11 juin 2005

Péché originel

Pour Schelling, le péché originel est dans la préférence donnée à la volonté propre sur la volonté de l'amour divin, "au dessus du créé"... (1). Je ne comprends pas cela comme un esclavage, mais bien comme un acte de discernement. Cela fait résonner pour moi la phrase de Paul, dans Romains 12 : "Ne vous conformez pas au siècle présent, mais soyez transformés par le renouvellement de l'intelligence, afin que vous discerniez quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, agréable et parfait." Ce discernement est peut-être le chemin de notre liberté, celle qui nous éloigne de la volonté du fond et nous permet d'entrer dans celle qui donne vie, et qui est amour.
L'homme pour être bon devrait mourir à toute particularité, subordonner sa volonté propre à la volonté de Dieu. Pour vivre en Dieu, qui est pour chaque volonté particulière un feu dévorant, l'homme doit mourir à toute particularité (2).
On en arrive au paradoxe d'un Dieu qui respecte notre unicité, qui nous a créé unique, mais qui nous appelle à trouver en nous et en l'autre, ce qui deviendra le feu dévorant de l'amour, et ce qui en cela nous libérera de nos servitudes.


(1) Urs von Balthasar, ibid p. 488
(2) ibid p. 489

Dieu, non autre

"Même quand nous sommes en Dieu, subsiste toujours en nous quelque chose qui n'était pas Dieu. Dieu hors de Dieu comme la fleur qui s'élève grâce à la lumière mais qui n'est pas lumière" (1). Cette distinction me semble essentielle, je l'ai déjà soulevé plus haut à partir de La Custode de Theillard de Chardin. On retrouve également le non aliud de Nicolas de Cuse. Dans cet autre que l'on ne peut saisir, on perçoit l'ouverture qui permet à la fois une vision anthropocentrique tout en laissant la place à une transcendance. Peut-être que finalement l'idée de temple de Dieu est ce qu'il y a de plus proche. Dieu repose en nous, en l'autre mais on ne peut le saisir. Toujours peut-on être attentif à cette présence, pour devenir transparent de la lumière.
Cette pensés rejoint celle d'Hegel lorsqu'il note la désespérance pour un particulier d'arriver à la vérité s'il demeure dans son pour soi. D'après Balthasar, il souligne ainsi le plus sévère enseignement de dépassement de soi destiné à une personnalité attachée à elle même. (2)
Mais chez Hegel, trois figures reprennent cette direction.
a) le stoïcisme, ou l'être est chez soi. L'homme n'a pas de contenu propre ce qui le conduit à l'ennui.
b) le scepticisme qui conduit à une conscience de soi confuse
c) ou le chrétien qui fait reddition de son autonomie dans l'obéissance, dans la renonciation. (3)
Mais cette critique de Hegel fait abstraction pour moi de la victoire, celle de Dieu qui unit à l'homme s'inscrit sur le chemin d'une liberté retrouvée, d'une humanité qui par sa conformité libre au désir de Dieu, participe à la victoire de l'amour.


(1) Urs von Balthasar, ibid p. 491
(2) ibid p. 493

10 juin 2005

Liberté et fond...

"Décider entre deux principes qui s'opposent en l'homme". Qu'il y en ait deux est décisif : "la volonté de l'homme et la volonté du fond. De fait, on ne peut supprimer le fond car sinon l'amour ne peut exister et le fond doit être à l'oeuvre indépendamment de l'amour afin que ce dernier existe réellement. Par suite, l'homme est comme quelqu'un qui saisi de vertige sur une cime escarpée éprouve l'angoisse de la vie à cause de la sollicitation du fond en lui et il ne faut pour cela aucun diable (1)
Si je comprends ce passage, on en arrive à estimer que l'existence du mal rend possible la tension dramatique et de ce fait la liberté.

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 488

Immuable

Je reste perplexe devant cette affirmation de Schelling : "nous retirer des vicissitudes du temps dans notre intimité, notre foi dépouillée de tout ce qui est venu s'y ajouter de l'extérieur, et là contempler en nous l'éternel sous la forme de l'immuable." (1) Cette immuabilité de Dieu reste pour moi un concept philosophique se heurte foncièrement à ma vision du dialogue Homme-Dieu, même si je reste sensible à l'appel à la contemplation. Le volume 2 de cette dramatique, m'aide finalement à comprendre ce qui reste encore difficile à appréhender dans ce tome. Affaire à suivre donc.


(1) Urs von Balthasar, ibid p. 486

09 juin 2005

Vrai homme et vrai Dieu

A propos de Fichte, Balthasar note que "les deux volontés (Homme et Dieu) s'identifient en Christ au point qu'il n'y en a plus qu'une." (1) Il y a dans cette identité tout le mystère de l'incarnation, mais surtout au moment de l'agonie, cette rencontre cruciale entre volonté humaine, crainte, prière et volonté divine. Je ne pense pas que l'on puisse dire qu'il y a identité mais conjugaison, mise en résonance, symphonie.
On peut aussi y voir la promesse eschatologique de Genèse 2. Ils ne feront qu'une seule chair. Le nouvel Adam a accompli l'écriture dans cette identité d'une volonté humaine qui vient rejoindre la volonté divine. Et en cela, le Christ fait toutes choses nouvelles... Ce que nous cherchions déjà plus haut, semble s'éclairer dans cette phrase...

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 481

Marthe et Marie

On oppose à tort les deux femmes de Béthanie. Pour maître Eckhart, il faut dépasser cette opposition : "le chrétien radical est" pour Eckhart", dans toute sa vie fécond en Dieu" (1). Cela fait résonner quelques phrases notées dans le volume suivant et sur lesquelles nous reviendrons. La tentation de l'ascétisme, de la mystique peut aussi être une fuite. Dans ce domaine, la vertu de tempérance reste à privilégier. Car, il reste important de ne pas fuir le réel, l'autre, même si l'on ressent la fatigue de l'effort (cf. notes sur Olivier Abel, in mariages.blogspot.com).

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 471

08 juin 2005

Liberté - III

Toujours dans cette recherche sur le rôle et la liberté, il semble que pour Balthasar, il faille "aller au delà de la résignation vers autre chose" pour se mettre en Dieu ? (1). Il s'agit donc toujours de ce sur-centrement de la personne qui a abandonné son serf-arbitre pour s'inscrire dans un projet plus vaste. Mais ce projet dépasse la personne, il est une participation non fusionnelle à l'amour.
"En Dieu les créatures sont plus existantes et plus vraies qu'elles-mêmes." (2)

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 462
(2) ibid p. 463

Liberté - II

"Tout individu est en apparence coincé entre les héritages psychologiques et culturels qui font de lui ce qu'il est, ce qu'il apparaît. Il peut cependant changer de rôle. Au delà de la prison sociale qui l'enferme, il peut parvenir à une intériorité suffisante, un Soi-même qui lui permette de retrouver une liberté pour "entreprendre de plein gré le rôle assigné" (1).

C'est ce travail intérieur qui détermine la capacité de tout homme à parvenir à une plus grande humanité. On retrouve ici les accents développés par P. Ricoeur dans Soi-même comme un autre. Je m'interroge cependant à la lumière des pages suivantes sur la place des autres dans cette humanisation. L'enjeu n'est pas d'y parvenir seul, mais de permettre à l'humanité entière de parvenir à cette humanité.

(1) Urs von Balthasar, ibid p. 460

07 juin 2005

L'idéal moteur...

"L'homme tend à une perfection idéale inaccessible" (1) Cela renverse pour Balthasar la causalité freudienne en une orientation vers la finalité.. "Nous ne pouvons penser, sentir, vouloir sans qu'un but soit présent à nos yeux"...(2)
Je sens bien dans mes efforts fragiles pour soutenir une amie suicidaire que ce qui lui manque c'est une orientation vers un idéal qui pourrait paraître accessible. Mais quand la maladie ne permet pas de rendre cela envisageable, quel moteur peut-on introduire... ?
(1) d'après Urs von Balthasar, ibid p. 445
(2) ibid p. 447

Rôle et société

En théorie, la communauté sociale peut amener à la rupture du masque, et permettre de "remonter jusqu'à la liberté primitive du projet-sur-soi téléologique". Adler opte pour une socialisation de la personne. Pour lui la socialisation et l'infériorité sont des facteurs essentiels de la progression de l'humanité. C'est un élan vers la vie mais qui reste pour Balthasar limité "car il ne peut concevoir que cette unité peut se recevoir de Dieu". (1)
Adler met cependant au centre l'humain, à la porte du christianisme en affirmant que "l'auxilliaire le plus important de l'éducation est l'amour".
Cette théorie permet d'intégrer à mon humble avis, le phénomène bénéfique de l'environnement. Mais il appelle aussi une thèse inverse. Ainsi si le rôle est un élément de construction sociale du moi, il reste appris, donné à l'avance, et surtout du fait de la distance entre le rôle et l'acteur, il permet d'en jouer plusieurs... Cela conduit pour Balthasar à un dualisme entre le Je et le Moi. (2)
Ralf Dahrendorf dans son Homo Sociologicus de 1958 soutient, à la suite de Kant et contre Hegel que "l'homme entrant dans le rôle que lui donne la société s'aliène" jusqu'à ce qu'en s'érigeant contre elle, il retrouve une liberté propre. Pour Balthasar, "on ferait mieux de parler de fonction qui se développe par suite de l'ambivalence de l'attente et des conflits de rôle qui en résultent." (3). Soit l'homme s'élève derrière la distance qu'il met entre lui et son rôle et la possibilité qu'il a d'en changer, dans une nouvelle dimension, un Soi véritable, soit dans cette distance peut se distinguer la marque de l'individu. (4).
Toute notre théorie sur les tours prend ici un sens intéressant, dans la mesure où il traduit l'enjeu de la distance entre ce moi construit, ciselé par la société et par ses propres choix et perceptions et le Soi profond, la petite flamme intérieure qu'il convient de retrouver en soi et chez l'autre pour atteindre une communion et un amour véritable. Cela conforte aussi notre idée de décentrement, qui ne serait alors que l'abandon du rôle imposé vers un choix libre, une destinée, un appel et de fait une autre hyperbole.

(1) d'après Urs von Balthasar, ibid p.448 à 450
(2) ibid p.452
(3) ibid p.455
(4) ibid p.456

06 juin 2005

Immigration

Toujours chez Adler :"L'insécurité et l'inquiétude sont les fondements qui le rend éducable".
L'infériorité permet de limiter la tour de Babel, construite avec le temps. Cela évoque pour moi cette difficulté notable dans l'éducation des enfants de 2ème génération d'immigrés, qui face à des parents déboussolés et loin de leur culture, découvrent en eux un potentiel, par l'acquisition de la langue et de la culture locale.
Ce conflit entre le potentiel qui s'ouvre à eux et la limitation de l'héritage reçu de leurs parents conduit à une absence d'infériorité et expliquerait ainsi cette absence d'éducabilité ?

(1) d'après Urs von Balthasar, ibid p. 368

05 juin 2005

Inférieur...

Chez Adler, "Etre homme c'est se sentir inférieur" (1) On pourrait en tirer un théorème mathématique. L'homme prenant conscience de sa finitude, parvient à la maturité véritable, celle où en voyant ses limites, il s'ouvre à la transcendance...

(1) Der Sinne des Lebens P.67 cité par Urs von Balthasar, ibid p. 445

Soi-même comme un autre

Je retrouve dans cette analyse du Soi chez Jung : "La transcendance du moi empirique vers le Soi qui lui est sur-ordonné (...) le moi individualisé s'éprouve comme objet d'un sujet inconnu et supérieur. Pensée à l'horizon illimité car l'idée d'un Soi en soi et pour soi est déjà un postulat transcendant" (1) des accents du Soi-même comme un autre de Paul Ricoeur. Balthasar y voit quelques ouvertures vers la grâce et la voix mais pas vers la prière... Que manque-t-il, si ce n'est cette capacité de décentrement ou même de sur-centrement qui pourrait caractériser l'acte de purification ultime où l'on ne fusionne pas dans un tout indifférencié mais bien dans une symphonie où tout en restant soi, on participe à la danse.
Balthasar ajoute que le "Soi individuel de C.J. Jung est en stricte opposition au Sur-moi de Freud (...), le centre de la personnalité à mi-chemin entre conscient et inconscient comme leur haute synthèse". (2) C'est là que l'on rejoint pour moi la longue démarche du Soi-même comme un autre de P. Ricoeur, dans ce qu'il a qualifié plus tard de petite éthique...
Pour Balthasar enfin, "Le dernier mot de Jung pourrait être résignation non dans un rôle ou un masque mais dans le sens ou le "voir Dieu" n'est pas total. "La totalité ne se réalise jamais au point que nous puissions nous identifier à elle". (3)
Cela montre pour moi une saine clairvoyance qui permet de distinguer la démarche de toute totalité, n'en déplaise à Hegel et viva Lévinas...

(1) d'après Urs von Balthasar, ibid p. 440-1
(2) ibid p. 442
(3) ibid...

04 juin 2005

Flamme intérieure

"Cette petite flamme était ma conscience, c'est la seule lumière que j'aie. Mon intelligence propre est certes infiniment petite et fragile comparée aux puissances des ténèbres, mais c'est tout de même une lumière, mon unique lumière. " (1)
On rejoint pour moi la notion de conscience chez Saint Thomas. Lire à cette occasion, l'excellente analyse de G. Médevielle, Le Bien et le Mal, dans la collection Tout Simplement... (voir fiche dans Chemins).

(1) C. G. Jung, Ma vie, souvenirs, rêves et pensées P. 110, cité par Urs von Balthasar, ibid p. 435

Tours - II

" Le moi selon Freud est une pauvre créature soumise à une triple servitude et vivant, de ce fait, sous la menace d'un triple danger : le monde extérieur, la libido du ça et la sévérité du sur-moi" (1) Si j'en comprends le sens, cette soumission serait au coeur de la construction de cette tour humaine, ou le moi se protège, non sans mal, de soi-même et de l'autre à travers la construction d'un masque, d'une apparence.
La difficulté réside dans la capacité de tout homme à quitter cette tour, pour retrouver l'autre sur une base plus humble et plus vraie... Cf. à ce sujet le blog mariages.blogspot.com
Pour Freud, également : "L'analyse ne vise qu'à établir la plus grande harmonie possible du moi". Cela confirmerait mon intuition fondamentale dans Bonheur dans le Couple, que la descente de tours ne peut se faire véritablement sans la médiation d'un tiers, "médiateur entre les revendications de la vie pulsionnelle (du ça) et celles du monde extérieur, donc entre les réalités internes et externes" (3)
La médiation est cependant multiple pour moi. Le grand médiateur restant le tout Autre (sans exclure les intermédiaires souvent nécessaires...)

(1) Essai de Psychanalyse p. 230 cité par Urs von Balthasar, ibid p. 432-3
(2) ibid 434
(3) ibid

Résignation... - I

Pour Balthasar (1), Freud, Jung comme Adler recommandent l'acceptation de ce que l'homme est et considèrent son incorporation dans l'ensemble environnant comme le but dernier de la thérapie.
S'accepter et s'intégrer, le but ultime ?
Cela serait pour eux la résignation.
On peut le voir de façon pessimiste, sauf à introduire à ce stade l'idée chrétienne qui peut être pour certains pure idéologie et pour d'autres pure joie, celle d'un décentrement où l'on quitte l'accessoire pour vibrer dans l'amour infini qui nous échappe et nous attire.
La résignation pourrait être New Age, si elle n'avait foncièrement en soi, une dimension tragique, un décentrement qui nous conduit à terme à ne plus pouvoir nouer sa ceinture mais accepter qu'un jour, elle soit nouée par d'autres...

(1) d'après Urs von Balthasar, ibid p. 426

03 juin 2005

Personnalité...

Selon Herder : "Si tu veux, ami, parvenir au repos, fuis la pire ennemie, la personnalité (...) Plus quelque chose dans notre nature est pur et noble, plus cela sort de soi-même, renonce à ses propres limites, devient participant, infini, éternel."
Je retrouve là des accents de ce "serviteur inutile" qui nous permet à petit pas, de laisser là notre orgueil et reconnaître que rien en nous de véritablement pur ne vient de nous mais est foncièrement grâce. On rejoint là le "Tout est grâce" de Bernanos.

(1) d'après Urs von Balthasar, ibid p. 425

02 juin 2005

Aider à être

Puisqu'il m'a été donné d'apercevoir un fragment intime de l'être et d'en tirer une joie profonde, est-ce que ma mission ne consiste pas à faire germer chez d'autres cet aperçu du sublime et d'en vivre

01 juin 2005

Fais la place à d'autres...

Epictète : "Comme les feuilles d'automne, les individus passent, pour faire place à d'autres... ". (1) On est là au sommet du tragique. Pour quoi laisser la place tant que brûle en nous un échantillon fragile, une flamme légère. On rejoint là cette petite prière ébauchée le mois dernier sur le brin d'herbe...

(1) cité par Urs von Balthasar, ibid p. 420

31 mai 2005

Ecritures...

Ecrire revient à porter un jugement sur soi-même (1).
C'est un peu le sentiment que me procure ce blog. Un instant où en cristallisant mon dire, je m'expose à un jugement extérieur. Et cet exercice induit un cheminement qui peut-être fécond.
Comme le dit plus loin Balthasar, le jugement sur soi-même conduit à la mort sauf si un sentiment chrétien permet de dépasser cette auto-condamnation. C'est peut-être la voie qui s'ouvre à moi. M'exposer pour faire apparaître la faiblesse de mes actes comme de mes raisonnements et aller au delà...

(1) d'après Urs von Balthasar, ibid p. 385

Abandon - I

"Le mystère de ce Dieu puissant dont l'amour n'avait pas la possibilité de répondre au Fils abandonné sur la croix et criant vers lui, le mystère d'une faute incompréhensible mais partout présente entre le ciel et la terre" (1)
Cela reste pour moi effectivement le coeur du mystère mais aussi de l'espérance d'un sens. Car si l'abandon avait été total, nous n'aurions plus rien à espérer. Or justement, au delà de l'abandon, nous pouvons entrer dans l'acte de foi le plus essentiel, celui de croire que la mort et l'abandon ont été vaincus par la croix et que la résurrection est au bout du chemin...
Face à cela, il subsiste cependant une dialectique entre un Icare qui en cherchant à comprendre se brûle les ailes dans la démesure de sa raison ou le simple chemin fragile d'une interrogation pour le monde que l'on cherche à répondre...

(1) d'après Urs von Balthasar, ibid p. 368

Tragique...

Le tragique est un élément incontournable de nos vies... Mais notre société en refuse parfois la réalité, oubliant dans le présent et ses bonheurs fragiles l'implacable direction.
Le tragique habite nos vies, la mort nous guette et chaque pas nous prépare à cet acte ultime qui nous permettra à la fois de perdre le peu qui nous rattache à la terre et d'entrer dans le mystère du sens, de vibrer dans une nouvelle espérance

30 mai 2005

Abandon...

Je continue à me heurter à cette compréhension même de la déréliction, ce sentiment qui touche pour moi au mystère : "Le Christ a connut la souffrance de l'abandon. L'abandon au mal" nous dit Urs von Balthasar (1).

Qu'est-ce à dire ? Comment comprendre cela si ce n'est en pénétrant au coeur du mystère même de l'incarnation, c'est-à-dire d'un Christ qui veut souffrir la souffrance même de l'homme au plus profond de sa chair, de son esprit.
Il n'y a que l'espoir du Psaume 21, dans le "tu m'as répondu" qui suit le cri du "pourquoi m'as tu abandonné" que l'on peut trouver la trace d'une espérance. Et c'est peut-être dans cette espérance que l'on peut tracer un chemin pour notre foi.

(1) d'après Urs von Balthasar, ibid p. 367

29 mai 2005

Démesure (Hybris - II)

"Ce n'est que par une orgueilleuse démesure (hybris) qu'un homme pourrait prétendre saisir le sens qui renferme le tout de l'existence. Dans le bonheur ou le malheur, la réussite ou l'échec, il ne peut au mieux, qu'approcher ce sens à tâtons, par une croyance mais aussi en fixant de petits îlots de sens, il les verra s'enfoncer dans une mer infinie d'inexplicable." (1)

Ce qui rend vain toute l'hybris de nos discours, ces belles paroles ou nous en venons à croire que nous ne pouvons jamais atteindre le soupçon d'une vérité véritable...
Il y a comme dans ce blogue, un moment où l'on se heurte à l'indicible et où le silence serait peut-être plus parlant. Un silence qui comme Pascal s'efface petit à petit dans les actes, une charité nouvelle à inventer et vivre, dans le respect de ce qui nous échappera encore...

(1) d'après Urs von Balthasar, ibid p. 357

28 mai 2005

Ouverture de WikiKto

Je vous signale l'ouverture d'une encyclopédie libre catholique...
Quelques contributions de votre serviteur, pour un site au service de 'l'intelligence de la foi'...

Eve

"A côté d'Adam face au monde, il y a Eve pour donner sens à l'impossible" (1)
C'est peut-être là le secret de cette création d'ish et d'isha. Deux différences qui se penchent l'une vers l'autre et se faisant contribuent à une certaine fécondité que l'homme seul ne pourrait espérer atteindre. Penser seul c'est croire que l'on peut. Vivre à côté de, c'est travailler à un autrement...


(1) d'après Urs von Balthasar, ibid p. 347

27 mai 2005

Peur - II

Le Dialogue des Carmélites de Bernanos nous introduit dans la méditation de la peur naturelle de Blanche, qui est assumée dans la peur surnaturelle du jardin des Oliviers et insérée dans la communion des Saints où elle a sa place. (1)

C'est vrai que Blanche dans cette pièce admirable est profondément travaillée par la peur. Je n'avais pas fait le lien alors avec mes réflexions précédentes sur la peur de Jésus et sur le mystère même de cette incarnation. Dire que le Christ habite nos peurs et cependant les dépasse dans un Fiat, c'est insister sur le chemin, la voie tracée qui va de son agonie à sa mort et de la mort à la résurrection...


(1) d'après Urs von Balthasar, ibid p. 337-338

26 mai 2005

Le seuil

G. Marcel : "La mort de l'être aimé est un seuil et même le seuil".
Sans commentaires... On verra à ce moment là ?

(1) Cité par Urs von Balthasar, ibid p. 330

25 mai 2005

Vie et mort...

Fridolin Wiplinger : "Si je découvre dans l'amour mon être-moi que comme être-avec, ce devrait en être fini de celui-ci tandis que je continue de vivre physiquement. Dans son essence, l'amour est un amour jusqu'à la mort précisément parce qu'il est toujours incarné (...) Le caractère inconditionnel de l'amour personnel dans la pureté du "pour toi" en tant que but suprême de l'option de vie exige finalement de placer tout, c'est à dire la vie entière sous ce jour, de la prodiguer, de l'offrir et le cas échéant de l'abandonner. (...) Il est temps que les chrétiens s'arrachent enfin à la nuit métaphysique grecque impersonnelle "pour enfin peut-être commencer à avoir le regard libre pour l'être personnel de l'homme et une compréhension personnelle de sa vie, de son agonie et de sa mort, à partir de celle de Jésus Christ et de sa résurrection" Das Personal Verstande Tod (Fribourg/Br Munich 70)

Sans commentaires...

(1) cité par Urs von Balthasar, ibid p. 327

23 mai 2005

La mort - II

"S'il y a en moi une certitude inébranlable, c'est qu'un monde déserté par l'amour ne peut que s'engloutir dans la mort, c'est aussi que là où l'amour persiste, là où il triomphe de tout ce qui tend à le dégrader, la mort ne peut pas ne pas être en définitive vaincue." (1) On retrouve cette espérance du Cantique des cantiques : "l'amour est fort comme la mort". Je ne sais d'ailleurs, si depuis la résurrection du Christ, on ne pourrait pas traduire cette espérance de l'Ancien Testament en "plus fort que la mort"...
Cela fait revivre en moi les admirables pièces de Gabriel Marcel que sont L'Iconoclaste, Le Fanal, Le mort de demain...

G. Marcel cité par Urs von Balthasar, ibid p. 327

22 mai 2005

Salvifici Doloris - II (Le sens salvifique de la souffrance)

"Je complète en ma chair ce qui manque aux épreuves du Christ pour son corps qui est l'Eglise". Cette phrase de Paul qui introduit la lettre apostolique de Jean-Paul II donne le ton de toute la lettre.

L'idée centrale c'est que la souffrance est la rencontre entre un homme libre et le mal qu'elle que soit sa forme. Quelle que soit la forme de cette souffrance, se trouve "toujours une expérience du mal qui entraîne la souffrance de l'homme. Ainsi donc, la réalité de la souffrance fait surgir la question de l'essence du mal : qu'est-ce que le mal ?"" (§ 7)

Sur la cause du mal, Jean-Paul II souligne qu'il s'agit d'abord de l'absence d'un bien.

On a envie cependant de compléter, à ce stade, par la distinction thomiste entre "mal de peine" (tremblement de terre, maladie) et le "mal de faute" (mal causé par un tiers).
Cette rencontre avec le mal pose la question du pourquoi ? mais aussi du but (pour quoi ?). Alors que pour les amis de Job, cette souffrance semble justifiée par la faute, Job nous fait découvrir le travail de l'homme qui est un chemin de conversion. Déjà dans L'Ancien Testament, nous remarquons une tendance qui cherche à dépasser l'idée selon laquelle la souffrance n'a de sens que comme punition" (§12).
Mais pour comprendre le pourquoi, il faut nous tourner vers le Christ. La souffrance "doit servir à la conversion c'est-à-dire à la reconstruction du bien". (...) "Le Christ nous fait entrer dans le mystère et nous fait découvrir le pourquoi de la souffrance, dans la mesure où nous sommes capables de comprendre la sublimité de l'amour divin." (§ 13).
Le Christ apporte une lumière nouvelle, celle du salut. (§ 15)
Le Christ se fait proche de la souffrance humaine. (§ 16) et son enseignement et notamment les huit béatitudes trace un chemin hyperbolique qui montre que la souffrance participe à l'oeuvre du salut.
Jean-Paul II rejoint ici ce qui pour Hans Urs von Balthasar est le propre de la dramatique divine. Le Christ est au centre du drame, chemin de lutte contre le mal sous toutes ses formes. Chemin et victoire.
Or pour Jean-Paul II, le Christ prend sur lui cette souffrance. "Le Fils de même nature que le Père souffre en tant qu'homme. (...) Il se charge d'une manière totalement volontaire des souffrances" (§18), rejoignant la prophétie du Serviteur Souffrant (Isaïe 53, 5). La réponse du Christ à la souffrance est donc à la fois dans la Bonne Nouvelle mais avant tout par sa propre souffrance". C'est le langage de la Croix.
La souffrance c'est subir le mal mais c'est aussi une participation à l'amour.

Le mystère du mal s'inscrit donc dans le drame. Et comme le souligne Paul, lorsque je souffre "ce n'est plus moi qui vis, mais le Christ qui vit en moi. (§20).

On prend alors conscience du paradoxe de la faiblesse et de la force. Je ne peux répondre seul à la souffrance. Il y a un moment où seul Dieu peut l'assumer en moi (faiblesse) et en même temps, ce dé-centrement, ce sur-centrement en Christ me permet d'obtenir sa grâce (force).

Dans ma souffrance, je participe au drame. "Je complète en ma chair ce qui manque aux épreuves du Christ . Les souffrants s'inscrivent donc dans la communion des martyrs et des saints, dans le chemin de l'Eglise, celui qu'elle trace dans "l'Evangile de la souffrance . (§25) Ce chemin, Marie fut la première à le tracer, en complétant dans sa chair (comme elle l'avait fait dans son coeur) la souffrance de son Christ, en l'accompagnant sur le chemin du Calvaire.

Cette participation à la souffrance donne une "force particulière qui rapproche intérieurement l'homme du Christ, une grâce spéciale (§26). "Lorsque le corps est profondément atteint par la maladie (...) la maturité intérieure et la grandeur spirituelle deviennent d'autant plus évidentes, et elles constituent une leçon émouvante pour les personnes qui jouissent d'une santé normale .
Le souffrant accomplit ainsi un service irremplaçable et entre dans la communion de l'Eglise, au sein même du drame.

Jean-Paul II rappelle ensuite "la parabole du Bon Samaritain qui appartient à ce même Evangile de la souffrance. Elle indique, en effet, quelle doit être la relation de chacun d'entre nous avec le prochain en état de souffrance. Il nous invite à ne pas passer outre, à ne pas épargner nos moyens, notre coeur, comme nos moyens matériels, être capable de don, libérer en nous ses capacités d'aimer. Et Jean-Paul II rappelle la phrase du Christ : "C'est à moi que vous l'avez fait" (§29).

La relecture de ce texte à l'aune de la vie et de la mort de Jean-Paul II lui donne un sens tout particulier. On perçoit combien sa mort saluée par tant d'hommes et de femmes a tracé à sa manière l'Evangile de l'amour qui est pour reprendre ses propres mots l'Evangile de la souffrance.

Texte Intégral : http://www.vatican.va/holy_father/john_paul_ii/apost_letters/documents/hf_jp-ii_apl_11021984_salvifici-doloris_fr.html

La Mort - I

Le tragique se situe dans le choix entre une mort, évènement passif que l'on fuit ou un autre hautement actif que l'homme choisit délibérément en en fixant à son gré, l'instant la manière et le pourquoi. (1)
C'est à la fois l'instant le plus humiliant, celui où l'on sombre dans la pourriture et en même temps le plus noble si l'homme le prend comme un enjeu et un accomplissement de son existence...
Il n'y a, insiste Urs von Balthasar qu'un sujet véritablement dramatique, le choix de l'homme face à la mort.
On retrouve cette interpellation soulevée par Lévinas, dans ce que Sibony interprète comme l'interpellation ultime de l'homme face à la Scène... Celle où l'on doit choisir entre vivre coupable ou mourir pour l'autre. Mais est-ce que ce choix fondamental n'est pas ce à quoi nous devons nous préparer toute une vie. Etre prêt au don, si notre don n'a que cet instant pour être valide (ce qui reste d'ailleurs une question à méditer...).


(1) d'après Urs von Balthasar, ibid p. 310

21 mai 2005

Paul Ricoeur

"Le philosophe Paul Ricoeur, l'un des plus grands penseurs français de l'après-guerre, dont l'oeuvre considérable est mondialement reconnue, est décédé à l'âge de 92 ans, à son domicile près de Paris, a annoncé samedi un de ses proches..."

J'en parlais encore il y a deux jours. Je l'ai croisé il y a dix ans à la soutenance de thèse d'un ami, mais surtout dans ses livres...

C'était un grand, grand bonhomme...

Grâce ou liberté ?

"La libre victoire sur soi-même présentée d'en bas comme soumission, sagesse, renoncement est distinguée d'en haut comme effet de la grâce. Pour Calderon, il n'y pas de fatalité neutre mais seulement le oui et le non de la nature déchue par le péché héréditaire face à ce que saint Paul appelle les puissances du monde, et la saisie de la grâce salvatrice dans la soumission qui extérieurement se subordonne au destin mortel mais aussi le surmonte intérieurement." (1)

Probablement un peu compliqué à la relecture...
Ce que j'en retiens, mais il faut peut-être se replonger dans le texte, c'est que ce qui est bon en moi, ce que je travaille, de toutes mes forces, n'est vainqueur que lorsque j'abandonne ma volonté pour faire la sienne et que j'atteins ainsi une liberté véritable, créatrice, féconde. Au bord du gouffre de la démesure, tu me conduis vers les eaux tranquilles...

Il y a donc conjonction entre mon oui et la grâce reçue, qui s'harmonise dans une liberté nouvelle et créatrice...

(1) d'après Urs von Balthasar, ibid p. 309

20 mai 2005

La souffrance

Je viens de relire la lettre apostolique Salvifici Doloris, la valeur salvifique de la souffrance, Jean Paul II, 11 février 1984.*
Un texte d'une grande profondeur, qu'il est intéressant de relire à l'aune de la vie et de la mort de Jean Paul II.



* disponible sur http://www.vatican.va
voir lien direct dans le commentaire de Phil.

19 mai 2005

Liberté ou pulsion - II

" Sémirimis suit son destin mais ce qu'elle prenait pour une liberté n'est que pulsion.."

Le serf arbitre, encore...

(1) d'après Urs von Balthasar, ibid p. 307

18 mai 2005

Liberté et pulsion - I

"Le moi abandonné et rejeté de Dieu qui voudrait revenir à l'ordre saint, fondé en Dieu, mais se voit barrer le chemin par la faute originelle de l'existence et par la volonté qu'aveuglent les instincts ne peut que crier, dans l'angoisse et la misère, à une divinité qui n'est plus un sauveur : protège moi de moi-même " Benno von Wiese, à propos de l'Aïeule de Grillparzer dans Die Deutsche Tragödie von Lessing bis Hebbel, Leibzig p. 387

Cet appel païen peut cependant être relu, dit Urs von Balthasar, à l'aune de Jn 11,25ss : "Qui croit en moi, même s'il meure vivra..."
Et de fait, quand on s'échappe à soi-même, quand le serf-arbitre dont nous parle Luther et repris par Ricoeur dans la Philosophie de la Volonté est tel que nous perdons pied, il nous faut reconnaître ce que nous tardons toujours à admettre. Nous ne pouvons rien de nous-mêmes. Il est notre sauveur...


(1) d'après Urs von Balthasar, ibid p. 302

17 mai 2005

Notre place ?

N'est-ce pas au coeur de cette question que nous pouvons nous laisser interpeler par un autre.
Comprendre que notre vie n'est pas ordonnée par la simple servitude des forces intérieures qui nous habitent mais bien par autre chose...

Corps du Christ

Comme le souligne Urs von Balthasar*, on ne peut évoquer la question des rôles sans reprendre la position paulinienne, qui insiste sur la place de chacun dans le corps du Christ. Urs von Balthasar cite quelques textes éclairants à l'aune de nos réflexions des billets précédents. Je me contenterais de les aligner, à titre illustratif.

1 Co 7 (17,20,24) : "Pourtant, chacun doit continuer à vivre dans la situation que le Seigneur lui a donnée en partage, et où il était quand Dieu l'a appelé."
Rm 12, 3-6 : "n'ayez pas de prétentions déraisonnables, soyez assez raisonnables pour n'être pas prétentieux, chacun en proportion de la foi que Dieu lui a donnée en partage. (...) nous avons reçu des dons qui sont différents."
Eph 4,10 : "Les dons qu'il a faits, ce sont des apôtres, des prophètes, des évangélistes, des pasteurs et catéchètes, afin de permettre les saints en état d'accomplir le ministère pour bâtir le corps du Christ, jusqu'à ce que nous parvenions tous ensemble à l'unité dans la foi et dans la connaissance du fils de Dieu, à l'état d'adultes, à la taille du Christ dans sa plénitude. Ainsi nous ne serons plus des enfants, ballottés, menés à la dérive à tout vent de doctrine, joués par les hommes et leur astuce à fourvoyer dans l'erreur."

Notre rôle est donc à mesurer de manière relative, ce que nous avons souvent tendance à oublier lorsque nous construisons la tour de notre moi.

* Urs von Balthasar, ibid pages 297-8


Commentaires : Je signale, que la plupart des citations données ici sont issues de la traduction liturgique de la Bible ou de la TOB, en espérant ne pas abuser du droit de citation...

16 mai 2005

Responsabilité et liberté

Le principe de responsabilité nous interpelle au point que là aussi notre liberté de choix est limitée. Mais, la question se situe au-delà du simple questionnement philosophique.

Plus la situation est dramatique, plus notre liberté qui semble limitée est mise à mal par notre peur de la mort.

Conflit dramatique entre Eros et thanatos dirait le père Freud. Oui et non, puisque ici, plus qu'ailleurs notre sens éthique fondamental est en cause. Et face à ce choix, l'éclairage de notre conscience est plus que jamais nécessaire. Ce qui ne garantit en rien notre capacité de répondre oui à l'interpellation.

15 mai 2005

Le souffle de l'esprit...

"Le Seigneur n'était pas dans l'ouragan ; et après l'ouragan,
il y eut un tremblement de terre, mais le Seigneur n'était pas
dans le tremblement de terre ;
et après ce tremblement de terre, un feu,
mais le Seigneur n'était pas dans ce feu ;
et après ce feu, le murmure d'une brise légère.
Aussitôt qu'il l'entendit, Élie se couvrit le visage
avec son manteau,
il sortit et se tint à l'entrée de la caverne."

1 Rois 19 -11,13

Comment, en ce jour de Pentecôte, ne pas évoqué ce qui est pour moi un
des textes les plus subtiles de l'Ancien Testament.
On y perçoit la tendresse d'un Dieu que l'on croyait dans la puissance et qui ce révèle,
comme le suggère E. Lévinas dans le "bruit d'un fin silence".
Manifestation fragile de Dieu qui respecte notre liberté et s'incline à notre rencontre.

Mort et action... Face à la peur...

Dans "Jeux de massacres", Ionesco (*) semblent s'attacher aux comportements des acteurs face à la mort. Ici, la menace de mort a définitivement triomphé de l'action. Elle interpelle sur les limites du discours...

On peut toujours parler, faire de beau discours, mais comment serons nous face à la mort ? C'est sur cette question fondamentale que la construction intérieure de l'individu peut utile. Pour un chrétien cependant, on peut ajouter que toute attitude de foi repose sur notre espérance, celle du Christ ressuscité.

Il a vaincu la mort.


Sur cette base, nous pouvons fonder notre foi.
Et face à nos peurs, nous pouvons déposer nos limites au pied de cette croix victorieuse, élevée de terre pour donner un sens à nos doutes et nos espoirs. Comme les juifs qui ont vénéré le serpent d'airan dans leur marche au désert, nous fondons notre espoir sur cette évélation.
Que Dieu nous donne la grâce de dépasser cette peur.

* cité par Urs von Balthasar, ibid pages 287

Dieu aime tout homme

Une des plus grandes convictions de ma foi, c'est de croire que tout homme est aimé de Dieu.
Cet amour n'est pas un amour réducteur, mais un amour qui respecte fondamentalement la liberté de l'homme, au point de se mettre à genou devant son humanité, sans le forcer, sans le brusquer, mais en lui disant simplement, je crois en toi, je crois en ton humanité.

C'est ce qu'exprime le geste de Jésus, la veille de sa passion, lorsqu'il se met à genou devant Pierre, celui qui deviendra le pasteur de son troupeau :

"Tu vas me renier, Pierre, mais je me mets à genou devant toi. Je crois, qu'au delà de tes actes, il y a en toi un potentiel d'humanité"
. C'est pour moi le coeur de ma foi

14 mai 2005

Le visage de l'autre...

Le visage de l'autre est signe. Il nous interpelle par le regard, mais aussi parce qu'il y a au fond des yeux un être de chair, mystérieux, inaccessible que l'éclat du regard nous révèle à petites touches.
Se laisser toucher par le regard, c'est commencer un chemin d'ouverture.

Référence : Autrement qu'être ou au delà de l'essence, E. Lévinas

Jean Paul II - En voie de béatification

Je pense que Benoît XVI a été bien inspiré d'accélerer le processus de béatification de Jean Paul II alors qu'il reste bien présent dans nos mémoires.
Cela donnera peut-être à beaucoup la joie de découvrir la profondeur de son message à la fois philosophique, théologique et pastorale.

Quelques liens :

- Sur PMC, quelques ouvrages choisis.
- Regarder en Vidéo la messe des obsèques de Jean Paul II

13 mai 2005

Solitude

La solitude serait-elle commune à tout homme et ce jusqu'à la mort. Solitude foncière de l'homme qui malgré la course au relationnel traduit un manque de sens, de direction ?

La solitude serait-elle la faille dans le coeur de l'homme qui ouvre à la transcendance ?

Ou est-elle, comme le suggère Abel, une fuite du réel, un refus de s'engager dans la vie, une peur de l'autre...

12 mai 2005

Vide intérieur ?

Dans un monde qui est de plus en plus marqué par une recherche de l'instantané, on peut s'interroger sur une apparente absence de drame intérieur et sur l'existence de personnes qui en apparence ont perdu tout sens à leur vie. Cela appelle deux considérations.

1) Cette apparence de vide est probablement provisoire. Il peut être réel quand rien ne stimule l'homme à une réflexion intérieure, mais c'est ignorer que l'homme est par essence porteur d'un germe de l'Esprit et qu'il suffit d'une faille pour mettre à jour la vie intérieure qui sommeille.

2) Face à ce vide, on peut s'interroger sur l'intérêt de ré-introduire l'hyperbole.

Seul le langage hyperbolique peut en effet, à mon avis ouvrir une faille dans le coeur de l'homme en interpellant la personne dans un coeur à coeur. Cet appel à l'hyperbole doit se faire dans la limite du risque paradoxal d'introduire une idéologie ou un rêve ? Mais une chose est certaine. Quand il n'y a plus en apparence que le néant, seul l'hyperbole vient dépasser le marécage du quotidien. Est-ce un idéal ? Non. L'hyperbole est une direction vers quoi se tourner. Ce n'est ni une idéologie, ni une utopie mais plutôt une victoire, celle qui permet d'introduire l'espérance.

Quand on interroge Jésus sur un conflit d'héritage, il répond à côté. Mais il fait suivre sa réponse d'une parabole sur l'homme riche qui engrange son blé et va mourir le soir même. Le langage de Jésus est hyperbole...

Luc 12 : "Du milieu de la foule, un homme demanda à Jésus : « Maître, dis à mon frère de partager avec moi notre héritage. » Jésus lui répondit : « Qui m'a établi pour être votre juge ou pour faire vos partages ? » (...) Et il leur dit cette parabole : « Il y avait un homme riche, dont les terres avaient beaucoup rapporté. 17 Il se demandait : 'Que vais-je faire ? Je ne sais pas où mettre ma récolte.' Puis il se dit : 'Voici ce que je vais faire : je vais démolir mes greniers, j'en construirai de plus grands et j'y entasserai tout mon blé et tout ce que je possède. Alors je me dirai à moi-même : Te voilà avec des réserves en abondance pour de nombreuses années. Repose-toi, mange, bois, jouis de l'existence.' Mais Dieu lui dit : 'Tu es fou : cette nuit même, on te redemande ta vie. Et ce que tu auras mis de côté, qui l'aura ?' Voilà ce qui arrive à celui qui amasse pour lui-même, au lieu d'être riche en vue de Dieu. »

11 mai 2005

Témoignage

"Un témoignage, plus il est contradictoire, plus il est vrai !" Si l'on croit Urs von Balthasar (*), pour Ionesco, ce qui est original est vrai. "Ce qui est déjà pensé, déjà dit, n'est pas vrai..." Notre témoignage n'a de fait un sens que lorsqu'il n'est pas pensé mais implicite, non conditionné par une routine, un projet pédagogique. A tel point que pour moi le témoignage ne peut être cadré, prévu, inclus dans un programme pédagogique. La véritable pédagogie, en particulier pour des adultes sera plus de nature inductive, c'est-à-dire quand chacun apportant le meilleur de soi-même, partage, sans arrière pensée ce qui le touche au coeur.


* Urs von Balthasar, ibid page 279-80

10 mai 2005

Eucharistie - II

Cela ne nie pas que devenir temple du Christ n'est pas une valeur fondamentalement essentielle dans la vie d'un chrétien. Mais, si j'en crois ma modeste personne : ces instants d'intenses communions sont rares.

On peut répondre, et on aura raison que le travail de la grâce dépasse largement tout nos efforts d'humanisation.

Maintenir l'eucharistie régulière a du sens dans ce sens. Il permet de laisser à la grâce le temps de faire son chemin au coeur de nos individus enlisés dans nos contradictions.

Mais, parfois, je persiste à croire que casser le rythme permet de lui donner un sens. Autant la routine a l'avantage de maintenir l'homme dans une interpellation régulière, lui permet d'être porté par la présence, alors qu'il n'est pas présent, autant je pense qu'une rupture peut venir remettre en question la somnolence.

Cela aurait aussi un sens, le jour où l'Eglise lit le texte de la femme adultère. Je pense que ce jour là, si le prêtre peut inviter les fidèles à s'abstenir de l'eucharistie, en communion avec nos frères qui sont en situation de remariage, cela permettrait de faire prendre conscience à ceux qui communient sans souci, qu'il ne s'agit pas d'un droit mais de bien plus, que l'enjeu d'un faire mémoire de la passion douloureuse du Christ se situe ailleurs.

A méditer (et commenter...)

09 mai 2005

Eucharistie, morne plaine ?

La puissance signifiante de l'Eucharistie n'est-elle pas étouffée sous l'obligation dominicale, à tel point que de temps en temps nos dimanches ne sont qu'un rassemblement docile et sans lumière. Que faire ?
Je m'interroge. Ne serait-il pas opportun de réintroduire de temps en temps des jeûnes eucharistiques pour transformer le panurgisme dominical en un lieu de recherche de sens, d'intelligence de la foi. L'ardeur évangélique est-elle le lot des fidèles. Quand j'entends certaines histoires, je m'interroge. Où est la foi ? Quel sens ont nos messes ? Casser le rite pour en retrouver le sens profond, pour faire renaître le désir en lieu et place d'un conformisme social ?
Seul un homme vraiment libre peut être source de la lumière divine. Tout ce qui est réalisé par obligation, conformisme n'est que vide.
Si l'on construit trop vite une représentation dramatique à partir de l'esthétique on fige en icône la figure du Christ. Or le drame eucharistique n'est pas qu'une simple représentation qui fait mémoire. Pour qu'elle devienne lieu de présence, il faut lui permettre d'être la conjonction d'une démarche de foi, d'une démarche communautaire, mais aussi et surtout, le lieu d'un décentrement véritable qui se fait accueil de l'Esprit, sans lequel le sacrement ne peut être.

Inutile ?

Trouver un langage commun ?
Quand l'autre n'a rien à dire, quand on est face à une absence de points communs, on peut être effectivement interpellé par notre place, notre rôle. Difficile de mettre au point un discours, au point que peut réapparaître le sentiment d'être inutile...

Peut-être que de fait, le décentrement devient alors plus évident. Si je ne peux t'être utile, en apparence, laisse moi Seigneur être seulement signe de ta présence...

Hôtel Rwanda

En deux jours, la vision de cet excellent film sur le génocide africain et un documentaire, le 18 avril sur le génocide au Cambodge sont autant de coups de massue qui font prendre conscience de la fragilité d'un modèle, d'une idéologie. Comment l'homme moderne peut arriver à ce stade de haine et de violence ?
Cela serait un phénomène isolé, on pourrait trouver des excuses. Mais que le XXème siècle soit autant traversé par ces monstrueuses exterminations interpelle. D'autant que nos sociétés civilisées sont loin d'avoir les mains blanches.
Cela fait remonter en moi, cette autre émission vue sur Arte il y a moins de 15 jours, où l'on notait une correspondance troublante entre la lutte contre les insectes parasites et le nazisme. Le fait que le surnom des tutsis ait été les "cafards" n'est pas une coïncidence. Cela dénote les phénomènes inconscients qui contribuent à la montée d'une haine sourde et dangereuse. Est parasite tout ce qui vient troubler la quiétude de mon univers, envahit le confort de mon pays, ma culture.
Il ne faut pas être devin pour voir ce qu'une simple projection de ce sentiment sur la situation française pourrait générer dans un contexte de paupérisation de la France. Où va nous mener la délocalisation ? Probablement à une haine farouche, progressive envers cet étranger qui foule mon sol et vient prendre ce qui m'était dû, de par ma naissance. La dynamique morbide de l'avantage acquis est loin d'une volonté de partage, d'acceptation de l'autre dans sa différence. Et je ne parle pas de cette charité véritable, celle, bien difficile, qui peut considérer que seul un plus que partage équitable des richesses peut freiner la montée de la violence. L'amour ne cherche pas son intérêt... (1 Co 13)...
Tout cela reste bien complexe et je me garderais d'en tirer des conclusions hâtives. Il faut au moins, à défaut d'agir, ouvrir les yeux et quitter cet aveuglement stérile du français chauvin qui ne voit pas plus loin que son ventre... Quand je pense que l'on peut s'afficher chrétien et voter pour le FN... Belle prise de distance...

08 mai 2005

Conjonction

Comment ne pas souligner dans le travail réflexif d'une vie intérieure, ces conjonctions heureuses entre lectures, rencontres, pensées qui permettent d'avancer à petits pas dans le mystère, l'habiter et le faire sien.
J'y vois une trace discrète de la main de Dieu.
Gloire à Lui...

07 mai 2005

Unique ou quelconque ?

"Extérieurement chacun est remplaçable. Intérieurement chacun est unique" Ionesco (*). Cela interpelle et finalement rejoint une double problématique un peu paradoxale. On peut être inutile en soi, et le savoir permet de ne pas se croire responsable du bien que l'on fait. Mais cela ne concerne que moi. Quant à l'autre, le considérer comme inutile serait lui refuser son droit à être tout aimé de Dieu (ce qui est aussi valable pour nous)...


* cité par Urs von Balthasar, ibid page 277

06 mai 2005

Trinité - II

Dans sa description du metteur en scène, Urs von Balthasar reprend les propos de Ionesco qui souligne qu'il doit se laisser faire. "Il ne doit pas vouloir quelque chose de la pièce. Il doit s'annuler, il doit être un parfait réceptacle". Cela complète pour moi la métaphore possible de la place de l'Esprit-Saint, dans le théâtre de la Cité de Dieu, évoqué dans mon billet précédent (tout en maintenant les réserves déjà exprimées). L'Esprit Saint serait donc ce sourcier, ce médiateur qui régule les tensions pendant la répétition et lutte pour l'unité finale.

à propos de Urs von Balthasar, ibid p. 249

04 mai 2005

Décentrement - II

Le métier et l'existence du comédien nous offrent dans leur désintéressement, leur intime "caritatis" dont on parle en théologie avec en transparence la mission et l'existence du Christ qui est par essence existence eucharistique pour les autres, humble et transparente représentation du divin qui va au delà de la Vanité dans une soumission et un dévouement au rôle jusqu'à ne plus se jouer lui-même mais se soumettre au rôle. N'est-ce pas là le chemin d'un décentrement véritable déjà largement évoqué.


d'après Urs von Balthasar, ibid p. 244

03 mai 2005

Petit rôle - II (Humilité et exhibitionnisme)

Urs von Balthasar'1) reprends une phrase de L.Jouvet qui m'interpelle.

Il souligne la situation fragile de l'acteur, à mi-chemin entre exhibitionnisme et humilité "ne te prends pas pour le centre mais pour l'accident, le moyen, le filtre, le fil de communication"...

Cela souligne le petit rôle, déjà évoqué précédemment... Petit fil ténu mais pourtant unique.

(1) ibid p. 244

02 mai 2005

Masquer la lumière

C'est bien l'enjeu de toute représentation.
Soit l'on devient transparent de la lumière d'un autre et elle est lumière pour l'humanité, soit notre jeu notre parole en obscurcit la clarté et ce que nous réfléchissons masque justement cette clarté qui pourrait éclairer l'autre.

C'est peut-être la différence entre le pharisien et le publicain.
L'un croit être lumière et masque la source véritable.
L'autre sait ne pas l'être mais interpelle par son décentrement, par sa quête.

La difficulté est de ne pas sombrer entre l'écueil du pharisaisme et l'obscur pâleur de celui qui ne reflète plus rien...

01 mai 2005

Pharisien - III

Il y a souvent en nous cette tentation d'entrer dans "la routine d'un jeu [pharisien] qui reste vide comme les concepts sans intuition" (1). Ce que j'appelle la tentation permanente du fils aîné (cf. le Fils prodigue, Luc 15,25), celui qui se complait dans la routine d'une pratique, sans se laisser interpeller constamment par la Parole. Nous tombons sans cesse dans ce travers, au point de masquer par nos vies ternes et sans joies la lumière du ressuscité...


(1) d'après Urs von Balthasar, ibid p. 239