30 juin 2007

Différences culturelles

On peut considérer que l’Écriture est dépassée parce qu’écrite il y deux mille ans, qu’elle ne s’adapte pas à l’ « homme moderne ». Mais, nous dit Enzo Bianchi, « l’adjectif moderne est moins important que le substantif « homme ». Pour lui, les différences culturelles n’annulent pas mais permettent bien plutôt l’émergence de la « radicale unité et ressemblance de tous les hommes » (1) Et c’est pourquoi, pour reprendre les termes du protestant Hamman, lire la Bible, c’est lire sa propre histoire, ses propres balbutiements…

(1) Enzo Bianchi, Ecouter la parole, Les enjeux de la Lectio Divina, Lessuis 2006, p. 95-96

29 juin 2007

Prière collaborative

« On ne règle pas sa prière. On est pris dans la prière. C’est un don qui vient de Dieu » (1)

Par l’événement trinitaire de la mort du Fils sur la croix, « chaque prière est soulevée et emportée dans une telle plénitude qu’elle reçoit son sens ultime (...) car dans l’abondance céleste, rien n’est superflu. » (2)

Peut-être faut-il relire ces phrases, quand dans la routine des jours, on bascule dans le rite et la répétition, loin d'un véritable décentrement qui nous rend accueillant de Dieu.

(1) Hans Urs von Balthasar, DD IV, le Dénouement, p. 365
(2) Jan von Ruusbroec, cité par Hans Urs von Balthasar, p. 366

28 juin 2007

Parler de Dieu…

"Par quel moyen ? Par les meilleurs, étant donnés ceux auxquels ils s'adressent : avec tous ceux avec qui ils sont en rapport, sans exception, par la bonté, la tendresse, l'affection fraternelle, l'exemple de la vertu, par l'humilité et la douceur toujours attrayantes et si chrétiennes. Avec certains sans leur dire jamais un mot de Dieu ni de la religion, patientant comme Dieu patiente, étant bon comme Dieu est bon, étant un tendre frère et priant. Avec d'autres en parlant de Dieu dans la mesure qu'ils peuvent porter ; dès qu'ils en sont à la pensée de rechercher la vérité par l'étude de la religion, en les mettant en rapports avec un prêtre très bien choisi et capable de leur faire du bien. Surtout voir en tout humain un frère."

Charles de Foucauld (1858-1916)

Source : http://www.evangileauquotidien.org

27 juin 2007

Etre source

« Celui qui boit à la source, d’après la parole du Seigneur, devient lui-même la source, recevant la Parole divine il est fait lui-même parole (...) celui qui reçoit devient aussi une plaie saignante, une blessure d’amour qui pénètre au plus intime du cœur, c'est à dire jusqu’à la participation à la divinité, car l’amour est-il dit, c’est Dieu » (1)

Pour Hans Urs von Balthasar, il s’agit de quelque chose comparable à ce qu’exprime le Cantique des Cantiques : « blessée par la flèche d’amour, l’épouse à une plaie qui se transforme en joie nuptiale »

(1) d’après Grégoire de Nysse, cité par Hans Urs von Balthasar, p.363

26 juin 2007

Un feu purificateur

Je n'est jamais été très en faveur d'un discours sur l'enfer et le purgatoire qui renforce pour moi à outrance la culpabilité (cf. mes notes anciennes sur le livre de L. Basset). Mais il me semble que les réflexions d'Adrienne von Speyr, appliqué à soi-même ont de l'intérêt ne serait-ce que pour comprendre ces symboles véhiculées par la tradition de l'Eglise.
Pour elle, l’homme face à Dieu est comme mis à nu. Son agir est exposé et « l’amour du Seigneur pour l’homme est devenu du feu ». (1) Peut-être voit-on trop le feu sous l’aspect négatif alors qu’il s’agit en fait de se laisser consumer en Christ dans une purification bienheureuse, certes non sans souffrance, mais pour notre bien. Il s’agit de « vivre mon impureté dans la pureté de Dieu ». C’est pour Adrienne von Speyr, le grand atout du purgatoire… Le moi se dissout de telle sorte que « ce Tu prenne peu à peu des contours précis. Une espérance surgit qui repose finalement sur le Seigneur (...) c’est le commencement de mon abandon ». Il faut pour elle s’arracher « à ce qui me centre sur moi-même car mon je doit être transporté en Dieu » (2). Elle ajoute ne plus souhaiter qu’une chose, « être délivré de moi et pour cela je paierai n’importe quel prix ». (3)

Cela ouvre une nouvelle vision de la Croix : « la connaissance du péché ouvre la perspective sur ce que le Seigneur a fait à la croix, sur la façon dont il a porté sur lui le péché. « Je touche alors, en ce qui me concerne, le nœud où se rencontre l’amour et le châtiment ». (4)

(1) Adrienne von Speyr, Objektive Mystik, 322, cité par Hans Urs von Balthasar, ibid. p. 333
(2) ibid p. 369, cité par Hans Urs von Balthasar, ibid. p. 334
(3) ibid. p. 342
(4) ibid. p. 371, cité par Hans Urs von Balthasar, ibid. p. 336

25 juin 2007

Mort pour nous

Chacun meurt isolément pour tomber dans le vide de l’existence à la différence, comme le dit Hans Urs von Balthasar du Christ « qui au contraire meurt essentiellement « pour » (anti, hyper) tous les pécheurs condamnés à mourir. Le pour (hyper) fait naître une réciprocité qui s’énonce comme suit : « le corps est pour le Seigneur et le Seigneur est pour le corps » Il est mort pour tous afin que les vivants ne vivent plus à eux-mêmes, mais à celui qui est mort et ressuscité pour eux (2 Co, 5,15) (1)

Cette exclusive du Christ est peut-être un peu forte, sauf à intégrer "en christoï" ceux qui ont suivi le chemin du martyre. Mais il y a peut-être là encore cette idée de décentrement. Ne pas vivre pour soi-même, mais vivre pleinement, librement ‘pour’… C’est le plus dur…

(1) Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, p. 311

24 juin 2007

Souffrance

« Celui qui souffre reçoit joie et grâce » et en même temps « solitude et mort ». Le Seigneur accorde toujours à celui qui souffre, au sein même de la souffrance, des grâces qui font pénétrer en de nouveaux mystères » (1)

Sans commentaires, puisque comme le souligne avec raison le Cardinal Etchégaraï, celui qui n’a pas souffert vraiment ne peux saisir l’immensité du mystère. Je ne suis qu’un observateur et j’avoue que certaines personnes autour de moi sont comblées de grâce, en dépit ou à travers l’immensité de leur souffrance.

(1) Hans Urs von Balthasar, ibid p. 308-9

23 juin 2007

Mort mystique ou décentrement

Comme pouvait le dire au premier siècle Ignace d’Antioche : « Il n’y a plus en moi de feu pour aimer la matière, mais en moi une eau vive qui murmure et dit au-dedans de moi : viens vers le Père » (1), l’Eglise a souvent, par ses saints, tendu vers ce que l’on appelle la mort mystique, à l’instar de Thérèse de Jésus qui dit écrit « Je vis sans vivre moi-même et ainsi j’espère de mourir, parce que je ne meurs pas. En moi-même, je ne vis plus, et sans Dieu je peux pas vivre ». (2). Cela peut conduire pour Hans Urs von Balthasar à une aspiration à un anéantissement qui n’a rien de chrétien et peut conduire par exemple au boudhisme. A cela il me semble important d’opposer l’affirmation christique « Mon heure n’est pas encore venue » (Jn 7,32). Il y a un temps pour vivre l’aujourd’hui et un temps pour mourir. Chez saint Paul, existe ainsi un contrepoids qui est l’urgence de la tâche terrestre, de même qu’Ignace d’Antioche qui souligne que malgré son désir du ciel, il travaillerait volontiers sur terre, jusqu’à la fin du monde, si c’est la tâche que le Christ lui confie. Ce qui fait conclure par Hans Urs von Balthasar que le « signe authentiquement chrétien de la participation à la mort et à la déréliction de Christ est moins dans l’extase d’amour que dans la « croix portée quotidiennement » (2)

En quelle sorte, je préfère la notion de décentrement à mort à soi-même. Car il ne s’agit pas de mourir et devenir un automate de Dieu. Il s’agit de mettre le centre de nos pensées, de nos actes et de nos paroles en Christ.

(1) Ignace d’Antioche, Epître aux Romains, 6, 1-7,2 cité par Hans Urs von Balthasar, ibid. p. 307
(2) cité par Hans Urs von Balthasar, ibid p. 308

22 juin 2007

Le dévoilement

« La croix seule démontre que Dieu est amour » nous dit Hans Urs von Balthasar citant 1 Jn 4, 8-16 : « Voici comment s’est manifesté l’amour de Dieu au milieu de nous : il a envoyé son Fils unique au milieu du monde ».

Je pense avec lui que le dévoilement ultime, le résumé de toute la révélation est cet amour exposé. Et c’est pourquoi le voile se déchire de haut en bas. Dieu le déchire lui-même. Tout est révélé mais tout reste possible.

21 juin 2007

Les 3 morts

Saint Ambroise distingue trois espèces de mort :

a) l’âme qui pèche doit mourir (Ez 18,4),

b) la mort mystique, c'est à dire qu’on l’on meurt au péché afin de vivre pour Dieu en étant comme le dit Paul, « ensevelis par le baptême dans la mort » (Rm 6,4)

c) celle au terme de la vie

« la première est mauvaise, la deuxième est bonne, la troisième est en soi indifférente : elle se fait amère pour la plus part qui s’attachent aux biens terrestres ; au contraire, elle est désirée par ceux qui aspirent à être avec le Christ » (1)

Qu’est-ce que cette mort mystique, n’est-ce pas d’une certaine manière ce que nous n’avons de cesse d’approcher à travers nos recherches sur la kénose et le decentrement, un rejet volontaire de tout ce qui nous entraîne dans la spirale du péché, ce qui nous rattache au monde pour mourir à cette part de nous-mêmes qui n’est pas en Dieu… La mort mystique, qu’elle soit sacramentelle ou en vue de Dieu est le chemin…

« Dans la vie comme dans la mort nous appartenons au Seigneur » (Rm 14, 7_8) (...) l’espace disponible, le décentrement créé par « le détachement de la foi est alors occupé par le Christ et son Esprit qui nous confirme que nous sommes comme le Fils, devenus enfants du Père, entraînés dans la relation que l’Esprit suscite avec le Fils, si bien que l’imago trinitatis s’achève pleinement en nous. (...) nous sommes co-héritiers « si par ailleurs nous souffrons avec lui pour être aussi glorifiés avec lui
» Rm 8,17 (2)

(1) cité par Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, p.303
(2) ibid. p. 305

20 juin 2007

De Caïn à Judas

De Caïn à Judas, le regard bienveillant de Dieu devant l’homme pécheur n’a pas changé. On entend résonner comme un « qu’as-tu fais de mon Fils » en écho au « qu’as-tu fais de ton frère ». Mais un espérance transparaît, une lueur perce les nuages de notre humanité et dans cette brèche rayonne la pâle lueur d’un Dieu crucifié. Dernier appel d’une dramatique divine et nous ne l’entends pas…

19 juin 2007

Futilité - II

« Il doit y avoir dans le Père une puissance incroyable pour qu’il accepte de regarder comme dans l’impuissance l’entrée de son Fils en sa Passion » bien qu’il ait le pouvoir de le préserver de la mort » (1)

C’est devant la mort que toute futilité perd son sens !

« Les chrétiens sont toujours les plus proches de la perfection de la foi quand ils se trouvent abandonnés, quand tout est devenu parfaitement incroyable, qu’il n’y a plus rien à concevoir, à sentir ni à toucher et qu’il ne leur reste plus que le saut dans la foi » (2)

Mais combien de temps resterons nous au seuil, raisonnant, fier de notre savoir et incapable de faire le saut dans l’inconnu de Dieu. Le dit n’est qu’une pâle image de l’agir et l’agir ne peut se dire…

(1) Adrienne von Speyr, Pa 88, cité par Hans Urs von Balthasar p. 299
(2) Adrienne von Speyr, Johannes 218, ibid p.299

18 juin 2007

Pépites - II

Il a fallu toute la réaction moderne contre le poids de la tradition augustinienne pour dégager des restrictions qui la contraignent encore chez saint Thomas, l’idée que l’on puisse espérer pour les autres, quels qu’ils soient. Thérèse de Lisieux y arrive au prix d’un geste héroïque de consécration totale de la miséricorde divine : cette espérance sans limites, elle ne pensait pas pouvoir l’acheter pour moins cher que par cette substitution en faveur des pécheurs ».

« L’espérance ne peut qu’attendre dans l’obscurité le miracle qui s’est déjà accompli à la mort du Christ. » (1)

Pour Hans Urs von Balthasar, il est étonnant que l’on n’ait pas rapproché la phrase d’Heidegger : « La mort est la possibilité qui appartient le plus à l’existence. (...) Il s’agit là de l’être du Dasein pur et simple. » (2) de celle de Grégoire de Nysse « c’est à cause de la mort que Dieu a pris sur lui de naître ». (3)

(1) Balthsar, ibid p. 291-293
(2) Sein und Zeit 1927, p. 263
(3) Discours catéchétique 32,3

17 juin 2007

Pépites

Au bout de vingt ans de culture des âmes, au chevet des couples en naissance, je m’aperçois qu’il y a en chacun une petite pépite enfouie. A partir d’une histoire très humaine, dans l’aléa des rencontres et de la vie qui bouillonne en l’homme, Dieu trouve des germes de vie et n’a de cesse de les faire grandir. Certes la tâche est souvent ardue, mais toute histoire à son espérance, inscrite au cœur même de son humanité la plus primitive. Chaque histoire d’amour dispose d’un potentiel divin qu’il ignore.

Et dans une certaine mesure, comme pour beaucoup d’histoires, l’enjeu est celui de la parabole du semeur. Laisserons nous pousser la graine ?

Ce qui est certain, c’est qu’il y a toujours une espérance pour le croyant (...) car disait saint Paul, « l’espérance ne déçoit pas » (Rm 5,15).

Jugement dernier - II

Depuis les évangiles sévères de Mat 3,10 et Lc 3,17, la tradition notamment augustinienne a insisté sur le concept d’une double issue au jugement dernier entre les pécheurs qui subissent la colère et ceux qui participent à la gloire de Dieu. Cette tradition considérait les thèses d’Origène (qui penchait plutôt pour une réconciliation universelle) comme trop lâche.

Pour Hans Urs von Balthasar, il faut attendre Thérèse de Lisieux pour redonner une place à la miséricorde divine. Elle qui prie « pour s’asseoir à la table où mange les pécheurs » possède en effet « l’espérance aveugle en sa miséricorde ». Elle répète : « on n’attend jamais trop de Dieu qui est si puissant et si miséricordieux, on obtient de lui autant qu’on espère ». Dans son Jeu des anges elle fait dire à Jésus : « toute âme obtiendra son pardon » à l’ange de la Sainte Face qui implore le pardon pour les pécheurs. (1)

(1) Thérèse de Lisieux, Histoire d’une Ame p.246 et 486, cité par Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, p. 292

16 juin 2007

Pauvre parmi les pauvres

Je crois en cette kénose du bon pasteur, qui dessine au plus profond de l’humanité (j’ai appris récemment que Jéricho était une des rares villes du monde en dessous du niveau de la mer), pour « habiter chez Zachée et guérir l’aveugle ». N’est-on pas au cœur de la pastorale du Christ qui a bien compris ce que semble découvrir Claudel : « Il n’y a pas d’amis surs pour un pauvre s’il ne trouve plus pauvre que lui » (1)

Pour Hans Urs von Balthasar, cela rejoint les deux romans de Dostoïevski qui voit dans l’Idiot une image de "l’homme le plus beau" et qui dans Crime et Châtiment, montre qu’il faut des années « avant que fonde la carapace » de Raskolnikov face à Sonia jusqu’à ce qu’une question l’obsède : « Pourquoi tous aiment-ils Sonia ? » (...) « la glace fond alors enfin dans son cœur : « il pleura et étreignit les genoux de Sonia » (2)

Pour Hans Urs von Balthasar c’est une allégorie lointaine permettant d’atteindre l’indicible. On pourrait ajouter que la déréliction du Christ, par sa nudité, sa pauvreté en face du pécheur, n’a d’autre but que de faire fondre la glace qui enserre le cœur de l’homme.

(1) Paul Claudel, in Notre Dame auxiliatrice, Poèsie I, Gallimard 1950, p. 269 cité par Hans Urs von Balthasar p. 285
(2) ibid. p. 285-6

15 juin 2007

Objectif et subjectif

Vous aie-je redis ce qui m’avais marqué il y a vingt ans, une présentation de la foi personnelle comme un éternel balancement entre le coté subjectif (sentiment, passion, ressenti) et l’objectif (raison, intelligence). Nous sommes comme le battant d’une cloche et notre équilibre est à trouver dans cette oscillation entre nos aspirations passionnées et subjectives et le travail de la raison en nous…

Dans la prière, le cheminement est similaire. Pour Enzo Bianchi, il faut distinguer les phases de lectio et meditatio qui sont une approche objective de l’Écriture des phases suivantes d’oratio et contemplatio qui sont le complément subjectif et nécessaire à cette première phase. « Dans le premier mouvement, on laisse parler le texte, on fait émerger son message, on écoute la page biblique avec un effort de lecture attentive et d’étude visant une compréhension approfondie ; durant le second, en revanche, entre en jeu la subjectivité de l’orant, son existence, pensée et portée devant le texte biblique » (1) pour faire dialoguer intérieurement le message écouté dans le texte et sa propre vie personnelle.

Il me semble qu’il faut constamment introduire ce balancier, sans en interdire le mouvement.

(1) Enzo Bianchi, Ecouter la parole, Les enjeux de la Lectio Divina, Lessuis 2006, p. 94-95

14 juin 2007

Déréliction - V

« Jésus peut donner part, de même qu’il a fait participer les sœurs de Béthanie, à sa passion future. En cela se montre l’intemporalité de sa passion, l’intemporalité de la rédemption et celle de la marche à sa suite (...) on peut y entrer aussi bien jadis que 1000 ans plus tard » (1)

(1) Adrienne von Speyr Johannes, 386 cité par Hans Urs von Balthasar p. 283

13 juin 2007

Déréliction - IV

Je n’ose croire que cette impression de vide, ce néant des sens est don de Dieu. Pour moi, il s’agit de l’enfoncement dans le monde, la perte de ce qui faisait l’essentiel de ma foi, de ma vie de prière et de « vérité ». L’acédie m’entoure. Nuit des sens mais aussi abandon de la lutte. Je suis loin en tout cas de cette expérience de la déréliction que partagent certains chrétiens « quand ils sont jugés dignes d’expérimenter « la nuit obscure de la crucifixion », tel le « dolores inferni circumderunt me » de saint Jean de la Croix (1). Pour lui, l’âme sent d’une manière très vive l’expérience de la mort, privé de Dieu.

« Sur l’ordre du Christ qui lui intime de sortir de lui-même, l’homme s’en va à l’extérieur de soi et se trouve pauvre, misérable et délaissé ». (2)

C’est le « Délaissement absolu (...) on ne trouve de secours de personne » (3)

Le fil est fragile, comme cette marche sur les cimes, où le précipice nous entoure mais l’appel du sommet nous attire.

(1) Saint Jean de la Croix in La nuit obscure de l’esprit II, ch. 8. cité par Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 281
(2) Ruusbroec, Geistliche Hochzeit, II, 28, cité par Hans Urs von Balthasar, ibid p. 282
(3) Henri Caffarel, l’Emprise de Dieu. Paris 1982, 310

12 juin 2007

Immortalité

Si saint Justin fait une distinction entre la survie commune à tous après la mort et l’immortalité proprement dite, celle des bienheureux, je me demande pourquoi nous continuons à répéter sans cesse nos errements. Pour lui, en effet, s’il est vrai que « la survie est déjà elle-même un don (...) l’immortalité est un don supérieur, elle est la participation gratuitement offerte par le Christ à la vie éternelle de Dieu » (1)

J’entends résonner les chants de fête, les cantiques de ceux qui « verront Dieu » et comme le ciel qui vibre à la conversion d’une âme, (cf. Dante ), je me demande pourquoi nous continuons d’ignorer le chemin, englué que nous sommes dans tout ce qui nous rattache au mal.

Mais peut-être dois-je espérer plus dans la conjonction entre mes petits efforts humains et le chemin délicat et incessant de la grâce qui nous épure, nous émonde, jusqu’à ce qu’un petit fruit naisse de nos chemins d’hommes. En attendant, nourrissons-nous de cette eucharistie qui est pour Ignace d’Antioche (2) vie permanente dans le Christ : pharmakon athanasias : « le remède qui donne l’immortalité ».

(1) ID, Apol. I 8, 10.63 ; Dial 5 .114 cité par Hans Urs von Balthasar p. 278
(2) ibid. p. 279

11 juin 2007

Jugement dernier

Pour Hans Urs von Balthasar, l’idée du jugement dernier à une origine ancienne que l’on retrouve dans l’Egypte des pharaons avec le Dieu Horus entouré de ses 42 divinités chargées de peser le poids de toute une vie. D’une certaine manière, nous dit le théologien, ce n’est plus l’auto-jugement qui reste subjectif et qui est souvent marqué par une culpabilité maladive, comme nous le montrait récemment Lytta Basset in Je ne juge personne alors qu’il ne s’agit que du poids de la liberté humaine qui n’existe que dans la liberté absolue de Dieu (1)

Peut-être qu’à la suite d’Adrienne von Speyr, il faudrait voir le juge comme celui qui cherche dans toute une vie « un petit grain d’amour en réponse à tout l’amour manifesté par Dieu » (2)

« L’homme ne serait-il pas capable à l’intérieur de son refus d’accepter au moins une parcelle de grâce » (3)

(1) Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p.269

(2 et 3) Adrienne von Speyr, Johannes BD II. Die Streitreden 538, cité par Hans Urs von Balthasar, ibid p. 270

10 juin 2007

Futilité

Je ne cesse de répéter le mot soulevé par le mendiant d’Hoffmansthal, (1) : « futilité » comme l’histoire de ce roi auquel on dit : « tout doucement l’enfer a grandi en toi et cela veut dire, être abandonné de Dieu »

Il y a en effet 99,99 % de nos actes qui pourraient recevoir ce qualificatif de futilité. Les seules exceptions sont ces instants qui ne viennent pas de nous et qui sont, parfois, cette graîne d’amour qui nous fait agir véritablement gratuitement, sans chercher notre intérêt (1 Cor 13) et qui nous rend « aimants ».

(1) Hoffmannsthal, Der Turm, 1° version in Dramen IV Fischer 1958 59,66, cité par Hans Urs von Balthasar ibid p.268

09 juin 2007

Analphabétisme de la foi, une chance pour l’avenir ?

Pour Enzo Bianchi, on assiste actuellement à une sorte d’analphabétisme de la foi. Mais ajoute-t-il, peut-être que, d’une certaine manière c’est une chance : « Peut-être est-il désormais possible de considérer l’Écriture voire essentiellement les Évangiles comme un instrument privilégié de la catéchèse, d’annonce et de transformation de la foi (...) il se formera alors, parmi les nouvelles générations, une foi plus biblique, plus christo-centrique et probablement plus libre » (1).

Les réticents diront peut-être que c’est l’approche protestante qui nous est vendu là. Mais, il me semble que c’est plus que cela, c’est en effet pour moi une chance que de mettre à contribution nos deux cultures et nos deux traditions de lecture et d’interprétation pour réinventer un nouveau chemin pastoral

(1) Enzo Bianchi, Ecouter la parole, Les enjeux de la Lectio Divina, Lessuis 2006, p. 92

08 juin 2007

Déphasage

Enzo Bianchi note trois tentations.
1) Ce qu'il appelle le fondamentalisme qui refuse de se plier aux clés de l'interprétation et de l'exégèse
2) le spiritualisme qui "pense atteindre le message sans se confronter à la lettre" et
3) une version qui s'en tient à l'histoire…

On parvient pour lui à un déphasage entre la vie ecclésiale et la vie spirituelle qui fait obstacle à la lectio divina. La vie chrétienne ne se résume pas pour lui à "un vague engagement social et un style de vie altruiste fondé sur des valeurs" (1) mais à une relation personnelle avec Dieu par l'intermédiaire du Christ.

Pour moi, cette médiation par le Verbe se fait par la Parole vivante et à en deçà à son actuation dans notre charité… Une double dimension qui donne sens et qui répond au double commandement, inséparable de Dieu.

(1) Enzo Bianchi, Ecouter la parole, Les enjeux de la Lectio Divina, Lessuis 2006, p. 90-91

07 juin 2007

Big brother

Je ne cesse d’avoir en tête depuis près de 35 ans le psaume 139 qui a des accents de « big brother » : « tu me sondes et me connais, que je me lève où je m’assoie, tu le sais » mais qui traduit aussi, quand on veux bien l’entendre avec les oreilles de la foi comme le chant d’un Dieu pour qui chacun est unique : « Tu as du prix à mes yeux… » Ainsi peut-on entendre également saint Basile quand il affirme que « de la face du juge rayonne une lumière de vie qui pénètre les cœurs jusqu’au plus intime et nous n’avons pas d’autres accusateurs que nos propres péchés, lesquels seront, par cette lumière étalés sous nos yeux » (1)

Encore une fois, on peut en tirer une culpabilité maladive, mais il est possible aussi d’en faire un chemin de vérité. Car, c’est par notre humilité que nous progresserons dans la foi, en mourant de cet orgueil qui nous enserre et nous mine…

Cette « descente aux enfers de la conscience de soi » (2) est en quelque sorte aussi un chemin de lumière, la lente introspection du fils prodigue, qui rentre en lui-même et se souvient du père (Luc 15).

(1) In PS 33,4 (PG 29,360) cité par Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 266

(2) Hamann, cité par Balthasar, ibid p.267

06 juin 2007

La spirale infernale

On s’engage dans le péché au point de ne plus éprouver même le sursaut qui permettrait de nous libérer. C’est bien ce qui arrive quand Judas demande « serait-ce moi, Rabbi ? » et que Jésus réponds « tu l’as dit » (Mat 26,25). A ce moment la porte du tribunal se referme nous dit Hans Urs von Balthasar. (1)

Cela contredit pour moi ce qu’il avait dit précédemment, sur le fait que cela se poursuivait au-delà de la croix, même si je comprends ce que cela signifie sur le plan du refus de Dieu…

Mais je note au-delà du mystère du jugement de Dieu sur Judas, que nous nous trouvons sans cesse dans cette spirale infernale qui nous fait trahir ce qui nous est le plus cher. Pierre a suivi d’une certaine manière la même voie avant de se ressaisir. Son péché était-il moins lourd. Ce qui compte, c’est peut-être ce sursaut d’humanité qui nous relève, quel que soit la profondeur de notre chute et surtout cette espérance d’un Dieu qui continue de croire en notre humanité, jusqu’à se s’agenouiller à nos pieds pour couvrir nos pieds de ses larmes d’amour. La réponse du Christ à Marie de Béthanie est plus grande, plus infinie et c’est en cela que je veux croire… Même s’il est possible que par mon péché, je ne puisse franchir la marche…

En effet l’œuvre d’une vie ne correspond pas à ce que le Père a prévu dès l’origine. « Eloigne toi de moi car je suis pécheur » (Luc 5,18) C’est ce que je pourrais dire à la suite de Sören Kierkegaard : « je n’ai jamais été aussi loin de ma vie et je ne dépasserais sans doute jamais ce point que l’on nomme « crainte et tremblement » (…) Dire aux autres vous êtes perdus, je ne m’en donne pas le droit (...) tous les autres sont sur la voie, moi seul je manquerai le coche » (2)

(1) Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 263

(2) cité par Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 267

05 juin 2007

Lecture communautaire

"Bien des passages de l'Écriture que je n'arrivais pas à comprendre seul, je les ai compris en me mettant en face de mes frères (...) et je me suis aperçu que l'intelligence m'en était donnée grâce à eux." (1)

(1) Saint Grégoire le Grand, In Hiez, 1, 7, 8 cité par Enzo Bianchi, Ecouter la parole, Les enjeux de la Lectio Divina, Lessuis 2006, p. 88

04 juin 2007

Iconifier la liturgie

Pour moi elle reste opaque et difficile d'accès et j'ai alors pitié pour ceux à qui l'on impose ses litanies répétitives et qui n'en voit pas le sens. Même si j'en perçois le sens, enfermé dans des siècles de Tradition, je me demande si l'on n'a pas oublié, d'une certaine manière, d'en rafraîchir le sens et de vérifier toujours qu'elle s'inscrit dans l'intelligence de la foi…

Pour E. Bianchi, la Parole n'est comprise que comme une simple introduction à la célébration du Sacrement. On ne lui reconnaît pas la capacité de réaliser l'alliance, de faire rentrer le croyant dans une relation vivante avec Dieu. (1)

Est-ce parce que pendant des siècles ont a refusé qu'elle soit donnée à "mandiquer" aux laïcs pour des raisons que je comprends mais qui ne sont plus à mon avis de mise.

(1) cité par Enzo Bianchi, Ecouter la parole, Les enjeux de la Lectio Divina, Lessuis 2006, p. 85

03 juin 2007

Parole – Sacrement - II

Si la parole écrite est distante car historique, "l'Esprit rend cette parole capable d'instaurer une présence dans l'absence, une proximité dans l'éloignement, une communication entre le lecteur auditeur et le Dieu qui se révélant dans la Parole et dans l'Esprit a laissé dans l'Écriture inspirée un signum de la révélation". Et c'est pourquoi à mon avis, l'Écriture est en un sens sacrement.

(1) Enzo Bianchi, Ecouter la parole, Les enjeux de la Lectio Divina, Lessuis 2006, p. 75

02 juin 2007

Victoire - II

Le mal peut aller jusqu’au bout, c'est à dire la destruction et le néant au point où tout est détruit et où Dieu peut reconstruire. D’une certaine manière, cela renforce la thèse déjà longuement évoquée par Hans Urs von Balthasar dans ses tomes précédents sur la liberté finie de l’homme. « Les hommes ne sont pas libres de manière indéfinie, mais ils sont libres à l’intérieur de la liberté infinie de Dieu » (1)

« Nous ne sommes pas sauvés sans qu’on nous demande notre avis » car il ne peut y avoir de salut global contre la dignité des pécheurs (2)

(1) Adrienne von Speyr, Jo 143 cité par Hans Urs von Balthasar, , Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 259
(2) Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 263

01 juin 2007

Judas, premier destinataire de la communion

L’amour de Dieu ne peut connaître aucune exception. C’est pourquoi on n’a « jamais le droit de désespérer du sort du pécheur, et cela vaut même pour Judas. (...) il est le seul mentionné dans la communion et il est de ceux pour qui le Christ meurt ». Son cas « n’est réglé qu’au-delà de la mort, c'est à dire dans l’enfer et c’est notamment pour lui que le Christ va jusque là. (1)

« Le jugement de la croix est définitif mais le Seigneur attend le dernier jour pour en révéler le résultat » (2) ajoute Adrienne von Speyr et ce au nom d’une liberté qui demeure.

Le péché devait s’accroître jusqu’à la dernière limite, alors vient la rédemption et celle-ci s’emparera de la victoire, nous dit Grégoire de Nysse (3)

(1) Hans Urs von Balthasar, , Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 256-7
(2) Adrienne von Speyr, Corinther I, 163
(3) Cardinal Jean Daniélou, dans l’Etre et le temps chez Grégoire de Nysse p. 186-204 258

31 mai 2007

Nous n’avons pas le monopole de la charité

La parabole du bon samaritain (Lc 10,29) signifie l’explosion des frontières nationales sur la réponse à qui est mon prochain ? D’une certaine manière cela renforce pour moi la thèse de saint Justin qui voit en tout homme les germes du Verbe…

30 mai 2007

La victoire est à Lui…

Si Dieu est pour nous, aucune puissance du monde n’est contre nous. On comprend pourquoi le Seigneur souffre par amour pour nous tous. En effet, Dieu qui dispose de Dieu en son Fils « s’arrange du même coup pour dépasser l’homme, afin que la grâce reçoive plus de poids que pour le péché (...) son triomphe sur le monde, Dieu l’assure depuis la création du monde. S’il n’avait pas déjà, dans sa liberté divine assuré la victoire sur le monde, il n’aurait pu confier aux hommes leurs libertés » (1) dit Adrienne von Speyr . Par ailleurs, elle ajoute que « s’il y a à l’origine amour véritable, le don de la liberté est absolument requis » (2)

(1 et 2) Adrienne von Speyr Ka II, 198 cité par Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 255

29 mai 2007

Le jugement de Dieu

Jean situe le jugement dans l’événement de la croix » (Jn 12, 31) et affirme à partir de là que celui qui croit au Fils n’est « pas soumis au jugement mais est passé de la mort à la vie » (Jn 5,24). Pour Hans Urs von Balthasar (1) ce jugement consiste dans la « participation aux souffrances du Christ » (1 P 4,13) et donc est grâce (3,14). « Il devient pour le chrétien gloire et béatitude. Dans la mort et la résurrection du Christ, les liens de la mort sont rompus, l’éternité est la récompense proposée. Dès lors la visée vétéro-testamentaire qui proportionne la rétribution ici-bas selon les œuvres s’effondre. Il existe désormais une asymétrie fondamentale, dans la mesure où le jugement de Dieu est tombé une fois pour toutes avec la mort et la résurrection de Jésus. Tout ce qui pourra encore survenir par la suite ne sera que le déploiement de cet acte. »

C’est pourquoi, la joie du tourment des damnés est inacceptable. Pour G. Martelet (2) « Il n’y aura jamais de mal-aimés de Dieu qui est l’amour même. L’enfer comme refus absolu de l’amour n’existe jamais que d’un seul côté, je veux dire du côté de celui qui le crée constamment pour lui-même »

Pour J. Ratzinger, « le Christ ne destine personne à sa perte (…) elle naît du fait que l’individu persiste dans son propre égoïsme » (3)

(1) Hans Urs von Balthasar, , Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 253-5
(2) G. Martelet, in l’au-delà retrouvé, Desclée, 1974, 181-188 cité par Hans Urs von Balthasar p. 253
(3) J. Ratzinger, Eschatologie, Puster, 1977, 169

28 mai 2007

Le salut pour tous

« A la question enfer éternel ou salut universel ? je réponds Enfer ET Salut universel » nous dit Gaston Fessard. (1)

Pour Hans Urs von Balthasar, il faut en effet tenir compte de la mutation entre l’Ancien Testament et le Nouveau Testament dans la théologie du jugement : Dans le Nouveau Testament, la « Croix du médiateur constitue fondamentalement le jugement » (cf. Jn 12,31 : « C’est maintenant le moment où le monde va être jugé ; maintenant le dominateur de ce monde va être chassé. Et moi quand j’aurai été élevé de la terre, j’attirerai à moi tous les humains ») et Rm 5,15 : « Si par la faute d’un seul la multitude a subi la mort, à plus forte raison la grâce de Dieu, grâce accordée en un seul homme, Jésus-Christ, s’est-elle répandue en abondance sur la multitude ».
D’une certaine manière, ajoute-t-il, « L’abîme se creuse dans le Nouveau Testament entre béatitude et damnation éternelle, alors que la « révélation plus plénière de l’amour divin engendre un refus plus radical et un abîme de haine. » (1) Est-ce à dire que ce n’est pas Dieu qui veut l’enfer mais les hommes qui en rejetant Dieu creuse leur propre distance, s’éloigne de Dieu. Alors même que Jésus affirme qu’il n’est pas venu pour juger mais pour sauver (cf. Jn 12, 47ss).

(1) in Enfer Eternel ou Salut universel, ch. E Castelli, Archivio di Filosofia Roma, 1967 cité par Hans Urs von Balthasar p. 246
(2) Hans Urs von Balthasar, , Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 247

27 mai 2007

Colère de Dieu – Suite - II

Le Fils sur la croix a tellement pris sur lui la totalité du péché que Dieu ne peut plus toucher le pécheur sans l’atteindre lui-même. (1) Et c’est pourquoi la colère est d’une certaine manière apaisée par l’amour du Fils souffrant. Rappelons que ce concept même de colère est à concevoir comme l’expression de l’amour qui ne peut supporter la faute.

On conçoit alors que lors du Samedi Saint, le Christ soit, d’après Adrienne von Speyr, qui rejoint ainsi d’autres mystiques, convié au dévoilement du mystère des ténèbres, à l’ultime secret de la personne de Dieu, sa zone de ténèbre, un lieu qui sera visité par le Fils-Homme.

Ce qui est dévoilé est ce péché, permis par Dieu et sa conséquence : « l’enfer ». La rencontre du Fils avec l’enfer est ainsi considérée par Adrienne von Speyr comme la « disponibilité totale » qui permet d’expier le péché. Il s’agit pour elle de l’expérience par l’Homme-Dieu du « brasier de Dieu », ce feu d’amour et de souffrance. Et cette expérience, nous révèle Dieu comme un être de feu et de souffrance, révélant le caractère essentiel du Dieu Trinitaire qui « ne supporte rien que ni soit pur et consume toute impureté… »

(1) Adrienne von Speyr, cité par Hans Urs von Balthasar, , Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 244 et 255

26 mai 2007

Colère de Dieu (suite)

Pour Adrienne von Speyr, même la ténèbre n’échappe pas à la puissance de Dieu. Dieu de bonté peut toujours recouvrir « notre obscurité pécheresse » et « enfouir notre misère dans sa grâce » (1)

La colère est pour elle la bonté divine retournée contre le mal. Le jugement de colère dont parle l’Ancien Testament est comme le visage de Dieu qui affirme la contradiction de notre péché. C’est pour ainsi dire la « croix du Père » que d’être contraint de donner de lui cette image jusqu’à ce que le Fils sur la Croix en dévoile le sens dernier.

Je conçois mieux à travers cela l’expiation, qui ne serait pas le fruit de la vengeance mais l’exposition du dégoût de Dieu face à la violence, de ce déchirement intérieur du cœur de Dieu qui exprime ainsi à travers la mort du Fils le déchirement de son cœur devant l’humanité pécheresse. La mort du Christ serait ainsi désirée pour montrer aux hommes à quelle point Dieu est déchiré dans son amour par nos « non-amours ». La colère de Dieu est une manière d’exprimer l’amour du Fils.

(1) Adrienne von Speyr, Jn II, 127 cité par Hans Urs von Balthasar, p. 242

25 mai 2007

Souffrance et amour - II

On ne peut pas dire que le Christ est mort sur la croix par pur accident. En fait « le Dieu tripersonnel n’a jamais cessé d’être un et unique » (1). En effet, pour Hans Urs von Balthasar, on ne saurait évoquer l’idée d’une évolution en Dieu comme s’il n’arrivait à la plénitude unique que par le fait du péché du monde.

Je pense en effet que le Fils n’a pas besoin de mourir pour être Fils. Il est comme l’affirme Jean, Verbe depuis l’origine. Ainsi, seul l’amour du Dieu tripersonnel nous fait la grâce de nous en révéler la profondeur et cela au nom de sa confiance et son amour pour l’humanité. C’est pour nous que le Fils révèle cet extraordinaire amour de la Trinité, qui nous aurait échappé totalement sans cette révélation. Mais elle n’est pas en soi constitutive de la réalité de Dieu et n’est pas en soi mouvement des personnes qui restent liés en toutes hypothèses d’un amour indéfectible, en dépit de la distance entre le Père et le Fils fait homme.

(1) Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 241

24 mai 2007

Souffrance et amour

La souffrance de la croix est sans commune mesure avec le monde tout en montrant par là que le monde lui-même est un chaos. C’est pourquoi, elle révèle, pour Hans Urs von Balthasar « à partir du monde ce qu’est le péché devant Dieu ».

Pour rendre témoignage, la séparation entre le Fils et le Père ne doit pas être pour Hans Urs von Balthasar au seul niveau du corps ou du sensible, elle doit l’être aussi « au plan spirituel sans quoi la passion ne serait qu’une épreuve physique, où le Fils aurait à subir la torture comme un stoïcien ou un fakir ». Pour lui, la déréliction personnelle réciproque du Père et du Fils est ce qui permet « la révélation suprême et avec elle la « foi parfaite » comme saut dans l’espace ainsi ouvert ». Il faut pour lui ce paradoxe absolu pour rendre digne de foi ce fait que « le Père n’abandonne le Fils en aucun instant même dans l’extrême déréliction » et que dans cette séparation, le Fils « demeure toujours plus uni au Père, pour n’être finalement rien d’autre que la révélation du Père » (1)

« C’est seulement dans l’offrande consentie dans la séparation que la réalité de l’amour peut de déployer » (...) « par la privation le Père découvre la grandeur de son amour pour le Fils et la grandeur de l’amour du Fils pour lui ». (2)

Sur cette base, je comprends mieux ce qu’Adrienne von Speyr affirme plus loin sur la trinité économique. En effet, il n’y a pas forcément mouvement, puisque la distance trinitaire pré-existe à l’incarnation. Elle est distance par essence. Par contre, ce qui est ici en jeu est sa révélation, la mise en évidence de cette infinie distance et de cet amour infini, qui sur la croix se révèle, tout en restant conçu par Dieu depuis toute éternité, avec la parfaite adhésion du Fils.

(1) Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 240
(2) Adrienne von Speyr, Jn II, 127 cité par Hans Urs von Balthasar, p. 241

23 mai 2007

La conscience de Jésus

L’impuissance du Fils est un aspect de l’obéissance : il « veut apprendre à nouveau ce qui est déjà au fond de sa conscience » (...) « être surpris et même effrayé par l’évènement (...) parce que l’on a confiance qu’en Dieu seul ». (1)

Il me semble que cela concorde avec l’exclamation du Fils : « Père, j’ai remis ma vie entre tes mains »…

(1) Adrienne von Speyr, SS, 98 cité par Hans Urs von Balthasar p. 236

22 mai 2007

Souffrance et Joie - VI

« Plus l’amour est plus vrai plus il est joyeux dans toutes les souffrances. Tout amour, même l’amour terrestre et corporel peut être une vraie joie s’il ne se referme pas dans l’égoïsme mais s’ouvre à Dieu » (1)

Le danger serait d’interpréter cela comme une incitation à la souffrance. Il me semble au contraire, que cela ne peut être qu’une relecture, à l’image de ce beau poème brésilien. Au cœur des souffrances qui traverseront notre vie, Dieu est là, il nous porte dans ses bras et ce n’est qu’in fine que nous en percevons la grâce…

(1) Adrienne von Speyr, Jean D II, p. 33

21 mai 2007

La souffrance de l’enfantement – Souffrance et Joie - V

Pour Adrienne von Speyr, « La souffrance est le lot de la femme, mais les douleurs de l’enfantement se situent dans l’intervalle creusé d’un côté par l’amour de l’époux et de l’autre par l’amour de l’enfant. » et ajoute-t-elle, « le Seigneur lui aussi inscrit sa souffrance dans l’amour » pour conclure « Ce n’est pas la passivité, mais une remise active, par laquelle il achève sa mission » (1).

Il me semble que l’on pourrait ajouter sans réduire la puissance de cette métaphore, que la souffrance du Christ est comme la femme, situé à l’intermédiaire entre l’amour du Père et l’amour de l’Eglise qu’il enfante par sa mort. On peut alors concevoir, qu’à l’issue de cette souffrance extrême, il puisse de la même manière ressentir une joie extrême, celle qu’il évoque à demi-mot par l’invocation du psaume 27 sur la Croix, sans pour autant prononcer la fin du psaume, qui résume la rencontre finale en Dieu : « tu m’as répondu »…

Est-ce ce que Lévinas voulait évoquer dans ce qu’il appelle une passivité plus que passive… (2)

(1) Adrienne von Speyr, Passion von innen, p. 102s, cité par Hans Urs von Balthasar, p. 231
(2) E. Lévinas, Autrement qu’être et au-delà de l’essence.

20 mai 2007

Souffrance et Joie - IV

Pour Hans Urs von Balthasar, l’épître aux Philippiens, « composée dans la souffrance d’un bout à l’autre est l’expression de la pure joie, et une exhortation à la seule joie ». De même, le commencement de la 2nde lettre aux Corinthiens « développe l’idée de la consolation de Dieu en toute affliction, "même lorsque les souffrances du Christ abondent en nous" » (2 Co, 1, 40). (1)

C’est vrai que Philippiens, dont je n’arrête pas de découvrir la splendeur parle de l’exaltation après l’abaissement, du relèvement après la kénose. Mais nous avons tendance à séparer les deux moments, alors qu’il s’agit d’une continuité. Si le Dieu-Homme a souffert, il n’a pu de fait attendre de connaître la joie de la vision céleste… C’était le prix et c’est notre espérance…

(1) Hans Urs von Balthasar, ibid, p.230

19 mai 2007

Souffrance et Joie - III

« Les mystères du don de soi jusqu’à l’extrême, jusqu’à la nuit de l’impuissance sur la croix, ne sont pour Dieu qu’une forme de sa vie suprême et la plénitude de la vie d’amour. Dans le monde, la mort est la tombée du rideau ; en Dieu, la mort n’est jamais que l’essor d’une vie nouvelle » (1)

Pour Hans Urs von Balthasar, cela implique un second point plus difficile à saisir. Pour lui, « la souffrance de Jésus jusqu’à son caractère excessif est une conséquence et même tout simplement une expression de sa joie trinitaire éternelle ».

Cette image me semble toucher à l’indicible mais au cœur même du mystère de l’incarnation. Je ne l’avais entendu qu’une fois dans le cadre d’une retraite, il y a bien des années, mais je n’ai jamais pu la relire, n’en connaissant pas la source. Je suis heureux d’en saisir la puissance dans ces pages. Elles ouvrent pour moi le rideau du temple et font apercevoir un coin d’espérance dans nos vies. Je crois d’ailleurs que c’est pour cela que l’on ne peut qu’en esquisser la vision.

(1) Adrienne von Speyr, ibid p. 48 cité p. 229
(2) Hans Urs von Balthasar, ibid, p.230

Libellés : Hans Urs von Balthasar, Adrienne von Speyr, Souffrance, Joie

18 mai 2007

Désaisissement

Pour conclure cette lecture de Théobald, je ne résiste pas à citer cette phrase, pleine de sens :
"La fin de l'histoire est arrivée quand quelqu'un réalise le don de sa propre vie pour autrui et comprend cet acte de dessaisissement de soi comme mystère ultime de sa destinée humaine. Mais la fin reste encore suspendue à la réception de ce mystère par tout être humain, chacun étant appelé à un entrer de manière unique." (1)

(1) Christoph Théobald , in La Révélation, Editions de l'Atelier, Paris 2001, p. 220

17 mai 2007

Louange et beauté

La beauté de toute fécondité (…) et les métaphores qui nous éveillent à cette grâce d'un univers en gestation sont autant de raisons pour Théobald de louer Dieu. Mais pour louer il faut être comme Dieu : tout a fait oublieux de soi et vraiment libre, disponible et tout admiration pour l'imprévisible éclosion d'un bouton de rose, d'un sourire d'enfant, de la tendresse de Dieu. A cœur ouvert" (1)

Cela fait raisonner plus encore pour moi le sens du recevoir et du donner dans sa réalité sponsale. On peut atteindre ainsi la louange quand oublieux de soi on loue ce que l'autre reçoit vraiment. Mais peut-être que je fais preuve ici d'un affreux anthropocentrisme.

(1) E. Pousset, La vie dans la foi et la liberté, Essai sur les exercices spirituels de St Ignace de Loyola, Paris, Cerp, 1971, p. 20

16 mai 2007

Jésus source de vie

"Le génie de Jésus ne consiste pas seulement dans le fait d'avoir trouvé ces mots qui ouvrent le secret de la vie ; c'est d'avoir permis à d'autres de se risquer et d'inventer d'autres chemins. (1)

(1) Christoph Théobald , in La Révélation, Editions de l'Atelier, Paris 2001, p. 204

15 mai 2007

Souffrance et Joie - II

Pour Hans Urs von Balthasar, si par la mort on entend le fait de donner sa vie, on saisit alors comment ce don trouve en Dieu son archétype (1) Reprenant les termes d’Adrienne von Speyr, il précise que si « le Père donne sa vie au Fils, le Fils la rend au Père, et l’Esprit est lui-même la vie répandue, c'est à dire donnée » (2)

« Dans la nuite de la croix séparant le Père et le Fils, le Christ et Dieu lui-même ont goutté et éprouvé le don de soi sous la forme de la mort de péché » et par là « ils ont introduit la mort humaine dans la vie éternelle » (3)

(1) Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 229
(2) Adrienne von Speyr, Jean V I, 47
(3) Adrienne von Speyr, ibid 47-48, citée par Hans Urs von Balthasar, ibid

14 mai 2007

Souffrance et Joie - I

Pour Hans Urs von Balthasar, la douleur et la peine sont les caractéristiques les plus profondes de l’amour et la vérification authentique en est donnée dans toute l’attitude du Fils. Pour lui, l’obéissance du Fils est l’accomplissement parfait de la volonté du Père Jean 6,38 « Tu ne voulais pas de sacrifice, alors j’ai dit, me voici ».

« Cette mission trinitaire du Fils, acceptée de toute éternité dans l’obéissance et transposée du ciel sur la terre est nous le savons (...) un mission en vue du péché, entrant dans la similitude de la chair du péché, afin de condamner le péché dans cette chair (Rm 8,3). »Mais ajoute-t-il, la « mort n’est pas un mal créé par Dieu, mais au contraire le sceau de la gloire et le terme sans laquelle la vie ne serait pas vie » (1)

A suivre...

(1) Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 228

13 mai 2007

Silence face au mal

C'est l'expérience du mal radical – Auschwitz et la fraternité maintenue de certains – qui a obligé les théologiens à mettre en question l'axiome grec de l'impassibilité de Dieu grâce à une théologie de la mort qui dans son silence entend sa passion en tous les sens du terme (1)

Mais le concept d'une obéissance est encore à travailler par les théologiens. Or l'ensemble des Evangiles propose une autre forme, celle d'une amitié, d'une égalité qui met chacun des partenaires à une même hauteur. Ils proposent plutôt un partenariat entre Dieu et l'homme : moi avec lui et lui avec moi. Le vainqueur je lui donnerai de siéger avec moi sur un trône (Ap 3, 20 sv). Qu'elle singulière subversion du concept du trône.

Le roi agenouillé pour que l'autre comprenne qu'il n'est pas esclave mais ami. C'est l'hyperbole du Verbe, le silence de Dieu, qui avant de se donner, traduit dans le lavement des pieds, le cœur du mystère… Il subsiste donc une tension entre Silence et Verbe...

Dieu ne désire qu'une chose, que l'homme puisse comprendre de lui-même, de l'intérieur de lui-même – en véritable partenaire – son propre mystère de Dieu.

Et c'est pourquoi, le langage de Jésus-Christ est hyperbole, parce que la vérité ne peut-être entendue comme telle. Elle doit résonner plus haut, pour déchirer le voile

(1) Christoph Théobald , in La Révélation, Editions de l'Atelier, Paris 2001, p. 171

12 mai 2007

Silence - IV

Dieu aurait-il tout livré, y compris lui-même, sa propre sainteté, pour que nous puissions, grâce à son silence – accéder en nous et par nous-mêmes à la source de la béatitude ? Dire Dieu serait-ce une manière de désigner la sainteté comme mystère, messianique du monde et de l'histoire ? (1)

Oui, si l'on pense l'amour comme le respect de l'autre dans sa liberté. Oui, si l'on contemple le Christ agenouillé au pied de Judas, pour lui laver les pieds. Dans le silence de l'amour, Dieu a tout dit et ne cesse de se dire.

(1) Christoph Théobald , in La Révélation, Editions de l'Atelier, Paris 2001, p. 168

11 mai 2007

Silence - III

Pour Théobald, Dieu se révèle lui-même comme mystère absolument discret – voix pourrait-on dire, au sein même de l'éclosion de notre propre liberté de conscience. Quand Dieu a tout dit et révélé, une fin est arrivée qui ne peut être suivie que par son silence et la croissance de la liberté humaine, jusqu'à devenir capable de tenir debout face à ce mystère. (1)

Il nous faut là encore nous imprégner de la lecture du 1er livre des rois (Ch. 19) pour découvrir ce bruit d'un fin silence déjà évoqué et percevoir combien, pour que la liberté puisse être Dieu doit entrer dans cette kénose. Alors peut-on comprendre ce que Balthasar décrivait comme les kénoses successives de la Trinité. Dieu qui s'efface pour laisser paraître le Fils, le Verbe qui s'efface pour prendre la condition humaine et le souffle de l'Esprit qui n'ose réveiller le cœur de l'homme de peur de heurter sa liberté. Seul le voile déchiré à fait apparaître le mystère, vite enfoui dans les profondeurs du monde. La bonne nouvelle, c'est qu'il nous aime…

(1) Christoph Théobald , in La Révélation, Editions de l'Atelier, Paris 2001, p. 162

10 mai 2007

Saisi…

"Dieu a voulu que le Verbe premier né descende vers la créature (…) et soit saisi par elle, et que la créature à son tour saisisse le Verbe et monte vers lui, dépassant ainsi les anges et devenant à l'image et à la ressemblance de Dieu" (1)

Je résonne encore sur le terme de saisissement, qui renvoie à ce que j'écrivais il y a peu sur Philipiens 3… Ce que j'apprécie chez Irénée, c'est ce double saisissement qui a des accents trinitaire. Le Christ nous saisit par l'incarnation pour que nous soyons acteurs du verbe et co-participants à sa bonne nouvelle ?

(1) Saint Irénée, Contre les Hérésies, Livre V, 36,3

09 mai 2007

Souffrir avec

Pour Maritain « Dieu souffre avec nous et beaucoup plus que nous. Il demeure en compassion tant que durera la souffrance sur notre terre ».(1)
Il me semble en effet, que ce 'souffrir avec' participe à l’échange trinitaire et perpétue l’incarnation du Verbe. Il n’aurait pas de sens que la souffrance du Fils s’arrête sur la Croix. Elle est à la fois perpétuée par nos propres souffrances, mais non pas comme un évènement extérieur au mystère trinitaire, mais à mon humble avis, comme constituant essentiel de notre participation en Christ. Quand nous souffrons, nous souffrons en Christ et le cri du calvaire n’est pas éloigné de notre cri. Il est présent, dans l’actualité de nos vies et souffre avec nous, tout en nous portant par l’espérance indéfectible de sa propre victoire qui nous ouvre à l’attente du jour…
A l'inverse, on ne peut ignorer Paul qui affirme qu'il n'y a eu qu'un sacrifice. La tension est à trouver entre ces deux extrêmes...

(1) Maritain in Approches sans entraves p. 316

Sacrement-personnes – Passeur III

"Ce ne sont pas seulement des moyens sensibles inanimés, des sacrements-choses que le Christ emploie pour réaliser son Corps mystique, mais ce sont aussi – et par la même logique – des moyens sensibles animés, des sacrement-personnes". (1)

Le sommes-nous véritablement ? C'est peut-être cela, être passeur…

(1) Y. Congar, Esquisse du mystère de l'Eglise, "Foi-vivante" 18, Paris, Le Cerf, 1966

08 mai 2007

Souffrance de Dieu

Dieu éprouve la souffrance du Fils « à une profondeur qu’aucune créature, aucun homme sauf précisément l’unique qui est son Fils n’a jamais pu atteindre et cela d’ailleurs pour que l’homme ne puisse souffrir aussi excessivement. Cette compassion paternelle de Dieu est le vrai mystère, c’est l’abîme de l’abaissement de son Fils, ce qui constitue en propre l’évènement historique de la mort de ce Fils crucifié » (1)

Barth rejette ici également l’idée que Dieu puisse souffrir jusqu’à l’éternité, comme si l’entrée dans la victoire de la résurrection n’avait pas eu lieu, mais quid alors des phrases de Paul qui parlent d’achever dans sa chair la passion. Est-ce le mystère de la victoire et de l’histoire ?

(1) Barth, KD IV/2 p. 399 cité par Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 217

07 mai 2007

Passeur de Dieu - II

"Ce n'est pas la foi de quelqu'un qui est perçue immédiatement par autrui, ni la Révélation qui l'habite, mais c'est son rayonnement, voire sa présence significative ou révélatrice au sein de l'immense réseau de nos liens" Pour Théobald, c'est en cela que nous devenons signes pour d'autres, que nous sommes passeurs, révélateurs, que nous pouvons aider à accueillir paisiblement, dans un acte de foi leur propre mystère, tel qu'il se présente dans les éléments révélateurs de leur vie et ce grâce au lent compagnonnage de leur propre cheminement. (1)

On retrouve les accents de M. Rondet dans ce texte magnifique publié dans Etudes en 1997 où il nous invitait à ne pas présenter des certitudes mais à accompagner l'homme sur les chemins de sa quête.

(1) d'après Christoph Théobald, in La Révélation, Editions de l'Atelier, Paris 2001, p. 142

06 mai 2007

Le Voile…- II

"C'est seulement par la conversion au Seigneur que le voile tombe. Car le Seigneur est esprit et là où est l'Esprit du Seigneur, là est la liberté. Et nous tous, qui le visage dévoilé, reflétons la gloire du Seigneur nous sommes transfigurés en cette même image, avec une gloire toujours plus grande par le Seigneur, qui est Esprit." 2 Cor 3, 12-18

J'ai toujours été frappé depuis ma lecture de l'Idole et la Distance, de J.L. Marion par cette tension entre distance et proximité qui trouve d'une certaine manière dans le thème du voile, une certaine forme de conceptualisation. La distance n'est là que pour respecter notre liberté, mais comme l'indique le Cantique des cantiques, l'époux est dérrière la porte... ou derrière le voile...

05 mai 2007

Passion de Dieu

Chez Barth, la déréliction est le « reflet d’une passion de Dieu ».

Dieu ne devient pas pour autant étranger à lui-même, il n’est en rien diminué (...) et il n’y a pas pour lui de conflit entre la colère et l’amour. Pour Barth, la liberté est simplement dépassée et reprise dans le dessein ultime de Dieu. Dieu demeure celui qui agit, même quand il se laisse maltraiter. (1)

(1) cité par Hans Urs von Balthasar, Dramatique Divine, IV, Le Dénouement, Culture & Vérité, Namur 1993 p. 216