'origine. Dans l'ancien testament, rappelle Balthasar, "Dieu n'a pas fait la mort" (Sg 1, 13). "C'est par l'envie du diable que la mort est entrée dans le monde" (Sg 2,24). Une idée d'ailleurs reprise par saint Paul qui précise que "par le péché la mort est entrée dans le monde" (Rm 5,12). Alors pourquoi la mort des innocents ? A cela, Balthasar ne réponds pas directement, mais il empreinte le chemin de la philosophie.
Chez Kierkegaard : "Le sérieux, c'est pour toi de penser à la mort et de la penser comme ton destin ; le sérieux c'est par conséquent pour toi d'accomplir ce que la mort est incapable de faire, de reconnaître que tu existes et qu'elle est aussi." (1)
Pour Heidegger : on ne peut jamais se posséder comme une totalité d'existence car "l'abolition du sursis d'être signifie l'anéantissement de tout son être".
La mort fait face à notre liberté. Mais dans ce face à face, dans l'affrontement du néant se révèle le sens de l'être en général et "un rayon de l'absolu tombe sur l'existence finie". (2)
La mort serait cette faille qui nous ouvre l'accès à la transcendance ?
Si pour Sénèque, toute individualité est souffrance, le salut serait de se fondre dans le tout. Mais alors le décentrement serait fusion. Pour moi il en est autrement. Le décentrement n'est pas une perte d'individualité mais devenir membre actif du Corps, avec sa fonction, sa liberté et sa responsabilité.
(1) Erbauliche Reden p. 17
(2) Cité par Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3, L'action, ibid p.107

24 mai 2006

Eros et agapê, suite

Dans ce chemin vers le décentrement, le désir est vecteur central. Le désir qui naît de la chair, incarné, réel et en même temps tout tourné vers un ailleurs. La dramatique chrétienne nous y introduit fort bien comme le souligne Balthasar (1). Pour lui les drames où la passion éphémère se transforme en amour humain capable de résister devant le jugement de l'éternité sont retournés dans le milieu chrétien. Ainsi par exemple la transformation de Dante par l'amour de Béatrice qui le juge, la purification de Rodrigue par le sacrifice de Prouhèze demeure "l'étoile qui guide". Ces deux drames montrent par quelle mort l'éros doit passer, avant de se muer en agapê capable de tenir au jour du jugement dans la lumière éternelle. "L'éros seul est trop attaché à la continuité des générations à poursuivre sur terre pour qu'il puisse s'en délier, comme Soloviev le croyait possible". On rejoint là l'idée du dépassement de l'existence finie dans l'amour véritablement spirituel, que l'on trouve particulièrement développé dans le théâtre de G. Marcel à laquelle j'ai consacré il y a plus de dix ans, une longue analyse que l'on retrouvera dans "Chemins..."
(1) cf. Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3, L'action p. 99ss

23 mai 2006

Décentrement - II

Entre l'homme tout puissant, Icare moderne et le Christ il y a la différence d'une "humilité d'un Dieu qui s'abaisse dans la condition humaine" (1). Ce chemin demande une adhésion, la liberté suscitant l'assentiment à une révélation de l'absolu avec la volonté de mettre en pratique dans le concret par une décision personnelle.
Peut-être que ce qui nous est demandé, est de devenir réceptacle d'un absolu, avec les limites de notre finitude. Et cette réceptivité bouleverse notre orgueil, introduit une faille au coeur même de notre recherche, de sorte que nous ne sommes pas fondu dans l'infini, mais libre, indépendant et pourtant "tout tendu" vers cette altérité qui nous interpelle et vers qui va notre désir le plus fondamental..

(1) cf. Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3, L'action p. 96

Balises : Décentrement, Balthasar