09 mai 2006

Le feu de Dieu

Pour Balthasar le feu de Dieu est saint au ciel et destructeur sur terre. Il brûle les martyrs d'un feu dévorant et les pécheurs d'un feu de purification. Pour cela il cite l'Evangile qui parle d'un "coeur brûlant en nous, quand il nous parle" (cf. Lc 24,32 Emmaüs). Pour lui (1), il faut que la parole de feu soit objectivée en se gravant sur la première table de la loi (Dt 5,22) et la deuxième table (Dt 10,15). Et ce sera Elie, le premier qui apprendra que la tempête qui fracasse le rocher, le tremblement de terre et le feu ne sont que les préludes significatifs de la brise légère par laquelle Dieu atteint le plus profond de l'homme (1 R 19, 11ss).
Le feu n'agit plus envers l'homme mais en l'homme dans le Nouveau Testament. "C'est un feu que je suis venu apporter sur la terre et comme je voudrais qu'il soit allumé" (Lc 12,49) Je pense qu'il faudrait relire les mystiques dans ce sens (St Jean de la Croix ?). Certes, comme le disent Matthieu et Luc, nous sommes baptisés dans le feu et l'Esprit (Mt 3,16, Lc 3,16). Peut-être est-ce notre tiédeur qui a étouffé la flamme véritable et nous a conduit à mettre sous le boisseau le feu reçu de Dieu.

(1) cf. Hans Urs von Balthasar, DD 3, L'action p. 50

08 mai 2006

Colère de Dieu

La colère de Dieu, qui éclate dans l'apocalypse et qui traduit la manifestation du jugement de Dieu, même vu in fine est-il cohérent avec notre vision du Dieu amour, où n'est-ce pas en soi un anthropomorphisme ?
Je conçois qu'il faille à un moment donné que la séparation entre le bon grain et l'ivraie se fasse. Mais n'est-ce pas suffisant que cette séparation se fasse. Faut-il pour autant voir comme nécessaire une vengeance et la colère de Dieu.
A méditer. Sur ce point, Balthasar note que la colère est à la fois le signe de l'engagement de Dieu et en même temps le signe d'une "souffrance" que lui inflige le monde et qui se traduit par le meurtre de l'agneau (1)

A méditer
(1) cf. Hans Urs von Balthasar, DD 3, L'action p. 46

07 mai 2006

Hans Urs von Balthasar : La victoire de l'agneau

Nous reprenons ici notre commentaire de la trilogie de Balthasar en commentant le 11ème volume de cette "saga" qui se consacre au coeur de la Dramatique Divine, après l'analyse des personnes du drame, à l'action dramatique elle même. Balthasar commence ici une longue analyse de l'Apocalypse, soutenue par les visions d'Adrienne von Speyr. Personnellement, je ne suis pas très enclin à m'attarder à ce type de discours ou de dramatisation, mais ma curiosité et la soif de connaître, me font persévérer dans ce chemin de lectures.
Je note particulièrement ce paradoxe et cette tension que souligne Balthasar (1) entre un agneau déjà vainqueur et le fait qu'en dépit de cette victoire nous assistions à plus de violence que jamais. C'est effectivement, à l'heure des holocaustes et des massacres, plus qu'une évidence. Et il ne s'agit pas là d'une analyse de science fiction, mais bien la constatation que le monde n'a pas entendu le Christ et que cette victoire de l'agneau qui est totale est définitive sur le mal, reste ignorée, voire plus que jamais combattue par les hommes de notre temps. Signe que le mal poursuit sa course, même si l'on peut voir dans notre monde, au sein même de cette violence, les fleurs de la grâce. Comment ne pas évoquer le texte d'Elly Hillesum, qui au milieu des rafles de juifs, voyait dans une fleur encore un signe d'espérance. Le mal est bien là, et la fleur, s'était plus elle que la plante éphémère. Paradoxe et tension donc.

(1) cf. Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, 3, L'action
p. 11ss

06 mai 2006

Dieu réel et concret

Le risque de toute théologie est de rester dans l'abstraction, les concepts. Je soulignais déjà cet abandon du monde des idées par Pascal, qui est parti s'occuper de charité.
Pour Balthasar, "Un Dieu purement transcendant serait un mystère purement abstrait et négatif". Pour lui un Dieu qui dans sa transcendance peut rester immanent est "mystère concret et positif". C'est là pour Balthasar le coeur de la vision de la Trinité qui dépasse toute vision purement immanente de l'Ancienne Alliance ou de l'Islam (cf. p. 419)

05 mai 2006

Image - III

L'homme est appelé à être image non pas de manière élitiste mais dans la mesure où à toute grâce reçue s'attache une mission jusqu'à pouvoir dire comme Paul "Si je vis, ce n'est plus moi mais le Christ qui vit en moi" (Ga 2,20)
"Quiconque" ajoute Urs von Balthasar, "même en dehors du christianisme, veut briser son égoïsme étroit et faire le bien pour l'amour du bien lui-même, reçoit une lumière qui lui indique le chemin qu'il peut et doit prendre et qui apporte en même temps la révélation de la vérité et une vie plus vivante". (1)

N'est-on pas au coeur de décentrement véritable que je ne cesse d'approcher sur ce blog.
(1) ibid, p. 418

04 mai 2006

Images de la Trinité - Suite

Toutes ces images s'ordonnent, à leur manière, s'insèrent dans le plan de Dieu. Pour Balthasar, "l'imago est créée en vue de la similitudo, non pour se développer par un effort de perfectionnement ou par une dialectique propres, mais pour servir de lieu ou l'archétype divin peut s'insérer. Dans le Christ, l'homme créé peut par la grâce devenir une personne (théologique) c'est-à-dire un enfant du Père qui, d'une manière qualitativement unique, a reçu part à la mission du Christ, ce qui se réalise par l'habitation du Saint Esprit en lui comme dans une demeure des Personnes Divines." Et la personne unique n'est rien si finalement elle n'entre pas dans un processus social qui revêt collectivement la grâce.
"Tout ce qui est privé disparaît dans le processus dans lequel l'homme est désapproprié et réquisitionné pour la vie divine." Balthasar parle ainsi d'un "homo ecclesiasticus" qui revêt psychologiquement et ontologiquement des traits ecclésiaux (...) conformé au Christ, grâce et mission.
Pour lui, "Quand un homme devient une personne dans le Christ il acquiert aussi en lui un espace ecclésial pour abriter en lui d'autres hommes ; Origène parle d'une analogie avec l'Eucharistie dans la mesure où un homme appartient au Christ, il peut être distribué avec le Christ comme substance nourrissante du Corps mystique (John comm. 2,8)" (1)
Je retrouve ici la belle image d'Ignace d'Antioche qui veut devenir le froment de Dieu par son martyre.
(1) Urs von Balthasar, ibid DD 2,2 p. 417

03 mai 2006

Image de la trinité

En quoi l'homme peut-il être à l'image de Dieu. Cette notion est complexe et j'y ai d'ailleurs consacré plusieurs chapitres d'un livre que je cherche en vain à éditer (sans commentaires). Mais si ma réflexion part de l'approche sponsale de Gn ("Homme et femme ils les créa...), je pense que la véritable dimension trinitaire de l'homme est bien plus vaste. C'est ce que nous explique Balthasar, dans un texte complexe mais qu'il vaut la peine de méditer "à petit pas" : "L'esprit créé doit sortir d'une possession de soi la plus intime, irréfléchie (memoria) et s'opposer à lui-même pour se saisir (intellectus) et par là aussi finalement s'affirmer par amour (voluntas). Le triple pas se produit au sein du même être spirituel, et il est par là un image de la vie intérieure de l'unique Esprit divin ; mais il enferme en même temps l'esprit créé en lui-même ; il ne peut donc pas montrer comment se réalisent la véritable objectivation et le véritable amour, qui visent toujours l'autre. C'est pourquoi l'image de Dieu doit se trouver aussi dans le mouvement opposé de l'esprit, qui le force à sortir de lui-même : du Je au Toi, et au fruit de la rencontre, que celle-ci soit la rencontre sexuelle de l'homme et de la Femme (le fruit peut alors être l'enfant, mais aussi, au delà, un fruit intéressant tout l'humain, qui dépasse la sexualité) ou une autre rencontre dans laquelle le Je se donnant au Toi, deviens pour la première fois lui-même, tout deux se réalisant dans un nous, dépassant la recherche du Je. Ce n'est que dans un tel dépassement que se produit la première image, immanente à l'esprit et puisque ces dépassements sont innombrables dans la société humaine, ils brisent toujours ainsi le modèle clos (par exemple d'un mariage) et forment de nombreux mouvements recoupant comme des vagues."
Je trouve cette image très belle, parce qu'elle élargit encore plus la notion d'image et en même temps elle la relativise. Nous sommes à l'image de Dieu quand nous parvenons à vivre une véritable relation ouverte et féconde, mais notre petite épiphanie, constitue avec d'autres une immense tapisserie, que l'on ne peut percevoir, comme le disait saint Augustin, qu'en prenant de la distance. Toutes ces lueurs d'amour sur terre, éclaire le monde de l'intérieur. C'est le fourmillement de Dieu qui s'incarne dans nos mains et nos coeurs.
Nous sommes les fourmis de Dieu. Mais la métaphore a ses limites, car nous restons des êtres libres et ce n'est que scintillement, à l'image des étoiles qui reflètent à leur manière, la beauté d'une création vivante et agissante.

(1) Urs von Balthasar, ibid DD 2,2 p. 416

02 mai 2006

Signe de croix - Verticalité et horizontalité

A l'heure où certains pratiquent encore le signe de croix comme un chasse mouches (et cela m'arrivait aussi....), il me semble important d'en découvrir toujours plus de sens..
Il y a bien sur le symbole de la croix. Premier degré de sens.
J'aime y ajouter aussi, le Fils tourné vers le Père et qui ouvre ses bras au monde. Deuxième degré.
Pour Balthasar, la forme temporelle et verticale qui va de Dieu au Christ en passant par l'Esprit est reprise et élevée dans la forme horizontale. "Ce n'est pas Dieu lui même qui change mais le Dieu immuable entre en rapport avec la créature". (1)
Il me semble que c'est à travers la manifestation temporelle et verticale de la personne du fils que l'Esprit (qui est en Christ et au dessus de lui comme le note plus loin Balthasar) intervient dans cette symbolique et introduit pour moi le troisième degré qui lui donne alors toute sa dimension, du Père, à notre petite personne, incarnée et trace infime du mystère trinitaire.

(1) Urs von Balthasar, ibid DD 2,2 p. 415

01 mai 2006

Miséricorde de Dieu

L'Ancien Testament utilisait le mot hébreux de Rachamin pour qualifier la miséricorde de Dieu. Ce mot peut se traduire les "entrailles maternelles". Les entrailles de Dieu, frémissantes d'un amour compatissant, c'est ce qui devient précisément manifeste au monde, lorsqu'il lui livre tout son amour, lorsqu'il nous envoie son Fils. Alors le voile du temple peut se déchirer de haut en bas (Mc 15,38), car Dieu n'est plus caché aux hommes, il s'est dévoilé jusqu'au plus profond de son amour, il expose sur le bois de la croix, ses "entrailles".

29 avril 2006

Immutabilité et compassion

Depuis longtemps je me heurte à la notion grecque d'un Dieu sans mouvement, d'un Dieu que rien ne peut émouvoir, immuable et éternel. Mais peut-être est-ce parce que pour moi Dieu ne peut être dissocié du Christ, vivant et incarné...
Pour Balthasar, "Dieu se dévoile en lui sans cesser pour autant d'être Dieu au dessus de tout. Il peut devenir immanent au jeu du monde sans abandonner sa transcendance au dessus du jeu." (1)

(1) Urs von Balthasar, ibid DD 2,2 p. 402

27 avril 2006

Claude Géffré : le silence de Dieu

Le silence de Dieu est tout simplement un scandale pour la conscience moderne. Nous connaissons bien, dans la foi, la réponse au silence de Dieu qui nous trouble. Dieu se tait, mais il a parlé, il nous a dévoilé son dessein (...) les vrais adorateurs seront ceux qui adoreront le Dieu caché et silencieux, dans un total abandon à sa volonté mystérieuse. Thérèse de Lisieux a connu la tentation du désespoir face au silence de Dieu, alors qu'elle était au sommet de son union d'amour. Mais elle n'a pas demandé à voir Dieu où à l'entendre. Elle a seulement adoré les yeux baissés dans un pur abandon. Elle savait que le silence incompréhensible de Dieu est celui-là même qu'a connu Jésus-Christ, le Fils bien aimé du Père, tandis qu'il consommait sur la croix son sacrifice d'amour dans un total abandon à sa volonté mystérieuse.
Claude Geffré, op, La providence, mystère de silence, Lumière et vie, 1964, p. 55 à 75

26 avril 2006

Le retrait de Dieu

Dieu ne s'est pas retiré puisqu'il est en Christ et nous sommes en Christ. C'est en nous que Dieu reste présent. Contrairement à la théorie du retrait (Hans Jonas) et dans le sens donné par Etty Hillesum, Dieu a besoin de nos mains. Cela ne réduit pas cependant l'expérience du silence de Dieu qui est la nuit mystique et qui comme toute traversée du désert nous interpelle chacun, à sa manière...

25 avril 2006

Quand on refuse la grâce de Dieu

Mon ouverture peut être naïve me faisait penser qu'à tout homme reste offert la grâce, même quand il ne peut la saisir. Pour Balthasar (1), "dans le cas d'un refus de la grâce unique et indivisible, le maintien d'une offre de grâce de la part de Dieu serait absurde et même indigne de lui".
Je conçois ce point de vue et pourtant, cette décision qui de toute façon n'appartient qu'à Dieu, me semble difficile à imaginer quand je m'attarde sur la vision d'un Christ lavant les pieds de Juda, ou quand résonne en moi la phrase d'Ezéchiel : "Dieu ne veut pas la mort du pécheur, mais qu'il se convertisse et qu'il vive". Reste le saut définitif dans l'abandon et le rejet de Dieu. Mais cela n'est pas à nous de le juger et de l'apprécier.
Selon Ratzinger, note Balthasar, ce qui ont rejeté la grâce sont des non personnes, la ruine de l'être personne. (2)
Je conçois également, à la suite de Bernanos, que le malheur des "pierres embrasées qui furent des hommes, c'est qu'elles n'ont plus rien à partager".

(1) ibid p. 394
(2) Dogma & Verkündigung 1973, p. 233

24 avril 2006

Une Expérience concrète de la liberté

La liberté nous vient d'ailleurs. Elle n'est pas notre aptitude à suivre le cours de nos passions mais au fond de ce désir, un appel intérieur plus profond, une aptitude à répondre à l'appel de la source qui murmure en nous. Une source fragile qui nous interpelle. Balthasar distingue à ce sujet trois niveaux de liberté :
a) une conscience de l'être soi qui est inséparable de l'être redevable de soi. Chaque homme éveillé à la liberté doit se devoir finalement à une liberté infinie. Celle ci est donc une liberté qui appelle à l'origine et non une liberté transcendante demeurant en elle-même. L'appel de Dieu réveille ma liberté et mon consentement.
b) le "sujet que je suis n'épuise pas cet être (donné)" Bien au contraire "je dois laisser libre cet être pour d'autres sujets insaisissables, ce qui est confirmé par la première expérience primitive du Je-Toi". Je ne possède pas ma subjectivité incommunicable que du fait que, dans mon être, je laisse libre de l'espace pour d'autres sujets ; et puisque je fais par là une expérience de la structure de l'être comme tel, il y a là une "image" de la constitution trinitaire de l'être absolu.
c) enfin la conscience que de l'appel libre, aimant qui m'est adressé par un Toi, une réponse m'est en même temps donnée et demandée, que dans le don (Gabe) se trouve en même temps le cadeau d'une tâche (Aufgabe) que mon éveil à une libre subjectivité m'investit en même temps d'une "mission" celle de rendre ce qui est reçu, transformé par ma propre liberté, non pour le perdre, mais pour le posséder vraiment pour la première fois. (1)
On retrouve dans cette analyse quelques fondements thomistes mais également des traits propres à Balthasar, puisqu'au delà de la conscience intérieure surgit la conscience d'une mission donnée, à la mesure de ce qui est reçu.

(1) cf. Balthasar, DD 2,2 p. 363-4

23 avril 2006

La source intérieure

Au fond de nous coule une source pure,
Fragile et secrète,
Elle ne nous appartient pas,
Elle nous vient d'ailleurs,
Insaisissable...
Et elle nous appelle,
Viens au Père...

d'après un texte de saint Ignace d'Antioche (ad Rom 7, 2)

22 avril 2006

Communion ou adhésion au Christ

Il me semble avoir écrit quelque part dans Chemins, à propos du livre de Maurice Zundel "Un autre regard sur l'Eucharistie", que si les chrétiens ne sont pas en communion entre eux, leur communion à l'Eucharistie n'a pas de sens. Et je maintiens cette opinion. Et pourtant, la lecture de cette phrase de Balthasar est interpellante... : "Ce n'est pas par la communion avec les membres de l'Eglise que le chrétien entre en communication avec le Christ, mais inversement : c'est par l'adhésion personnelle et le rapport personnel de l'individu au Christ que cet individu peut être membre du Corps mystique". (1)
Je pense que nonobstant mon introduction, il a foncièrement raison. En même temps, je veux réaffirmer que s'il n'est pas en communion, il ne peut être véritablement en Christ... Il y a donc une tension entre ces deux affirmations qui rejoignent ce que nous notions sur un besoin de cohérence. C'est dans la cohérence de notre adhésion personnelle au Christ et ce qu'elle génère en nous d'ouverture et d'amour que la présence du Christ est pour moi véritablement possible. Et c'est pourquoi j'apprécie ce que dit Balthasar deux pages plus loin : " Celui qui demeure dans le rapport de foi à Jésus et à sa relation avec le Père demeurera logiquement dans le rapport d'amour avec ses frères dans la foi."

(1) Urs von Balthasar, ibid DD 2,2 p. 357-9

20 avril 2006

Eglise Sainte - III

Pour le protestant K. Barth "On ne peut expliquer les multiplications des églises. On doit la considérer comme on considère le péché, le sien propre et celui des autres... On doit la comprendre comme faute" (1)
A méditer
(1) in die Kirche und die Kirchen Théol. ex. heute 27 (1935).

19 avril 2006

Eglise Sainte - II

Nous touchons là également le paradoxe entre une nécessaire unité autour d'une Grande Tradition apostolique et ses implications sur l'extérieur ? Notre rôle est complexe et fragile et je rejoins là la thèse de C. Théobald citée plus haut.
Mais plus fondamentalement je crois à notre Eglise. Car c'est dans l'unité de nos chemins et de nos différences, dans la fidélité aux expériences de tous ceux qui ont vécu le même chemin au travers des âges que repose ce trésor de la foi. A nous de raviver l'essence, au delà de ce qui n'est plus essentiel, pour trouver toujours plus d'humanité et parvenir à cette ressemblance archétypale de celui qui reste l'unique médiateur.
Même si "l'Eglise ne doit pas s'isoler comme l'Eglise des purs, des élus" (1) la fidélité à notre Eglise est pour moi un chemin difficile mais incontournable, si l'on ne veut pas se perdre dans d'orgueilleuse considération peut-être plus ouverte ou moderne, mais qui se coupe de ce qui fait notre force, la succession apostolique, garante d'une unité dans le temps.
Etre fidèle à l'Eglise, c'est être patient, mais aussi responsable et chercher toujours plus, le décentrement véritable, celui où sans me perdre, je laisse un Autre habiter ma vie, rayonner et transcender à travers mes faiblesses la véritable lumière.
Si j'avais du temps, j'écrirais un livre qui s'appellerait "Je crois à l'Eglise"

(1) Urs von Balthasar, ibid DD 2,2 p. 352

Sainte Eglise ?

Pour Balthasar, et je trouve l'image fort appropriée, même pour notre blogosphère, l'Eglise est comme un filet avec de bons et de mauvais poissons, lesquels seront triés qu'à la fin du monde (Mt 13, 47-49), un filet objectif donc, qui doit offrir de l'espace pour ce qui est subjectivement le plus disparate - depuis le saint sans tâche jusqu'au pécheur invétéré. Le filet en tant qu'institution objective peut garantir une solidité et une inhérence substantielle à partir de la fondation, mais là où l'institutionnel est employé comme un moyen de puissance et de magie il n'a aucune force missionnaire de conviction, au contraire : il repousse et fait peur. "Ce qui est immanent intra-ecclésial et transmet le salut, agit hors de l'Eglise comme ce qui détruit l'unité. Et il y a plus grave : ce qui de l'immanence, même malgré un abus pécheur contient la promesse de garder l'Eglise de l'erreur, de la fausse interprétation substantielle de la foi, cela peut - non seulement par un faux emploi du pouvoir hiérarchique, mais assez souvent par l'aveuglement de l'interprétation défectueuse du peuple ecclésial - devenir un scandale qualifié pour le monde environnant. Ici se manifeste - bien plus que dans son caractère provisoire, eschatologique - la précarité de l'Eglise en tant que communauté institutionnellement organisée...."
Cette longue citation (1) méritait pour moi le détour. Elle traduit la fidélité ecclésiale de Balthasar mais aussi une certaine lucidité sur notre Eglise, dont l'héritage reste celui de la fragilité, une fragilité qui l'empêche peut-être justement de revendiquer la toute puissance, la vérité n'étant pas de son fait mais s'exprimant au travers elle dans le travail de l'Esprit en son sein. De même que nous sommes capables de renier le Christ, de même elle peut être faillible. Et pourtant, hors de ce chemin fragile, la vérité n'est pas, à mon sens possible. C'est le paradoxe d'une Eglise à construire, pâle image de la Cité de Dieu, mais vecteur et signe, sacrement du Christ. Entre nos mains de pécheurs, le Christ a confié le destin de la bonne nouvelle. Et ce trésor est un talent précieux, que nous avons la difficile mission de faire fructifier.

(1) Urs von Balthasar, ibid DD 2,2 p. 351

18 avril 2006

Liens ecclésiaux, la sève essentielle

La méditation de la symbolique de la vigne et des sarments ne devrait cesser de nous habiter. Qui sommes nous si nous ne sommes pas reliés à l'Eglise, signe efficace du Christ ? N'est-ce pas par orgueil que nous pouvons affirmer parfois que nous avons une "ligne directe". Si l'Esprit souffle où il veut, j'ai déjà noté, en particulier à la lumière de l'étude du livre de Ratzinger, l'importance de ce lien ecclésial. On retrouve cette insistance chez Balthasar, lorsqu'il souligne que "L'Eglise n'existe jamais en soi mais seulement en des personnes qui ont à recevoir leur ecclésialité de l'Eglise (dans les sacrements particuliers) et à la ratifier librement. Il est alors toujours déjà présupposé que c'est du Christ que l'Eglise comme telle doit se recevoir elle même et se ratifier."
En cela, un chrétien seul n'est pas Eglise. Ce n'est qu'à travers le lien qu'il le devient. C'est pourquoi l'Eglise est pour lui un "proto-sacrement". (1)
Pour lui, "un sacrement particulier ne transmet pas l'Eglise mais le don de soi du Christ à l'Eglise en vue d'intégrer l'individu dans les missions de l'Eglise qui est d'être avec le Christ lumière du monde" et pourtant, insiste-t-il, il ne transmet pas le Christ autrement que par l'Eglise, "car l'individu ne prends pas pour lui les sacrements confiés à l'Eglise, mais il les reçoit d'elle". (2)
(1) Urs von Balthasar, ibid DD 2,2 p. 342
(2) p. 343

14 avril 2006

Lévinas - La relation à l'autre

Le drame de la shoah, l'impuissance du monde occidental à enrayer l'extermination de milliers d'êtres humains, pose une question redoutable. Peut-on encore penser, philosopher ?
Comment penser maintenant, dans quel sens ? Où en sommes-nous ? Comment penser la relation à Autrui ? Peut-on penser l'altérité ? Que serait-elle ? Autrui me fait-il être ?

Lire la suite : Un commentaire de Sr Claire Elisabeth dans Chemins" (Doc de 98Ko) : http://chemins.eklesia.fr/lecture/Relation_autre_Levinas.doc

Pluralisme ou singularité

Un coeur large et ouvert se heurte à la prise de conscience que le monde reste marqué par des forces qui sont contraires à l'amour. Et il est possible que des systèmes religieux développés ne soient de fait que des oeuvres humaines, pleine de sagesse, mais qui passe à côté de l'essentiel. C'est un peu la conversion intérieure que m'apportent ces "chemins de lecture". Je ne peux et ne veux pour autant sombrer dans l'excès inverse...
Ici encore Balthasar donne à penser, quand il note que "l'universalité chrétienne n'est pas une synthèse d'éléments mais un singulier dépassant le nombre complet des lois et des vérités religieuses des nations, un singulier qui s'introduit d'en haut dans tout ce qui cherche à s'élever et l'élève sur un plan qualitativement nouveau" (1) Cela doit conduire pour lui à une conversion totale. Et il rappelle que la réponse réelle est "cachée aux sages et aux habiles, mais révélée aux tous petits et que nul ne connaît le Père si ce n'est le Fils et celui à qui le Fils veut bien le révéler (Mt 11, 25-27).
C'est peut-être là où notre orgueil de catholicité est toujours mis en défaut, car si nous connaissons le chemin, il nous reste inaccessible sans un décentrement véritable : celui qui nous conduit au Christ... De plus, notre orgueil, ce n'est pas nous mêmes mais le Christ qui peut être en nous. A nous de nous laisser saisir (cf. Phil. 3).
(1) Urs von Balthasar, ibid DD 2,2 p. 336

12 avril 2006

Fin des idéalismes religieux ?

Que penser de ces sursauts d'intégrisme qui secouent notre histoire ?
Pour Balthasar, "les grandes religions se désagrègent en une poussière de sectes". Il évoque ainsi la désagrégation, la destruction de la prétention officielle de validité des religions du monde (ce dont tous les essais convulsifs de mise en valeur et de modernisation sont un symptôme). Il souligne que l'adoption du bien chrétien par ces religions peut être une manière d'ailleurs de se "protéger de l'institution Eglise" C'est pour lui le signe d'un "homme perdu dans le monde devant la parole incarnée de Dieu". (1)
Là encore, hors de tout orgueil, si l'on fait l'hypothèse que seule la religion chrétienne (catholique ?) est l'héritière véritable de par sa fidélité difficile mais maintenue à la tradition apostolique de la pensée du Christ on pourrait à la fois voir le monde comme pris dans le dernier sursaut dramatique d'une autojustification qui finalement se heurte à la passivité plus que passive d'une petite minorité d'élu qui continue de purifier leur pas aux noces de l'agneau et dans le sang des martyrs et à la suite duquel, le monde résiste ou est ébranlé au fond de ses entrailles... On est pour moi au coeur du drame. Et cet emploi même du mot drame n'est pas l'étendard d'un pessimisme ou d'une incitation à la conversion forcée. Elle se veut la prise de conscience réaliste de l'étendue des contradictions de ce monde, qui fait l'usage le plus large de sa liberté et/ou de sa servilité.

(1) Urs von Balthasar, ibid DD 2,2 p. 335

11 avril 2006

Décentrement (Suite...)

Sortant d'une conférence du P. André Wénin sur la paternité dans la Genèse, on demeure comme travaillé de l'intérieur par ce texte dont Ricoeur disait avec raison qu'il "donne à penser". Les noeuds familiaux, l'apprentissage de la chasteté parentale, qui pousse Dieu à conduire Abram hors de la relation auto-centrée de son père et qui n'aboutira qu'au bout de la 4ème génération au pardon demandé par Juda à Joseph, est un long chemin, qui dépasserait les courts billets de ce blogue. Cela fait rejaillir, un peu comme une contre-figure, cette personnalité unique du Christ, qui n'est pas quant à lui auto-centré mais tout tendu, "à une distance infinie de lui-même"(pour reprendre cette expression de Maurice Zundel).
Dans le "désintéressement personnel de la pure recherche de la gloire de Dieu par Jésus, s'incarne d'une manière dense et personnelle unique toutes les paroles de Dieu adressée au monde; c'est ainsi" nous dit Balthasar "que cet homme totalement désintéressé et pleinement unique peut assumer personnellement une oeuvre intéressant toute l'humanité : l'oeuvre de la réconciliation du monde avec Dieu sur la Croix, attestée comme pleinement accomplie par Dieu dans la résurrection de Jésus." (1)

Nous sommes loin de cette dimension là, tout empêtré que nous sommes des liens intérieurs qui nous retiennent autour de notre "Moi".

(1) Urs von Balthasar, ibid DD 2,2 p. 334

Lectio Divina

Dimanche des Rameaux 2006, le Saint Père nous a rappelé la meilleure méthode pour lire l'Evangile : la lectio divina. « La LECTIO DIVINA, constitue un véritable itinéraire spirituel par étapes. De la LECTIO, qui consiste à lire et relire un passage de l'Écriture Sainte en en recueillant les principaux éléments, on passe à la MEDITATIO, qui est comme un temps d'arrêt intérieur, où l'âme se tourne vers Dieu en cherchant à comprendre ce que sa parole dit aujourd'hui pour la vie concrète. Vient ensuite l'ORATIO, qui nous permet de nous entretenir avec Dieu dans un dialogue direct, et qui nous conduit enfin à la CONTEMPLATIO; celle-ci nous aide à maintenir notre c?ur attentif à la présence du Christ, dont la parole est une « lampe brillant dans l'obscurité?» (2 P 1, 19) »

Pour mémoire, une première expérience de Lectio Divina - Lecture cursive de Jean
suivie d'un deuxième essai : "Lecture cursive de Luc"

10 avril 2006

La Passion - Film de Mel Gibson

En ce début de semaine sainte, j'ai pris le temps de revoir le film de Mel Gibson. Une deuxième vision permet de dépasser cette intense distance que l'on ressent entre son propre chemin et celui du Christ et de voir combien ce film, au delà des scènes insoutenables, est construit dans une contemplation intense du mystère de l'Eucharistie. Le pardon, l'amour retentit à chaque scène, jusqu'au dévoilement final du pain eucharistique, qui se superpose au don du corps, exposé et offert sur la croix. On ressent plus qu'ailleurs, que le sacrifice de la messe n'est pas qu'un beau récit, mais est un véritable "faire mémoire" du sacrifice sanglant. Et en même temps, il est, à travers les souffrances du monde, auquel le Christ participe encore, une actualité sans pareille. Christ d'hier, d'aujourd'hui et de demain, souffrant à nos côtés, exposé et donné pour faire toutes choses nouvelles.

Voir aussi sur ce thème : Un autre regard

Ainsi que : Regards sur la passion du Christ
Lectures du film de Mel Gibson
sous la direction de Jean-Gabriel Rueg, ocd, Philippe Raguis, ocd et Pascal Ide
Editions du Carmel, septembre 2004

"Je suis le chemin,..."

Pour Balthasar "le Christ ne montre pas seulement au monde un homme divin il lui montre plutôt comment l'homme peut et doit chercher Dieu sans condition et sans retour sur lui-même" (1)
Je ne cherche pas ma gloire ni ma volonté mais la volonté de celui qui m'a envoyé, pourrait-on dire en paraphrasant Jn 5 à 8 de même, cela devrait être de fait notre chemin en église: "une recherche remplie par Dieu" (2)
(1) Urs von Balthasar, ibid DD 2,2 p. 333
(2) Ibid p. 334

09 avril 2006

Connaissance de Dieu

On ne peut connaître son être propre, ce qui repose au fond soi, ce qui est inscrit dans nos coeurs que lorsque la parole qui achève et la lumière qui vient de Dieu pénètrent dans notre être. Alors l'homme peut découvrir véritablement son être intérieur, et "l'aspiration à la possession du Dieu vivant". (1)
Le document conciliaire Ad Gentes, 18 constate des "traces" que l'homme, créé pour Dieu et naturellement religieux a laissées partout de sa recherche tâtonnante." (2)
Je crois qu'on peut ainsi concilier l'inconciliable ébauché dans le billet précédent, en admettant peut-être que ces traces, qui rejoignent la vision de Bonaventure ou d'Augustin sur les degrés, font partie des diamants donnés par Dieu à la création vivante. A l'homme d'ouvrir son coeur à cette étincelle de lumière et au chrétiens à aider à révéler cette lumière enfouie dans l'humanité comme étant celle du Dieu unique.
Certes les chances ne sont pas identiques avec les systèmes religieux objectifs. Pour Balthasar "elles sont le signe d'un axe unique suivant lequel le genre humain doit être conduit à son salut définitif, ce avec quoi l'idée d'une pluralité de voies du salut, parallèle en quelque sorte, qui peut être se contredisent entre elles sur l'essentiel n'est pas conciliable. Si ces religions étaient voulues par Dieu comme porteuses du salut, on ne pourrait, étant donné un tel éparpillement parler qu'abusivement d'un plan divin de salut : il ne posséderait plus aucune unité" (3) sauf peut-être à développer une thèse osée et peut-être orgueilleuse qui considère que les traces montrent aux chrétiens les bornes extérieures d'une révélation à laquelle ils doivent tendre mais qu'ils ne peuvent atteindre qu'eschatologiquement en se tournant sans cesse à l'essentiel, non de son fait mais en cherchant toujours plus à vivre en Christ car si le plan de Dieu est Christ alors nous sommes encore loin de le manifester et ces interprétations ne peuvent que nous conduire à plus d'amour et plus de recherche sur le chemin d'une unique vérité et une unique médiation...

(1) Urs von Balthasar, ibid DD 2,2 p. 332
(2) Henri de Lubac, Paradoxe et mystère de l'Eglise, Aubier, Paris, 1967, p. 150
(3) Balthasar, ibid p. 332-3

08 avril 2006

Chrétiens anonymes - IV

La charité chrétienne veut que nous ne soyons pas enfermés dans l'orgueil de croire que nous détenons seul la vérité et notre personnalisme foncier nous conduit à chercher chez tous hommes les traces de cette image de Dieu, voulue par le créateur. Cette ouverture à l'autre dans le mystère de sa conscience doit-il être cependant un aveuglement, une naïveté ? Doit-on pour cela renoncer à croire à ce qui fait l'essentiel de notre foi, la médiation unique et irremplaçable du Christ.
Il y a des limites à la thèse de Justin du "logos spermatikos". Pour Balthasar, "si l'auto-ouverture a priori de Dieu était "personnelle", l'individu dans les religions extra-bibliques, n'a-t-il pas réagi personnellement à cette révélation, ou n'a-t-il pas objectivé plus expressément ce facteur personnel ? (...) sans doute ces révélations furent aussi employées dans les prières et les sacrifices (...) mais reste sous développé le sens de la personnalité authentique." Pour lui, seul le christianisme détaché de subjectivité spirituelle reçoit une parole explicite de mission qui garantit à l'homme son unicité qualitative parce qu'elle la lui donne. "ils ont des yeux et ne voient pas" Ps 115 5,7)
Henri de Lubac a démasqué le fantôme d'une natura pura possible, mais aussi repoussé la limitation correspondante de l'horizon de la créature raisonnable comme telle à l'être analogue général (ens ut sic) qui ne devrait être élevé que par un existential surnaturel particulier au desiderium du Dieu vivant, tel qu'il est en lui-même. (1) On peut cependant continuer à confronter ces affirmations à la question fondamentale suivante : si Dieu est vraiment miséricordieux, pourquoi laisser 5 milliards d'être sans la révélation... et 1 milliard de privilégié ?
Je crois que la réponse est dans la tension entre ces deux thèses paradoxales et complémentaires.

(1) Urs von Balthasar, ibid DD 2,2 p. 330

Un pavé dans la mare.

Parfois j'ai le sentiment que tous ces billets ne servent à rien... Que je jette des cailloux dans la mare. Oeuvre vaine. Rien de nouveau sous le soleil. S'il n'y avait chez moi la double satisfaction de l'orgueil et de suivre patiemment un parcours intérieur qui me mène jusqu'au point sans retour, je cesserais d'aligner ces lettres sans suite... Tant pis pour le lecteur attardé ? Faute de retour, je m'interroge... :-)
C'est vrai que je ne fait pas grand chose pour être accessible...
Et que ce n'est que l'expression d'une vanité sans bornes.
Mais ce travail a pour moi l'intérêt d'être structurant et c'est pourquoi je persiste et signe... :-)
Alors à ceux qui sont encore là depuis plus d'un an courage et ceux qui arrivent depuis peu, "bon courage". N'hésitez pas en tout cas à réagir. Un monologue, c'est comme un cri dans le désert, inutile et stérile, sauf pour celui qui s'est soulagé en criant... :-)

07 avril 2006

Chrétiens anonymes - III

Si les païens sont sans loi, la loi est parfois inscrite en leur coeur. C'est en tout cas ce qu'affirme Rm 2,14s : "ils montrent que la loi est inscrite en leur coeur...". Cela doit être ce que l'on appelle la loi naturelle. Il n'y a donc pas que saint Justin qui évoque cela... Et cela permet de percevoir (sans être rousseauiste et croire que l'homme naît bon, en soi) que l'homme naît libre et qu'au sein de cette liberté, il peut trouver en lui (et dans les autres) la ressource nécessaire pour exercer sa propre liberté.

06 avril 2006

Juifs et chrétiens

Ils sont nos pères dans la foi, le peuple choisi, les héritiers de loi de Moïse et pour nous chrétiens, qui nous nourrissons de la lecture de la Parole qui leur a été révélée, il est toujours douloureux de voir que ce qui est pour nous joie et lumière reste nié et méconnu de leur part. A ce sujet, j'aime la citation donnée de K. Barth : "il n'y a qu'un seul peuple de Dieu, se composant de la Synagogue et de l'Eglise" à laquelle Urs von Balthasar ajoute : "toutes deux sont encore en route vers leur achèvement tout en restant dans une dramatique entre le oui et le non, à ce qui pour l'Eglise fonde tout et ce qu'Israël refuse de reconnaître comme son achèvement".
Pour K. Barth : "Israël et l'Eglise sont les deux faces d'un même mystère de rédemption, sa face de grâce et sa face de jugement". On pourrait aller plus loin, ajoute encore Urs von Balthasar en comparant les deux peuples aux deux larrons, l'un qui se tourne (l'Eglise) et l'autre qui ce détourne mais pour lequel le Christ est aussi médiateur, à travers sa judéité et son "incarnation dans sa personne du rôle de l'ébed Yahvé qui échoit à tout Israël souffrant par représentation". (1)
Pour nous en effet, notre Dieu n'est pas mort pour les seuls chrétiens mais pour l'humanité entière, et malgré ce refus dramatique de nos pères, nous osons croire que l'incarnation du Christ est salvatrice.
Dans un article du Monde en hommage à Emmanuel Lévinas, P. Ricoeur notait, le lendemain de sa mort, le 24 décembre, que même la mort du philosophe juif était signe de cette proximité. Il est mort, la veille d'une naissance. Pour avoir montré peut-être par catholico-centrisme combien on pouvait avoir une lecture chrétienne de son livre phare "Autrement qu'être ou au delà-de l'essence", je dirais que le philosophe a compris le mystère chrétien dans son essence, et que sa judéité, assumée et fidèle ne fait qu'honneur à l'homme.

(1) Urs von Balthasar, ibid DD 2,2 p. 317

Lire à ce sujet : Barth, Balthasar, Lévinas, Ricoeur

05 avril 2006

La chair et l'esprit

Nous n'avons pas fini de méditer le mystère de l'incarnation, qui est non seulement au coeur de la révélation mais également propre à notre humanité. Nous ne pouvons être qu'incarné et le fait que nous ne soyons pas des purs esprits est plus qu'une contrainte, elle touche à notre mission... Cette unité du pneuma (esprit-souffle) et de sarx (chair - relation) est "toujours inscrite dans une catéchèse d'Israël" (1). C'est aussi, d'une certaine manière l'enjeu d'un chemin qui n'est pas pure transcendance mais qui s'inscrit dans la relation. Pour dire les choses plus simplement, dès la naissance d'Israël, le peuple a été confronté au fait qu'il ne suffit pas d'invoquer Dieu, ou de fuir dans le sacré, mais que comme le rappelle saint Paul, s'il me manque l'amour, je ne suis rien... Phrase qui fait écho à celle du psaume : "Tu ne voulais pas de sacrifice, alors j'ai dit me voici". On peut reprendre ici la belle image de Jacques de Saroug qui rapproche la cote d'Adam à celle du Christ sur la croix (2). Notre incarnation, la chair de notre chair est au coeur de notre mission sur terre. Et de la rencontre, de la chair, peut jaillir des fleuves d'eau vive.

(1) Urs von Balthasar, ibid DD 2,2 p. 314
(2) cf. "Dernier adam"

04 avril 2006

La tentation du rétroviseur

Dans une société en perpétuelle évolution, on peut se demander si certain de nos contemporains ne tombent pas dans ce que L. Pareydt appelle la "tentation du rétroviseur", celle qui refuse assurément l'humanité et s'arc-boute sur la loi ancienne, comme la seule gardienne des moeurs et du monde. Mais cette tentation, qui résulte de nos peurs n'est-elle pas ce que combattait jésus dans l'attitude des pharisiens.
Je me souviens de l'excellente analyse que faisait P. Ricoeur dans le deuxième tome de La Philosophie de la Volonté a propos de ces pharisiens, qui a force de vouloir mettre Dieu partout dans leur vie avait oublier de lui laisser une place. Balthasar reprend une description similaire lorsqu'il décrit ceux qui se cramponnent à la loi et à son observation littérale et par là tombent "imperceptiblement dans la justice par les oeuvres que Jésus et Paul démasqueront comme le contraire de la véritable attitude de foi". Ils s'attachent "à des images du messie qui durcissent certaines choses que Dieu ne veut donner...", ils confondent "l'ordre de Dieu avec la sagesse du monde" et identifient "la justice du Dieu libre et miséricordieux avec une loi de justice immanente au monde, selon laquelle tout péché reçoit automatiquement son châtiment..." (1) Cette description du judaïsme pré-christique pourrait se retrouver dans certains mouvements catholiques actuels. S'il nous servent de garde fous par rapport à notre emballement pour le monde, il ne faut pas pour autant se laisser aller à ce rigorisme obtus qui nous fait virer dans l'élitisme et oubli notre mission principale d'un christianisme incarné, qui est "dans le monde", d'un Christ qui habite parmi les publicains et les pécheurs, non pour les condamner et les juger, mais pour les transformer de l'intérieur et les ouvrir à la découverte d'un Dieu miséricordieux.

(1) DD 2,2* p. 303

* Je reprends ici l'analyse de la Dramatique divine, de Urs von Balthasar, II - Les personnes du drame 2. Les personnes dans le Christ, Culture et Vérité, Namur, Editions Lethilleux, Paris, Le Sycomore, Trad. Yves Claude Gélébart et Camille Dumont. (C) Thedramatik, II Die Personnen des Spiel, 1 - Personnen ins Gott, Johannes Verlag, Einsiedeln 1976 (c) Pierre Zech Editeur, Paris 1986 pour la Version française.

Le corps, porche de la vie sprituelle - Espace pub - Session de formation

Une amie me demande de vous informer d'une session de formation
pour les religieux, religieuses, moines, moniales, séminaristes, prêtres ou laîcs...
en Mai 2006

LE CORPS, PORCHE DE LA VIE SPIRITUELLE Liturgie et poésie, lecture et écriture

Dates : arrivée le dimanche après-midi 7 mai, ou le lundi 8 matin
départ le vendredi 12 ou samedi matin 13 mai

Lieu : Abbaye Notre-Dame d?ORVAL, Belgique (juste à la frontière française. Gares la plus proche, selon les heures : Carignan (20km), Sedan (40 km). Soit depuis Paris-Est 3 :30h.

Frais : 240 euros. Ceci calculé sur 15 participants environ.


Pour en savoir plus écrire au webmestre (chdcpm@yahoo.com) qui vous transmettra le bulletin complet...

Prière en Christ

La prière filiale éclaire le fidèle de l'aube pascale. Il fait un avec le Christ. Du même coup, il accède à la liberté de l'Esprit. La liberté consiste à se laisser situer à sa place exacte - celle de fils, laquelle ne peut être que donnée - et à collaborer à la construction de sa propre stature croyante. Trois lignes s'entrecroisent ici : celle de la communion trinitaire dont l'homme devient participant, celle de l'union des fidèles dans le Christ et celle de tout croyant appelé à devenir ce qu'il est. Entre ces trois lignes existent un même rapport, celui de l'espérance. En effet, être fait fils du Père appelle à s'y reconnaître, à le vouloir et à en vivre. La prière est le moment où l'homme apprend qui il est : il apprend à être, ce qui ne va point sans agir. Il naît à lui-même, il renaît dans sa vérité de fils. Etre homme, c'est se recevoir d'un autre : la prière est un acte vital d'émergence de l'homme au niveau où Dieu recrée le monde en son Fils.
Mgr Albert Rouet, Vers Dieu ou en Dieu, Christus 96 p. 399

03 avril 2006

Emerveillement

L'autre est-il vraiment mon semblable différent ? Je dois aller chercher l'autre jusque dans sa différence, or souvent sa différence m'énerve. Il faudra passer par-dessus mon énervement pour parvenir à l'émerveillement.
Jean Bernard Livio, s.j., conférence aux 50ème anniversaire des CPM, repris dans Accueil Rencontre nº227-228

02 avril 2006

Homme intérieur...

Tu ne seras jamais un homme vraiment intérieur si tu ne t'efforces pas de te taire au sujet de ton prochain pour t'occuper principalement de toi-même.

Imitation de JC, traité spirituel du 15ème siècle, livre II, ch. 5, trad. Ravinaud, Médiaspaul 1989, p. 73

01 avril 2006

Tout se résume à la Croix ?

Pour Rahner, la contemplation du Christ en croix est source originelle de grâce. "De son côté transpercé que découlent ces fleuves de grâce". (1)
On retrouve l'héritage ignatien et la longue pratique des exercices spirituels qui n'aboutissent finalement à rien d'autre que ce sommet de la prise de conscience de l'unique médiateur, crucifié et qui nous assigne, dans et au delà de notre liberté à l'amour. Cela rentre en résonnance avec ce que développe Benoît XVI dans Deus caritas est.
La croix, n'est-ce pas finalement la clé centrale du mystère, ce qui donne sens à tout sacrement, le transfigure et l'élève. Plus je progresse dans ce chemin, plus je réalise que l'eucharistie ne peut se comprendre autrement qu'à travers la méditation de ce sacrifice sanglant. Non pour courir au sacrifice, mais pour percevoir, dans cette image véritable la hauteur, la profondeur, la longueur de cet amour kénotique du Fils, chemin unique et révélation de l'amour du Père.

(1) Karl Rahner, Coeur de Jésus chez Origène p. 173-174
Voir aussi : Deus Caritas est Kénose Rahner

31 mars 2006

Rahner et Origène

A travers Origène, Rahner développe à partir de l'attrition et de la pénitence une relation intéressante entre la cause et le signe extérieur. Le symbole est perçu comme la pointe de l'iceberg d'une transformation intérieure. Ce qui se passe au for interne de la personne jusqu'au signe sacramentel n'est pas seulement cause efficiente de la grâce mais la manifestation même de la grâce : "Ce en quoi la grâce s'exprime de telle manière que s'exprimant, tout d'abord elle se réalise, en sorte qu'elle dépend de lui et lui d'elle". Pour lui, "l'image est efficace en tant qu'image, efficace parce qu'image (...) ainsi le symbole du sacrement est cause en étant l'image de l'effet." (1)
Je trouve cette ouverture intéressante à une époque où l'on s'interroge sur la nécessité de répondre à une demande parfois mal structurée du sacrement. Il faut relire d'ailleurs ce que j'évoquais à ce sujet dans mon commentaire de J. Ratzinger.
A la différence de Balthasar qui reste à l'efficacité du Verbe jusqu'à la manifestation unique aux jours de l'incarnation, Rahner qui partage ce point de vue va plus loin, jusqu'à explorer la réciprocité dans le symbolisme sacramentel entre le signe extérieur et ce qui advient au coeur du croyant.
Pour Rahner, l'insistance n'est pas sur le Christ mais sur la réciprocité qui est en jeu à travers le symbolisme sacramentel qui implique une "différentiation entre théologie plus soucieuse de faire paraître les conditions anthropologiques à travers laquelle la grâce divine atteint son effectivité" (2)


(1) Karl Rahner, in Coeur de Jésus chez Origène p. 449, cité dans ibid p. 154-155
(2) ibid p. 156

30 mars 2006

Déductive ou inductive

En tant qu'ardant défenseur d'une pastorale inductive, je ne peux que souligner cette affirmation p. 135 qui souligne qu'une méthode théologique ne peut jamais au fond être déductive (car autrement elle soumet la liberté de figure aux lois de la pensée humaine). Elle est inductive dans le sens indiqué par Newman, montrant les "convergences des lignes et des voies d'approche vers un foyer unique, infiniment lumineux où brille la Gloire. (1)
Ce met en valeur la puissance théologique de l'accomplissement des Ecritures où "la grandeur de Jésus est l'apparition du libre abaissement (kénose) de la Gloire de Dieu dans la non liberté (l'obéissance) de la forme d'esclave. (2)

(1) Ibid p. 135 et Gloire et Croix III t. 2 p. 17
(2) Gloire et Croix III 2, t. 2 Neueur Bund p. 279

29 mars 2006

Mystère et figure

Il y a-t-il comme le note Holzer (1) une véritable opposition entre la notion de mystère absolu (absolute Geheimnis), l'insaisissable et l'invisible par excellence décrit par Rahner la figure et la théologie biblique de la Gloire (doxa) d'Urs von Balthasar. Personnellement je ne le pense pas. Peut-être suis-je atteint d'un syncrétisme léger, mais il me semble que l'invisible est notre lot commun et que ce qui est dévoilé dans la figure, dans le Christ en croix, n'est finalement rien d'autre que l'insaisissable mystère, dont nous refaisons sans cesse la découverte et la perte. Certes le salut est là, mais il reste par sa kénose lieu de liberté et de choix... Tout le reste n'est que chemin, préparation, avancée douloureuse et fuite récurrente.
J'entends cependant les réserves de Balthasar dans Geist und Feuer qui se demande si lorsque "Rahner voit le caractère rédempteur et expiatoire de la mort du Christ dans l'acte par lequel Jésus en mourant s'abandonne totalement au Père" cela suffit (2). Je comprends qu'il puisse mettre ces réserves et cependant, je pense que si l'on ramène cette révélation à l'essentiel de ce qui peut générer une conversion du coeur, tout le travail du passé perd son acuité. Elle permet la conversion, mais est balayé par ce coeur offert et ouvert d'où coule le fleuve de la vie. Comment pourrais-t-on peser le reste à l'aune de cet instant décisif où tout prends sens ?
Certes, "la Gloire est la souveraineté éclatante de celui qui vient dans le monde" (3)
Il s'agit d'une présence au monde faite de signes sensibles, objet d'expériences vécues, racontées et interprétées selon un regard de foi. Mais pour moi l'épiphanie de la croix dépasse tout.

(1) Holzer, ibid p. 133
(2) Esprit et feu, 1976 p. 99
(3) Gloire et Croix, III/2 1 p.17

Balises : Balthasar Rahner kenose

28 mars 2006

Eglise et Ecriture

Je découvre cette phrase admirable de Rahner pour qui l'Ecriture est le livre de l'Eglise parce que "seul l'être vivant de l'Eglise, qui possède l'Ecriture sainte comme son livre propre et le porte à travers les siècles est capable d'attester qu'elle est son essence et son extension, cette essence et cette extension n'ayant pas d'autres voie pour se faire connaître que le témoignage vivant de l'Eglise" ET VII p. 83 (1)
Cela rejoint ce que je disais sur ces coques vides, ou ces sarments reliés à la sève. L'Eglise d'aujourd'hui n'est pas l'Eglise eschatologique. Elle est imparfaite, constituée d'hommes et de femmes fragiles, mais quand ces êtres fragiles se laissent remplir par l'amour infini de Dieu, l'Eglise devient, à travers eux le coeur du message et la chaîne discrète mais sublime qui complète et actualise ce que le Christ a vécu dans sa chair... Le rapport entre l'Ecriture et l'Eglise devient alors "co-originant" et c'est en quelque sorte cette interaction mystérieuse entre le dire et le dit, que soulignait Lévinas dans autrement qu'être qui se perpétue au travers de cette église fragile. Depuis l'origine, depuis le reniement de Pierre, Jésus savait que cette fécondation se ferait dans la douleur. Mais le résultat qui se dessine, et qui s'étend, sans hégémonie, mais à travers la kénose discrète de ces hommes et ces femmes qui sont signes (Hillesum, Stein, mère Thérésa pour ne citer que les étincelles féminines) se dessine l'Eglise universelle, le corps du Christ en marche...
(1) cité par Holzer, ibid p. 132

26 mars 2006

Les limites du principe de l'autocommunication...

Il est vrai, comme le souligne Holzer qu'il y a un risque qu'une autocommunication relativise la place et la fonction de la christologie, comme si en cet acte d'autodonation gracieuse, tout est déjà donné et tout pouvait être déduit. (1)
En suivant le principe de Rahner, on pourrait croire que la grâce est un paquet cadeau, un trésor enfoui en nous et qui se suffit à lui seul et le risque serait effectivement de ne pas relier ce "talent" à la source, d'ignorer que nous ne sommes que des coquilles vides, des sarments qui quand ils ne sont pas reliés à la sève ne sont plus bons qu'à un feu éphémère. Ce que nous recevons de Dieu n'est peut-être que cette force qui nous permet de tourner nos coeurs et devenir des écoutants...

Et cette force, cette transcendance est peut-être en soi l'accès à la découverte du mystère (Geheimnis) et l'expérience (Erfahrung) de l'homme qui est tout à coup attiré dans ce mystère inconcevable.
(1) ibid p. 118

23 mars 2006

Le drame au centre...

Dans cette marche qui conduit le lecteur de l'esthétique au théologique, la dramatique n'est pas un accident de parcours. Comme le note très justement Capelle, il faut "comprendre la dramatique non comme la deuxième étape mais comme le centre de la Trilogie (...) l'universel humain et le singulier humain se retrouvent et se recouvrent dans l'idée de décision, donc d'action, de pratique et de drame (1)
Je souscris à cette idée d'autant plus qu'elle rejoint à sa manière ce que j'avais noté chez Bonaventure à propos de l'homme, intermédiaire entre la trace et la ressemblance. Notre défi, c'est de faire face au drame. L'esthétique nous y prépare, elle nous lance sur le chemin et le théologique nous échappe. Notre réel, c'est de répondre à l'appel, à l'assignation pour reprendre les termes de Lévinas. Et c'est bien dans ce drame que se joue notre humanité en devenir.

(1) ibid p. 115

22 mars 2006

La vérité

Comment Jésus peut-il dire de lui-même : "Je suis la Vérité "? C'est seulement dans la mesure où toute la vérité du monde a en lui sa consistance" (col. 1,17) et ceci présuppose à son tour que l'analogia entis devienne chez lui une personne : il est lui même dans l'être fini, la manifestation, le don et l'expression adéquate de Dieu.
A travers la tentative magistrale de donner un statut positif au fini, i.e. une constance ontologique, et indissociable de ce dont le fini procède, à savoir le divin dans la personne du Christ, (1) Balthasar nous fait percevoir l'inconnaissable. Le chemin que nos pères ont entamé dans l'analogia entis nous y a préparé... Peut-être faut-il reprendre ce que J. Ratzinger disait à ce sujet dans son analyse des différents stades de l'expérience, jusqu'à l'expérientel, comme les balbutiements du montagnard qui passe par bien des détours avant d'apercevoir la cime, pourtant inaccessible mais qui le pousse à grimper.
(1) ibid p. 114

21 mars 2006

Le seuil, parvis de l'Eglise...

Capelle note que Urs von Balthasar propose dans son Epilogue le seuil comme un lieu de passage entre la philosophie religieuse et la théologie de la révélation biblique :
a) en deçà du seuil c'est l'apologétique à partir des problèmes philosophiques, littéraires, religieuses de l'Esthétique
b) au delà du Seuil cela concerne les mystères du christianisme dans leur spécificité qu'aucune philosophie religieuse ne peut atteindre "Le sanctuaire"...
Dans une démarche pastorale, je crois que nous sommes appelés en tant que laïc a creuser, étayer cette recherche en deçà du seuil, construire des ponts nouveaux entre le monde et l'Eglise qui constituent autant de chemins d'accès à l'essence même de notre foi et c'est en cela que la philosophie, l'apologétique peuvent nous aider. Cela rejoint cette analogia entis, qui pour Capelle est le lieu de cohérence de l'oeuvre d'Hans Urs von Balthasar : "c'est pour elle que se déploie l'unité la plus intime entre théologie et spiritualité vers "une concordance s'établissant entre l'homme et l'Absolu par une libre décision d'amour" (1)
La concordance entre l'homme et Dieu, l'anthropomorphisme maîtrisé qui permet de découvrir, au delà de la forme et de l'apparu, l'épiphanie de l'insaississable, cette révélation qui permettra de rendre la vue à ceux qui cherchent dans le noir. Mais nous ne sommes pas des guérisseurs d'aveugles. C'est la tâche du Christ. Nous ne sommes que des chercheurs de lumière.

(1) G de Schrijver, Een God immanent in mens een Zijin, schoonheid en kenosis in de théologie van H.U. von Balthasar, trad. fr. Le merveilleux accord de l'homme et de Dieu ; l'analogie de l'être chez Hans Urs von Balthasar, Presses Universitaires de Louvain, 1983, p. 52 Urs von Balthasar, cité par Philippe Capelle, Doyen de la faculté philosophique de la Catho de Paris in "Urs von Balthasar, comment regagner une philosophie à partir de la théologie" p. 113 dans Balthasar, Rahner Deux pensées en contraste, colloque d'une rencontre, avec Henri-Jérôme Gagey et Vincent Holzer (Editeurs), Bayard, Paris 2005

20 mars 2006

Projet n° 291

Après Projet n°290 sur l'Ukraine et le problème des quotas, je veux saluer le n° 291 qui consacre un long dossier sur le monde du travail. Reconnaître le travail, réunifier sa place dans la société, harmoniser les relations en son sein. Un document qui s'inscrit dans le message de l'Eglise sur la société d'aujourd'hui. A lire
Renseignement et abonnement

Plénitude philosophique

Capelle cite p. 105 cette affirmation de Balthasar : "La plénitude interne de la vérité philosophique - même en faisant abstraction de la lumière théologique qui ne cesse de l'éclairer - est déjà bien plus riche que ne laisse supposer la plupart des présentations que l'on en fait". (1)
N'est-ce pas en soi une concession à la thèse des chrétiens anonymes de Rahner... Ou peut-être aussi une exhortation à revenir à la sagesse de la Tradition, non pas dans son sens restreint, mais dans la découverte des Pères de l'Eglise, de leurs influences grecques et de ce long processus d'incarnation qui ne s'est pas fait seulement selon le registre de l'opposition, ou du syncrétisme mais comme la lente maturation d'une humanité qui marche vers la réception complète du mystère.
"il n'y a pas de théologie sans philosophie" (2)

(1) Urs von Balthasar, Théologique, Vérité sur le monde, T1 p. 30 cité par Philippe Capelle, Doyen de la faculté philosophique de la Catho de Paris in "Urs von Balthasar, comment regagner une philosophie à partir de la théologie" p. 105 dans Balthasar, Rahner Deux pensées en contraste, colloque d'une rencontre, avec Henri-Jérôme Gagey et Vincent Holzer (Editeurs), Bayard, Paris 2005
(2) Balthasar, ibid p. 30

19 mars 2006

Grâce infuse...

Je redécouvre p. 104 le principe de causa secunda de Thomas d'Aquin qui affirme que la créature est "déjà investie kénotiquement par la toute puissance divine du se-donner et du pouvoir-créer. Une fois posée l'autre de Dieu en vertu de ce premier acte fondateur, il faut dire que la grâce se présente doublement : à la fois comme un statut de vis-à-vis libre et autonome et comme participation plus étroite à l'être de Dieu. " (1) . J'en arrive à me demander si ce n'est-ce pas ce qui distingue l'action du Fils et de l'Esprit dans ce que j'ai appelé la danse symphonique trinitaire... ?
Il y aurait ainsi deux modes de présentation de la grâce : une extérieur, libre et interpellante, tel le signe élevé donné dans le désert et une intérieure, conscience enfouie en l'homme et qui l'interpelle au coeur de lui-même...

(1) Urs von Balthasar, "Regagner une philosophie à partir de la théologie" in Pour une philosophie chrétienne, Lethilleux/Culture, 1983 p. 184, cité par Philippe Capelle, Doyen de la faculté philosophique de la Catho de Paris in "Urs von Balthasar, comment regagner une philosophie à partir de la théologie" p. 104 dans Balthasar, Rahner Deux pensées en contraste, colloque d'une rencontre, avec Henri-Jérôme Gagey et Vincent Holzer (Editeurs), Bayard, Paris 2005

Voir à ce sujet : Incarnation / Danse / Kénose

18 mars 2006

De la philosophie à la Gloire...

Pour Balthasar, "la philosophie en tant que savoir de Dieu est la gloire elle même" (1) Cela soulève bien sûr des interrogations à l'image de cette tour de Babel que nous sommes tentés de construire sans cesse. Mais comme le note très justement Capelle, si Balthasar s'inspire d'Hegel il "s'inscrit en faux contre une figure de la totalité où le révélé historique est identique au manifesté divin et où donc le secret n'a plus de statut. (2) Le mystère et l'insaississable garde donc sa place et c'est en cela que toute tour de Babel est voué à l'échec.

(1) Gloire et Croix, Métaphysique 3 p. 320, ibid p.101.
(2) ibid p. 101

17 mars 2006

La pastorale de l'attente...

On ne peut forcer l'homme au delà de sa conscience intérieure. Et c'est pourquoi la pastorale de l'attente rejoint le principe de l'attente théologique.
C'est le mouvement qui permet de rejoindre la liberté fondamentale de chaque homme perçu comme une histoire sacrée. On retrouve là l'idée lévinassienne du "Comment Dieu vient-il à l'idée ?". Mais aussi d'une certaine manière la croissance de l'empètrement dans le mal et du besoin d'un "salut" qui va faire irruption. L'homme est en recherche tout en essayant de l'ignorer et de repousser à la périphérie cet Eros enfoui qui le pousse vers un ailleurs.

15 mars 2006

Théologie et science

J'aime l'analyse donnée p.92 et 93 par J. Greisch qui souligne comme point le plus vulnérable la "prétention de vouloir faire passer la plénitude métaphorique du langage élémentaire de la foi au régime d'analogies rigoureusement scientifiques". Pour lui (ibid p.93) "l'initiation philosophique à la théologie est un exercice modeste et ambitieux à la fois qui rejoint en un sens l'apologétique classique (religiosa / christiana / catholica). La Religiosa qui cherche à établir la preuve de l'existence de Dieu est confortée par l'expérience de la faute qui conduit à la révélation chrétienne, avant de parvenir à l'institution seule gardienne de la foi.
Enoncée comme cela, je retrouve non sans intérêt ce que je pratique depuis 20 ans en pastorale. Ce chemin me semble plus réaliste et respectueux de la personne que celui qui chercherait à imposer les dogmes comme un préalable et une vérité incontournable. Pour moi une pastorale doit prendre en compte ce cheminement qui est celui qui permet à la fois une pastorale inductive et le respect de la liberté fondamentale du chercheur de Dieu. De plus, elle nous permet de nous situer sur le même chemin, à l'image de celui de Jésus sur la route d'Emmaüs...

14 mars 2006

Une expérience indiscutable de liberté.

La liberté n'est pas un schéme accessoire. Il est pour moi constitutif de notre condition d'homme et de la rencontre même du phénomène. La troisième thèse citée de Schaeffler qui souligne que "nous ne pouvons déchiffrer dans tout ce qui vient à notre rencontre la figure phénoménale d'une liberté qui nous interpelle tout en se tournant vers nous, à laquelle nous pouvons donc nous fier pour recouvrir l'unité du Je" (1) fait rejaillir ce que je lisais il y a quelques semaines sur la notion d'expérientiel chez J. Ratzinger. Passer de l'expérience à l'expérientiel, n'est ce pas en soi un chemin de liberté et de foi véritable.
On comprend alors ce qui est donné sur la sixième thèse p. 91 : "Seule une théorie dialogique de l'expérience permet de trouver un juste équilibre entre réalisme et idéalisme, c'est-à-dire qu'elle fonde une critique qui permet à l'homme de prendre conscience de sa contribution active à la forme phénoménale du sacré et du divin sans pour autant être obligé de n'y voir qu'une projection de ses désirs infantiles" (2)

(1) cité par Jean Greisch, in "Balthasar, Rahner Deux pensées en contraste, colloque d'une rencontre, avec Henri-Jérôme Gagey et Vincent Holzer (Editeurs), Bayard, Paris 2005, p. 90
(2) 6ème thèse de Schaeffler, Erfahrung als Dialog mit des Wirklichkeit. Eine Untersuchung zur Logik des Erfahrung, Freiburg/München, Verlag Karl Aber 1995 cité par Jean Greisch, in "Balthasar, Rahner, ibid, p. 91

Chrétien anonyme...

La qualification de chrétien anonyme n'est pas pour autant la récupération de l'homme par le catholicisme. N'est-ce pas plutôt la joie de voir que le meilleur de notre foi ne nous a pas été confié de manière exclusive mais est déjà le mystère de la première alliance, celle scellée par Noë avec l'humanité toute entière. Alors l'affirmation suivante p. 88 ne me choque pas... : "Ce qui fait de moi un chrétien à vos yeux fait de vous un juif aux miens" (à propos des chrétiens anonymes) (1)

Lessing, Nathan le Sage, (1) cité par Jean Greisch, in "Balthasar, Rahner Deux pensées en contraste, colloque d'une rencontre, avec Henri-Jérôme Gagey et Vincent Holzer (Editeurs), Bayard, Paris 2005, p. 88

07 mars 2006

Tendresse de Dieu

"les feuilles tombent dans un geste de déni (...) mais pourtant il y a quelqu'un qui tient toutes ces chutes entre ses mains, d'une infinie tendresse"
R. M. Rilke

05 mars 2006

Serviteur et fils

J'aime à relire cette affirmation de Rahner qui souligne que "Dieu n'a fait des serviteurs que pour en faire des fils." (1) Elle traduit l'amour du Père, insaisissable et cependant infini. Et notre filiation n'est pas anthropomorphisme mais participation au corps du Christ. Nous sommes appelés à être en Christ. On rejoint cette affirmation de saint Paul : "Ils les a justifiés..."

Mais il rejoint aussi Jn 1, 13-14 que nous sommes en train de méditer... Hasard des chemins du Verbe sur notre route.

(1) ibid p. 82

01 mars 2006

Un temps de silence

En cette période de carême, je vous propose un temps de silence et de méditation...
Un temps tout intérieur.
Ce blogue sera donc peu actif, mon attention se concentrant sur l'expérience de lectio divina lancée sur http://selonsaintjean.blogspot.com . Une démarche à laquelle je vous invite tous à vous joindre.
C.

Le théologien agenouillé...

Cette citation d'Hörer des Wortes : "seul celui qui ne connaît pas encore la réponse et qui confesse son non savoir est réellement ouvert à la possibilité d'une libre auto-manifestation de la part du Dieu libre et personnel" (HW 94) fait raisonner en moi ce que J. Ratzinger disait lors de l'oraison funèbre de Balthasar. Le non savoir, la kénose de l'homme et de Dieu, c'est cela le coeur de la "théologie agenouillée". Un abaissement du fini qui laisse place à l'au-delà de tout pour reprendre l'hymne attribué à saint Grégoire de Naziance...
Il y a rencontre de deux libertés. "Celle de Dieu (le libre inconnu) et celle de l'homme (le libre écoutant) de se rencontrer. Leur rencontre se déroule sur la scène de l'histoire que Rahner définit comme le "lieu ou retentit le message libre". (1) Et pour moi, le noeud de l'histoire du salut se joue dans cette rencontre "amoureuse".
"Le philosophe peut être comparé à Jean Baptiste, qui n'est pas digne de dénouer les sandales du théologien mais permet de préparer ses chemins. Et le théologien n'est lui-même qu'un va nu-pieds intellectuel..." (2)

Puisse toute recherche théologique rester habitée de cette dimension face au mystère.

(1) ibid p. 80
(2) ibid p.82